Rapport n° 59 (2003-2004) de M. Jean-Louis LORRAIN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 12 novembre 2003

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N° 59

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Jean-Louis LORRAIN,
Sénateur.

Tome II : Famille

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 1106 , 1156 , 1157 et T.A. 194

Sénat : 54 (2003-2004)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 marque le début d'une politique familiale de grande ampleur après plusieurs années où elle était absente des préoccupations.

La priorité du Gouvernement porte sur la petite enfance, thème retenu par la Conférence de la famille du 29 avril dernier et qui a fait l'objet d'une large concertation entre les différents acteurs du secteur. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 traduit donc, dans les faits, les mesures qu'y avait annoncées le Premier ministre : la simplification du système d'accueil des moins de trois ans avec la création de la prestation d'accueil du jeune enfant, le développement de l'offre de garde par la mise en place d'un troisième fonds d'investissement pour les crèches doté de 200 millions d'euros de crédits et un effort accru en faveur des actions de soutien à la parentalité.

Deux textes viendront compléter ce dispositif global de prise en charge des jeunes enfants : le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, en cours d'adoption, et la réforme du statut des assistantes maternelles annoncée pour le semestre prochain.

Or, parallèlement à l'affirmation de ces ambitions nouvelles, l'année 2004 verra, pour la première fois depuis 1998, disparaître l'excédent de la branche famille. Cette situation financière dégradée s'explique notamment par les multiples ponctions qu'elle subit, au premier rang desquelles les majorations de pension de retraite pour enfants. L'année prochaine, la caisse nationale des allocations familiales les remboursera de nouveau au fonds de solidarité vieillesse à hauteur de 60 % de leur coût, pour un total de 1,9 milliard d'euros.

En conséquence, faut-il s'inquiéter du financement futur des mesures annoncées ?

Votre rapporteur ne le pense pas car les prévisions de croissance pour les années à venir devraient permettre le retour à l'excédent de la branche famille, à condition toutefois, que celle-ci ne supporte pas de charges supplémentaires. En revanche, il lui semble indispensable que l'on procède à une clarification des comptes qui permette de dégager les moyens financiers destinés à la mise en oeuvre d'une politique familiale ambitieuse.

I. UNE MARGE DE MANoeUVRE RÉDUITE

Dans la situation budgétaire actuelle difficile que traversent les organismes de sécurité sociale, les financements de la branche famille sont de plus en plus contraints. Pourtant, les charges que cette branche assume ne cessent de se diversifier, sans qu'elles correspondent toujours à sa vocation initiale.

A. UNE SITUATION FINANCIÈRE QUI SE DÉGRADE

La branche famille, pourtant coutumière de résultats financiers positifs, ne fait désormais plus figure d'exception au sein du système de protection sociale et devrait afficher, en 2004, la disparition de ses excédents.

1. Des difficultés financières inhabituelles

a) Une branche historiquement excédentaire

Entre 1968 et 1993, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) n'a connu que trois années de déficit, dû à des circonstances macro-économiques ou politiques particulières : la première crise pétrolière de 1974, ou encore la politique de relance des années 1981 et 1982. En conséquence, lors de la mise en place de l'autonomie des différentes branches de la sécurité sociale en 1993, le fonds de roulement positif de la CNAF, c'est-à-dire ses excédents cumulés, s'élevait à plus de 10 milliards d'euros.

A partir de 1994, la branche famille a toutefois connu cinq années successives de déficit, avant de retrouver un solde positif en 1999. Depuis lors et jusqu'en 2004, la branche est constamment restée en situation d'excédent, même si celui-ci s'est régulièrement réduit à partir de 2001.

Excédents de la branche famille

(en milliards d'euros)

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (p)

0,73

1,4

1,7

1,1

0,29

0

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.
(p) prévisions

Ces excédents constants depuis 1999 s'expliquent, pour une bonne partie, par l'écart structurel entre les recettes qui, à législation constante, évoluent comme la masse salariale et les prestations qui sont, pour 80 % d'entre elles, réévaluées comme les prix. La politique de faible revalorisation des prestations familiales aboutit ainsi à un excédent annuel important, permettant un gonflement progressif du compte de report à nouveau, qui retrace les excédents cumulés de l'organisme, sans que les familles n'en profitent directement.

Evolution des recettes et des dépenses
de la branche famille 1998-2003

Recettes

Total

+ 26,4 %

dont cotisations

+ 16,8 %

dont impôt et taxes affectés

+ 19,8 %

Dépenses

Total

+ 23,2 %

dont prestations familiales

+ 19,2 %

dont dépenses logement

+ 3,4 %

dont dépenses action sociale

+ 35,4 %

Source : Commission des Affaires sociales

L'excédent a également résulté de la baisse importante de certaines charges, notamment les cotisations de vieillesse des parents au foyer (AVPF), financées par la CNAF depuis 1972, à hauteur d'environ 4 milliards d'euros chaque année, et dont le nombre de bénéficiaires diminue. De même, jusqu'en 1999, la CNAF prenait en charge diverses cotisations d'assurance personnelle, ainsi que l'allocation de parent isolé (API), qui ont été reprises par le budget de l'État.

Certes, la situation actuelle fait état d'un excédent cumulé d'environ sept milliards d'euros, mais la dégradation progressive de l'excédent annuel de la CNAF ne peut qu'inquiéter votre rapporteur.

b) Un excédent annuel réduit à néant en 2004

2003 : le signal d'alarme

En 2003, le résultat positif de la branche ne s'établit qu'à 291 millions d'euros. Pour la première fois depuis longtemps, les charges de la branche ont augmenté plus rapidement que les recettes (+ 5,5 % contre + 3,8%), même si ces dernières restent supérieures en volume. La morosité actuelle de la conjoncture a certes amputé les recettes, mais la dégradation constatée par rapport à l'exercice 2002 s'explique en quasi-totalité par la prise en charge par la CNAF de 60 % des majorations de pension de retraite pour enfants, qui a fortement pesé sur les dépenses (+ 22,7 % de la ligne « transferts entre organismes »). Votre rapporteur déplore ce transfert de charges qui, même si la branche renoue avec les excédents, pénalise largement les familles. En outre, l'avenir en est hypothéqué puisque, si le résultat annuel de la branche devient négatif, les excédents cumulés, véritable « trésor de guerre » de la CNAF, seront diminués d'autant.

Par ailleurs, les impôts et taxes affectés, même s'ils progressent plus rapidement qu'en 2002 (+ 3 % au lieu de + 1,9 %), ne retrouvent pas leur rythme de l'exercice 2001 (+ 4,9 %), alors que celui des prestations sociales évolue peu (+ 3,8 % en 2002, + 3,4 % en 2003).

Un retournement de situation confirmé en 2004

Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003 1 ( * ) , l'excédent de la CNAF disparaîtrait en 2004 pour laisser la branche famille en situation de simple équilibre. De fait, l'écart constaté en 2003 entre l'évolution des recettes et celle des dépenses devrait se creuser, avec une augmentation prévue de 2,6 % pour les premières et une hausse de 3,2 % des secondes.

Les mesures prévues pour 2004 en faveur des familles, qui constituent autant de charges nouvelles pour la branche, sont estimées à 200 millions d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Coût en 2004 des mesures annoncées par la Conférence de la famille
dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale

(en millions d'euros)

Mesure

Coût

PAJE

140

Réforme du statut des assistantes maternelles

10

Création de 20.000 places de crèches (1)

50

TOTAL

200

(1) Première tranche du plan « crédits » doté de 200 millions d'euros

Pour être exhaustif, et même si elles n'ont pas d'incidence directe sur les comptes de la branche famille, il convient de noter qu'à ces mesures s'ajoutent celles inscrites dans la loi de finances pour 2004.

Coût des mesures annoncées par la Conférence de la famille
dans le projet de loi de finances pour 2004

(en millions d'euros)

« Points info famille », outil Internet, professionnalisation des médiateurs familiaux

3

Crédits d'impôt pour les entreprises

10

TOTAL

13

2. Une progression timide des recettes

La première cause des prévisions de résultat décevantes de la branche famille en 2004 tient à la moindre augmentation des recettes, qui avaient jusqu'alors permis les excédents réguliers de la CNAF depuis 1999.

Les recettes prévisibles de la branche famille, 49,2 milliards d'euros en 2004 , proviennent de quatre sources principales : les cotisations dues par les employeurs et les professions libérales, les remboursements d'exonérations de cotisations par l'État correspondant notamment aux dispositifs d'aide à l'emploi, la contribution sociale généralisée (CSG) et les remboursements dus par l'État pour l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation de parent isolé (API).

a) Les cotisations : une augmentation plus forte que celle du PIB

Les cotisations dues par les employeurs représentent 65 % des recettes . Comme pour les autres branches, la progression des cotisations sociales affectées à la branche famille a nettement diminué en 2002 : + 3 % au lieu de + 6,7 % l'année précédente, en raison du ralentissement de la croissance de la masse salariale. Cette décrue s'est certes stabilisée en 2003 (+ 3,4 %), mais la situation se dégrade à nouveau en 2004 avec seulement 2,6 % d'augmentation prévus.

Ces chiffres restent toutefois bien supérieurs à l'évolution du produit intérieur brut (PIB). Les dernières prévisions de l'INSEE tablent pour 2003 sur une très faible hausse 0,2 % (+ 0,5 % selon la direction de la prévision) et le Gouvernement annonce une croissance de 1,7 % pour 2004, accompagnée d'une faible augmentation de la masse salariale (+ 0,4 %, correspondant à 180.000 emplois créés dans le secteur marchand non agricole). Cette légère amélioration permettra donc à la branche d'être à l'équilibre, si tant est que les hypothèses économiques se réalisent effectivement.

Par ailleurs, les remboursements d'exonérations de cotisations, correspondant notamment aux mesures liées aux bas salaires et aux dispositifs d'aide à l'emploi, se sont élevés pour 2003 à près de 2,9 milliards d'euros.

Il convient de noter à cet égard que l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale propose la suppression du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. La compensation intégrale des dispositifs d'allégements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale sera désormais à la charge de l'État, par le biais des crédits du ministère chargé de l'emploi.

Cette mesure a pour conséquence directe, sur les comptes de la CNAF, de sortir ces remboursements de cotisations de la ligne « prises en charge de cotisations » dans la partie « transferts entre organismes » et de les intégrer au titre des « cotisations prises en charge par l'État ».

b) Les impôts et taxes : un poste qui reste dynamique

Le montant total des recettes provenant des impôts et taxes devrait s'élever, en 2004, à 10 milliards d'euros (+ 2,9 %).

Depuis 2001, ce poste ne comprend plus que la seule contribution sociale généralisée (CSG). En effet, l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a supprimé le versement à la branche famille du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement pour l'affecter en totalité à la couverture du risque vieillesse [fonds de solidarité vieillesse (FSV), fonds de réserve des retraites (F2R) et Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS)].

Votre rapporteur déplore la perte pour la CNAF de cette recette en forte augmentation, qui aurait assuré un surplus de ressources à la branche. En effet, une projection à l'horizon 2020 permet d'évaluer à 44,3 milliards d'euros le montant total cumulé, entre 2001 et 2020, du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital. En retenant une fraction dédiée à la CNAF constante sur cette période, égale à celle fixée en 2000 (13 %), la perte cumulée de recettes induite par la suppression de l'affectation de cette recette à la CNAF s'établit à 5,7 milliards d'euros.

c) Les remboursements : l'État mauvais payeur

Un remboursement systématiquement tardif

Les subventions de l'État correspondent au remboursement des prestations servies, pour son compte, par la branche famille. Il s'agit de l'AAH et, depuis 1999, de l'API. D'autres prestations sont versées par la sécurité sociale pour le compte de l'État mais elles ne figurent pas dans le code de la sécurité sociale : il s'agit des aides au logement, du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation spécifique d'attente (ASA).

Le poids de l'activité « pour le compte de tiers » au sein des missions de la CNAF ne cesse de croître, puisque ces prestations représentent désormais plus de 40 % du montant des prestations légales contre moins du quart en 1998. Cette croissance est en particulier due à la forte augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AAH et à la budgétisation de l'API.

Remboursement de prestations par l'État
à la Caisse nationale d'allocations familiales

(en millions d'euros)

 

2002

%

2003

%

2004
(prévision)

%

AAH

4.430

4,6

4.631

4,5

4.851

4,8

API

796

5,6

834

4,8

865

3,7

TOTAL

5.226

4,9

5.465

4,63

5.716

4,6

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

L'État rembourse en outre à la branche famille le solde des cotisations d'allocations familiales qu'il doit en tant qu'employeur et les prestations familiales servies aux fonctionnaires.

En revanche, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) étant désormais totalement intégrée dans l'allocation de base et financée par la branche famille, elle ne donne plus lieu à transfert.

De la même manière, la prise en charge du RMI, assurée par l'État jusqu'en 2003, sera transférée aux départements à compter de 2004. Ces derniers devront donc s'acquitter des frais de remboursement de cette prestation auprès de la branche famille, selon des modalités à fixer par voie de convention. Ainsi, les principales conséquences financières de la décentralisation de cette prestation pour les caisses d'allocations familiales (CAF) concernent les relations de trésorerie qui vont se nouer avec les conseils généraux - ceux-ci, débiteurs finaux de la prestation, devant allouer aux caisses les sommes nécessaires à son paiement.

S'agissant de l'architecture de trésorerie du régime général, la décentralisation du RMI ne remet pas en question le rôle central de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) : la seule différence résidera dans le fait qu'il y aura autant de flux financiers que de départements, au lieu d'un seul aujourd'hui établi avec l'État. En effet, les CAF continueront d'effectuer le paiement de l'allocation par tirage sur le compte unique de disponibilités courantes de l'ACOSS et feront remonter en parallèle, sur ce même compte, les versements qu'elles recevront des départements. Par ailleurs, la trésorerie du régime général est protégée par la réaffirmation du principe de neutralité, qui régit déjà les relations financières entre l'État et les organismes de sécurité sociale (article L. 139-2 du code de la sécurité sociale).

Mais ces remboursements de l'État sont bien souvent tardifs , au détriment de la trésorerie de la CNAF. Votre rapporteur ne peut que constater l'ampleur des décalages observés entre le service d'une prestation par la CNAF et son remboursement effectif par l'État. Ainsi, la fin de l'exercice budgétaire se clôt chaque année sur une situation débitrice de l'État sur la CNAF. Certes, pour la plupart, les dettes constatées au 31 décembre font l'objet d'un apurement en loi de finances rectificative, mais cette situation reste dommageable pour la qualité de la gestion de la branche famille. Votre rapporteur souhaite donc qu'il y soit remédié pour les années à venir.

Restes à recouvrer sur l'État en fin d'exercice (1)

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

RMI

421,5

653,4

817,9

656,2

AAH

383,7

325,4

410,5

365,4

FNAL

408,7

288,4

315,6

355,5

API

61,3

57,8

96,5

86,2

Total

1.275,2

1.25,0

1.640,5

1.463,3

(1) Hors premier versement de l'année N + 1 au titre de l'année N

Sources : organismes de sécurité sociale

Un calcul trop imprécis du solde compensatoire

En outre, la Cour des comptes s'est particulièrement intéressée cette année 2 ( * ) au reste dû par l'État à la CNAF au titre du solde compensatoire. En effet, en ce qui concerne les prestations familiales, l'État est redevable des cotisations en tant qu'employeur. Toutefois, comme il verse directement les prestations familiales obligatoires aux agents titulaires, la CNAF ne reçoit que le montant différentiel entre les deux opérations : cet apurement est appelé « solde compensatoire ». En 2004, il s'établirait à 1,64 million d'euros, contre 1,62 million d'euros en 2003.

L'apurement n'est toutefois pas toujours d'un montant exactement équivalent à la différence entre les cotisations dues et les prestations versées. Ainsi, la Cour des comptes indique-t-elle : « Le reste dû par l'État à la CNAF a augmenté ces dernières années : il atteignait 7,5 millions d'euros à la fin de l'année 2000, mais 32,7 millions d'euros à la fin de 2001 et 84,3 millions d'euros à la fin de 2002. »

La Cour des comptes estime que cette situation tient à deux facteurs :

- le changement de méthode pour la détermination du montant de l'apurement

Ainsi, explique la Cour, « le calcul du montant global des cotisations dues est effectué à partir de la masse salariale. Depuis l'exercice 2000, les services du ministère du budget ont modifié la méthode de calcul de la masse salariale et des prestations familiales à prendre en compte. Jusqu'à cet exercice, les données utilisées étaient issues de la comptabilité budgétaire d'exécution retracée au sein de la comptabilité auxiliaire de l'État. Désormais, les éléments utilisés pour la fixation du solde compensatoire proviennent d'un traitement direct des fichiers de rémunération des agents de l'État. Cette nouvelle méthode fait apparaître des écarts par rapport aux données calculées selon l'ancienne méthode. »

Cet écart a atteint 29 millions d'euros sur le total du solde compensatoire en 2002.

