3. Accroître les capacités d'accueil

La PAJE ne pourra s'appliquer dans de bonnes conditions que si l'offre de garde est considérablement développée.

a) Poursuivre le développement de l'accueil collectif

Les programmes FIPE I et II pour la création de places de crèches

L'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a créé, au sein du FNAS, un fonds d'investissement de 227 millions d'euros pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance (FIPE).

Ce dispositif est fortement incitatif puisque la création ou l'aménagement de celles-ci peut être subventionné à hauteur de 6.000 à 11.000 euros par place. Il permet aussi d'encourager l'innovation puisque des subventions majorées sont prévues pour les structures multi-accueil ou qui répondent à des objectifs prioritaires.

Comme l'avait souligné en son temps votre rapporteur, la précipitation dans laquelle fut conduite l'attribution des crédits du premier FIPE a exclu, de fait, de nombreux dossiers. En effet, dès le 4 janvier 2001, les crédits du FIPE I étaient engagés à 56 %, et à 80 % au 30 mars 2001, après seulement trois mois d'existence.

En conséquence, le précédent gouvernement avait annoncé, lors de la Conférence de la famille du 11 juin 2001, l'ouverture d'une nouvelle tranche de crédit pour 150 millions d'euros, le FIPE II ou AEI.

Ce second fonds se proposait ainsi d'accorder des subventions d'aide à l'investissement pour financer l'effort de développement et la diversification des propositions d'accueil des jeunes enfants de deux-trois ans, ainsi que les aides à l'équipement des assistantes maternelles (AEI ou aide exceptionnelle à l'investissement).

Lors de son audition par votre commission, Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF, a par ailleurs indiqué que l'ensemble des crédits du FIPE I avaient été consommés et que les dernières disponibilités du FIPE II étaient sur le point d'être distribuées aux derniers projets sélectionnés.

La mise en oeuvre de ces fonds a permis la création de près de 54.000 places de crèches supplémentaires, pour un coût total d'environ 350 millions d'euros.

Gestion et situation financière du FIPE I et de l'AEI

 

Financement AEI

Financement FIPE I

Financement mixte

TOTAL

Nombre de projets

892

1.529

15

2.436

Total places financées

19.933

33.569

490

53.992

Places nouvelles

11.723

19.201

372

31.296

Montant FIPE engagé

-

217.687.506 €

1.911.568 €

219.599.075 €

Montant AEI engagé

128.257.049 €

-

2.351.839 €

130.608.888 €

Source : CNAF

Sans en contester l'utilité, votre rapporteur souhaite rappeler que les conditions financières de la mise en oeuvre de ces fonds n'ont pas été sans poser de problème.

En effet, comme pour le FIPE I, les dépenses prévues par le biais de l'AEI, prises sur les excédents de la branche famille (exercice 2000) et inscrites en dépenses exceptionnelles, n'ont pas été validées par un vote du Parlement, puisque n'étant traduites ni par un article de la loi de financement, ni intégrées à l'objectif de dépenses, lui même voté.

De ce fait, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 décembre 2001, a annulé la disposition de l'article 59 de la loi de financement pour 2002 relatif à l'AEI, au motif qu'elle n'avait de conséquence que sur l'exercice 2000, dont il n'était pas question dans la loi de financement pour 2002. Toutefois, si le Conseil a bien considéré que cet article n'avait pas sa place en loi de financement, sa décision est restée partielle en n'abordant pas la question de l'absence de vote de cette dépense par le Parlement.

A la suite de cette annulation, il a fallu trouver une solution pour permettre le décaissement des crédits prévus par le FIPE II, alors même que certains avaient déjà été engagés sur des projets.

Une tentative, par un amendement au projet de loi sur l'autorité parentale de février 2002, pour réintroduire cette enveloppe de 230 millions d'euros s'est heurtée à l'irrecevabilité tirée de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale : seule une loi de financement de la sécurité sociale peut modifier les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base.

C'est finalement sous la forme d'un avenant à la COG 2001-2004, signé entre l'État et la CNAF, que le FIPE II a été mis en oeuvre.

Face à une telle complexité, une clarification de l'inscription des deux fonds dans les comptes de la branche famille s'est avérée nécessaire, même si elle n'est pas apparue totalement convaincante à votre rapporteur.

Concernant le FIPE I, il a été considéré, dans un premier temps, que les termes de l'article 23 de la loi de financement pour 2001 autorisaient que le fonds ne soit pas inscrit dans l'agrégat de dépenses, alors même que le compte de la CNAF l'avait pris en compte pour le calcul de l'excédent.

