ARTICLE 40

Modalités de compensation financière aux départements résultant de la décentralisation du revenu minimum d'insertion

Commentaire : le présent article a pour objet de prévoir les modalités de compensation du transfert de la compétence « revenu minimum d'insertion » aux départements par l'attribution d'une fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP).

I. LE PROJET DE LOI PORTANT DÉCENTRALISATION DU RMI ET CRÉATION DU RMA

A. LE RAPPEL DES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT


Le Sénat a examiné et voté en première lecture, le 27 mai dernier, le projet de loi portant décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI) et création d'un revenu minimum d'activité (RMA). Ce projet de loi devrait être soumis en première lecture, à l'Assemblée nationale dans le courant du mois de novembre et le gouvernement souhaite, afin de permettre une prise en charge du RMI et du RMA par les départements dès le 1 er janvier 2004, ainsi que le prévoit le projet de loi, une promulgation de la loi avant la fin de la présente année.

Le projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA tend à supprimer le copilotage de la gestion du RMI par l'Etat et les départements, en confiant à ces derniers la responsabilité de la décision d'accorder le RMI, de verser l'allocation, et de mettre en oeuvre la politique d'insertion associée à celle-ci. Ainsi que le rappelait notre collègue Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales, lors de la discussion générale de ce projet de loi, « l'objectif de cette décentralisation est de renforcer la cohérence du dispositif aujourd'hui partagé entre l'Etat et le département. En clarifiant les responsabilités de chacun, il s'agit également de renforcer les politiques d'insertion.

« La gestion de l'allocation et le pilotage de l'insertion relèveront désormais du seul département, le pari qui est fait étant celui de la responsabilité : responsable des allocations versées, le département l'est aussi de l'amélioration de l'insertion, et donc, de la sortie des bénéficiaires du dispositif » 210( * ) .

Par ailleurs, le projet de loi tend à créer un contrat de travail dénommé « contrat insertion - revenu minimum d'activité » destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Le projet de loi confie à un décret le soin de déterminer les conditions de durée d'ouverture des droits au versement de l'allocation de revenu minimum d'insertion requises pour bénéficier d'un contrat d'insertion 211( * ) . Ce contrat peut être conclu, sous certaines conditions, avec des employeurs, dans le cadre du développement d'activités nouvelles. La durée du contrat ne peut excéder dix-huit mois. La durée minimale de travail hebdomadaire des bénéficiaires de contrats insertion - revenu minimum d'activité est de vingt heures et ils perçoivent un revenu minimum d'activité dont le montant est au moins égal au produit du salaire minimum de croissance par le nombre d'heures de travail effectuées.

Le revenu minimum d'activité est versé par l'employeur, qui perçoit une aide forfaitaire du département.

B. LES DISPOSITIONS FINANCIÈRES CONTENUES DANS LE PROJET DE LOI PORTANT DÉCENTRALISATION DU RMI ET CRÉATION DU RMA

Le projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un RMA, tel qu'issu du vote de la Haute assemblée, prévoit, dans son article 3, que « les charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances ».

Par ailleurs, l'article 41 dispose que « les dispositions de la présente loi sont applicables à compter du 1 er janvier 2004, sous réserve de l'entrée en vigueur à cette date des dispositions de la loi de finances mentionnée à l'article 3 ».

Il résulte de la lecture conjointe de ces deux articles :

- d'une part, que les charges résultant, pour les départements, du transfert du RMI et de la création du RMA seront compensées par l'attribution aux départements « du produit d'un impôt perçu par l'Etat, dans les conditions fixées par la loi de finances » ;

- d'autre part, que l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2004 des dispositions du projet de loi est soumise, outre à la promulgation de la loi avant cette date, à la détermination des conditions de l'attribution aux départements du produit d'un impôt perçu par l'Etat dans la loi de finances initiale pour 2004.

Si le projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA définit les modalités de la compensation du transfert et de la création de compétences qu'il propose, il confie donc à la loi de finances le soin de déterminer les conditions de cette compensation, qui constitue un préalable indispensable au transfert et à la création effective des compétences qu'il propose. Ce mécanisme est justifié par les dispositions de l'article 36 de la loi organique du 1 er août 2001, qui prévoient que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale des ressources établies au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».

C'est donc à l'occasion de l'examen du présent article que le Parlement est appelé à se prononcer sur la compensation des transfert et création de compétences prévus dans le projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LE PÉRIMÈTRE DE LA COMPENSATION


Le premier alinéa du présent article prévoit que les ressources attribuées aux départements afin de compenser les transferts de compétences prévus par la loi portant décentralisation du RMI et création du RMA « sont équivalentes au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité prévue à l'article L. 522-14 du code de l'action sociale et des familles ». Il tend donc à définir le champ des dépenses correspondant aux transferts de compétences, effectuées par l'Etat en 2003, et qui servent donc de base au calcul de la compensation versée aux départements.

Pour mémoire, l'article L. 522-14 du code de l'action sociale et des familles concerne exclusivement la mise en oeuvre du revenu minimum d'insertion dans les départements d'outre-mer. Il dispose que, « par convention entre l'Etat et le conseil général est mis en place à compter du 1 er janvier 2001 un revenu de solidarité en faveur des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion âgés d'au moins cinquante ans qui s'engagent à quitter définitivement le marché du travail et de l'insertion après avoir été depuis deux ans au moins bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. (...) Le financement du revenu de solidarité est assuré par l'Etat, qui participe à hauteur de l'allocation moyenne versée dans les départements d'outre-mer au titre du revenu minimum d'insertion, et par le conseil général concerné pour le complément ». Il est prévu que ces dépenses du conseil général sont prélevées sur les crédits inscrits par le département, dont le montant est « au moins égal à 16,25 % des sommes versées, au cours de l'exercice précédent, par l'Etat dans le département au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion », pour « le financement des actions inscrites au programme d'insertion et les dépenses de structure correspondantes ».

B. L'ATTRIBUTION D'UNE PART DE TIPP NON MODULABLE

1. L'attribution d'une fraction du tarif de la TIPP aux départements permet de neutraliser l'impact des éventuelles modifications de tarifs décidées par l'Etat


Le deuxième alinéa du présent article présente la nature de la compensation versée par l'Etat : « Ces ressources sont composées d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (...) obtenue, pour l'ensemble des départements, par application d'une fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national ».