- la lisibilité insuffisante des informations relatives aux cotisations versées

Du fait de la globalisation de leurs crédits, plusieurs ministères utilisent d'autres chapitres que ceux qui servent habituellement à l'imputation des cotisations sociales (chapitres 33-90 « Cotisations sociales. Part de l'État »), des prestations familiales obligatoires (chapitres 33-91 « Prestations sociales versées par l'État ») et des rémunérations principales.

C'est pourquoi, la Cour déclare que « la globalisation des crédits doit s'accompagner de l'utilisation d'une nomenclature permettant, en exécution, l'identification des rémunérations, des charges sociales et des prestations versées aux agents », afin de déterminer plus sûrement le montant du solde compensatoire dû à la branche famille.

En déplorant ces retards et imprécisions de paiement dont la CNAF pâtit et qui constituent autant de manque à gagner pour les familles, votre rapporteur rejoint entièrement les recommandations faites par la Cour des comptes et qui tendent à :

- apurer le report de charge du solde compensatoire des cotisations familiales ;

- expliciter les divers modes de calcul de la masse salariale et des prestations familiales des agents de l'État entre la comptabilité auxiliaire de l'État et les données issues des fichiers de paie ;

- utiliser une nomenclature budgétaire permettant une meilleure identification des rémunérations, des cotisations et des prestations de l'ensemble des agents publics.

3. Des rapports financiers complexes avec l'État et les autres branches

Une seconde raison explique les difficultés actuelles de la branche famille : la détournement de ses excédents vers la prise en charge de dépenses qui n'entrent pas dans son champ légitime de compétences.

a) La CNAF: financeur de la branche vieillesse ?

Comme votre rapporteur le déplore chaque année, des dépenses, sans rapport avec la politique familiale, sont venues depuis 2000 amputer lourdement l'excédent de la branche, et au premier rang d'entre elles, la prise en charge progressive par la CNAF des majorations de pension de retraite pour enfants, versées par le FSV en tant qu'avantage vieillesse.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait prévu un mécanisme progressif de prise en charge de ces majorations par tranche de 15 % par an.

Dans sa décision du 18 décembre 2001, le Conseil constitutionnel a semblé poser un curseur, sans toutefois préciser son positionnement, au-delà duquel cette prise en charge constituerait une rupture d'égalité entre les familles ayant aujourd'hui des enfants à charge et celles qui voient leur pension de retraite majorée en raison des enfants qu'elles ont élevés par le passé.

En dépit de cette mise en garde, l'État a accentué le transfert, vers la CNAF, du coût des majorations de pension. Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a porté sa contribution à 60 % du coût de cette majoration, franchissant une étape supplémentaire dans le plan initial dont votre rapporteur avait contesté le principe même dès 2001. Il maintient, en effet, que cette prestation reste un avantage vieillesse, historiquement considéré comme un juste retour accordé aux parents qui avaient contribué, en élevant au moins trois enfants, à l'équilibre futur des régimes de retraite par répartition.

Par ailleurs, il observe que le précédent gouvernement porte la responsabilité de la situation financière très dégradée du fonds de solidarité vieillesse, résultant de la double ponction qu'il a subie pour alimenter le fonds de financement des 35 heures (FOREC) et le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FAPA).

Or, c'est cet état de fait qui explique la contribution qu'il est encore demandé à la branche famille d'apporter en 2004. En effet, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale maintient le prélèvement de 60 % du coût des majorations de pension sur les comptes de la CNAF, pour un total de 1,82 milliard d'euros.

Si cette situation devait perdurer en l'état jusqu'en 2020, le montant cumulé mis à la charge de la branche famille sur l'ensemble de la période s'élèverait à près de 40 milliards d'euros, dont 5 milliards environ versés entre 2001 et 2004. Plus encore, si l'on devait mettre à la charge de la CNAF l'intégralité de la compensation à partir de 2005, les sommes versées par la branche famille sur la période 2000-2020 s'élèveraient à plus de 60 milliards d'euros.

Dans les deux cas de figure, les masses en jeu sont colossales et votre rapporteur déplore cette utilisation dévoyée des moyens de la branche, au détriment de mesures en faveur des familles.

b) Les relations financières entre l'État et la CNAF : un véritable jeu de ping-pong

Budgétisation et débudgétisation

Les relations entre l'État et la CNAF sont par ailleurs brouillées depuis 1999 par diverses opérations de budgétisation et débudgétisation.

- La prise en charge  progressive de la majoration d'allocation de rentrée scolaire

A l'occasion de la conférence de la famille de juin 1999, le gouvernement précédent avait annoncé la prise en charge progressive de la MARS par la seule branche famille, en supprimant sa compensation par l'État. En contrepartie, ce dernier devait financer le fonds d'action sociale des travailleurs immigrés (FASTIF) à la place de la CNAF.

Le caractère progressif du transfert a, semble-t-il, été oublié car la débudgétisation totale de la MARS a eu lieu dès 2001, entraînant à une dépense de plus d'un milliard d'euros pour la branche famille. Malgré la reprise du FASTIF par l'État, il en est résulté une dégradation de l'excédent de la branche de 37 % par rapport à ce qu'il aurait été en suivant son évolution tendancielle.

- La budgétisation contestable de l'API

Toujours à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, les comptes de la branche famille ont fait l'objet d'un autre transfert.

A l'époque, les allocations familiales avaient été rétablies pour toutes les familles, après la levée de boucliers que la décision de leur mise sous condition de ressources avait provoquée lors de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Ce rétablissement se faisait toutefois en échange de l'abaissement du quotient familial. L'ajustement de ce gain fiscal pour l'État avait été réalisé par la budgétisation d'une prestation familiale, l'API.

Votre rapporteur s'interroge donc sur le bien-fondé de la prise en charge, par l'État, d'une prestation véritablement familiale, alors même que la branche se voit confier dans le même temps des charges supplémentaires sans grand rapport avec son objet.

Des tentatives de ponctions directes sur les réserves de la branche

Votre rapporteur rappelle également que, sous la précédente législature, ont eu lieu plusieurs tentatives de ponction des excédents mis en réserve dans le compte de report à nouveau.

Ces dépenses en capital, pour un montant de 1,22 milliard d'euros sont de deux ordres : les dépenses en faveur du fonds d'investissement pour l'accueil de la petite enfance (FIPE I et II), pour 460 millions d'euros, et le transfert de 760 millions d'euros des excédents de la branche au fonds de réserve des retraites prévu par le projet de loi de financement pour 2002.

Votre commission s'était alors montrée très critique à l'égard de ces circuits financiers parallèles qui présentaient l'indéniable avantage pour le gouvernement d'alors, de pouvoir utiliser deux fois les excédents de la branche famille : une première fois en affichage, pour équilibrer le résultat du régime général, puis, cet effet atteint, une seconde fois, pour financer réellement des dépenses, en marge des objectifs de la loi de financement.

Ces deux mesures ont d'ailleurs été annulées par le Conseil constitutionnel du fait de leur affichage inexistant en loi de financement, qui n'avait pas permis au Parlement de ce prononcer sur les dispositifs proposés.

La question récurrente des frais de gestion

En raison de l'implantation des CAF sur l'ensemble du territoire et de leur relative facilité d'accès, la branche famille gère pour le compte du Fonds national d'aide au logement (FNAL) et du fond national de l'habitat (FNH) les prestations de logement [aide personnalisée au logement (APL), allocation de logement sociale (ALS) et allocation de logement familial (ALF)] et pour le compte de l'État les minima sociaux (RMI, AAH, API et ASA). Ce service entraîne des coûts administratifs non négligeables.

La Cour des comptes rappelle à cet égard, dans son rapport de septembre 2001, que l'État refuse de s'acquitter des frais de gestion qui découlent du versement de ces prestations, frais estimés par la CNAF à environ 3 % de leur montant soit plus de 150 millions d'euros, au motif que cette dernière ne disposerait pas d'un outil fiable d'analyse des coûts réels.

« La branche famille ne possède pas à ce jour de comptabilité analytique . Elle n'est donc pas à même de connaître avec précision les coûts supportés à raison de la gestion des prestations de solidarité qu'elle verse pour le compte de l'État. (...) Ce faisant, la CNAF se prive d'un élément d'éclairage utile dans le débat qui l'oppose à l'État. » 3 ( * )

Votre rapporteur souscrit à l'analyse de la Cour en ce qui concerne l'utilité de posséder une comptabilité analytique mais, en l'absence d'une telle réforme, salue l'initiative prise par la CNAF de mettre en place une méthodologie dite du « poids de l'allocataire ». Celle-ci détermine trois catégories d'allocataires, chaque allocataire étant comptabilisé une seule fois selon la plus importante prestation qu'il perçoit: ceux qui bénéficient d'une prestation d'invalidité ou de précarité (dont le RMI et l'AAH) ont poids relatif fixé à 2,53 ; ce poids est fixé à 1,3 pour les allocataires d'une prestation logement et à 1 pour ceux qui reçoivent une prestation familiale.

Cette méthode permet d'appréhender le niveau des coûts de gestion pour chaque type de prestation versée. Ainsi, par exemple, un allocataire bénéficiant du RMI a un coût de gestion 2,53 fois plus important qu'un allocataire ne touchant que les allocations familiales. L'État pourrait donc se fonder sur cette estimation pour rembourser ces frais.

Votre rapporteur observe en outre que l'absence d'une comptabilité analytique, dont la mise en place représenterait par ailleurs un coût, ne saurait dégager l'État de ses responsabilités : en effet, c'est hors de toute comptabilité analytique que l'État facture, arbitrairement, le concours de ses services fiscaux pour le recouvrement des recettes de la sécurité sociale. Il constate par ailleurs que le FNH et le FNAL s'acquittent auprès de la CNAF des frais de gestion pour le versement des prestations logement.

Ce problème des frais de gestion est plus que jamais d'actualité avec la décentralisation du RMI en 2004 : se pose en effet la question de l'éventuelle instauration d'un remboursement, par les départements, des frais de gestion de cette prestation et de son harmonisation sur l'ensemble du territoire. Pour autant, le projet de loi de décentralisation du RMI, dans sa forme actuelle, ne profite pas de l'opportunité ouverte par ce nouveau mode de gestion pour organiser ce remboursement, ce que votre rapporteur déplore.

C'est pourquoi une clarification et une simplification des comptes de la branche famille au regard de ses missions est aujourd'hui indispensable , ne serait-ce qu'en raison de la nécessité d'une politique familiale intelligible pour nos concitoyens. Chaque étape, projet de loi de financement de l'année ou « collectif social », doit désormais être impérativement mise à profit pour réaliser un nouveau pas dans ce sens.

B. LES DÉPENSES DE LA BRANCHE FAMILLE : LA DIVERSIFICATION AU DÉTRIMENT DE L' UNIVERSALITÉ

1. Redonner la priorité aux prestations familiales

a) Une mission traditionnelle en perte de vitesse

Des prestations diverses

La compensation des charges de famille par le biais des prestations légales représente, en 2004, 70 % des dépenses de la CNAF. Il s'agit de prestations d'entretien (allocations familiales et complément familial), pour plus de la moitié d'entre elles.

A travers les alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946, ces prestations ont une reconnaissance constitutionnelle.

« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. »

Structure des prestations légales en 2002

Source : Direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A)

Enumérées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, les prestations familiales sont les suivantes :

• les allocations familiales,

• le complément familial,

• l'allocation pour jeune enfant,

• l'allocation de logement,

• l'allocation d'éducation spéciale,

• l'allocation de soutien familial,

• l'allocation de rentrée scolaire,

• l'allocation de parent isolé,

• l'allocation parentale d'éducation,

• l'allocation d'adoption,

auxquelles il convient d'ajouter logiquement l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA), qui ont pour objet d'aider au financement de la garde des enfants de moins de trois ans.

L'article 50 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 qui crée la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), allège substantiellement cette liste en supprimant l'allocation pour jeune enfant (APJE), l'allocation parentale d'éducation (APE), l'allocation d'adoption ainsi que l'AGED et l'AFEAMA, pour leur substituer cette nouvelle prestation unique.

En 2004, la CNAF versera plus de 34 milliards d'euros de prestations légales aux familles, soit une augmentation de 2,8 % par rapport à 2003.

Cette évolution limitée des prestations familiales s'explique par celle des prestations d'entretien, qui continuent de diminuer en volume (- 0,5 % en 2003 et (- 0,6 % en 2004).

Masses financières des prestations et évolution

 

2001

%

2002

%

2003

%

2004

%

Total des prestations légales

31.237

3,3

32.237

3,2

33.121

2,7

34.033

2,8

Prestations d'entretien

17.148

1,7

17.404

1,5

17.643

1,4

17.936

1,7

Allocations familiales

11.097

1,3

11.258

1,4

11.420

1,4

11.648

2,0

Complément familial

1.565

2,0

1.555

-0,7

1.541

-0,9

1.528

-0,8

Allocation pour jeune enfant

2.799

1,6

2.819

0,7

2.834

0,5

2.843

0,3

Allocation d'adoption

3

-8,5

3

1,6

3

1,8

4

1,8

Allocation de soutien familial

924

3,6

955

3,4

986

3,2

1.018

3,2

Allocation de parent isolé

754

4,3

796

5,6

834

4,8

865

3,7

Allocation de présence parentale

6

-

18

++

24

35,4

31

26,1

Prestations pour la garde des enfants

4.904

5,9

5.177

5,6

5.390

4,1

5.613

4,1

Allocation parentale d'éducation

2.904

3,7

2.996

3,2

3.081

2,8

3.164

2,7

AFEAMA

1.871

10,4

2.065

10,3

2.194

6,2

2.333

6,3

AGED

129

-2,9

116

-10,4

116

0,0

116

0,0

Prestations en faveur de l'éducation (ARS)

1.349

-1,6

1.353

0,3

1.355

0,2

1.358

0,2

Prestations en faveur du logement (ALF)

3.043

7,9

3.228

6,1

3.364

4,2

3.528

4,9

Prestations en faveur des handicapés

4.587

5,3

4.818

5,0

5.108

6,0

5.334

4,4

AAH

4.238

5,2

4.430

4,6

4.631

4,5

4.851

4,8

AES

350

6,7

388

10,9

477

23,0

483

1,3

Autres prestations

206

5,2

257

24,7

261

1,6

265

1,6

Prestations extralégales

2.110

5,5

2.363

12,0

2.670

13,0

2.937

10,0

Contribution de la CNAF au FNH et au FNAL

3.105

2,6

3.135

1,0

3.150

0,5

3.217

2,1

Source : Direction de la sécurité sociale.

Une progression en demi-teinte des prestations traditionnelles

- Des causes structurelles

La faible évolution des prestations d'entretien depuis quelques années s'explique tout d'abord par la transformation des structures familiales, notamment la diminution de la taille moyenne des familles. Ainsi, si le rythme soutenu des naissances contribue à l'accroissement de la population, le nombre de ménages croît encore plus vite, conduisant à une réduction de la taille moyenne des familles : le nombre de personnes vivant seules a augmenté de 26 % entre le recensement de 1990 et celui de 1999.

En outre, dans les faits, la CNAF sert de plus en plus de prestations à des familles de un à deux enfants. A l'inverse, les familles de trois et, surtout quatre enfants et plus, sont de moins en moins nombreuses parmi les allocataires de la branche.

Cette situation a des conséquences non négligeables sur l'évolution des allocations familiales et des dépenses de complément familial. En effet, le complément familial n'est attribué, sous conditions de ressources, qu'aux familles de trois enfants et plus et les allocations familiales ne sont fortement majorées qu'à partir du troisième enfant.

Par ailleurs, les entrées d'enfants dans le dispositif, élevées ces dernières années, sont compensées par les sorties nombreuses des générations nées au début des années quatre-vingt.

En réalité, hormis les prestations dédiées à la garde des enfants qui continuent à augmenter fortement, seules l'ASF et l'API conservent une progression en volume soutenue, conforme à ce qui a été observé les années précédentes. Le nombre de familles monoparentales continuerait en effet de croître : selon le recensement de 1999, il a augmenté au cours de la décennie 90 fortement (+ 22 %). Un enfant a donc aujourd'hui une probabilité bien plus forte d'être élevé par un seul parent : cette situation concernait 13 % des enfants en 1999, contre 9 % lors du recensement de 1990.

- Des mesures peu coûteuses

Les dispositions des nouvelles lois de financement de la sécurité sociale depuis 2001 sont moins coûteuses que celles votées lors des deux précédents exercices, c'est pourquoi elles n'expliquent qu'une faible part de l'évolution récente des prestations familiales.