Mais, par la suite, a été mise en place une imputation pluriannuelle du FIPE I en fonction des décaissements qui a posé deux problèmes : un problème de conformité avec le système des droits constatés et une difficulté plus grave d'inscription de cette enveloppe dans l'agrégat de dépenses rectifié pour 2002 et l'objectif de dépenses pour 2003, alors que cette dépense n'apparaissait pas dans l'objectif de dépenses pour 2001.

En conséquence, votre rapporteur pose légitimement la question de l'existence d'une base légale à cette inscription, qui n'a été prévue ni par les voies législative ou réglementaire, ni par une convention.

Quant au FIPE II, il prend désormais la forme d'une prestation extralégale exceptionnelle, qui a trouvé une ratification dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (objectif révisé pour 2002 et objectif pour 2003).

Cette base légale peut être considérée comme valide au regard des dispositions de l'article L. 263-1 et R. 263-1 du code de la sécurité sociale, suffisamment larges quant à la définition des prestations légales pour y intégrer l'AEI.

Mais la situation actuelle n'est pourtant pas totalement satisfaisante, en raison du défaut d'information du Parlement sur la question du FIPE II, puisqu'il n'en est aucunement fait mention dans les annexes à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

Ceci appelle un double commentaire de la part de votre rapporteur.

En premier lieu, il considère qu' une meilleure information du Parlement sur le sous-agrégat de l'action sociale est indispensable dans les annexes du projet de loi de financement.

En second lieu, il convient de combler deux lacunes de la loi organique de 1996 : la possibilité d'inscrire des mesures d'urgence ratifiées a posteriori et la création d'un outil de financement pluriannuel.

La mise en place d'un troisième fonds d'investissement

Pour poursuivre son action en faveur de l'offre de places en crèches, le Gouvernement propose la mise en oeuvre d'un troisième plan d'investissement du même type que les deux précédents.

200 millions d'euros de crédits, dont 50 millions dès 2004, seront ouverts pour la création de 20.000 places de crèches supplémentaires, en favorisant les projets innovants, notamment en matière d'horaires d'accueil. Une attention particulière sera également portée à l'accueil des enfants handicapés, point auquel votre rapporteur est particulièrement sensible. Ce troisième fonds pourra aussi financer les crèches d'entreprises, ainsi que tout projet mixte public/privé.

Votre rapporteur approuve les intentions de ce projet, mais déplore qu'il prenne à nouveau la forme d'un avenant à la COG 2001-2004. Encore une fois, le Parlement ne pourra se prononcer sur cette mesure.

Le crédit d'impôt famille

Une autre innovation annoncée lors de la Conférence de la famille du 29 avril dernier consiste en un crédit d'impôt familles au profit des entreprises qui financent des structures de garde ou accorderont des compléments de salaire, destinés à améliorer la prise en compte des contraintes familiales de leurs salariés.

Il convient de noter que des crèches d'entreprises existent déjà, notamment dans les hôpitaux. Toutefois, votre rapporteur estime qu'elles doivent être mises en place en collaboration avec les organisations syndicales, en particulier le comité d'entreprise, afin d'éviter d'éventuels abus , tel un assouplissement excessif des horaires de travail demandés aux salariés en contrepartie d'une garde extensible de l'enfant sur le lieu de travail.

A l'heure actuelle, 35 % de ces dépenses peuvent déjà être déduits des sommes imposables au titre de l'impôt sur les sociétés ou sur le revenu. Afin d'inciter les entreprises à développer ces initiatives, le Gouvernement a choisi de mettre en place un crédit d'impôt de 25 % des sommes engagées (article 68 du projet de loi de finances pour 2004). Le taux de prise en charge effectif par l'État de ce type de dépenses serait ainsi porté à 60 % des sommes versées par les entreprises , jusqu'à un plafond de 500.000 euros.

Le développement d'une offre de garde privée

Enfin, le développement de l'offre de garde des jeunes enfants pourrait être favorisé par l'ouverture de ce secteur à des entreprises privées, à titre expérimental dans un premier temps. La proposition gouvernementale consiste à autoriser la création de crèches sous la forme d'une entreprise privée à but lucratif. Soumises aux obligations communes d'hygiène, de sécurité et de formation du personnel, ces structures pourraient toutefois bénéficier d'un financement public par le biais des prestations de service servies par le FNAS.

Tout comme le conseil d'administration de la CNAF, votre rapporteur n'est pas opposé à un tel principe, à quelques conditions près : que ces structures soient contrôlées afin d'offrir aux enfants la même qualité d'accueil que les crèches traditionnelles, condition sine qua non à une participation financière publique, et qu'elles soient accessibles à l'ensemble des familles.