Cet alinéa prévoit donc bien, conformément aux dispositions de l'article 3 du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA, qu'il ne s'agit pas d'un nouvel impôt local mais bien « d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat ».

Il convient de noter qu' il ne s'agit pas d'une quote-part du produit total de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP), mais d'une fraction du tarif appliquée aux quantités de carburants vendues sur le territoire national . Cette nuance est importante : en effet, dans l'hypothèse où une quote-part du produit national de la TIPP avait été retenue, les ressources des départements auraient été dépendantes des tarifs appliqués au niveau national : toute décision de réduire les tarifs de la TIPP au niveau national entraînant mécaniquement une diminution du produit total, aurait réduit la ressource attribuée aux départements. Symétriquement, les éventuelles augmentations des tarifs décidées par le gouvernement n'auront pas d'impact positif sur les ressources attribuées aux départements. Le choix retenu par le présent article tend donc à neutraliser, pour les départements, les effets des variations de tarifs décidées au niveau national sur la ressource transférées en compensation de la décentralisation du RMI . Par conséquent, compte tenu de ce choix et de l'absence de possibilité pour les départements de moduler la fraction du tarif de la TIPP qui leur est attribuée, la compensation versée aux départements n'évoluera qu'en fonction de la seule évolution de la base d'imposition de la TIPP, soit les quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national .

Cette précision est importante, car l'Etat modifie régulièrement les tarifs de la TIPP. Ainsi, on rappellera que le gouvernement précédent avait mis en place, le 1 er octobre 2000, un mécanisme de « TIPP flottante » afin d'atténuer l'impact des prix à la pompe de la forte augmentation du prix du pétrole 212( * ) . Ce mécanisme permettait de faire varier le taux de la TIPP si la variation du cours du brut était supérieure à 10 % par rapport au bimestre précédent. Considérant que la diminution du cours du brut constituait un retour à la normale et que le gouvernement précédent avait mis en place le mécanisme de TIPP flottante de manière provisoire, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a constaté, le 12 juillet 2002, que les conditions étaient remplies pour supprimer cette modulation. Par ailleurs, on notera que l'article 11 du présent projet de loi de finances modifie le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) applicable au gazole, de manière à réduire l'écart actuel de taxation avec le supercarburant sans plomb.

2. La fixation provisoire des fractions des tarifs de la TIPP attribuées aux départements

Le troisième alinéa du présent article dispose que la fraction de tarif de la TIPP attribuée aux départements « est calculée de sorte qu'appliquée aux quantité de carburants vendues sur l'ensemble du territoire en 2003, elle conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité ». Cette mention répond aux principes de la stricte compensation des charges transférées, figurant au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution et à l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, elle laisse planer un doute sur l'inclusion, dans les dépenses mentionnées, des charges afférentes aux personnels d'Etat affectés à la gestion du RMI. Votre rapporteur général reviendra plus loin sur ce point.

Le présent article fixe ensuite la fractions de tarif attribuée aux départements, « jusqu'à connaissance des montants définitifs des quantités et dépenses susmentionnées (...), le niveau définitif de cette fraction [étant] arrêté par la plus prochaine loi de finances ». La fraction de tarif attribuée aux départements par le présent article ne sera donc valable que jusqu'à ce que les résultats définitifs de l'exécution de l'année 2003 soient connus. Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité précisait d'ailleurs, lors de la première lecture au Sénat du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA, que « c'est (...) sur la base des dépenses constatées à la fin de 2003 que les compensations seront effectuées » 213( * ) .

Le présent article ne fixe pas la durée pour laquelle sera en vigueur la fraction de tarif qu'il fixe. Il prévoit toutefois, dans son septième alinéa, que le niveau définitif de la fraction de tarif attribuée aux départements sera arrêté « dans la plus prochaine loi de finances », une fois que seront connues les informations définitives quant aux dépenses de RMI d'une part, et du volume de la consommation de produits pétroliers, d'autre part, relatives à l'exercice 2003. Par conséquent, il reviendra à la loi de finances initiale pour 2005, ou, dans l'hypothèse où une loi de finances rectificative pour 2004 serait déposée par le gouvernement en cours d'année, à cette dernière, de définir le montant définitif de la fraction de tarif attribuée aux départements 214( * ) .

Jusqu'à la connaissance des montants définitifs mentionnés ci-dessus, le présent article fixe comme suit la fraction de tarif de la TIPP attribuée aux départements :

- 12,36 euros par hectolitre pour le supercarburant sans plomb ;

- 13,34 euros par hectolitre pour le supercarburant sans plomb « contenant un additif améliorant les caractéristiques antirécession de soupape ou tout autre additif reconnu de qualité équivalente dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen », ainsi que le prévoit l'article 1 er de l'arrêté du 23 décembre 1999 relatif aux caractéristiques du supercarburant 215( * ) ;

- 8,21 euros par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point d'éclair à moins de 120°C.

Ces fractions ont été obtenues de manière à correspondre, pour l'année 2004, à l'évaluation de la dépense de l'Etat liée à l'allocation de RMI pour l'année 2003.