Résumé des mesures votées depuis 1999

- Loi de financement pour 1999 :

- versement des allocations familiales jusqu'à dix-neuf ans pour toutes les familles et recul des majorations pour âge.

- Loi de financement pour 2000 :

- recul d'un an de l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial à vingt et un ans, qui permet de mieux prendre en compte le coût des jeunes adultes qui vivent encore chez leurs parents.

- Loi de financement pour 2001 :

- création de l'allocation de présence parentale (APP) ayant pour objectif de compenser la réduction d'activité professionnelle des parents d'un enfant gravement malade, handicapé ou accidenté, et dont l'état de santé nécessite une présence et des soins continus ;

- autorisation de cumul de l'allocation parentale d'éducation (APE) avec un revenu d'activité afin d'inciter à des sorties anticipées de la prestation par la reprise d'un emploi ;

- réforme de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) visant à ouvrir aux familles modestes l'accès à ce mode de garde dans des conditions financières proches de celles existantes dans les crèches.

- Loi de financement pour 2002 :

- réforme du système des compléments d'allocation d'éducation spéciale (AES) afin d'éliminer certaines disparités locales ;

- création du congé de paternité, prestation assimilée à une indemnité journalière maladie, mais prise en charge par la CNAF et qui n'est donc pas comptabilisée parmi les prestations légales.

- Loi de financement pour 2003 :

- création d'une allocation forfaitaire de soixante-dix euros, versée pendant un an aux familles de trois enfants ou plus, dont l'aîné de ceux qui donnent droit aux allocations familiales atteint son vingtième anniversaire.

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

Ainsi, sur les trois dernières années, près de la moitié des prestations familiales versées a progressé moins vite que l'inflation : les allocations familiales, le complément familial, l'APJE, l'AGED et l'allocation d'adoption. A elles seules, les trois premières représentent 48,5 % des dépenses de la branche famille.

En définitive, le poids des dépenses de la branche famille consacrée aux prestations légales est en recul par rapport aux dépenses d'action sociale et aux aides au logement. Cette situation est également le fait de la faible augmentation, depuis plusieurs années, de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), qui sert au calcul de leur revalorisation.

Ainsi, alors que les dépenses de la branche ont crû de 12,6 % au cours de la période 1998-2002, les prestations légales n'ont connu qu'une augmentation de 9,7 %, contre respectivement 19 et 27 % pour les aides au logement et l'action sociale.

b) La remise en cause d'une politique familiale universelle

La multiplication des prestations sous condition de ressources

Les prestations familiales sous condition de ressources ont connu une première phase de croissance au début des années quatre-vingt dix sous le double effet de la revalorisation de certaines d'entre elles (majoration d'ARS depuis 1993) et de l'augmentation, à réglementation constante, du nombre de leurs bénéficiaires, en raison de l'évolution ralentie de l'activité et des revenus. En 1996, est ensuite mise sous condition de ressources l'allocation pour jeune enfant (APJE) courte, c'est à dire versée à partir du quatrième mois de grossesse et jusqu'aux trois mois de l'enfant.

Depuis 1998, on observe à nouveau la multiplication des prestations familiales versées sous condition de ressources : l'APJE, l'API (qui est un minimum social), le complément familial, l'allocation d'adoption, l'APE, l'ARS, ainsi que l'AGED et l'aide à la scolarité.

Les prestations versées sous condition de ressources représentent ainsi 50 % du volume des prestations en 2002 contre 36,3 % en 1997, avec un pic à 78 % en 1998 du fait de l'éphémère mise sous condition de ressources des allocations familiales par le précédent gouvernement .

Une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), de mai 2002, montre que la politique familiale menée sous la dernière législature a entendu favoriser largement les familles nombreuses, monoparentales et les plus démunies, au détriment d'une aide en faveur de toutes les familles.

Cette étude fait ainsi apparaître les limites de la compensation des charges de famille : « A configuration familiale identique, le niveau de vie des familles modestes augmente davantage sous l'effet des prestations familiales que celui des familles aisées. Cette réduction de l'écart entre niveau de vie est particulièrement importante pour les couples avec trois enfants et plus ou pour les familles monoparentales. »

En revanche, l'INSEE 4 ( * ) souligne que les mécanismes fiscaux, représentant 27 % du supplément de revenu lié aux enfants, avantagent plus sensiblement les familles plus aisées que celles ayant des revenus moyens. Il apparaît bien, en définitive, que ce sont les parents isolés et les familles nombreuses qui voient le plus leur niveau de vie augmenter par le jeu des prestations familiales et des aides fiscales.

L'impact des prestations sociales sur le niveau de vie

 

N
Niveau de vie initial

 

Impact des Prestations (%)

M
Minima sociaux

Niveau de vie disponible

B

EEvol. du niveau de vie (en %)

 

Impact des prélèvements (en %)

Prestations familiales

Allocation logement

Ensemble des ménages

19.181

- 12,8

3,2

1,5

1,1

17.850

- 6,9

Ménages sans enfants

 
 
 
 
 
 
 

Ensemble

21.042

- 12,9

0,0

1,1

1,2

18.803

- 10,6

Couples

23.450

- 13,8

0,0

0,4

0,6

20.457

- 12,8

Célibataires

17.718

- 11,7

0,0

2,4

1,6

16.355

- 7,7

Ménages avec enfants

 
 
 
 
 
 
 

Ensemble

17.061

- 12,5

7,7

2,1

1,0

16.765

- 1,7

Couples

18.220

- 13,0

7,5

1,4

0,5

17.577

- 3,5

Parents isolés

11.118

- 9,0

15,5

10,5

4,2

13.467

21,1

Familles nombreuses

12.550

- 10,6

21,8

4,4

1,5

14.684

17,0

Parents d'au moins un enfant de moins de 3 ans

15.363

- 11,1

17,0

3,4

0,7

16.895

10,0

Parents d'enfant(s) de plus de 3 ans

17.592

- 12,9

5,1

1,7

1,1

16.724

- 4,9

Source : INSEE-DGT.

Sans nier la légitimité d'une certaine redistribution en faveur des familles les plus modestes, votre rapporteur déplore que celles qui disposent de revenus moyens soient les plus touchées par les effets de seuil.

Pour remédier à ces nouvelles inégalités, il conviendrait de revenir à une politique qui favorise, parmi les différentes prestations offertes par la branche, les allocations familiales. Avec plus de 11,6 milliards d'euros prévus en 2004, celles-ci représentent le tiers des prestations légales et sont versées à toutes les familles sans condition de ressources.

Une amélioration récente : l'allocation forfaitaire pour les familles nombreuses

Si les allocations familiales n'ont pas fait l'objet de « coups de pouce » particuliers ces dernières années, votre rapporteur estime que la mesure en faveur des familles nombreuses mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 allait dans le bon sens et se félicite de sa pérennité en 2004.

Cette mesure, qui touche une population d'environ 143.700 familles, a pour objet de verser un montant d'allocation forfaitaire de 70 euros aux familles nombreuses (trois enfants ou plus à charge), qui perdent le bénéfice des allocations familiales au vingtième anniversaire d'un ou de plusieurs enfants.

Le coût de cette mesure, entrée en vigueur au 1 er juillet 2003, est estimé à environ 130 millions d'euros en année pleine.

Ce substitut d'allocations permet à toutes les familles qui ne reçoivent plus les allocations familiales de bénéficier d'une aide, au moment même où la charge due à la présence d'enfants plus âgés dans le foyer s'alourdit. En ce sens, cette mesure va dans le sens d'une politique familiale moins sociale mais plus universelle, à l'image de sa vocation première. Elle complète le dispositif en vigueur depuis le 1 er janvier 2000, qui a reporté de 20 à 21 ans l'âge au-delà duquel l'enfant cesse d'être considéré comme à charge pour le versement du complément familial et des aides personnelles au logement.

De la même manière, votre rapporteur approuve le fait que la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) soit accordée à la quasi-totalité des familles.

La base mensuelle des allocations familiales (BMAF) en attente de revalorisation

Malgré ces mesures positives, il apparaît nécessaire aujourd'hui de redonner à la politique familiale toute son importance et de rappeler sa vocation universelle initiale.

Or, votre rapporteur constate que ce principe a le plus souvent été oublié au profit de considérations sur les effets redistributifs qui relèvent d'une toute autre logique. Ainsi, les prestations familiales tendent à devenir un outil parmi d'autres de lutte contre la pauvreté, alors même que la politique familiale a une autre vocation : permettre une égalisation des niveaux de vie entre les ménages d'une ou deux personnes et les familles plus nombreuses.

Votre rapporteur considère qu'un signe fort en faveur de l'ensemble des familles est aujourd'hui nécessaire.

Pour développer l'universalité de la politique familiale, il faut envisager une revalorisation de la BMAF plus importante que celle habituellement pratiquée depuis quelques années, afin que toutes les prestations augmentent, et non uniquement celles versées sous condition de ressources.

En effet, les prestations de la branche, à l'exception de l'AGED, des aides au logement et de l'AFEAMA, sont calculées en fonction d'un pourcentage de cette base mensuelle.

Depuis 1993, la revalorisation intervient au 1 er janvier de chaque année. La loi relative à la famille du 24 juin 1994 a imposé une revalorisation de la BMAF « une ou plusieurs fois par an conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue par le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année à venir ».

Pendant la dernière législature, la revalorisation annuelle de la BMAF a été strictement conforme à l'obligation légale et n'a pas dépassé l'inflation.

Pourcentage des prestations familiales par rapport au PIB

 

1999

2000

2001

2002

2003

% des prestations familiales financées par la CNAF (yc aides au logement) par rapport au PIB

2,02%

1,96 %

1,99 %

1,98 %

1,98 %

% des prestations familiales financées par la CNAF (hors aides au logement) par rapport au PIB

1,58 %

1,55 %

1,57 %

1,56 %

1,56 %

Source : Direction de la sécurité sociale

En 2004, tout comme en 2003, la hausse prévue de la BMAF est fixée à 1,7 %, soit 1,5 % au titre de l'évolution des prix retenue pour 2004, et 0,2 % au titre du rattrapage de la hausse des prix constatée en 2003 par rapport à la prévision initiale.

Décomposition de la revalorisation de la BMAF

 

2001

2002

2003

2004

Evolution prévisionnelle des prix hors tabac

1,2 %

1,5 %

1,5 %

1,5 %

Rattrapage*

0,6 %

0,6 %

0,2 %

0,2 %

Revalorisation totale

1,8 %

2,1 %

1,7 %

1,7 %

Coût (en millions d'euros)

401

477

444

474

* Ecart entre la prévision d'évolution des prix hors tabac et la réalisation

Source : Direction de la sécurité sociale

Une revalorisation plus généreuse de la BMAF aurait été possible au cours de ces dernières années, à un moment où la branche famille disposait encore de ressources financières suffisantes. Ce choix n'a pas été fait. Au contraire, les excédents de la branche ont été détournés, votre rapporteur l'a souligné précédemment, pour financer notamment la politique de réduction du temps de travail.

Or, avec des perspectives financières moins favorables, dans un contexte économique dégradé, et des marges de manoeuvre réduites par l'accumulation des prélèvements, la branche famille doit désormais arbitrer entre les différentes mesures possibles.

2. Une action sociale qui se développe considérablement

a) Des moyens d'action renforcés

Si elle ne représente que 8 % des dépenses de la CNAF, l'action sociale n'en est pas moins importante pour la branche puisque c'est là que réside son « espace de liberté », en particulier au niveau local. Chaque CAF dispose ainsi d'un budget d'action sociale, réparti au prorata des prestations familiales versées. En effet, selon la CNAF, l'action sociale est déterminée par « son caractère décentralisé qui permet à chaque conseil d'administration, dans le cadre des orientations nationales, des interventions au plus près des besoins sociaux ».

Depuis 1998, les crédits qui lui sont consacrés, au sein du fonds national d'action sociale (FNAS), augmentent fortement ; cette hausse atteint 10 % entre 2003 et 2004.

Cette évolution s'explique en particulier par la mise en place de la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2001-2004, qui prévoit une augmentation du FNAS de 910 millions d'euros sur quatre ans, orientés vers trois objectifs principaux : l'accueil des jeunes enfants, les loisirs et les vacances des enfants et des familles, et l'accompagnement des familles par le biais de la médiation familiale.

Montants du Fonds national d'action sociale (1999-2004)
hors coûts de gestion de l'action sociale

(en milliers d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

Prévisions
2003

Prévisions
2004

Dotations action sociale

713.841

720.266

738.124

771.527

788.466

802.658

Prestations de service

1.025.839

1.161.997

1.230.236

1.494.306

1.750.600

2.014.599

PS enfants - 6 ans

716.455

792.108

840.955

1.033.044

1.239.523

1.452.997

PS ordinaires accueil jeune enfant

417.929

458.859

490.027

592.017

703.373

907.064

Dont réforme financement crèches

0

15.245

30.490

45.735

60.980

 

Contrats enfance crèches

298.526

333.249

350.927

441.027

536.150

545.933

PS enfants de 6 à 16 ans

180.921

230.426

256.984

319.926

357.197

412.566

PS ordinaires

152.915

173.629

167.583

182.781

207.723

208.721

Contrats temps libre

28.006

56.797

89.401

137.145

149.475

203.845

Autres PS ordinaires

128.463

139.462

132.297

141.335

153.879

149.037

FAS

9.575

7.470

5.615

7.474

7.931

8.042

FIPE

 
 

26.567

39.643

100.735

23.047

AEI

 
 
 

3.180

106.714

91.469

- Recettes

- 13.568

- 8.095

- 4.507

- 3.822

- 2.774

- 2.507

+ Transferts

+ 109.611

115.937

114.283

115.615

143.699

162.972

Total FNAS y compris FIPE

1.845.297

1.997.575

2.110.318

2.427.922

2.895.371

3.100.282

Source : CNAF

Il faut en outre noter que le transfert des frais de gestion administrative de l'action sociale du FNAS vers le Fonds national de gestion administrative (FNGA) à partir de 2001, a dégagé de nouveaux moyens pour l'action sociale.

Pour autant, ce développement de l'action sociale, dont l'ensemble des familles ne bénéficie pas, ne saurait s'apparenter à une substitution des prestations légales au profit de l'action sociale, comme d'aucuns le craignent. En effet, le FNAS ne représente toujours que 10 % des prestations légales et moins de 30 % des aides au logement.

La CNAF elle-même, dans la COG 2001-2004, précise, à propos de l'action sociale menée par la branche, « sa complémentarité avec les prestations légales et les autres politiques sociales ».

b) L'épineux problème du poids des prestations de services

L'essentiel de l'action sociale des CAF prend la forme de prestations de service qui assument le coût de fonctionnement d'équipements et de services sociaux limitativement énumérés et répondant à un certain nombre de critères. Pour en bénéficier, l'établissement ainsi être agréé ou autorisé à fonctionner par les autorités administratives compétentes, être ouvert à toute la population, avoir une vocation sociale à but non lucratif et signer un contrat de prestations de services avec la CAF. Dans ce cadre, les CAF procèdent à des actions de contrôle des équipements, que la Cour des comptes a par ailleurs estimé insuffisantes dans son dernier rapport 5 ( * ) .

Ces prestations de services sont diverses :

- les prestations de service « à l'acte » : elles se définissent par un pourcentage du prix de revient des actes dispensés par les services sociaux, dans la limite d'un prix plafond fixé par la CNAF, et s'appliquent à l'accueil des jeunes enfants, aux centres de loisirs sans hébergement et aux services de travailleuses familiales ;

- les prestations de service « à la fonction » concernent les centres sociaux, les foyers de jeunes travailleurs, les relais assistantes maternelles ;

- les prestations de service « sur projet » sont servies pour les lieux d'accueil parents-enfants, les maisons ouvertes, les petites structures de proximité dans le cadre de l'animation de la vie sociale, les projets d'animation collective famille dans les centres sociaux et les actions d'accompagnement à la scolarité ;

- les prestations de service « bonifiées » ont été instituées dans le cadre des contrats crèches, enfance et temps libre ; elles constituent un financement complémentaire aux prestations de service de base dans le cadre d'objectifs contractuels de développement quantitatif et qualitatif spécifiques avec les collectivités locales.

Au 1 er janvier 2003, de nouvelles mesures ont été mises en oeuvre : intégration des contrats crèches dans les contrats enfance, création d'une prestation de service d'accompagnement des centres de vacances à vocation sociale et de loisirs familiaux. En 2004, le soutien aux vacances familiales sera réaffirmé par le biais d'une prestation de service versée aux organisateurs de séjours ayant un projet social pour, des familles faisant l'objet d'un accompagnement socio-éducatif.