Or, il considère que le coût de fonctionnement d'une crèche privée, soumise à TVA et assumant des charges de personnel importantes, entraînera l'imposition de tarifs d'accueil élevés et l'éviction des familles à revenus modestes.

Si toutefois l'expérimentation se révélait concluante, il rappelle que cette nouvelle offre privée doit venir en complément des structures collectives actuelles ; elle n'a pas vocation à devenir prépondérante, y compris dans les communes les plus favorisées.

b) Réformer le statut des assistantes maternelles

Assouplir les conditions d'accueil

Depuis dix ans, les rythmes de travail des familles ont sensiblement évolué et le temps partiel, la semaine de quatre jours, les horaires atypiques se sont développés, notamment avec la mise en place de la réduction du temps de travail. En conséquence, la demande des familles ne se porte plus systématiquement sur l'accueil de l'enfant pendant l'intégralité de la journée et cinq jours par semaine, rythme qui constituait auparavant la norme de référence.

Par ailleurs, la reprise de la natalité a accru la demande des ménages, qui se porte fréquemment sur les assistantes maternelles, solution de compromis entre la crèche - trop rare - et l'employée à domicile - trop coûteuse.

Les assistantes maternelles ne peuvent toujours répondre à la demande des parents, en raison de la rigidité actuelle de leur agrément qui ne les autorise à garder qu'un maximum de trois enfants, quelle que soit la durée de l'accueil de chacun d'eux. Cette situation est également pénalisante pour les assistantes maternelles elles-mêmes, qui voient leur revenu diminuer lorsque la garde d'un enfant passe d'un temps complet à un temps partiel et qu'elles n'ont pas la possibilité d'en accueillir plus de trois. Les demandes d'accueil partiel sont alors souvent refusées aux parents, car il est plus simple et plus rémunérateur d'accueillir des enfants pour des temps pleins et à un rythme régulier.

C'est pour répondre à une situation, qui ne satisfait ni les familles ni les professionnelles, que le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, en cours d'adoption, a prévu d'assouplir l'agrément des assistantes maternelles. Il propose que la limite de trois enfants porte sur le nombre de mineurs accueillis simultanément par l'assistante maternelle et non globalement. Par exemple, elle pourra garder en alternance six enfants à mi-temps au lieu de trois actuellement.

• Revaloriser la profession

Le nombre d'assistantes maternelles augmente de 9 % par an depuis dix ans, mais leur statut, mis en place en 1977 et modifié à la marge en 1992, n'a pas évolué. Il est aujourd'hui totalement inadapté, notamment au regard des importantes responsabilités qui pèsent sur elles.

Ce statut mérite donc d'être revalorisé, pour améliorer à la fois la qualité de l'accueil des enfants et celle des conditions de travail des assistantes maternelles. Une véritable formation initiale pourrait être créée dans ce domaine permettant un déroulement de carrière dans d'autres métiers de la petite enfance.

Il apparaît en outre souhaitable d'augmenter leur rémunération, le salaire net moyen des 368.000 assistantes maternelles s'élevant seulement, en 2002, à 542 euros, avec de fortes disparités entre les régions.

Enfin, il serait utile de distinguer plus clairement les deux professions différentes que sont les assistantes maternelles permanentes (les familles d'accueil de l'aide sociale à l'enfance) et non permanentes (les « nourrices »).

Tous ces éléments ont été pris en compte par le Gouvernement, qui annonce une réforme législative courant 2004 permettant la mise en place d'un statut attractif pour les assistantes maternelles non permanentes : revalorisations salariales, alignement du statut sur le droit commun du travail (contrat de travail écrit, prise des congés, procédure de licenciement, durée du travail, mandats syndicaux, etc.), création de perspectives de carrière, notamment par le renforcement de leur formation (initiale et continue). A cet effet, une partie des cotisations employeurs seront financées par la branche famille et alimenteront respectivement un fonds le paritarisme (0,12 % des cotisations), des actions de formation professionnelle continue (0,15 %) et un dispositif de prévoyance santé.

En rendant le métier d'assistante maternelle plus attractif, ce nouveau statut permettra ainsi la création de plusieurs centaines de milliers d'emplois. On estime en effet à près de 500.000 postes, d'ici à 2010, le vivier d'emplois dans ce secteur.

Le coût prévu de cette réforme est estimé à 50 millions d'euros sur deux ans (2004 et 2005), dont 10 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 au titre du fonds pour le paritarisme et de la formation professionnelle continue. La dépense effective sera d'ailleurs inférieure puisque la réforme n'interviendra qu'en cours d'année. En 2005, sera organisée la prise en charge d'une partie des cotisations sociales employeurs affectées à la prévoyance, avec la création d'une complémentaire santé et accidents du travail.

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