Le calcul a été effectué selon les modalités suivantes :

- en premier lieu, la consommation des carburants visés par le présent article pour l'année 2003 est évaluée, en fonction des évaluations les plus récentes, figurant dans le tableau ci-après :

Produit attendu au titre de la TIPP portant sur les carburants automobiles en 2003

Produits

Consommation (en millions d'hectolitres)

Tarifs

Produit au titre de l'année 2003 (en millions d'euros)

Super additive ARS

14,93

63,96

954,93

Super sans plomb

150,62

58,92

8.874,53

Gazole

351,60

39,19

13.779,04

Total

-

-

23.608,664

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

- dans un second temps, a été déduit de ce montant la part du produit de TIPP devant revenir aux départements pour compenser l'évaluation de dépenses de l'Etat au titre de l'allocation de RMI et du revenu de solidarité en 2003, soit 4.947,465 millions d'euros :

4.947, 465 / 23.608,664 = 20,956 % ;

- enfin, pour que la part de la TIPP attribuée aux départements soit conforme à la structure des recettes perçues au niveau national au titre des trois types de carburants visés, une fraction de tarif a été calculée, pour chaque carburant, en appliquant à chaque tarif le coefficient ainsi obtenu :


Produits

Tarif total (en euros par hectolitre)

Coefficient

Fraction de tarif correspondant à la part départementale de la TIPP (en euros par hectolitre)

Super additive ARS

63,96

20,956 %

13,40

Super sans plomb

58,92

20,956 %

12,36

Gazole

39,19

20,956 %

8,21

Pour l'année 2004, l'exposé général des motifs du présent projet de loi de finances indique que « le transfert aux départements du RMI et du revenu de solidarité dans les DOM s'accompagne de l'affectation d'une part de TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) représentant 5.027 millions d'euros au titre de la compensation de cette nouvelle charge pour les collectivités locales » 216( * ) . Cette somme correspond au produit des fractions de tarif déterminant la part revenant aux départements par les prévisions de consommation des produits concernés pour l'année 2004 :

Produits

Fraction de tarif revenant aux départements

Evaluation de la consommation pour l'année 2004 (en millions d'hectolitres)

Produit attendu (en millions d'euros)

Super additive ARS

13,34 217( * )

11,20

149,41

Super sans plomb

12,36

152,70

1887,37

Gazole

8,21

364,30

2990,90

Total

-

-

5027,68

Source : pour les prévisions de consommation, Evaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2004 - Les évaluations de recettes - Tome I, page 44

C. UN RÉAJUSTEMENT DE LA COMPENSATION APRÈS CONNAISSANCE DES MONTANTS DÉFINITIFS DES DÉPENSES EXÉCUTÉES PAR L'ETAT EN 2003


Au total, le dispositif proposé par le présent article paraît conforme aux propos tenus par M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, lors de la discussion générale, au Sénat, du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA, dont un extrait est reproduit dans l'encadré ci-après.

Les modalités de la compensation de la décentralisation du RMI annoncées par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité

« Cette décentralisation [du RMI] est particulièrement importante puisqu'elle portera sur environ 4,5 milliards d'euros et s'accompagnera, comme le veut désormais la Constitution, d'un transfert de ressources fiscales. Les modalités exactes de ce transfert devront tenir compte des orientations qui seront retenues dans le projet de loi de décentralisation plus général qui est en cours d'élaboration.

« Vous savez que, conformément aux orientations actuelles en matière de décentralisation, l'accroissement de charges résultant des transferts de compétences sera compensé par l'attribution aux collectivités départementales d'une quote-part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.

« Il n'est pas prévu de faire varier la ressource transférée en fonction de l'évolution de la dépense, car sa répartition sera fondée sur le constat des dépenses réalisées par l'Etat avant la décentralisation. Cependant, le montant de la quote-part de la TIPP attribuée aux départements devra évoluer au même rythme que la consommation des produits pétroliers.

« Les mécanismes détaillés ne sont pas arrêtés à ce jour ; les conditions de ce transfert seront précisées lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2004 ».

Source : JO Débats Sénat, séance du 26 mai 2003, pages 3597 et 3598

D. LE VERSEMENT AUX DÉPARTEMENTS DES RESSOURCES CORRESPONDANT À LA FRACTION DE TIPP LEUR REVENANT


Le dernier alinéa du présent article prévoit que chaque département recevra en 2004 un pourcentage de la part du produit de la TIPP définie par l'application à celui-ci des fractions de tarifs mentionnées plus haut. Ce pourcentage sera égal « pour chaque département, au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité dans ce département, rapporté au montant total de ces dépenses dans l'ensemble des départements . Ces pourcentages sont constatés par un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget ».

Il est précisé que ces pourcentages sont fixés provisoirement par un tel arrêté « jusqu'à connaissance des montants définitifs de dépenses exécutées par l'Etat au titre de l'allocation du revenu minimum d'insertion ».

Plusieurs précisions doivent être apportées. D'une part, s'agissant de la détermination de la compensation d'un transfert de compétence, il va de soi que les conditions de celle-ci s'effectuent dans le cadre des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la compensation des transferts de compétences, figurant aux articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales. Ainsi, l'arrêté conjoint prévu par le présent projet de loi devra être pris selon les dispositions du premier alinéa de l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales, qui précisent que « le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges est constaté pour chaque collectivité par arrêté conjoint du ministre chargé de l'intérieur et du ministre chargé du budget, après avis d'une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes et comprenant des représentants de chaque catégorie de collectivités concernées ». Par conséquent, la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) sera appelée à formuler un avis sur le projet de décret déterminant les pourcentages de la part de TIPP revenant à chaque département, portant sur l'adéquation, pour chaque département des ressources ainsi définies avec les charges résultant du transfert de la compétence « RMI ».

Par ailleurs, une fois que les montants définitifs de dépenses exécutées par l'Etat au titre de l'allocation du revenu minimum d'insertion pour l'année 2003 seront connus, il conviendra de renouveler l'opération, à titre définitif, cette fois. Ainsi, il reviendra dans un premier temps à une loi de finances - soit une loi de finances rectificative pour 2004, soit, à défaut, la loi de finances pour 2005 - de définir les fractions de tarifs définitives revenant aux départements au titre de la compensation du transfert de la compétence RMI, puis à un arrêté, pris après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges, de définir les pourcentages de la part de TIPP ainsi définie revenant à chaque département.

Le versement aux départements de la fraction du produit de la TIPP qui leur est affecté s'effectuera de manière conjointe à l'encaissement, par l'Etat, du produit total de la TIPP. Le gouvernement a en effet voulu transférer aux départements une part d'impôt d'Etat leur étant attribuée, à ce titre, dans les mêmes conditions que la perception de la ressource par l'Etat.

Par conséquent, les ressources revenant aux départements au titre de leur part de TIPP leur seront versées tous les dix jours environ, et non, comme cela est le cas pour les impôts locaux, par le biais des « douzièmes ».