Sur leur dotation d'action sociale, les CAF peuvent aussi attribuer des aides à l'investissement et au fonctionnement à des structures ou services, bénéficiaires ou non de la prestation de service, mais relevant du champ de l'enfance ou du temps libre.


Les aides des CAF aux structures d'accueil des jeunes enfants

I. Les subventions de fonctionnement

La CNAF a décidé en 1970 de financer les équipements et services destinés à l'enfance par le biais de prestations de service ordinaires qui représentent aujourd'hui environ 50 % du montant du fonds national d'action sociale. Les PSO subventionnent 30 % du coût de fonctionnement des équipements agréés, dans la limite d'un plafond national.

1. Les contrats crèche

Ils avaient pour but le développement du parc de crèches et ont été intégrés aux contrats enfance en 2003.

L'objectif initial était d'assurer à 40 % la couverture des besoins en mode de garde pour les enfants dont les deux parents travaillent, ou pour ceux issus de familles monoparentales. En contrepartie de l'effort des collectivités locales signataires des contrats, la CAF augmentait immédiatement pour les places nouvelles créées le taux de la prestation de service (PS), qui passait de 30 à 50 % du prix de revient dans la limite d'un prix plafond fixé par la CNAF, taux progressivement porté à 70 %. De plus, était prévu l'alignement progressif au taux de 50 % des PS attribuées au stock de places existant avant la signature du contrat, afin de diminuer le coût marginal de création d'une place et de récompenser les communes ayant fait des efforts avant la création du dispositif. Le gestionnaire ne supporte alors qu'une charge résiduelle de 20 à 30 % du coût de fonctionnement, si le prix de revient réel est proche du prix plafond.

2. Les contrats enfance

Ce dispositif est plus large que le « tout crèches », puisqu'il concerne également les enfants de trois à six ans quel que soit le statut professionnel de la mère, mais moins ambitieux dans ses objectifs de créations de places. En effet, sont financées non seulement des crèches, mais aussi des haltes-garderies, réseaux d'assistantes maternelles, ludothèques, etc. La prestation de service enfance (PSE) varie de 50 à 70 % des dépenses nouvelles nettes supportées par le cocontractant, c'est-à-dire de celles correspondant à un service supplémentaire offert aux familles. Le développement quantitatif des équipements n'est pas la seule donnée prise en compte puisque des éléments comme l'augmentation de l'amplitude horaire du service donnent lieu au paiement de la PSE.

II. Les aides nationales à l'investissement

A la suite de la loi famille de 1994, a été instaurée une aide de la CNAF à la création de places financées dans le cadre d'un contrat enfance. Cette aide est plafonnée à 40 % du coût total du programme et vient en complément des subventions que les CAF sont libres d'attribuer sur leurs fonds propres. En 2000, un fonds d'investissement pour la petite enfance a été doté de 229 millions d'euros financés sur les excédents de la branche famille. Rapidement consommé, il a été remplacé par une aide exceptionnelle de même montant disponible depuis 2002.

Source : Cour des comptes, rapport sur la sécurité sociale (septembre 2003)

Votre rapporteur souhaite toutefois souligner une incohérence : la montée en puissance des prestations de services est notamment le fait du financement du fonctionnement des crèches, qui est une obligation légale, au détriment d'actions originales et ciblées en fonction des besoins locaux, décidées par les conseils d'administration des caisses.

Ce point a également été abordé par Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF, lors de son audition par notre commission. Elle s'est inquiétée de l'impact des différents fonds de financements destinés aux crèches sur l'augmentation du poste « prestations de services » au sein du FNAS, au détriment d'actions librement choisies par les CAF et adaptées aux réalités locales.

c) Le développement des actions de soutien à la parentalité

Par ailleurs, les dépenses d'action sociale des CAF, par le biais ou non des associations, tendent à se recentrer sur les actions de soutien à la parentalité , ce dont votre rapporteur se félicite en raison de l'ampleur des besoins. Ces actions permettent en effet de répondre aux évolutions importantes dans le domaine de la famille : diversification des formes familiales, évolutions des rôles parentaux et des rapports entre parents et enfants, fragilisation des couples et augmentation du nombre de séparations.

On peut citer, à titre d'exemple, les lieux d'accueil parents-enfants, la médiation familiales ou encore les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP), dispositif récent mis en place par la délégation interministérielle à la famille pour conforter les parents dans leur rôle.

Ces actions sont financées en parallèle par les crédits du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Les crédits inscrits à ce titre au projet de loi de finances pour 2004 s'élèvent à 19,8 millions d'euros.

Les mesures décidées au cours de la dernière Conférence de la famille vont en outre permettre un développement accru de ce type d'actions sociales.

Ainsi, les CAF pouvant participer à la mise en place des « Points info famille », qui ont pour objet de favoriser l'accès de toutes les familles à l'information relevant du domaine des services à la famille et à la parentalité, de simplifier leurs démarches quotidiennes en rassemblant une documentation complète et actualisée et de les orienter vers les lieux et les interlocuteurs les plus à même de leur apporter les réponses attendues et de leur indiquer les modalités de contact et de saisine les mieux adaptées.

En outre, les CAF ont été appelées à soutenir le développement de la médiation familiale, en accompagnement de la future réforme du divorce. Une réflexion sera engagée avec la CNAF en vue d'inscrire, en 2005, dans le cadre de la prochaine COG, la médiation parmi les dispositifs ouvrant droit à prestation de service. Sur le plan national, les services de la CNAF participent également aux travaux engagés dans le cadre du conseil national consultatif de la médiation familiale.

Enfin, le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, en cours d'adoption, prévoit d'accroître le rôle des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP), en orientant leur action vers les problèmes d'assiduité scolaire.

3. Le poids important des aides au logement

Les aides au logement constituent la troisième mission de la branche et 20 % de ses dépenses. A côté des prestations versées pour le compte du FNH et du FNAL, la CNAF finance intégralement l'allocation de logement familial (ALF), au bénéfice des familles les plus modestes.

a) Une évolution équivalente à celle du PIB

A chaque aide, son financement

Les aides personnelles au logement sont de trois sortes et se différentient notamment par leur mode de  financement :

- l'allocation de logement familial (ALF), servie essentiellement aux personnes et aux couples ayant au moins un enfant ou une personne à charge, est financée intégralement par la branche famille ;

- l'allocation de logement sociale (ALS), versée aux personnes ou aux couples sans personne à charge est financée par le FNAL, lui-même financé principalement par le budget de l'État et par deux cotisations des employeurs ;

- l'allocation personnalisée au logement (APL), bénéficiant aux familles ou aux personnes seules, au titre de la location ou de l'accession à la propriété est gérée par le FNH.

L'effort de la CNAF en faveur de l'aide au logement est essentiellement retranscrit dans les lignes ALF et dotations FNH-FNAL. Il s'établit en 2004 à environ 6,7 milliards d'euros, partagés de manière quasiment équivalente entre les deux lignes, soit une augmentation de 3 %.

Depuis 1998, les aides au logement augmentent parallèlement au PIB, c'est-à-dire de manière plus importante que les prestations légales, alors même qu'elles ne relèvent pas des missions centrales de la branche famille. Elles sont perçues par environ six millions de ménages, aux caractéristiques sociologiques différentes : l'ALS est versée en majorité aux âges « extrêmes » (moins de 25 ans et plus de 65 ans), c'est-à-dire à des inactifs, les deux autres aides bénéficient à un public plus varié.

Bénéficiaires des aides au logement selon l'âge des bénéficiaires
au 31 décembre 2002 (CAF métropole)

 

ALF

APL

ALS

Moins de 25 ans

71.356

222.975

758.516

25 à 29 ans

152.880

231.841

236.965

30 à 34 ans

247.230

329.564

118.531

35 à 39 ans

249.274

360.001

88.134

40 à 44 ans

182.169

329.654

81.209

45 à 49 ans

102.270

257.596

89.314

50 à 54 ans

50.041

200.228

100.709

55 à 59 ans

19.122

140.119

89.128

60 à 64 ans

7.585

106.084

67.472

65 ans et plus

7.270

423.324

405.432

Age non connu

239

291

428

Total

1.089.436

2.601.677

2.035.838

Source : CNAF

Une revalorisation des barèmes qui se fait attendre

Les aides au logement sont revalorisées tous les ans au 1 er juillet mais en 2002, le changement de gouvernement a eu pour conséquence une revalorisation rétroactive au mois de septembre.

Lors de la réunion de son conseil d'administration le 22 octobre 2002, la CNAF a exprimé un avis défavorable sur la revalorisation des aides au logement annoncée par le Gouvernement, la jugeant insuffisante et trop tardive, entraînant une désolvabilisation de fait des allocataires pendant plusieurs mois, un surcoût en gestion de 4,5 millions d'euros, ainsi que des remontées automatiques d'indus pesant sur les budgets de l'État et de la CNAF.

Votre rapporteur avait déjà, en son temps, déploré le retard pris dans la revalorisation des aides à la personne. Or, aucune revalorisation des barèmes n'est encore intervenue pour 2003. Ce retard, supérieur encore à celui enregistré l'an dernier, conduit la CNAF et les différents acteurs du logement à se préoccuper du futur montant de la revalorisation et des coûts de gestion qui en résulteront.

Votre rapporteur estime que cette situation n'est pas satisfaisante et souhaite la normalisation rapide de ce problème.

En outre, pour 2004, le Gouvernement annonce plusieurs mesures d'économies sur les aides à la personne, à hauteur de 185 millions d'euros, ce qui expliquerait la diminution de 3,4 % du poste qui leur est consacré dans le budget du logement.

b) Une aide destinée aux familles les plus modestes

En 2001, la réforme de la politique de l'aide au logement s'est traduite par une amélioration de la situation financière des familles les plus modestes, répondant ainsi à sa logique d'aide sociale, qui diffère de celle des prestations familiales.

Ventilation des bénéficiaires des aides au logement selon la taille de la famille
et par prestation au 31 décembre 2002
(CAF métropole)

(en pourcentage)

 

ALF

APL

ALS

Ensemble

Isolés

38,70

91,00

60,20

67,10

sans personne à charge

0,40

91,00

39,80

50,60

avec une personne à charge

21,40

-

10,00

8,60

avec deux personnes à charge

11,60

-

6,50

5,10

avec trois personnes à charge ou plus

5,30

-

3,90

2,80

Couples

61,30

9,00

39,80

32,90

sans personne à charge

2,50

9,00

6,80

6,70

avec une personne à charge

15,00

-

6,90

6,00

avec deux personnes à charge

22,90

-

11,70

9,70

avec trois personnes à charge ou plus

20,90

-

14,40

10,50

Total

100,00

100,00

100,00

100,00

Source : CNAF

Avant la réforme, les aides au logement obéissaient à deux barèmes différents pour leur calcul, celui de l'APL étant globalement plus avantageux que celui commun à l'ALF et à l'ALS. En outre, les ressources des ménages étaient différemment traitées selon l'aide servie, les personnes qui disposaient de faibles revenus d'activité percevant une aide au logement inférieure à celle des titulaires de minima sociaux, ce qui n'encourageait pas la reprise d'activité professionnelle. Il s'ensuivait qu'à situation identique (familiale, de revenus, de charges de loyer), les aides perçues pouvaient être très différentes.

La nécessité d'harmoniser les barèmes s'est donc imposée. Des mesures partielles ont été prises, notamment en 1998, par une revalorisation des loyers plafonds plus forte en ALF qu'en APL, avant l'annonce de la réforme. Puis, lors de la Conférence de la famille du 15 juin 2000, un barème unique a été mis en place en deux étapes (1 er janvier 2001 et 1 er janvier 2002) et s'applique désormais à l'ensemble du secteur locatif éligible aux deux aides, soit aux trois quarts des bénéficiaires des aides au logement.

D'après la Cour des comptes 6 ( * ) , le coût de cette réforme est évalué à 990 millions d'euros et ce nouveau barème a permis d'augmenter l'aide servie aux allocataires à faibles revenus, voisins du RMI, et d'améliorer sensiblement l'ALS pour les 75 % d'allocataires dont le loyer était supérieur aux plafonds.

On aurait pu - et d'aucuns le préconisaient - relever simplement le niveau des loyers plafonds en ALF, pour cesser de pénaliser les familles à revenus très modestes. Mais votre rapporteur considère que la réforme a été plus pertinente, car elle a construit un barème permettant, à terme, la mise en place d'une aide au logement unique.

Toutefois, comme il le soulignait déjà l'année dernière, c'est bien la CNAF, et non l'État, qui a financé le gros de la réforme. En effet, l'ALF, dont le coût a crû de 34,6 % depuis 1998 du fait de la réforme (contre une augmentation de 7,5 % pour les deux autres aides sur la période), est financée à 100 % par la branche famille.

II. PETITE ENFANCE ET ADOLESCENCE : DEUX AXES POUR UNE POLITIQUE FAMILIALE AMBITIEUSE

Malgré des éléments conjoncturels et structurels peu favorables aux comptes de la branche famille, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale marque le début de la mise en oeuvre de mesures ambitieuses en faveur des familles, annoncées lors de la Conférence de la famille du 29 avril dernier.

A. LA PRIORITÉ DONNÉE EN 2003 À LA PETITE ENFANCE

1. La Conférence de la famille de 2003

a) Les besoins à prendre en compte

La reprise de la natalité

Si le Gouvernement a choisi la petite enfance comme angle d'attaque de sa politique familiale c'est que, plus qu'un épiphénomène, l'embellie démographique que connaît la France depuis 1995 semble devenir une tendance de fond.

Avec 804.000 naissances, l'année 2001 avait confirmé les orientations démographiques déjà observées en 2000, soit une augmentation du nombre des naissances de plus de 5 %, « la plus forte hausse enregistrée depuis 20 ans » (1981-1982) selon l'Institut national d'études démographiques (INED). Si l'on observe un léger fléchissement du nombre de naissances en 2002, il ne remet pas en cause le taux de fécondité de 1,9 enfant par femme en moyenne. L'INSEE 7 ( * ) impute en effet ce tassement à la baisse du nombre de femmes en âge de procréer.

Depuis 1995, le nombre de naissances est toujours supérieur à 730.000 par an, alors qu'il n'était que de 711.000 en 1993 et 1994, années durant lesquelles le nombre de nouveaux-nés avait été le plus faible de ces cinquante dernières années. Ce résultat est d'autant plus remarquable que le nombre de femmes françaises en âge de procréer (les femmes de 20 à 40 ans mettent au monde 96% des enfants) diminue depuis 1994, les générations nées avant 1975 étant remplacées par des générations moins nombreuses, et que l'âge moyen à la maternité ne cesse d'augmenter, pour atteindre 29,7 ans en 2002.

L'INED confirme d'ailleurs ce constat : « L'augmentation des naissances depuis 1995 traduit une hausse de fécondité encore plus importante en valeur relative car l'effectif des femmes d'âge fécond baisse progressivement ».

Fécondité pour 100 femmes

Année

Naissances par femme
(nombre d'enfants)

Age moyen
de la maternité

1982

1,91

27,1 ans

1992

1,73

28,5 ans

2002

1,90

29,7 ans

Source : commission des Affaires sociales.

Avec 1,9 enfant par femme en moyenne , la France se place au deuxième rang de l'Union européenne, derrière l'Irlande, et au troisième rang de l'Europe occidentale derrière l'Irlande et la Norvège. La moyenne de l'Union européenne est de 1,47 enfant par femme. La France est donc aujourd'hui le pays de l'Union européenne où naît le plus d'enfants, d'autant plus que le nombre de naissances en Europe diminue légèrement (- 0,1 %) selon les premières estimations pour 2001 publiées par Eurostat, l'office statistique européen.

Ces évolutions récentes sont toutefois d'une interprétation difficile. D'après l'étude d'octobre 2001 menée par l'INED, « lorsqu'on essaie de corréler les naissances et des évolutions macroéconomiques (chômage, investissement, moral des ménages, etc.), on s'aperçoit que c'est à l'indice du moral des ménages (par rapport à la situation présente, et non future) que les naissances correspondent le mieux ». Votre rapporteur remarque donc que les questions relatives à l'apparition de ce « mini baby-boom » restent entières, puisqu'on ne sait pas aujourd'hui analyser les raisons des variations de l'optimisme des Français.

D'autres explications sont cependant plausibles et qui tiennent à la généralisation de l'allocation parentale d'éducation (APE) aux mères de deux enfants, à une politique familiale plutôt favorable aux naissances, à la possibilité de concilier vie professionnelle et maternité plus facilement que dans d'autres pays européens ou encore à l'arrêt, pour les plus jeunes, de l'allongement de la durée des études et à l'amélioration de leur situation sur le marché de l'emploi.

