ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 9

Actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune

Commentaire : le présent article additionnel tend à actualiser le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en fonction du taux prévisible de la hausse des prix hors tabacs en 2003, soit + 1,7 %.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL


Parmi les pays de l'Union européenne, seuls l'Espagne, la Finlande, la France, le Luxembourg et la Suède perçoivent chaque année un impôt national sur la fortune. Le Danemark et l'Allemagne ont supprimé cet impôt respectivement en 1996 et 1997. Il a en a été de même aux Pays-Bas en 2001.

L'impôt sur la fortune constitue donc à l'échelle européenne une survivance que l'on pourrait qualifier « d'archaïsme fiscal ». La France se distingue par une situation originale : non seulement elle n'a pas supprimé cet impôt, mais elle l'a alourdi au cours des dernières années.

Ainsi, dans la loi de finances initiale pour 1999, a été créé une nouvelle tranche marginale, pour les patrimoines supérieurs à 15 millions d'euros, fixée à 1,8 %. La majoration spéciale de 10 % votée en loi de finances rectificative pour 1995 a été intégrée dans la cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune.

De plus, contrairement au barème de l'impôt sur le revenu qui est actualisé chaque année en fonction de l'inflation, la dernière actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune est intervenue dans la loi de finances pour 1996 . Certes, les projets de loi de finances pour 1998, 2000, 2001 et 2002 contenaient chacun un article en ce sens . Mais cet article était systématiquement rejeté par l'Assemblée nationale lors de son examen de la première partie du projet de loi de finances. Le Sénat, à l'initiative de votre commission des finances, en prônait alors le rétablissement afin de revenir au texte initial du gouvernement, sans être suivi cependant.

Le surcoût qui résulte de cette non-actualisation du barème pour les contribuables assujettis à l'ISF 66( * ) est au minimum de 210 millions d'euros, auquel il faut ajouter pour ceux qui relèvent de la tranche marginale d'imposition à 1,8 % 30,5 millions d'euros.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La non-actualisation du barème en fonction de l'inflation durant sept années aura représenté ainsi un prélèvement rampant de 210 millions d'euros . S'abstenir de l'actualiser pour 2004 conduirait mécaniquement à décider d'alourdir le prélèvement au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune en proportion du taux d'inflation.

La non-actualisation du barème a eu en effet pour résultat mécanique d'abaisser le seuil de taxation à l'impôt de solidarité sur la fortune de plus de 10 % en euros constants. Il n'est donc pas étonnant de constater que le nombre de redevables à l'ISF croît avec régularité depuis 1966 alors que le produit de cet impôt ne suit pas la même tendance.

Evolution du nombre de redevables et du produit de l'ISF

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Estimant que l'éventualité d'une nouvelle hausse de l'ISF n'est pas envisageable, le présent article additionnel tend à actualiser le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune en fonction du taux de la hausse des prix hors tabacs en 2003, soit + 1,7 %.

La nécessité de cette disposition est reconnue très largement, à gauche comme à droite.


D'abord, nos collègues sénateurs Denis Badré et André Ferrand ont enquêté sur les questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises. Dans le rapport 67( * ) qu'ils ont rendu public en juin 2001, ils soulignent le rôle de l'ISF en tant que facteur déclenchant de l'expatriation et plaident pour un impôt de solidarité sur la fortune moins confiscatoire.

Ensuite, notre collègue député Michel Charzat a été chargé par le Premier ministre de l'époque, M. Lionel Jospin, de mener une mission sur l'attractivité du territoire français. Dans son rapport 68( * ) , il insiste sur la nécessité de réformer l'ISF afin qu' « il ne soit pas considéré comme une sanction de la réussite, mais comme une juste contribution aux efforts de solidarité du modèle français » .

A propos de la non-actualisation du barème de l'ISF, il constate d'ailleurs :

« Alors que l'ensemble des barèmes des impositions sur le revenu fait l'objet d'actualisation à chaque loi de finances, il importe que cette dernière prévoie enfin une actualisation du barème de l'ISF. L'absence d'actualisation du barème depuis quatre ans a des effets psychologiques négatifs bien supérieurs à l'impact financier réel de cette mesure. De plus la création d'une nouvelle tranche taxable à 1,8 % a déjà renforcé la progressivité de l'impôt sur le patrimoine.

« Il semblerait raisonnable, pour faciliter le consentement à cet impôt, que l'ISF cesse d'être traité différemment des autres impositions et de veiller à ce que son barème soit désormais relevé annuellement en proportion de la hausse des prix. A cet égard, le passage effectif à l'euro au 1 er janvier 2002 doit être mis à profit pour permettre un relèvement des seuils et compenser l'absence d'indexation pendant quatre ans ».

Dans un interview de janvier 2002 au Figaro, notre collègue député Didier Migaud, à l'époque rapporteur général du budget, reconnaissait d'ailleurs qu'il fallait « rendre l'ISF supportable ».

Le 25 novembre 2002, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, M. Alain Lambert, soulignait en séance publique devant le Sénat que : « les défauts de notre système fiscal sont bien connus. Ils révèlent, s'agissant notamment de l'ISF, une conception trop punitive de notre fiscalité, qui pourrait s'avérer mortelle dans un univers où les bases de l'impôt sont de plus en plus mobiles, et qui risque de nuire au rendement et à l'efficacité de nos prélèvements. Ces défauts, ce sont, en particulier, une progressivité excessive et un empilement d'impôts sur une même assiette, notamment en ce qui concerne le patrimoine. Le renforcement de la compétitivité fiscale de la France doit donc être un objectif national, transcendant les clivages traditionnels ».

Poursuivant ses propos, il partageait les préoccupations exprimées par le présent article additionnel, « je vous donne la confirmation que vous souhaitez entendre : à l'evidence, le Gouvernement n'a pas la volonté d'alourdir l'ISF. Cela étant, il est vrai que la non-actualisation du barème aboutit à un léger accroissement de l'ISF, ce qui est sans doute regrettable. Il est cependant probable que, l'immense majorité des contribuables assujettis à l'ISF étant également redevable de l'impôt sur le revenu, elle aura perçu dans la baisse de ce dernier la volonté du Gouvernement d'agir vite et efficacement en matière de baisse des prélèvements. C'est ce qui me conduit - mais je reconnais ne pas avoir d'autres arguments, monsieur le rapporteur général - à vous dire qu'un effort a été fait dans ce sens. Il a été fait au titre de l'impôt sur le revenu. J'espère que les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune verront dans la baisse de l'impôt sur le revenu un signe d'encouragement pour attendre l'année prochaine, lorsque nous mettrons en oeuvre ensemble une réforme de la fiscalité du patrimoine ».

Si, pour des raisons budgétaires compréhensibles, le gouvernement n'a pas été en mesure de proposer dans le projet de loi de finances pour 2004 la grande réforme du patrimoine que des préoccupations en matière d'attractivité du territoire et de renouvellement des générations rendent urgentes, il ne pourra que refuser, comme le refuse le présent article, un alourdissement de la fiscalité du patrimone, à travers une augmentation, en euros constant, de 1,7 % du barème de l'ISF.

Le coût de ce refus est raisonnable : 30 millions d'euros. Il constitue sans doute un prix modique pour donner enfin un signal à des contribuables qui demeurent tentés par une délocalisation de leurs capitaux.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

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