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des finances, un amendement au présent article, demandant au gouvernement de remettre tous les trois ans au Parlement, au plus tard le jour du dépôt de la loi de finances de l'année, un rapport relatif :

- à l'évolution annuelle, pour chaque département, d'un ratio harmonisé rapportant le nombre d'allocataires du RMI, du revenu de solidarité et des bénéficiaires du RMA à la dépense effectuée ;

- au bilan de la gestion administrative et financière ;

- à l'analyse des variations annuelles selon les départements du nombre des allocataires du RMI, du revenu de solidarité et des bénéficiaires du RMA.

Cet amendement devrait, selon le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, notre collègue député Gilles Carrez, permettre d'éventuels ajustements après le bilan des années 2004 et 2005.

On notera que la plupart des informations demandées devraient théoriquement figurer dans le rapport annuel au Parlement de la commission consultative sur l'évaluation des charges, mais il faut reconnaître que cette commission ne respecte que très épisodiquement son obligation législative.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Il convient tout d'abord de rappeler le contexte juridique nouveau, par rapport aux transferts de compétences antérieurs, dans lequel intervient la compensation du transfert du RMI aux départements. En effet, depuis la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, le gouvernement a l'obligation de compenser toutes les charges correspondant aux transferts de compétences et de préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, compte tenu des dispositions de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, il est désormais tenu de le faire en loi de finances.

La compensation de la décentralisation du RMI et de la création du RMA constitue le premier « test » de la bonne volonté du gouvernement, s'agissant des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, dans le nouveau contexte mis en place par les nouvelles dispositions issues de « l'acte II » de la décentralisation.

Alors que le projet de loi relatif aux responsabilités locales, qui prévoit d'importants transferts de compétences, vient d'être adopté en première lecture par la Haute assemblée, votre commission des finances souhaite aborder toutes les questions qui se posent au sujet de la compensation proposée par le présent article. Il s'agit d'atténuer les inquiétudes des élus locaux concernant le financement de la décentralisation. Votre commission des finances considère en effet qu'il est indispensable que la compensation du transfert de la gestion du RMI aux départements soit intégrale, afin d'éviter que le gouvernement ne puisse se voir reprocher, dans le cadre de la décentralisation, de transférer des charges aux collectivités territoriales de manière à pallier la dégradation des finances de l'Etat.

A. UNE COMPENSATION QUI S'INSCRIT DANS UN NOUVEAU CADRE ORGANIQUE ET CONSTITUTIONNEL

1. Les conséquences de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances


La loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances dispose, en son article 36, que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».

Il résulte de cette disposition qu'il n'est pas possible de prévoir, dans une loi ordinaire, le transfert d'une imposition de toute nature, ou d'une part d'impôt perçu par l'Etat, vers une collectivité territoriale.

L'article 36 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances permet de renforcer l'universalité des lois de finances, en leur conférant l'exclusivité des affectations de ressources. Il s'applique à toutes les affectations, totales ou partielles, de ressources établies au profit de l'Etat, et vise donc le cas de partage d'une ressource de l'Etat entre celui-ci et un tiers, qui nous intéresse dans le cadre du présent projet de loi. Certes, l'obligation de conditionner à une disposition de loi de finances le transfert d'une ressource de l'Etat à une autre personne morale n'empêche pas une loi ordinaire de prendre en compte ce transfert. Toutefois, le législateur financier ne saurait être tenu par les dispositions d'une loi ordinaire portant sur ce point.

2. La garantie constitutionnelle introduite par la révision du 28 mars 2003

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a inséré un nouvel article 72-2 dans la Constitution, qui dispose, dans son quatrième alinéa, que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

La première phrase de cet alinéa confère une valeur constitutionnelle à la règle figurant à l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que « tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectuée entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées à la date du transfert, par l'Etat, au titre des compétences transférées (...). Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées ».

La deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, prévoyant la nécessité d'accompagner les extensions et créations de compétences par le transfert de ressources, constitue une nouveauté par rapport à l'état du droit jusqu'alors.

Ces nouvelles dispositions constitutionnelles constituent une garantie de « loyauté » de la compensation des transferts de compétences pour les collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel devant, s'il est saisi des lois de finances concernées, s'assurer du transfert par l'Etat de l'intégralité des moyens mis en oeuvre par lui jusque là ainsi que de la préservation du taux d'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Toutefois, il convient de souligner que cette garantie ne saurait constituer une garantie absolue :

- d'une part, en l'absence de jurisprudence établie aujourd'hui sur ce point, nul n'est en mesure aujourd'hui de prévoir l'étendue du contrôle qu'effectuera le Conseil constitutionnel en la matière et les moyens matériels qu'il mettra en oeuvre pour procéder aux évaluations nécessaires ;

- d'autre part, les dispositions introduites dans la Constitution ne couvrent pas, comme cela est parfois indiqué à tort, l'ensemble des transferts de charges vers les collectivités territoriales.

Ainsi, par exemple, la prise en compte de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), à compter du 1 er juillet 2004, sur le montant de la compensation versé au département, ne constitue en aucun cas une obligation découlant d'une disposition législative ou constitutionnelle. En effet, cette mesure ne correspond pas à la création, à l'extension ou au transfert d'une compétence, et ne constitue pas, à proprement parler, une modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées 218( * ) . Cependant, une interprétation aussi littérale ne serait manifestement pas conforme à l'esprit de la récente révision constitutionnelle. Même s'il ne s'agit pas de transférer une compétence, l'Etat peut prendre des décisions qui ont un impact direct sur les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales s'acquittent de leurs propres responsabilités. Le principe d'équité voudrait qu'il en soit tenu compte dans la détermination de leurs ressources.

3. Le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales

Le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution prévoit que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre ». En vertu de cette disposition, le Conseil constitutionnel sera conduit à contrôler que les dispositions législatives qui lui seront soumises n'entraînent pas une dégradation de l'autonomie financière d'une catégorie de collectivité territoriale. On notera que la jurisprudence du Conseil constitutionnel était jusqu'ici, sur ce point, en l'absence de disposition constitutionnelle spécifique, assez peu protectrice de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Ainsi, le Conseil constitutionnel a reconnu, dans plusieurs décisions, que la loi pouvait mettre à la charge des collectivités territoriales des obligations de dépenses sans pour autant porter atteinte au principe de libre administration inscrit à l'article 72 de la Constitution, dès lors que ces charges n'étaient pas insupportables pour les budgets locaux 219( * ) .