On peut donc penser que les mesures proposées lors de la dernière Conférence de la famille en faveur de la petite enfance conforteront cette tendance positive, alors même que c'est l'embellie démographique qui avait alors justifié le choix de cette priorité . Votre rapporteur se réjouit de cet enchaînement vertueux.

Une offre de garde insuffisante

Le choix d'avoir un enfant expose les familles aux difficultés liées à l'insuffisance de l'offre de garde, tant au niveau collectif qu'individuel.

Ainsi, seul un tiers des enfants de moins de trois ans bénéficie d'un mode de garde « institutionnel » : crèche, assistante maternelle, garde à domicile par une employée. Près de la moitié des jeunes enfants sont accueillis au sein de la famille, notamment par les grands-parents ou le voisinage ; c'est d'ailleurs le principal mode de garde en milieu rural.

Les structures collectives sont les plus touchées par cette pénurie, faisant les frais d'une politique de rigueur budgétaire au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix : les dépenses d'action sociale les concernant ont augmenté de 9,4 % seulement par an entre 1994 et 1999, contre 21 % pour les aides à la garde individuelle par le biais des prestations familiales. Les dépenses en structures collectives s'élèvent ainsi à moins de 900 millions d'euros, à comparer aux 2,9 milliards d'euros que représentent chacune l'APE et l'APJE, le 1,7 milliard d'euros de l'AFEAMA et les 135 millions d'euros de l'AGED.

Concernant la responsabilité des collectivités territoriales dans ce déficit de places de crèches, votre rapporteur souscrit totalement à la remarque de notre collègue député Claude Gaillard lorsqu'il indique 8 ( * ) : « A partir des années 80, les coûts de construction et de fonctionnement des crèches ont été jugés trop importants par les pouvoirs publics. La décentralisation amorcée en 1983 a permis à l'État de transférer cette responsabilité vers les communes, mais les collectivités locales n'ont pas été dotées des moyens adéquats pour répondre aux besoins des familles. »

Ainsi, malgré les aides à l'investissement et les prestations de services prévues par les contrats crèches et les contrats enfance signés avec les CAF, 30 % du coût de ces structures sont assurés par les communes, qui n'en ont pas toujours les moyens, notamment en zone rurale où il existe aujourd'hui une véritable pénurie d'accueil collectif.

Au côté du financement, une seconde difficulté, qui tient à la complexité sans cesse croissante des normes d'encadrement et de sécurité, a freiné considérablement le développement de ces structures.

Les normes imposées aux établissements collectifs

Le décret du 1 er août 2000 impose des normes strictes aux structures d'accueil collectif. Ainsi, une crèche collective accueillant cinquante enfants doit être dirigée par un médecin ou une puéricultrice d'au moins cinq ans d'expérience. Si la capacité d'accueil est de soixante places, la présence d'un directeur adjoint (puéricultrice, infirmier, éducateur de jeunes enfants d'au moins deux ans d'expérience) est exigée. En outre, le concours régulier d'un médecin pédiatre est obligatoire.

Le personnel d'encadrement des enfants doit être titulaire du diplôme d'État d'éducateur d'enfants, du diplôme professionnel de puériculture ou d'une qualification arrêtée par le ministère des Affaires sociales. Le taux d'encadrement ne doit pas être inférieur à un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas et un pour huit enfants qui marchent.

Enfin, toute création de crèche doit s'accompagner d'un projet éducatif pour l'accueil, le soin, le développement, l'éveil et le bien-être des enfants.

Pour tous ces motifs, la capacité d'accueil en structures collectives s'est développée trop faiblement : 5.000 places étaient créées en moyenne chaque année au milieu des années quatre-vingt ; ce chiffre est tombé à 1.500 entre 1996 et 1999. Depuis dix ans, le nombre de places en crèches n'a donc progressé que de 10 % et ce, malgré la mise en place de deux fonds de financement, les FIPE I et II. Ainsi, tandis qu'on cherchait à rendre l'accueil en crèche plus accessible aux ménages modestes, l'offre de garde collective ne suffisait pas à répondre aux besoins.

b) Une nouvelle méthode de travail

Partant de ce constat, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a choisi de placer la première Conférence de la famille de cette législature - elle n'avait pas eu lieu en 2002 pour cause d'élections présidentielle et législatives - sous le signe de la petite enfance, et plus particulièrement de son accueil.

Le Gouvernement a souhaité que cet événement ne se limite pas à l'annonce d'un train de mesures, mais qu'il devienne un véritable lieu de propositions et d'impulsion et qu'il soit l'occasion d'un débat approfondi avec l'ensemble des partenaires de la politique familiale . Dans cette perspective, une large concertation a eu lieu très en amont, afin d'offrir à chacun de ces acteurs l'occasion de s'exprimer sur les différents projets de réforme.

C'est dans cet esprit qu'ont été installés, dès le mois d'octobre 2002, trois groupes de travail appelés à émettre des propositions sur les engagements du Président de la République et du Gouvernement en matière de politique familiale : la prestation d'accueil du jeune enfant, les services à la famille et à la parentalité, les familles et l'entreprise.

Ces groupes de travail étaient composés des partenaires sociaux, des syndicats et des employeurs, des associations représentatives du mouvement familial, d'associations de professionnels des métiers de l'enfance, d'administrations, d'élus locaux et d'experts. Largement ouverte à la société civile et aux acteurs du monde économique, notamment au sein du groupe de travail « familles et entreprise », cette composition a permis des échanges riches et approfondis, une réflexion de qualité et a contribué à la formulation de propositions partagées et opérationnelles. En outre, une attention particulière a été attachée au dialogue avec le conseil d'administration de la CNAF, pour garantir un financement crédible des mesures proposées.

Les travaux de ces trois groupes de travail se sont déroulés entre les mois d'octobre et de février, mêlant auditions plénières et demandes de contributions écrites, techniques ou institutionnelles à des experts. Les conclusions de leurs travaux, sous forme de trois rapports, ont été remises à M. Christian Jacob le 25 février dernier.


Les principales propositions des groupes de travail

a) Le groupe de travail « prestation d'accueil du jeune enfant »

Pour réaliser l'objectif de simplification des dispositifs de prestations relatifs à l'accueil des enfants, en respectant les principes de libre choix par les parents du mode d'accueil de leurs enfants et de l'exercice ou non une activité professionnelle, deux scénarios de réformes ont été envisagés :

- mettre en place une prestation à deux étages, soit une allocation de base dérivée de l'actuelle APJE et un complément, en fonction du choix des familles d'interrompre une activité professionnelle ou de recourir à un mode de garde ;

- unifier totalement les prestations existantes en attribuant le même montant d'aide à toutes les familles.

Le premier scénario est apparu le plus consensuel et le moins coûteux. En outre, le groupe de travail a insisté sur la nécessité d'agir également sur le volet « offre de garde ».

b) Le groupe de travail « services à la famille »

S'agissant des services aux familles, les propositions ont porté sur :

- l'amélioration de l'accès à l'information des familles, notamment par le développement de « lieux ressources » et leur mise en réseau pour favoriser la mutualisation des expériences innovantes, un label « point-info famille » pouvant être attribué aux sites présentant toutes les conditions de fiabilité nécessaires ;

- la mise au service des familles du développement des nouvelles technologies de l'information, en particulier l'usage d'Internet ;

- la promotion et à l'accompagnement de l'essor des dispositifs de soutien à la parentalité qui se sont développés ces dernières années avec le soutien des pouvoirs publics ;

- le regroupement des différents comités de pilotage départementaux spécialisés au sein de comités d'animation départementaux de services aux familles, qui auraient pour mission de mieux fédérer et coordonner l'ensemble des initiatives locales et d'assurer un aménagement territorial équilibré de l'offre de services.

Ces différentes propositions ont été retenues et trois milliards d'euros leur seront consacrés en 2004 sur le budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

c) Le groupe de travail « familles et entreprises »

Les principaux objectifs généraux mis en avant par le groupe ont été :

- le développement de l'offre de garde d'enfants et plus généralement de services aux familles afin de faciliter la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle ;

- une meilleure harmonisation entre les temps familiaux et les temps professionnels par une gestion mieux adaptée des horaires de travail et des congés parentaux.

A cette fin, par le moyen d'un « crédit d'impôt familles », les entreprises pourraient être incitées à participer au développement de l'offre de garde ou de services familiaux proposé à leurs propres salariés (crèches d'entreprise, crèches interentreprises ou réservation de place de crèches dans d'autres structures notamment par voie de partenariat avec les acteurs institutionnels de la garde d'enfant) et à faciliter le recours aux congés parentaux par leurs salariés, par exemple en complétant les indemnisations attribuées au titre des congés de paternité ou de maternité.

Pour développer les services à caractère familial, le secteur de l'accueil des enfants et des services aux familles pourrait être ouvert aux entreprises privées.

Les deux propositions (crédit d'impôt et ouverture au secteur privé) ont été retenues. La première figure à l'article 68 du projet de loi de finances pour 2004 pour un coût prévu de dix millions d'euros.

Parallèlement, d'autres groupes de travail ont été constitués sur des sujets traités dans un autre contexte que celui de la Conférence de la famille, et dont certains ont déjà donné lieu à des mesures :

- le groupe de travail sur les manquements à l'obligation scolaire, présidé par M. Luc Machard, anciennement délégué interministériel à la famille, qui est à l'origine de l'abrogation de la mesure administrative de suspension ou de suppression des prestations familiales (article L. 552-3 du code de la sécurité sociale), inscrite dans le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance. Il a également permis de jeter les bases du plan gouvernemental en faveur de l'assiduité scolaire et de la responsabilisation des familles, présenté en conseil des ministres le 26 mars dernier ;

- le groupe de travail sur les métiers de la petite enfance, présidé par Mme Marie-Claude Petit, présidente de Familles rurales.

Votre rapporteur approuve le choix d'une méthode de travail partenariale qui a porté ses fruits en termes de propositions.

S'appuyant sur le travail mené par ces trois groupes de travail et les propositions contenues dans leurs rapports respectifs, le Gouvernement, par la voix de son Premier ministre et du ministre délégué à la famille, a annoncé plusieurs mesures ambitieuses en faveur des familles, dont les plus importantes trouvent leur traduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 2004.

Les mesures annoncées lors de la Conférence de la Famille 2003

1. Faciliter l'accueil de l'enfant avec la PAJE

Mise en place au 1 er janvier 2004, la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) regroupera les six prestations principales existantes, qui représentent huit milliards d'euros.

Coût prévu : 850 millions d'euros d'ici 2007 (140 millions d'euros en 2004).

2. Développer l'offre de garde grâce à l'amélioration du statut des assistantes maternelles et un plan de créations de places en crèches

- Mise en place d'un statut attractif pour les assistantes maternelles non permanentes.

Coût : 50 millions d'euros sur deux ans (10 millions d'euros en 2004).

- Lancement d'un « plan crèches » à partir de 2004 permettant de créer 20.000 places supplémentaires.

Coût : 200 millions d'euros (50 millions d'euros en 2004).

3. Inciter les entreprises à mener des actions de politique familiale en faveur de leurs salariés avec le « crédit d'impôt familles »

- Mise en place du « crédit d'impôt familles » annoncé par le Président de la République en faveur des entreprises avec un taux d'aide fiscale attractif, fin de permettre une conciliation plus aisée entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Coût : 100 millions d'euros de dépenses d'ici à 2007.

4. Renforcer la médiation familiale et les services aux familles

- mise en place de points d'info familles, lieux « ressources » réunissant tous les acteurs institutionnels et associatifs des services aux familles ;

- lancement d'un portail Internet de services aux familles ;

- mise en place d'un financement pérenne pour la médiation familiale afin de garantir le fonctionnement des structures qui interviennent dans ce secteur.

Coût : environ six millions d'euros (trois millions en 2004).

2. La garde des jeunes enfants

a) Le libre choix du mode de garde

Une offre de garde variée mais déséquilibrée

Représentant 25,5 % du total des prestations légales de la branche famille, les prestations concernant la garde des enfants entre la naissance et trois ans sont fortement sollicitées depuis quelques années par l'augmentation du nombre de la natalité, d'autant que les allocations familiales n'étant versées qu'à partir du second enfant, le coût du premier enfant est pris en charge par les prestations en faveur de la petite enfance. Les dépenses de la branche famille dans ce domaine ont de ce fait crû de près de 4 % par an depuis 2000.

Votre rapporteur constate, à cet égard, qu'au sein de l'Union européenne, la France est le seul pays à ne pas prendre en compte la première naissance au titre des allocations familiales, mesure pourtant réclamée par l'ensemble des associations familiales. Il constate toutefois que son coût (1,5 milliard d'euros) serait actuellement prohibitif, sauf à revoir les priorités de la politique familiale et des dépenses de la branche.

Les prestations pour garde d'enfants sont, d'une part l'AGED, pour la garde d'enfant par une employée à domicile, d'autre part l'AFEAMA lorsque l'enfant est confié à une assistante maternelle, ainsi que l'APJE et l'APE.


Les différents modes de garde

1. Les modes de garde collectifs

Ces structures accueillent environ 10 % des enfants de moins de trois ans.

Crèches collectives traditionnelles : elles accueillent des enfants, soit à proximité du domicile des parents (crèche de quartier), soit sur le lieu de travail des parents (crèche de personnel).

Crèches parentales : elles s'inscrivent dans une logique particulière, dans la mesure où elles sont gérées par les parents qui s'occupent eux-mêmes à tour de rôle des enfants, sous la direction de personnels qualifiés.

Crèches familiales : les enfants sont accueillis au domicile de l'assistante maternelle agréée rémunérée par la collectivité locale (à la différence des assistantes maternelles libérales dont l'emploi donne droit à l'AFEAMA).

Halte-garderies : elles accueillent ponctuellement les enfants de moins de six ans au cours de la journée et peuvent être traditionnelles ou parentales.

2. Les modes de garde individuels ou intermédiaires

Assistantes maternelles : elles sont agréées par leur département et gardent à leur domicile trois enfants au maximum. 20 % des enfants sont accueillis de cette manière ; ce mode de garde est financé par l'AFEAMA.

Garde à domicile : la garde est assurée à domicile par une employée ayant signé un contrat de travail avec les parents. Ce système, qui ne concerne que 2 % des enfants, est partiellement financé par l'AGED.

Garde non institutionnelle : ce vocable regroupe la garde par l'un des parents, le plus souvent la mère, avec le bénéfice de l'APE ou de l'APJE, mais également par l'entourage (grands-parents, voisinage). Près de deux tiers des jeunes enfants sont gardés de cette manière.

Ces différents modes de garde n'ont pas un coût identique pour les familles, d'autant que certains ont été privilégiés par des choix politiques et budgétaires.

Comme votre rapporteur l'a rappelé précédemment, les modes de garde collectifs ont été quelque peu délaissés par les pouvoirs publics jusqu'à une période récente, au profit, dans un premier temps, de l'accueil par une assistante maternelle agréée. L'AFEAMA a ainsi connu une augmentation considérable : + 7,5 % en 2003, + 10,4 % en 2000 et en 2001, + 14,5 % en 2002.

L'effort a ensuite porté sur les crèches, avec la récente mise en oeuvre des deux fonds d'investissement spécifiques (FIPE I et II), cette fois au détriment de l'AGED, dont seulement 60.000 familles profitent aujourd'hui.

Il en résulte l'absence d'un véritable libre choix pour les familles, en raison des importants écarts de coût existant entre les différents modes de garde. Les crèches et les assistantes maternelles constituent désormais les deux modes de garde les moins onéreux pour les parents.

Les crèches, qui ont le coût le plus élevé pour la collectivité, sont particulièrement avantageuses financièrement, pour les familles modestes, à la naissance du premier enfant. Le taux d'effort associé aux crèches est même nul jusqu'à 1,4 SMIC en raison du bénéfice de l'APJE, d'un montant supérieur au coût d'une place en crèche.

Le recours à une assistante maternelle, système de garde le plus abordable pour la collectivité, revient moins cher aux ménages les plus aisés pour le premier enfant (à partir de trois SMIC). En outre, le complément d'AFEAMA permet aux revenus inférieurs à 1,8 SMIC de prétendre plus facilement à ce mode de garde.

En revanche, l'AGED et l'APE ne compensent que de façon limitée les coûts induits par la garde d'enfant. Ainsi, l'emploi à taux plein d'une garde à domicile ne peut être financièrement supporté que par les ménages les plus aisés (3/4 des bénéficiaires de l'AGED appartiennent aux 20 % de familles les plus aisées parmi celles qui ont un enfant de moins de six ans).

Votre rapporteur souhaite le développement de la diversification des modes de garde, afin que les familles puissent réellement choisir celui qui leur convient, sans que ce choix soit le fait de contraintes financières trop lourdes. A cet égard, il ne peut donc que se féliciter largement de la mise en place de la PAJE.

Des familles mieux solvabilisées

Instituée par l'article 50 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, la PAJE est constitué de deux volets : une prime à la naissance ou à l'adoption de 800 euros et une allocation de base mensuelle de 160 euros versée jusqu'aux trois ans de l'enfant, complétées, en fonction du choix des parents, par un complément de mode de garde ou un complément d'activité (en cas de cessation de l'activité professionnelle de l'un des parents).

Ainsi, le plafond de ressources s'appliquant à la prime à la naissance ou à l'adoption et à l'allocation de base sera augmenté de 37 % par rapport à l'actuelle APJE pour s'établir à 4.100 euros : 90 % des familles pourront ainsi bénéficier du premier volet de la PAJE, c'est-à-dire un total de 1,9 million, soit 200.000 familles nouvelles . La PAJE touchera donc un nombre jamais atteint de familles, y compris celles à revenus moyens aujourd'hui exclues de l'APJE.

En outre, cette prestation concernera également les familles adoptantes, qui auront désormais droit à une prime d'adoption de 800 euros à l'arrivée de l'enfant, ainsi qu'à l'allocation de base, versée pendant trois ans quel que soit l'âge de l'enfant. Le dispositif assure ainsi l'égalité des droits entre toutes les familles qui accueillent un nouvel enfant et assure une assimilation complète des familles adoptantes. L'actuelle allocation d'adoption était en effet peu lisible et ses règles de cumul avec l'APJE particulièrement complexes.

Par ailleurs, les 12.000 familles concernées chaque année par des naissances multiples percevront une allocation de base pour chaque enfant et non plus forfaitairement.

Enfin, la PAJE sera versée dans les départements d'outre-mer dans les mêmes conditions qu'en métropole, alors que ces derniers se voyaient auparavant appliquer un plafond de ressources inférieur de 10 % à celui pris en compte en métropole pour le calcul de l'ouverture des droits à prestations. Elle se rapproche ainsi d'une politique familiale véritablement universelle.

Gains pour les familles résultant du versement de la PAJE

Revenu par famille par mois

1 SMIC
915 €

2 SMIC
1.830 €

3 SMIC
2.750 €

3,5 SMIC
3.200 €

4 SMIC
3.660 €

4,5 SMIC
4.120 €

5 SMIC
4.575 €

Situation actuelle avec l'APJE

160 €

160 € 0

160 €

0

0

0

0

Situation proposée avec la PAJE

160 €

160 €

160 €

160 €

160 €

160 €

0

Gains par mois

 
 
 

+ 160 €

+ 160 €

+ 160 €

 

Source : ministère délégué à la famille

Le coût des systèmes de garde demeure un élément déterminant du choix des familles. Une étude du centre de recherche et de développement sur la consommation (CREDOC) de février 2000 montrait déjà que 43 % des parents n'avaient pas recours au mode de garde qu'ils auraient souhaité.

La PAJE a donc pour objectif de remplacer les prestations existantes dans le domaine du financement de la garde d'enfant, afin de lisser les déséquilibres et de mieux solvabiliser les familles.

Les différentes prestations remplacées par la PAJE

La PAJE se substituera aux cinq prestations suivantes :

APJE courte et longue (allocation pour jeune enfant)

- 159 euros par mois versés du cinquième mois avant la naissance jusqu'aux trois ans de l'enfant, sous condition de ressources (revenus mensuels inférieurs à 3.000 euros).

- 1,4 million de familles concernées.

L'APJE est répartie entre deux allocations : l'APJE courte (du cinquième mois de grossesse jusqu'aux trois mois de l'enfant) et longue (des quatre mois jusqu'aux trois ans de l'enfant).

Coût total : 2,9 milliards d'euros.

APE (allocation parentale d'éducation)

- 493 euros par mois versés en cas de retrait d'activité professionnelle du parent jusqu'aux trois ans de l'enfant.

- 550.000 familles concernées.

- Pas de condition de ressources.

Coût actuel : 3 milliards d'euros.

AFEAMA (aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée)

- Prestation versée jusqu'aux six ans de l'enfant.

- Trois volets représentant environ 430 à 500 euros par mois une rémunération de l'assistante maternelle pour un temps de garde plein :

1/ Exonération à 100 % des cotisations sociales (soit 250 euros par mois)

2/ Complément légèrement modulé selon le revenu : entre 136 et 200 euros par mois.

3/ Réduction d'impôt maximale de 48 euros par mois (575 euros par an).

- 600.000 familles concernées, nombre en forte progression.

Coût actuel : 2 milliards d'euros.

AGED (allocation de garde d'enfant à domicile)

- Versée jusqu'aux six ans de l'enfant.

- Deux volets :

1/ Exonération des cotisations sociales entre 50 et 75 % selon le revenu (100 % jusqu'en 1997).

2/ Réduction d'impôt jusqu'à 5.000 euros par an (réduction d'impôt « emplois à domicile »).

- 60.000 familles concernées, soit une diminution d'un tiers depuis 1997.

Coût actuel : 135 millions d'euros.

Source : ministère délégué à la Famille

A côté de la prime à la naissance et de l'allocation de base, la PAJE comporte en outre deux compléments, variables suivant le mode de garde de l'enfant et l'activité professionnelle des parents.

Le premier de ces complément, appelé « libre choix du mode de garde », s'adresse aux familles dont au moins l'un des parents choisit de continuer à exercer une activité professionnelle. Il est calculé par enfant, en cas de garde par une assistante maternelle ou en crèche, et par famille dans le cas d'une garde à domicile. Il est en outre réduit de moitié pour les enfants âgés de trois à six ans fréquentant un accueil périscolaire, dans la mesure où ils sont scolarisés.

Ce complément décroît avec l'augmentation des revenus afin de favoriser les familles à revenus modestes et moyens et leur permettre de choisir librement leur mode de garde . Il s'élève à : 150 euros pour un revenu de plus de 4,5 SMIC, 250 euros entre 2,1 et 4,5 SMIC et 350 euros pour un revenu inférieur. Le Gouvernement a décidé d'y consacrer 400 millions d'euros supplémentaires par rapport aux prestations existantes, soit 20 % de plus que les crédits consacrés à l'AGED et à l'AFEAMA réunis.

La revalorisation de cette prestation permettra notamment aux revenus modestes et intermédiaires d'avoir accès aux services d'une assistante maternelle, en rapprochant leur taux d'effort de celui résultant de la garde en structures collectives. Toutefois, la garde à domicile par une employée restera trop coûteuse pour les revenus les plus faibles.

Création d'un libre choix entre une assistante maternelle
et une place en crèche pour les familles modestes

Revenu mensuel des parents

1 SMIC
915 €

1,5 SMIC 1.370 €

2 SMIC
1.830 €

% du revenu consacré à la garde en crèche

10,7 %

9,4 %

8,9 %

% du revenu consacré aujourd'hui à la garde par une assistante maternelle

28 %

18,8 %

14 %

% du revenu consacré à la garde par une assistante maternelle avec la PAJE

12 %

7,8 %

5 %

Source : Ministère délégué à la famille

En outre, les cotisations sociales restent prises en charge entièrement en cas de garde par une assistante maternelle et à 50 % pour une garde à domicile. Les réductions d'impôt existantes sont également maintenues.

Enfin, le complément de libre choix du mode de garde tend à favoriser le développement des entreprises dans le secteur de la garde d'enfants puisqu'il bénéficie aux familles qui passent par un mandataire ou un prestataire de service (association ou entreprise) pour la garde de leur enfant, alors qu'elles devaient auparavant être uniquement employeur direct.

La PAJE sera aussi l'occasion de simplifier et de moderniser les relations des familles avec leur CAF. En effet, les circuits de gestion de ce complément de garde seront simplifiés par rapport à ceux existant actuellement pour l'AGED et l'AFEAMA. Après vérification des droits à l'allocation par la CAF, la déclaration des rémunérations versées se fera auprès d'un centre de recouvrement, au moyen d'un « chéquier PAJE », sur le modèle du dispositif existant pour le chèque emploi service. Les formalités administratives imposées aux familles seront donc allégées et les risques de rupture de droits supprimés.

L'objectif annoncé par le Gouvernement est l'augmentation de 200.000 enfants pris en charge par l'un des trois modes d'accueil institutionnels d'ici à 2007.

b) Le libre choix d'activité

Le second complément de la PAJE, le complément de libre choix d'activité, est destiné aux parents souhaitant arrêter de travailler pendant un temps plus ou moins long, afin de s'occuper eux-mêmes de leur enfant : 556.000 enfants de moins de trois ans sont actuellement gardés par l'un de leurs parents, la mère dans la grande majorité des cas, avec le bénéfice de l'APE et 400.000 le sont grâce au versement de l'APJE longue.

Ce complément a pour objet de compenser une partie de la perte de rémunération liée à l'arrêt d'activité professionnelle et remplace l'APE. Son montant est fixé à 334 euros versés par famille pour une durée de trois ans, s'ajoutant aux 160 euros de l'allocation de base (soit 494 euros, le niveau actuel de l'APE).

Cette prestation sera versée dès le premier enfant , en cas de retrait total de la vie professionnelle (avec une condition d'activité continue dans les deux ans précédant la naissance de l'enfant), pendant les six mois suivant le congé de maternité.

Par ailleurs, le complément de libre choix d'activité est augmenté de 15 % par rapport à l'actuelle APE pour un temps partiel, ce qui représente un gain de 37 à 49 euros par mois pour 125.000 familles à revenus modestes. Il sera dans ce cas cumulable avec le complément libre choix du mode de garde de la PAJE.

Comparaison entre l'APE et la PAJE

 

Situation actuelle

Situation avec la PAJE

Gain

Temps partiel au plus égal à 50 %

APE : 326 €/mois

375 €/mois
Décomposition :
Allocation de base : 159 €
Complément : 216 €

+ 49 €/mois

Temps partiel entre 50 et 80 %

APE : 246 €/mois

283 €/mois
Décomposition :
Allocation de base : 159 €
Complément : 124 €

+ 37 €/mois

Source : Ministère délégué à la famille.

S'il approuve ce dispositif, votre rapporteur s'étonne que les modalités de mise en oeuvre envisagent de renforcer les exigences d'activité professionnelle pour en être bénéficiaire.

Actuellement, le versement de l'APE, est subordonné à une activité professionnelle de deux ans pendant les cinq dernières années pour deux enfants à charge et les dix dernières années pour trois enfants. Or, le projet de décret prévoit de restreindre ces durées à deux ans dans les quatre ans pour deux enfants à charge et deux ans dans les cinq ans pour trois enfants. Ces conditions sont extrêmement restrictives, notamment pour les familles nombreuses à naissances rapprochées, où l'arrêt de l'activité est le plus souvent inévitable.

Ces conditions pénalisent également les jeunes mères étudiantes ou en fin d'études, qui n'ont pas encore eu la possibilité d'exercer un emploi, ou celles qui présentes moins de deux ans d'activité professionnelle et qui se trouvent en effet exclues de droit du dispositif.

Votre rapporteur souhaitait donc une reconsidération du projet de décret relatif aux modalités de mise en oeuvre de la prestation afin d'assouplir les conditions de recours au complément de libre choix d'activité. Il semble avoir été entendu puisque, devant votre commission des Affaires sociales, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a indiqué que les périodes de congé parental, de congé maternité ou paternité, de congé maladie ou de formation professionnelle seraient comptabilisées comme périodes travaillées pour l'ouverture des droits au complément de libre choix d'activité.

3. Accroître les capacités d'accueil

La PAJE ne pourra s'appliquer dans de bonnes conditions que si l'offre de garde est considérablement développée.

a) Poursuivre le développement de l'accueil collectif

Les programmes FIPE I et II pour la création de places de crèches

L'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a créé, au sein du FNAS, un fonds d'investissement de 227 millions d'euros pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance (FIPE).

Ce dispositif est fortement incitatif puisque la création ou l'aménagement de celles-ci peut être subventionné à hauteur de 6.000 à 11.000 euros par place. Il permet aussi d'encourager l'innovation puisque des subventions majorées sont prévues pour les structures multi-accueil ou qui répondent à des objectifs prioritaires.

Comme l'avait souligné en son temps votre rapporteur, la précipitation dans laquelle fut conduite l'attribution des crédits du premier FIPE a exclu, de fait, de nombreux dossiers. En effet, dès le 4 janvier 2001, les crédits du FIPE I étaient engagés à 56 %, et à 80 % au 30 mars 2001, après seulement trois mois d'existence.

En conséquence, le précédent gouvernement avait annoncé, lors de la Conférence de la famille du 11 juin 2001, l'ouverture d'une nouvelle tranche de crédit pour 150 millions d'euros, le FIPE II ou AEI.

Ce second fonds se proposait ainsi d'accorder des subventions d'aide à l'investissement pour financer l'effort de développement et la diversification des propositions d'accueil des jeunes enfants de deux-trois ans, ainsi que les aides à l'équipement des assistantes maternelles (AEI ou aide exceptionnelle à l'investissement).

Lors de son audition par votre commission, Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF, a par ailleurs indiqué que l'ensemble des crédits du FIPE I avaient été consommés et que les dernières disponibilités du FIPE II étaient sur le point d'être distribuées aux derniers projets sélectionnés.

La mise en oeuvre de ces fonds a permis la création de près de 54.000 places de crèches supplémentaires, pour un coût total d'environ 350 millions d'euros.

Gestion et situation financière du FIPE I et de l'AEI

 

Financement AEI

Financement FIPE I

Financement mixte

TOTAL

Nombre de projets

892

1.529

15

2.436

Total places financées

19.933

33.569

490

53.992

Places nouvelles

11.723

19.201

372

31.296

Montant FIPE engagé

-

217.687.506 €

1.911.568 €

219.599.075 €

Montant AEI engagé

128.257.049 €

-

2.351.839 €

130.608.888 €

Source : CNAF

Sans en contester l'utilité, votre rapporteur souhaite rappeler que les conditions financières de la mise en oeuvre de ces fonds n'ont pas été sans poser de problème.

En effet, comme pour le FIPE I, les dépenses prévues par le biais de l'AEI, prises sur les excédents de la branche famille (exercice 2000) et inscrites en dépenses exceptionnelles, n'ont pas été validées par un vote du Parlement, puisque n'étant traduites ni par un article de la loi de financement, ni intégrées à l'objectif de dépenses, lui même voté.

De ce fait, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 décembre 2001, a annulé la disposition de l'article 59 de la loi de financement pour 2002 relatif à l'AEI, au motif qu'elle n'avait de conséquence que sur l'exercice 2000, dont il n'était pas question dans la loi de financement pour 2002. Toutefois, si le Conseil a bien considéré que cet article n'avait pas sa place en loi de financement, sa décision est restée partielle en n'abordant pas la question de l'absence de vote de cette dépense par le Parlement.

A la suite de cette annulation, il a fallu trouver une solution pour permettre le décaissement des crédits prévus par le FIPE II, alors même que certains avaient déjà été engagés sur des projets.

Une tentative, par un amendement au projet de loi sur l'autorité parentale de février 2002, pour réintroduire cette enveloppe de 230 millions d'euros s'est heurtée à l'irrecevabilité tirée de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale : seule une loi de financement de la sécurité sociale peut modifier les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base.

C'est finalement sous la forme d'un avenant à la COG 2001-2004, signé entre l'État et la CNAF, que le FIPE II a été mis en oeuvre.

Face à une telle complexité, une clarification de l'inscription des deux fonds dans les comptes de la branche famille s'est avérée nécessaire, même si elle n'est pas apparue totalement convaincante à votre rapporteur.

Concernant le FIPE I, il a été considéré, dans un premier temps, que les termes de l'article 23 de la loi de financement pour 2001 autorisaient que le fonds ne soit pas inscrit dans l'agrégat de dépenses, alors même que le compte de la CNAF l'avait pris en compte pour le calcul de l'excédent.

Mais, par la suite, a été mise en place une imputation pluriannuelle du FIPE I en fonction des décaissements qui a posé deux problèmes : un problème de conformité avec le système des droits constatés et une difficulté plus grave d'inscription de cette enveloppe dans l'agrégat de dépenses rectifié pour 2002 et l'objectif de dépenses pour 2003, alors que cette dépense n'apparaissait pas dans l'objectif de dépenses pour 2001.

En conséquence, votre rapporteur pose légitimement la question de l'existence d'une base légale à cette inscription, qui n'a été prévue ni par les voies législative ou réglementaire, ni par une convention.

Quant au FIPE II, il prend désormais la forme d'une prestation extralégale exceptionnelle, qui a trouvé une ratification dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (objectif révisé pour 2002 et objectif pour 2003).