Le gouvernement a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 22 octobre dernier, un projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. L'article 2 de ce projet de loi organique définit la notion de « ressources propres » des collectivités territoriales comme comprenant le produit des impositions de toutes natures, les redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs. Son article 3 prévoit notamment que « pour chaque catégorie de collectivités, la part des ressources propres est calculée en rapportant le montant de ces dernières à celui de la totalité de leurs ressources, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondant au financement par l'Etat des compétences transférées à titre expérimental ou mises en oeuvre par délégation de l'Etat et des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie ».

Le projet de loi organique propose également que le niveau d'autonomie atteint en 2003 constitue un seuil au-dessous duquel ne pourra être ramenée la part des recettes fiscales et autres ressources propres.

Cette disposition constitue une garantie contre la remise en cause de la fiscalité locale, dont des pans entiers ont été supprimés par le précédent gouvernement. Par ailleurs, elle contraint le gouvernement à compenser les transferts de compétences par le transfert d'impositions de toute nature à titre principal plutôt que par le biais de dotations budgétaires, comme cela était le cas auparavant 220( * ) .

En revanche, les dispositions du projet de loi relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales n'assurent aucunement à ces collectivités de bénéficier de ressources fiscales modulables, dès lors qu'aucune distinction n'est effectuée, au sein des impositions de toutes natures, entre les impositions pour lesquelles elles seraient en mesure de moduler les taux et celles pour lesquelles elles ne le pourraient pas. Il faut bien reconnaître que ce constat limite beaucoup l'intérêt de la réforme et risque d'en faire une coquille vide. Quelle est en effet la différence entre une part d'impôt d'Etat déterminée au niveau central et une dotation budgétaire, du point de vue de l'autonomie de gestion des collectivités territoriales ? Seule une imposition dont la collectivité détermine ou, à la rigueur, module les taux, répond au critère économique d'autonomie.

La gestion de la TIPP sera à cet égard un test révélateur. Selon que la modulation par les régions sera ou non possible, le Sénat constatera si les intentions exprimées sont ou non rejointes par la réalité.

B. UNE COMPENSATION INCOMPLÈTE ?


Lors de la discussion générale du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA au Sénat, le 26 mai dernier, notre collègue Bernard Seiller, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, avait fait part de plusieurs questions au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, au sujet des dépenses transférées aux départements : « Certains points de détail ne sont pas abordés par le texte. En effet, qu'en sera-t-il de la prime de Noël, désormais traditionnelle, ou de l'attribution d'éventuels « coups de pouce » et de toute modification « des termes de l'échange » susceptibles d'intervenir dans le futur ? Qu'en sera-t-il également des conditions de transfert aux départements des personnels de l'Etat chargés de la gestion de la prestation dans les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ? (...)

« La deuxième interrogation concerne les conditions de la compensation aux caisses d'allocations familiales et aux caisses de mutualité sociale agricole, des charges de trésorerie liées au service de l'allocation. (...) » 221( * ) .

Sur les différents points évoqués, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué, lors de la première lecture au Sénat du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA :

- d'une part, que la prime de Noël demeurerait de la compétence nationale ;

- d'autre part, « s'agissant des personnels, les éventuels transferts s'organiseront dans le cadre des conventions conclues localement entre le représentant de l'Etat et le président du conseil général, comme pour l'ensemble des compétences transférées » 222( * ) .

Toutefois, votre commission des finances considère que plusieurs points, portant notamment sur les charges prises en compte pour le calcul de la compensation attribuée aux départements, demeurent à éclaircir.

1. L'absence de compensation de la création de compétences « revenu minimum d'activité »

Lors de la discussion générale du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA au Sénat, le 26 mai dernier, notre collègue Michel Mercier, rapporteur pour avis au nom de votre commission des finances, indiquait : « Il convient tout d'abord de s'assurer que le texte prend bien en compte la totalité des charges transférées. S'agissant du RMI, je crois que c'est le cas, ou peu s'en faut. Il faudra, bien entendu, que vous nous disiez clairement qu'il en va de même pour les charges de personnel - relativement peu nombreux - qui poursuivront leur mission au service du RMI.

« Je voudrais insister sur les charges nouvelles créées par le système du RMA. Tel que le projet de loi nous est présenté, si j'ai bien compris, le département devra apporter une aide forfaitaire d'environ 362 euros. Or, de nombreux allocataires du RMI percevront moins de 362 euros. Le département devra alors verser à l'employeur une indemnité différentielle entre le montant du RMI et la somme forfaitaire versée au titre du RMA.

« Il nous faudra donc (...) nous assurer que le transfert financier prend en compte cette charge nouvelle qu'auront à supporter les départements du fait de la création du RMA » 223( * ) .

Le rapport pour avis de notre collègue Michel Mercier soulignait l'existence d'une charge spécifique liée à la création de compétence « RMA », confiée aux départements.

Un extrait de ce rapport 224( * ) est reproduit ci-dessous :

« L'article 3 du présent projet de loi précise que « sont compensées par l'attribution de ressources » à la fois « le transfert et la création de compétences réalisés par la présente loi », ce qui suppose qu'il existe une charge liée à la création de compétence « revenu minimum d'activité » confiée aux départements.

« A cet égard, dans une réponse à une question de votre rapporteur pour avis, le gouvernement précise, au sujet des gains apportés par le RMA aux allocataires, que « pour un foyer allocataire le gain net minimum est toujours égal à la part de la rémunération nette du RMA financée par l'employeur, soit un montant de 180.95 euros. A ce gain net minimum s'ajoute dans certaines configurations familiales un gain supplémentaire. Ce gain supplémentaire est le complément qui devra être versé à l'allocataire par le département pour que son allocation atteigne le montant forfaitaire prévu (362,30 euros dans la variante centrale) ».

« Le tableau ci-après reproduit une estimation du « surcoût » du RMA pour les départements en 2004, résultant du fait que l'aide forfaitaire versée par les départements dans le cadre du revenu minimum d'activité est supérieure, dans un certain nombre de situations, à l'allocation perçue par les allocataires du RMI préalablement à la conclusion d'un CI-RMA.