Cette base légale peut être considérée comme valide au regard des dispositions de l'article L. 263-1 et R. 263-1 du code de la sécurité sociale, suffisamment larges quant à la définition des prestations légales pour y intégrer l'AEI.

Mais la situation actuelle n'est pourtant pas totalement satisfaisante, en raison du défaut d'information du Parlement sur la question du FIPE II, puisqu'il n'en est aucunement fait mention dans les annexes à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

Ceci appelle un double commentaire de la part de votre rapporteur.

En premier lieu, il considère qu' une meilleure information du Parlement sur le sous-agrégat de l'action sociale est indispensable dans les annexes du projet de loi de financement.

En second lieu, il convient de combler deux lacunes de la loi organique de 1996 : la possibilité d'inscrire des mesures d'urgence ratifiées a posteriori et la création d'un outil de financement pluriannuel.

La mise en place d'un troisième fonds d'investissement

Pour poursuivre son action en faveur de l'offre de places en crèches, le Gouvernement propose la mise en oeuvre d'un troisième plan d'investissement du même type que les deux précédents.

200 millions d'euros de crédits, dont 50 millions dès 2004, seront ouverts pour la création de 20.000 places de crèches supplémentaires, en favorisant les projets innovants, notamment en matière d'horaires d'accueil. Une attention particulière sera également portée à l'accueil des enfants handicapés, point auquel votre rapporteur est particulièrement sensible. Ce troisième fonds pourra aussi financer les crèches d'entreprises, ainsi que tout projet mixte public/privé.

Votre rapporteur approuve les intentions de ce projet, mais déplore qu'il prenne à nouveau la forme d'un avenant à la COG 2001-2004. Encore une fois, le Parlement ne pourra se prononcer sur cette mesure.

Le crédit d'impôt famille

Une autre innovation annoncée lors de la Conférence de la famille du 29 avril dernier consiste en un crédit d'impôt familles au profit des entreprises qui financent des structures de garde ou accorderont des compléments de salaire, destinés à améliorer la prise en compte des contraintes familiales de leurs salariés.

Il convient de noter que des crèches d'entreprises existent déjà, notamment dans les hôpitaux. Toutefois, votre rapporteur estime qu'elles doivent être mises en place en collaboration avec les organisations syndicales, en particulier le comité d'entreprise, afin d'éviter d'éventuels abus , tel un assouplissement excessif des horaires de travail demandés aux salariés en contrepartie d'une garde extensible de l'enfant sur le lieu de travail.

A l'heure actuelle, 35 % de ces dépenses peuvent déjà être déduits des sommes imposables au titre de l'impôt sur les sociétés ou sur le revenu. Afin d'inciter les entreprises à développer ces initiatives, le Gouvernement a choisi de mettre en place un crédit d'impôt de 25 % des sommes engagées (article 68 du projet de loi de finances pour 2004). Le taux de prise en charge effectif par l'État de ce type de dépenses serait ainsi porté à 60 % des sommes versées par les entreprises , jusqu'à un plafond de 500.000 euros.

Le développement d'une offre de garde privée

Enfin, le développement de l'offre de garde des jeunes enfants pourrait être favorisé par l'ouverture de ce secteur à des entreprises privées, à titre expérimental dans un premier temps. La proposition gouvernementale consiste à autoriser la création de crèches sous la forme d'une entreprise privée à but lucratif. Soumises aux obligations communes d'hygiène, de sécurité et de formation du personnel, ces structures pourraient toutefois bénéficier d'un financement public par le biais des prestations de service servies par le FNAS.

Tout comme le conseil d'administration de la CNAF, votre rapporteur n'est pas opposé à un tel principe, à quelques conditions près : que ces structures soient contrôlées afin d'offrir aux enfants la même qualité d'accueil que les crèches traditionnelles, condition sine qua non à une participation financière publique, et qu'elles soient accessibles à l'ensemble des familles.

Or, il considère que le coût de fonctionnement d'une crèche privée, soumise à TVA et assumant des charges de personnel importantes, entraînera l'imposition de tarifs d'accueil élevés et l'éviction des familles à revenus modestes.

Si toutefois l'expérimentation se révélait concluante, il rappelle que cette nouvelle offre privée doit venir en complément des structures collectives actuelles ; elle n'a pas vocation à devenir prépondérante, y compris dans les communes les plus favorisées.

b) Réformer le statut des assistantes maternelles

Assouplir les conditions d'accueil

Depuis dix ans, les rythmes de travail des familles ont sensiblement évolué et le temps partiel, la semaine de quatre jours, les horaires atypiques se sont développés, notamment avec la mise en place de la réduction du temps de travail. En conséquence, la demande des familles ne se porte plus systématiquement sur l'accueil de l'enfant pendant l'intégralité de la journée et cinq jours par semaine, rythme qui constituait auparavant la norme de référence.

Par ailleurs, la reprise de la natalité a accru la demande des ménages, qui se porte fréquemment sur les assistantes maternelles, solution de compromis entre la crèche - trop rare - et l'employée à domicile - trop coûteuse.

Les assistantes maternelles ne peuvent toujours répondre à la demande des parents, en raison de la rigidité actuelle de leur agrément qui ne les autorise à garder qu'un maximum de trois enfants, quelle que soit la durée de l'accueil de chacun d'eux. Cette situation est également pénalisante pour les assistantes maternelles elles-mêmes, qui voient leur revenu diminuer lorsque la garde d'un enfant passe d'un temps complet à un temps partiel et qu'elles n'ont pas la possibilité d'en accueillir plus de trois. Les demandes d'accueil partiel sont alors souvent refusées aux parents, car il est plus simple et plus rémunérateur d'accueillir des enfants pour des temps pleins et à un rythme régulier.

C'est pour répondre à une situation, qui ne satisfait ni les familles ni les professionnelles, que le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, en cours d'adoption, a prévu d'assouplir l'agrément des assistantes maternelles. Il propose que la limite de trois enfants porte sur le nombre de mineurs accueillis simultanément par l'assistante maternelle et non globalement. Par exemple, elle pourra garder en alternance six enfants à mi-temps au lieu de trois actuellement.

• Revaloriser la profession

Le nombre d'assistantes maternelles augmente de 9 % par an depuis dix ans, mais leur statut, mis en place en 1977 et modifié à la marge en 1992, n'a pas évolué. Il est aujourd'hui totalement inadapté, notamment au regard des importantes responsabilités qui pèsent sur elles.

Ce statut mérite donc d'être revalorisé, pour améliorer à la fois la qualité de l'accueil des enfants et celle des conditions de travail des assistantes maternelles. Une véritable formation initiale pourrait être créée dans ce domaine permettant un déroulement de carrière dans d'autres métiers de la petite enfance.

Il apparaît en outre souhaitable d'augmenter leur rémunération, le salaire net moyen des 368.000 assistantes maternelles s'élevant seulement, en 2002, à 542 euros, avec de fortes disparités entre les régions.

Enfin, il serait utile de distinguer plus clairement les deux professions différentes que sont les assistantes maternelles permanentes (les familles d'accueil de l'aide sociale à l'enfance) et non permanentes (les « nourrices »).

Tous ces éléments ont été pris en compte par le Gouvernement, qui annonce une réforme législative courant 2004 permettant la mise en place d'un statut attractif pour les assistantes maternelles non permanentes : revalorisations salariales, alignement du statut sur le droit commun du travail (contrat de travail écrit, prise des congés, procédure de licenciement, durée du travail, mandats syndicaux, etc.), création de perspectives de carrière, notamment par le renforcement de leur formation (initiale et continue). A cet effet, une partie des cotisations employeurs seront financées par la branche famille et alimenteront respectivement un fonds le paritarisme (0,12 % des cotisations), des actions de formation professionnelle continue (0,15 %) et un dispositif de prévoyance santé.

En rendant le métier d'assistante maternelle plus attractif, ce nouveau statut permettra ainsi la création de plusieurs centaines de milliers d'emplois. On estime en effet à près de 500.000 postes, d'ici à 2010, le vivier d'emplois dans ce secteur.

Le coût prévu de cette réforme est estimé à 50 millions d'euros sur deux ans (2004 et 2005), dont 10 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 au titre du fonds pour le paritarisme et de la formation professionnelle continue. La dépense effective sera d'ailleurs inférieure puisque la réforme n'interviendra qu'en cours d'année. En 2005, sera organisée la prise en charge d'une partie des cotisations sociales employeurs affectées à la prévoyance, avec la création d'une complémentaire santé et accidents du travail.

B. ADOLESCENTS ET JEUNES ADULTES, LE CHANTIER DE DEMAIN

1. L'adolescence, un enjeu de la politique familiale

a) Une période essentielle de mutation à préserver

L'adolescence est un état variable d'un individu à l'autre, elle peut être plus ou moins tardive et plus ou moins longue. Les repères en sont fluctuants : l'âge de la puberté reste la référence pour les médecins, celui de la majorité pour les juristes ou encore celui de l'accès au RMI pour les services sociaux.

En retenant la période comprise entre onze ans (âge d'entrée dans l'enseignement secondaire) et dix-huit ans (âge de la majorité légale), la France compte près de 5,4 millions d'adolescents, soit 9 % de la population totale. On comprend alors l'importance d'une politique appropriée aux spécificités de cet âge.

La population adolescente au 1 er janvier 2003

(en milliers)

 
 
 
 
 
 
 
 

Total adolescents

Population totale

60 ans et plus

Age au 1/1/2003

11 ans

12 ans

13 ans

14 ans

15 ans

16 ans

17 ans

Garçons

387

391

393

395

396

401

395

2.758

28.972

5.223

Filles

368

372

376

377

379

384

379

2.635

30.654

7.081

Total

755

763

769

772

775

785

774

5.392

59.626

12.304

Source : INSEE, bilan démographique 2002, France métropolitaine

L'adolescence marque le passage de l'enfance à l'âge adulte, c'est une période normale de transformations qui touche l'ensemble de la personne. Ces changements divers s'accompagnent d'un besoin accru d'indépendance, notamment à l'égard de la famille, qui s'exprime régulièrement par une relation conflictuelle. De fait, l'adolescent juge indispensable la reconnaissance de son individualité par le monde adulte en général et en arrive parfois à agir de manière excessive pour attirer l'attention : conduites agressives, tentatives de suicide, échec scolaire...

Toutefois, si la crise de l'adolescence est inévitable, les adolescents en crise ne sont qu'une minorité. L'enjeu d'une politique en faveur des adolescents et de leur famille est donc bien de tenir cette crise dans des limites maîtrisables par la société et le jeune lui-même. Pourtant, l'adolescence a longtemps été un volet oublié de la politique familiale , hormis les mesures spécifiques en faveur des enfants en danger et des délinquants.

Sans vouloir tomber dans le travers qui consisterait à définir ou afficher un « plan » pour toute question ou tranche d'âge, les adolescents apparaissent bien comme les parents pauvres de la politique familiale. On peut identifier aisément des politiques en faveur de la petite enfance et le début d'une réflexion sur la question des jeunes adultes (18-25 ans). Mais l'adolescence est un âge intermédiaire qui n'a pas fait l'objet, jusqu'à aujourd'hui, d'une politique formalisée. D'ailleurs, à l'exception des allocations familiales, seule l'allocation de rentrée scolaire, d'un montant de 1,3 milliard d'euros, peut être considérée comme une aide indirecte en faveur des adolescents scolarisés.

C'est pourquoi votre rapporteur ne peut que soutenir l'annonce faite par M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, de consacrer la prochaine Conférence de la famille du printemps 2004 au thème de l'adolescence.

b) La Conférence de la famille de 2004

Pour préparer ce rendez-vous, la méthode proposée est identique à celle mise en oeuvre la fois précédente et qui a fait la preuve de son efficacité. Trois groupes de travail seront mis en place le 12 novembre 2003 et réuniront l'ensemble des acteurs concernés à différents niveaux par la question : éducateurs, associations familiales, médecins, élus, etc. Chaque groupe traitera d'un des aspects du sujet : « adolescence : projet personnel, engagements collectifs », « adolescence, famille et santé », « adolescence, famille et loisirs », afin de proposer des mesures concrètes qui trouveront, pour certaines, leur traduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Le fil conducteur de ce prochain train de mesures familiales en faveur des adolescents est de cerner le sujet sous l'angle de la famille, et notamment des parents, ainsi que l'a indiqué le ministre délégué dans son discours inaugural des Rencontres nationales de l'adolescence du 18 octobre dernier :

« L'adolescence est un moment de mutation et toute mutation est porteuse en elle-même de difficultés. Les parents et les familles, en ces moments sensibles et décisifs, doivent plus que jamais assumer leur fonction d'éducateurs, alors que, souvent désemparés et parfois dépassés, c'est le moment où certains démissionnent.

« Une véritable politique familiale doit répondre aux attentes et aux espoirs des adolescents, mais aussi conforter et accompagner les parents dans cette période de vie de leurs enfants (...).

« La cohésion sociale passe par la solidité du noyau familial. Tous les sondages expriment qu'adultes et adolescents réunis placent au premier rang des valeurs et de l'expression du bonheur, la famille. »

Votre rapporteur approuve le choix de ce thème de réflexion et estime que l'âge adolescent doit sérieusement être pris aujourd'hui en considération par les pouvoirs publics. Il rappelle, à cet égard, les conclusions présentées par le groupe d'études sénatorial sur les problématiques de l'enfance et de l'adolescence 9 ( * ) , qui pourraient utilement contribuer aux travaux de la Conférence de la famille.

2. Prendre en compte les jeunes adultes

Si l'on veut abréger la phase de transition que constitue l'adolescence, il faut aider les parents à accompagner leurs enfants vers l'autonomie.

a) L'effet de seuil des prestations familiales

En 2001, une étude de la CNAF 10 ( * ) a brossé un tableau statistique et commenté de la situation des jeunes adultes qui traduit une dégradation régulière de leur situation matérielle depuis dix ou vingt ans et un accès à l'autonomie plus tardif et plus difficile.

Une part importante des jeunes ne prend aujourd'hui son indépendance qu'avec l'aide de ses parents : 30 % des hommes et 20 % des femmes nés entre 1968 et 1972, ayant quitté le domicile des parents après leurs études et avant 24 ans, ont ainsi bénéficié d'une aide parentale pour se loger, contre moins de 10 % pour les jeunes nés entre 1963 et 1967 11 ( * ) .

En raison de la prolongation de la durée des études et de la fixation d'un seuil pour l'octroi des minima sociaux, à 26 ans par exemple pour le RMI, les jeunes adultes représentent aujourd'hui une lourde charge financière pour les familles, souvent bien au-delà de l'âge limite de versement des prestations familiales.

La question de l'aide aux familles ayant de jeunes adultes à charge s'est donc rapidement confondue avec celle de la limite d'âge pour le versement des prestations familiales.

La loi relative à la famille du 25 juillet 1994 prévoyait ainsi le relèvement progressif de cette limite afin de tenir compte de ce nouveau phénomène social.

La première étape consistait au relèvement de 18 à 20 ans du versement des prestations familiales, quelle que soit la situation de l'enfant (sous la seule réserve qu'il ne perçoive pas un revenu supérieur à 55 % du SMIC).

Les étapes suivantes concernaient les cas particuliers pour lesquels la limite d'âge était déjà fixée à 20 ans (étudiants, apprentis, stagiaires de la formation professionnelle, infirmes) et qui devait être portée à 22 ans pour les prestations de logement, l'allocation de soutien familial et de parent isolé, le complément familial et les allocations familiales.

Ce programme devait être entièrement réalisé au 31 décembre 1999 ; il n'a été que partiellement mis en oeuvre. L'âge limite a certes été relevé à 19 ans au 1 er janvier 1998 puis 20 ans au 1 er janvier 1999, mais il n'a pas varié pour les catégories de jeunes pour lesquels la limite était déjà fixée à 20 ans. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a seulement permis l'extension du droit au complément familial et des aides au logement jusqu'à 21 ans.

C'est pourquoi votre rapporteur s'est particulièrement félicité, l'année dernière, de la mesure figurant à l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, instaurant une allocation forfaitaire de 70 euros, qui permet une réelle amélioration de la situation des familles nombreuses qui perdent le bénéfice des allocations familiales.

Il souhaiterait également que soit menée une réflexion sur la possibilité d'un maintien des allocation familiales jusqu'au dernier enfant , mesure dont le coût est aujourd'hui estimé à 137 millions d'euros, soit à peu de chose près celui, en année pleine, de la mesure prévue par l'article 40 de la loi de financement pour 2003.

Devant la carence gouvernementale prolongée, c'est l'action sociale des CAF qui a développé de nombreuses aides en faveur des jeunes adultes, permettant aussi de soulager la charge pour leurs familles. Environ 43 millions d'euros sont ainsi consacrés chaque année aux actions identifiables menées par les CAF en direction des jeunes adultes, soit 2 % des dépenses totales d'action sociale.

Les quatre axes spécifiquement identifiables de l'action sociale des CAF en direction des jeunes adultes sont les interventions en faveur du logement, les prestations extralégales accordées aux familles et aux jeunes, les aides au financement des formations brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD), et les actions d'accompagnement social.

Si votre rapporteur comprend l'utilité d'une telle action sociale en faveur de la population des jeunes adultes, il ne considère pas pour autant qu'elle doive être un palliatif à l'inaction du Gouvernement, comme cela a été le cas, on l'a vu, sous la précédente législature.

b) La question de l'autonomie

Plus largement, c'est bien la question de l'autonomie des jeunes adultes vis-à-vis de leur famille qui se pose.

Créée par la loi du 4 juillet 2001 relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans, la Commission nationale pour l'autonomie des jeunes a été installée en décembre dernier avec pour mission d'étudier la création « d'un contrat d'allocation d'autonomie en contrepartie d'un engagement pour les jeunes de 16 à 25 ans ».

Elle comprend soixante et onze membres, dont des représentants de l'État, du Parlement, d'élus locaux, d'organisations d'employeurs et de salariés, d'étudiants et de lycéens, d'associations de chômeurs, de mutuelles, de la CNAF, du conseil national de la jeunesse, des fédérations de parents d'élèves et des personnalités qualifiées.

Dans son rapport d'avril 2002, la Commission nationale pour l'autonomie des jeunes préconise la mise en place d'un ensemble d'aides insérées dans une refonte de l'environnement des aides à la formation et à l'emploi, laissant de côté l'idée d'une allocation unique.

Pour permettre une « autonomie responsable et solidaire » des 16-25 ans, la Commission propose un « compromis évolutif en deux étapes » inscrit « dans la durée », qui comprendrait la création d'une « allocation de formation » et d'un « revenu contractuel d'accès à l'autonomie et à l'activité ».

Ces propositions sont, pour l'instant, restées lettre morte, notamment en raison de leur coût (environ deux milliards d'euros pour l'allocation de formation).

Votre rapporteur estime que la solution retenue doit être ciblée, en tenant compte de l'hétérogénéité des parcours, qu'elle requiert des contreparties de la part des jeunes et qu'elle soit respectueuse des familles. Il n'y a en effet aucune justification à vouloir construire l'autonomie des jeunes en opposition avec leur famille. Il importe donc de continuer à soutenir les familles lorsqu'elles assument la charge de leurs jeunes adultes. C'est pourquoi votre rapporteur est plutôt favorable au versement des allocations familiales jusqu'à 22 ans et jusqu'au dernier enfant.

*

* *

On l'a vu, la politique familiale du Gouvernement est menée par étapes, en prenant en compte, progressivement et avec des moyens financiers de plus en plus contraints, les réalités de chaque période de la vie de l'enfant à charge, afin de cibler au mieux les mesures nécessaires. Votre rapporteur approuve tant la forme que le contenu de la méthode et se réjouit de pouvoir apporter sa contribution à la prochaine Conférence de la famille de 2004, sur un thème qu'il affectionne tout particulièrement.

Sous réserve des observations qui précèdent et de l'amendement qu'elle propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives à la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 21 octobre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a entendu Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF ).

A titre liminaire, Mme Nicole Prud'homme, présidente du Conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prenait acte d'une importante baisse des recettes de la branche famille en raison de la récession, alors même que ses dépenses continuaient à s'accroître. Citant l'exemple des majorations de pension pour enfants, financées à hauteur de 60 % par la branche famille en lieu et place du fonds de solidarité vieillesse (FSV), elle a constaté que ses excédents étaient toujours très « courtisés » par les autres branches.

Elle a toutefois fait valoir que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait des dispositions nouvelles tout à fait intéressantes, dont la principale était la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), annoncée lors de la dernière Conférence de la famille.

Mme Nicole Prud'homme a souligné que la PAJE regroupait six prestations existantes en faveur de la petite enfance, ce qui aurait pour avantage de rendre le dispositif plus lisible pour les familles.

Elle a rappelé que l'objectif essentiel était de permettre un réel choix du rythme d'activité des parents et du mode de garde des enfants de moins de trois ans. Elle a précisé que la PAJE lissait le taux d'effort des familles autour de 12 % de leurs revenus pour la garde en crèche ou par une assistante maternelle, la garde à domicile par une employée restant toutefois plus coûteuse.

Mme Nicole Prud'homme a ajouté qu'un troisième fonds allait être créé en vue de financer de nouvelles structures de garde collective et a approuvé, à cet égard, la possibilité donnée aux entreprises de créer des crèches, rappelant que cette mesure répondait aux souhaits de plusieurs syndicats.

Confirmant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 mettait à nouveau à la charge de la branche 60 % du financement des majorations de pension pour enfants, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a demandé quelle appréciation la CNAF portait sur cette situation, notamment au regard de la baisse inquiétante de son excédent.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que ce transfert de charge avait été décidé trois ans auparavant, qu'il résultait d'un choix éminemment politique, et que seul le législateur pouvait modifier la répartition de ce financement entre les différentes branches.

M. Jean-Louis Lorrain a ajouté que la signature d'un avenant à la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2001-2004, liant l'Etat et la CNAF, avait été annoncée par M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, afin de prévoir une aide exceptionnelle de 200 millions d'euros à destination des structures d'accueil de la petite enfance.

Il a ensuite interrogé Mme Nicole Prud'homme sur trois aspects de ce dispositif : son inscription dans le projet de loi de financement pour 2004, l'éventualité de la création d'une structure stable de financement de ces actions à moyen terme et l'appréciation portée par la CNAF sur la possibilité offerte aux entreprises de créer elles-mêmes des crèches.

Mme Nicole Prud'homme a indiqué que, si l'avenant à la COG ne pouvait directement apparaître dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 50 millions d'euros y étaient déjà inscrits pour 2004 au titre du nouveau fonds.

Elle a précisé que, concernant les précédents dispositifs de financement des structures de garde collective, l'ensemble des crédits du FIPE I avaient été consommés et que les dernières disponibilités du FIPE II (AEI) étaient sur le point d'être distribuées, permettant la création totale de 54.000 places de crèche supplémentaires.

Elle s'est toutefois prononcée contre la pérennisation du dispositif de financement, du fait de l'insuffisante connaissance des besoins en crèches, regrettant, à cet égard, que seuls 20 % des départements aient mis en place une commission départementale d'accueil de la petite enfance, justement chargée de cette expertise sur le terrain. Elle a conclu à la nécessité d'un bilan à la suite de la mise en place de ce troisième fonds, d'autant plus que la PAJE allait peut-être modifier les choix de garde des familles.

Elle a ensuite rappelé que deux types de structures allaient être groupés sous le vocable imprécis de « crèche privée » : les crèches créées au sein des entreprises, destinées aux enfants du personnel, pour lesquelles le projet de loi de finances pour 2004 prévoyait un crédit d'impôt, et les crèches à but lucratif, créées par une entreprise dont c'était le métier.

Concernant le premier type de structures, non financées par la branche famille, elle a indiqué que la CNAF travaillait actuellement à des partenariats avec les comités d'entreprises et les syndicats, afin d'éviter que cette nouvelle possibilité de garde offerte aux parents ne conduise à une excessive souplesse des horaires de travail dans l'entreprise, au détriment de la vie de famille.

Sous cette réserve, Mme Nicole Prud'homme a estimé que la mesure pouvait être intéressante, notamment parce que 75 % des femmes actives travaillent à temps complet.

Quant aux crèches privées à but lucratif, elle a reconnu que le principe soulevait un débat au sein du Conseil d'administration de la CNAF, mais qu'il était nécessaire de définir des garde-fous efficaces aux abus éventuels, notamment en termes d'agrément et de formation des personnels, d'autant plus que la CNAF avait à financer ces prestations de service.

Citant le rapport de la Cour des comptes de septembre 2003 sur la sécurité sociale, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a relevé que la gestion des dispositifs contractuels en faveur de la petite enfance (contrats enfance, contrats crèches) était très hétérogène selon les caisses d'allocations familiales, créant ainsi des disparités territoriales.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que la question de l'aménagement du territoire en matière de structures d'accueil de la petite enfance devait être débattue au sein de commissions départementales ad hoc, qui n'avaient, le plus souvent, jamais vu le jour.

Elle a souligné que les caisses d'allocations familiales n'étaient en aucun cas les moteurs de l'aménagement du territoire, mais seulement les partenaires des collectivités territoriales.

Indiquant que la prochaine Conférence de la famille aurait pour thème l'adolescence, M. Jean-Louis Lorrain a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur les éventuelles propositions que la CNAF pouvait formuler.

Mme Nicole Prud'homme a fait valoir que cette interrogation était encore prématurée, mais a indiqué que la CNAF aurait toute sa place dans les groupes de travail préparatoires mis en place par le ministre. Elle a rappelé que la branche famille finançait déjà plusieurs associations proposant des activités aux adolescents et mettait des locaux à leur disposition.

M. Jean-Pierre Fourcade a félicité Mme Nicole Prud'homme des progrès accomplis par les caisses d'allocations familiales en termes de services aux allocataires. Il a estimé que la PAJE marquait une évolution positive, notamment pour les familles à revenus moyens, mais que sa réussite était subordonnée à l'amélioration de la qualification des assistantes maternelles agréées et des employées à domicile, que le monde associatif ne pouvait assurer seul. Il a enfin souligné la hausse des besoins en haltes-garderies, du fait du développement des horaires atypiques avec l'application des 35 heures, mais que leur création était rendue difficile par des normes trop strictes en termes de personnel.

Reconnaissant que la question de la formation des professionnels était au coeur du problème de l'offre de garde, Mme Nicole Prud'homme a déploré la mauvaise image et l'insuffisante rémunération de ces métiers, qui constituaient pourtant un vivier considérable de près de 500.000 emplois pour les dix prochaines années.

Elle s'est félicitée, à cet égard, de la réforme du statut des assistantes maternelles programmée en 2004, indiquant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 prendrait peut-être en compte des crédits pour leur formation, mais elle a regretté que rien n'ait été encore prévu pour les employés à domicile.

Rappelant que certaines mères avaient choisi d'arrêter de travailler pour s'occuper de leurs enfants, M. Jean Chérioux a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur le montant actuel de l'allocation parentale d'éducation (APE). Il a rappelé qu'un premier pas avait été fait dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, pour étendre les allocations familiales aux enfants jusqu'à 21 ans, et a demandé quelles étaient les suites données à cette mesure.

Mme Nicole Prud'homme a indiqué que l'APE allait être fondue dans la PAJE mais que les conditions d'éligibilité avaient été renforcées en termes de nombre d'années travaillées, ce qui pénaliserait certaines mères, notamment à compter du troisième enfant. Elle a ajouté que la mise en place d'un forfait de 70 euros d'allocations familiales pour les familles de trois enfants et plus, dont l'un des enfants est âgé de 20 à 21 ans, n'était pas supprimée en 2004, mais que l'étendre à l'ensemble des jeunes adultes conduirait à ouvrir un débat complexe sur la prise en charge d'une telle mesure.

M. Gilbert Chabroux s'est inquiété de la situation financière de la branche famille et de la façon dont elle allait pouvoir financer le nouveau dispositif de la PAJE.

Il a estimé que le plan de création de 20.000 places de crèche n'avait qu'un effet d'annonce, certains projets continuant même à être refusés au titre du FIPE II. Il a fait valoir que la garde en structure collective ne concernait que 9 % des enfants et qu'il fallait rééquilibrer l'offre. Il a exprimé toutefois ses doutes quant à la création de crèches privées à but lucratif, qui pouvaient devenir des « crèches de classe sociale ». Il a enfin estimé que les nouvelles conditions d'éligibilité à la PAJE ex-APE étaient extrêmement restrictives pour les jeunes couples qui n'avaient pas un emploi stable.

Mme Nicole Prud'homme a souhaité qu'il soit fait preuve de circonspection dans le maniement des chiffres concernant la garde des jeunes enfants puisque près de la moitié d'entre eux étaient gardés hors des modes classiques. A cet égard, elle a rappelé que la CNAF se montrait prudente sur la création de places de crèches car il s'agissait ensuite d'en assurer les coûts de fonctionnement par le versement de prestations de service.

Elle a souligné que la crèche était aujourd'hui accessible aux ménages aisés ou modestes, mais qu'elle restait un luxe pour les familles moyennes, qui se trouveront mieux solvabilisées par la PAJE. Elle a déclaré que l'expérience des crèches privées pouvait être intéressante, notamment dans les zones urbaines où l'offre de garde était très tendue, et a confirmé que les nouvelles conditions d'application de l'APE poseraient certains problèmes.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, s'est interrogé sur le montant de l'excédent cumulé de la branche famille, sur la part des prestations à caractère social financées par la branche et sur l'écart entre la dynamique des recettes et celle des dépenses.

Mme Nicole Prud'homme a estimé qu'il était délicat de différencier les prestations familiales de celles à caractère social, les deux aspects étant souvent liés. Elle a ajouté que la branche famille, en période de croissance plus favorable, devrait pouvoir retrouver un excédent confortable à moyen terme.

M. Yves Krattinger a considéré que les besoins en offre de garde étaient encore très importants dans le milieu rural, où de nombreux groupements de communes avaient demandé la compétence « petite enfance » et contracté avec les caisses d'allocations familiales.

Il a estimé que les données dont disposeraient les caisses d'allocations familiales devaient permettre aux élus d'arbitrer entre différents projets pour éviter une offre redondante et aménager le territoire en fonction des besoins réels.

A M. Guy Fischer qui demandait si les caisses d'allocations familiales seraient prêtes en cas de création du RMA et de transfert du RMI aux départements dès 2004, Mme Nicole Prud'homme a répondu par l'affirmative.

Rapport sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2004

Sommaire abrégé

Tome I - Équilibres financiers généraux et assurance maladie
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Exposé général sur les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie

Travaux de la commission - Auditions de :

- MM. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , Christian Jacob, ministre délégué à la famille et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ;

- MM. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes , Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre et Christian Babusiaux, conseiller maître à la 6 e chambre ; Mme Catherine Démier , conseillère référendaire, secrétaire générale adjointe et M. Renaud Séligmann, auditeur à la 6 e chambre ;

- M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la CNAMTS ;

- MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'ACOSS et Frédéric Van Roeckeghem , directeur général ;

- MM. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV et du FOREC et Jacques Lenain , directeur.

Annexe :

- Réponses de la Cour des comptes au questionnaire de la commission

Tome II - Famille
( Rapporteur : M. Jean-Louis Lorrain )

Exposé général sur la famille

Travaux de la commission - Audition de :

- Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF

Tome III - Assurance vieillesse
( Rapporteur : M. Dominique Leclerc)

Exposé général sur l'assurance vieillesse

Travaux de la commission - Auditions de :

- MM. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV et du FOREC et Jacques Lenain , directeur ;

- MM. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS et Patrick Hermange, directeur.

Tome IV - Accidents du travail et maladies professionnelles
( Rapporteur : M. André Lardeux)

Exposé général sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Tome V - Examen des articles
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Commentaire des articles et propositions d'amendements

Travaux de la commission - Examen du rapport

Tome VI - Tableau comparatif
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

* 1 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Résultats 2002, prévisions 2003 et 2004. Septembre 2003.

* 2 Cour des comptes. Rapport sur la sécurité sociale. Septembre 2003.

* 3 Cour des comptes. Rapport sur la sécurité sociale. Septembre 2001.

* 4 France. Portrait social. 2003-2004. INSEE - Octobre 2003.

* 5 Cour des Comptes. Rapport sur la sécurité sociale. Septembre 2003.

* 6 Cour des Comptes. Rapport sur la sécurité sociale. Septembre 2002.

* 7 Bilan démographique de l'année 2002 - INSEE - Janvier 2003.

* 8 Financement de la sécurité sociale pour 2004, Famille- commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale. M. Claude Gaillard. Rapport n° 1157 tome 3 (2003-2004).

* 9 Adolescence, comment en sortir ? Les enjeux d'une politique publique. M. Jean-Louis Lorrain au nom du groupe d'études sur les problématiques de l'enfance et de l'adolescence, rattaché à la commission des Affaires sociales. Rapport d'information n°242 (2002-2003).

* 10 Isabelle Amrouni, Anne-Catherine Rastier, « Les CAF et les jeunes adultes » - Dossiers d'études -Allocations familiales, n° 18, mars 2001.

* 11 INSEE. Jeunes : l'âge des dépendances. Economie et statistiques. Juillet 2000.

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