Estimation du « surcoût » pour les départements lié à la création du RMA au titre de l'année 2004

Situation familiale

Estimation de personnes bénéficiant du RMA

Répartition des allocataires au RMI depuis plus de 2 ans

Montant mensuel moyen de l'allocation RMI versée (au 31/12/2002) en euros

Montant mensuel du plafond RMI net du forfait logement (au 31/12/2002)

en euros

Surcoût moyen mensuel par individu
pour les départements en euros

Surcoût moyen annuel total pour les départements en euros

Homme seul

25.345

36 %

340

357

17

5.170.147

Femme seule

14.738

21 %

320

357

37

6.543.851

couple

2.630

4 %

390

357

0

0

Isolé avec 1 ou 2 enfants

13.897

20 %

370

357

0

0

Couple avec 1 ou 2 enfants

5.926

8 %

423

357

0

0

Isolé avec 3 enfants ou plus

2.805

4 %

287

357

70

2.356.617

Couple avec 3 enfants ou plus

4.658

7 %

443

357

0

0

TOTAL

70.000

100 %

 
 

16,75

14.070.945

Source : direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales

Remarques :

- la répartition par situation familiale des 70.000 allocataires du RMA est calée sur celle des allocataires au RMI depuis plus de deux ans ;

- il est supposé que les personnes bénéficiant d'un RMA ont travaillé 12 mois avec donc une rémunération mensuelle de 541,42 euros ;

- il est supposé que les couples sont « mono-actifs », ayant donc comme seul revenu le RMA ;

- il est supposé qu'il y a autant de familles avec un enfant qu'avec deux enfants ;

- les familles de 3 enfants ou plus sont considérées comme des familles de 3 enfants.

« Les estimations figurant dans le tableau ci-dessus se fondent sur une hypothèse de 70.000 bénéficiaires du RMA, soit le nombre de bénéficiaires attendus, en moyenne, pour l'année 2004, année de « montée en puissance » du dispositif. En « régime de croisière », le revenu minimum d'activité devrait concerner, selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, près de 100.000 bénéficiaires. Le surcoût à la charge des départements pourrait alors être de l'ordre de 20 millions d'euros.

« Par ailleurs, l'évaluation figurant dans ce tableau est particulièrement prudente :

- d'une part, l'aide forfaitaire accordée dans le cadre du RMA est fixée par le présent projet de loi à un montant de 362,30 euros, alors que le surcoût estimé dans le tableau est calculé à partir d'un montant mensuel du plafond RMI net du forfait logement au 31 décembre 2002, soit 357 euros ;

- d'autre part, la simulation effectuée suppose que les bénéficiaires du RMA se répartiront de manière équitable entre les différentes catégories d'allocataires du RMI. Or, le RMA devrait bénéficier de manière majoritaire aux personnes isolées sans enfant et sans ressources complémentaires. Par conséquent, le fait de retenir pour la simulation présentée plus haut une structure de bénéficiaires du RMA strictement équivalente à celle du public pouvant y prétendre, au regard des critères fixés par le présent projet de loi, conduit vraisemblablement à une sous-estimation du surcoût de la mesure pour les départements
».

Compte tenu de ces éléments, votre commission des finances s'étonne que le gouvernement n'ait pas prévu une compensation de la création de compétence « revenu minimum d'activité », alors même que la Constitution dispose désormais, en son article 72-2, que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Lors de la discussion générale du projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un RMA au Sénat, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, avait indiqué : « ... dans un certain nombre de cas, le montant perçu par les allocataires est inférieur à celui de l'aide départementale versée à l'employeur au titre du RMA, mais toutes les analyses financières et statistiques que nous avons réalisées, tant celles du ministère des affaires sociales que celle du ministère des finances, montrent que cette hypothèse ne se réalise que dans très peu de cas de figure. Le RMA ajuste le montant de l'aide départementale - 362,30 euros - au montant moyen actuellement versé - 367,46 euros - et le système équilibre globalement le dispositif » 225( * ) .

Votre rapporteur général considère que le gouvernement se doit d'être explicite quant au coût éventuel de la création de compétence « revenu minimum d'activité ». Si, comme ce semble être le cas, cette compétence représente une charge supplémentaire - même modeste - pour les départements, il découle des dispositions introduites dans la Constitution par la révision du 28 mars dernier que cette charge doit être « accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Or, il reviendrait, de toute évidence, dans ce cas précis, au présent projet de loi de finances de prévoir ces ressources .

Au demeurant, il est rappelé que si le RMA avait vu le jour conformément à la proposition de loi « Lambert-Marini » de 2001 226( * ) , il n'y aurait eu strictement aucun surcoût à la charge de la collectivité, et que les emplois créés l'auraient été en totalité à plein temps et dans le secteur marchand...

2. L'absence de prise en compte des réformes de l'ASS

La réforme de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) entraînera vraisemblablement une augmentation importante du nombre d'allocataires du RMI. Pour mémoire, on rappellera que l'ASS peut être perçue par toute personne justifiant de 5 ans d'activité salariée durant les 10 dernières années et ayant épuisé ses droits à indemnisation dans le cadre du régime d'assurance chômage.

Le « bleu » budgétaire portant sur les crédits du travail pour 2004 prévoit, sur le chapitre 46-71, une mesure de révision des services votés portant sur 170 millions d'euros, résultant de la « réduction de la subvention de l'Etat au Fonds de Solidarité liée à la réforme de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) :

- plafonnement de la durée de versement fixée à trois ans ;

- suppression de l'accès à la majoration ;

- modification du barème applicable aux bénéficiaires de l'A.S.S vivant en couple
».

Pour l'année 2004, les conditions de versement de l'ASS doivent en effet être sensiblement modifiées. Il est ainsi prévu :

- de limiter la durée de versement de l'allocation à 3 ans pour les bénéficiaires de l'ASS âgés de moins de 55 ans à compter du 1 er juillet 2004 et à 2 ans pour les nouveaux allocataires âgés de moins de 55 ans à compter du 1 er janvier 2004. Aucune limitation de la durée de versement ne sera appliquée pour les allocataires de plus de 55 ans ;

- de supprimer l'accès à la majoration de l'ASS à compter du 1 er janvier 2004 ;

- de modifier le barème de l'ASS pour les bénéficiaires vivant en couple et entrés dans le dispositif avant le 1 er janvier 1997, à compter du 1 er juillet 2004.

Il convient de rappeler que le montant du RMI (soit 411,7 euros mensuels, au 1 er janvier 2003, pour une personne seule) est quasiment égal, pour une personne seule, à celui de l'ASS. Toutefois, les règles de cumul de revenus sont beaucoup moins sévères pour l'ASS que pour le RMI. En outre, les périodes durant lesquelles les personnes bénéficient du RMI ne sont pas prises en compte au titre de l'assurance vieillesse, contrairement à l'ASS.

Ces modifications visent à inciter au retour à l'emploi, avec la relance conjointe des contrats initiative emploi (CIE), dont peuvent bénéficier tous les allocataires de l'ASS, l'extension des règles d'intéressement permettant le cumul de l'allocation avec un revenu tiré d'une activité, et la récente annonce gouvernementale d'un accès direct, pour les allocataires de l'ASS arrivant au terme du bénéfice de l'allocation, au revenu minimum d'activité (RMA). On notera d'ailleurs, sur ce dernier point, que les modalités de cet accès ne sont pas connues à ce jour. La conclusion d'un RMA implique que soit trouvé un employeur, et cette compétence est confiée aux départements. Il semble difficile, compte tenu de ces éléments, de prévoir un basculement automatique et systématique des titulaires de l'ASS au RMA. En revanche, alors que le RMA devait être réservé à ceux des allocataires du RMI qui perçoivent cette allocation depuis une certaine durée 227( * ) , le champ des personnes pouvant bénéficier du RMA pourrait être élargi aux personnes qui verront mettre fin à leur droit au bénéfice de l'ASS.

Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, il n'existe aucune obligation juridique, pour le gouvernement, de prendre en compte la réforme de l'ASS pour le calcul de la compensation. Toutefois, il apparaît souhaitable à votre commission des finances de mettre en oeuvre les transferts de compétences à législation constante.

Ainsi que l'a souligné notre collègue Michel Mercier lors de la discussion générale du projet de loi relatif aux responsabilités locales, la réforme de l'ASS n'a pas été faite pour modifier les règles du RMI, mais dès lors que la décision du gouvernement sur l'ASS a été prise durant l'exercice 2003, il paraît logique de la prendre en compte pour le calcul de la compensation.

Sur ce point, d'ailleurs, le gouvernement a souhaité, lors de la discussion générale au Sénat du projet de loi relatif aux responsabilités locales, s'engager sur la compensation de la charge supplémentaire découlant, pour les départements, de cette réforme. Ainsi, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a indiqué que : « les compétences transférées aux départements représentaient en 2003 une charge d'environ 7,75 milliards d'euros, dont 5 milliards pour le revenu minimum d'insertion, 1,3 milliard pour la voirie, 1,15 milliard dans les domaines de l'éducation, de la culture et des sports et 300 millions d'euros pour les autres transferts sociaux.

« Certains éléments des nouvelles charges ne sont pas entièrement chiffrables aujourd'hui. Nous ne savons pas, par exemple, quel sera l'effet de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité sur le coût du R.M.I. puisque les estimations varient de presque rien à environ 400 millions d'euros ! La seule chose qui est incontestable, c'est qu'il y aura un effet et que celui-ci doit être compensé. (...)

« Le gouvernement veut vous donner toutes les garanties que les charges décentralisées seront strictement couvertes par des ressources nouvelles. ( ...)

« La première garantie est la Constitution, je n'y reviendrai pas.

« Ensuite, je propose en 2004 une « clause de rendez-vous » afin d'ajuster par région, par département et par commune les ressources transférées en fonction de la réalité des charges.

« Une garantie constitutionnelle en amont, une clause de rendez-vous en aval ! Quelle meilleure preuve de la loyauté du gouvernement ? ».

Votre rapporteur général prend acte de ces engagements particulièrement bienvenus du gouvernement.

3. L'absence de prise en compte de la diminution des durées de versement de l'assurance chômage


Les dispositions de la convention UNEDIC du 20 décembre 2002, qui doit entrer dans sa seconde phase d'application à compter du 1 er janvier 2004 (la première phase, concernant les nouveaux entrants, est entrée en vigueur à compter du 1 er janvier 2003), doivent entraîner la sortie de l'assurance chômage d'environ 180.000 allocataires dès le 1 er janvier 2004 (et, au premier mai, de près de 400.000 allocataires sur 600.000 allocataires concernés). Selon les informations recueillies par votre rapporteur général, on évalue à un tiers environ, le nombre de bénéficiaires de l'assurance chômage en fin de droits qui basculerait vers l'ASS, et à un autre tiers, ceux qui bénéficieraient directement du RMI.

Certes, on ne saurait tenir l'Etat responsable d'un accord passé entre les partenaires sociaux. Toutefois, force est de constater que l'ajout de la réforme de l'assurance chômage à celle de l'ASS viendra gonfler le nombre de Rmistes en 2004, par rapport à l'année 2003.

On peut toutefois considérer, afin de tempérer l'impact de ces deux réformes sur les dépenses que devront supporter les départements au titre du RMI en 2004, que, en raison de la conjoncture économique particulièrement défavorable en 2003, le transfert du RMI aux départements s'effectue dans une période où le nombre de Rmistes est particulièrement élevé. La reprise attendue en France pour le courant de l'année 2004 devrait, logiquement, permettre de créer des emplois et donc, de réduire le nombre d'allocataires du RMI, allégeant ainsi la charge correspondante pour les départements, par rapport à celle que supportait l'Etat au titre de l'année 2003.

4. L'absence de prise en compte des dépenses de personnel

Le rapport public 2001 de la Cour des comptes mentionnait le fait que « le ministère de l'emploi et de la solidarité délègue chaque année à ses services déconcentrés les moyens financiers leur permettant de gérer localement le RMI. La ligne budgétaire spécifique s'élevait, en loi de finances initiale, à 23,26 millions d'euros en 1997 et à 8,53 millions d'euros en 1999, après le transfert des crédits concernant la rémunération des personnels du dispositif RMI aux chapitres de rémunérations » 228( * ) .

La réponse de la ministre de l'emploi et de la solidarité figurant dans ce même rapport indiquait que « pour l'année 2000, les crédits dévolus à la gestion du RMI par les services déconcentrés (chapitre 37-13) n'ont plus été individualisés en tant que tels mais intégrés sur un chapitre budgétaire (34-98) décrivant « les moyens de fonctionnement des services déconcentrés ». Dès lors, les moyens de fonctionnement des commissions locales d'insertion n'ont pas fait l'objet d'un suivi individualisé au travers du chapitre 34-98 article 90. Dans le cadre de la directive nationale d'orientation, un dispositif de suivi sera mis en oeuvre dans tous les services déconcentrés avec échanges d'informations avec les services d'administration centrale (...) En 2002, le Gouvernement a souhaité renforcer les moyens de fonctionnement des CLI en inscrivant 2,29 millions d'euros supplémentaires sur le 34-98 dans le projet de loi de finances » 229( * ) .

Par ailleurs, une ligne de crédits de 2,2 millions d'euros destinée à « renforcer les moyens de fonctionnement des commissions locales d'insertion (CLI) » a été prévue dans la loi de finances initiale pour 2003.

Pour votre commission des finances, il va de soi que ces dépenses devront être comprises dans l'évaluation des charges transférées aux départements, dès lors qu'elles leur incomberont, à compter du transfert du RMI.

Dans son rapport pour avis au nom de votre commission des finances sur le projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un RMA, notre collègue Michel Mercier évoquait les incertitudes relatives au transfert des personnels d'Etat affectés à la gestion du RMI. L'encadré suivant reproduit un extrait de ce rapport :

La prise en compte des transferts de personnel d'Etat chargés de la gestion du RMI

Il n'est pas possible, selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès du ministère des affaires sociales, de connaître aujourd'hui avec précision le nombre d'emplois affectés, dans les services déconcentrés du ministère, à la gestion du RMI. Il n'existerait que très peu de personnel exclusivement chargé de la gestion de ce dispositif, la plupart des personnels n'étant chargé de cette gestion que pour une part de leur temps de travail. En tout état de cause, il n'existerait pas de tableau des ressources humaines affectées au dispositif du RMI bien que la Cour des comptes ait, dans son rapport public 2001, indiqué que « le ministère a assuré que les frais liés à la gestion du RMI seraient pris en considération pour déléguer les crédits désormais globalisés. Un tableau des ressources humaines affectées au dispositif du RMI restait toutefois à établir en 2000 » 230( * ) .

Le rapport de la mission commune d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales, rappelait que « ces transferts [de compétences] doivent (...) se traduire par la mise à disposition des collectivités locales des moyens nécessaires à leur exercice. En conséquence, les services ou parties de services qui exercent exclusivement des compétences désormais confiées à une collectivité locale doivent être transférés à cette dernière » 231( * ) . Or, à l'évidence, tel n'est pas le cas s'agissant de la gestion du dispositif du revenu minimum d'insertion.

Pour autant, il existe des personnels d'Etat chargés de la gestion du revenu minimum d'insertion, assurant notamment le suivi des partenariats et le secrétariat des commissions locales d'insertion (CLI). Il est donc nécessaire de prévoir que les ressources compensant les charges résultant, pour les départements, du transfert du RMI, incluent les charges correspondant aux personnels transférés.

Le présent projet de loi ne prévoit pas de transferts de personnel au titre du transfert de la compétence RMI aux départements.

Source : rapport pour avis au nom de la commission des finances de Michel Mercier sur le projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un RMA, n° 305, 2002-2003, pages 31-32

Lors de la discussion générale au Sénat du projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un RMA, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que, « quant aux transferts de personnels concernés par la décentralisation du RMI, ils sont limités. Il s'agit, pour l'essentiel, de chargés de mission et des secrétaires des commissions locales d'insertion. Leur dénombrement est en cours. Ces transferts représenteront l'équivalent de quelques emplois à temps plein par département. Ils ne sont donc pas une difficulté majeure » 232( * ) .

Au cours du débat, il avait précisé que « les modalités de compensation du transfert de charges de l'Etat aux départements seront déterminées par la loi de finances. S'agissant des personnels, les éventuels transferts s'organiseront dans le cadre des conventions conclues localement entre le représentant de l'Etat et le président du conseil général, comme pour l'ensemble des compétences transférées » 233( * ) .

Votre rapporteur général reconnaît volontiers que les personnels d'Etat concernés par la décentralisation du RMI sont « limités » et ne sont pas une « difficulté majeure ». Toutefois, dès lors que ces personnels existent, il convient d'une part, d'organiser leur transfert aux départements, et d'autre part, de compenser à ceux-ci la charge financière correspondante.

Si le transfert des personnels d'Etat concernés par la décentralisation du RMI n'était pas organisé, il en résulterait la persistance de « doublons » entre les services de l'Etat et ceux des départements, et donc, une dépense publique inutile, ce qui n'est pas souhaitable. Si en revanche, le transfert des personnels était organisé, mais n'était pas compensé aux départements, la compensation du transfert de compétences ne serait pas intégrale, et pourrait contraindre les départements à augmenter leurs impôts locaux pour rémunérer les personnels auparavant payés par l'Etat . Ni l'une, ni l'autre de ces solutions n'étant souhaitable, votre rapporteur général estime nécessaire que le gouvernement s'engage à transférer les personnels concernés aux départements et à compenser la charge financière correspondant à ce transfert.

Enfin, il convient de souligner que la décentralisation du RMI devra nécessairement s'accompagner d'un développement des moyens humains consacrés par les départements à la gestion du RMI, par rapport à ceux consacrés par l'Etat jusqu'ici. En effet, l'article 18 du projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un RMA, tel qu'issu de la première lecture au Sénat, dispose notamment que : « Le président du conseil général désigne, dès la mise en paiement de l'allocation, une personne chargée d'élaborer le contrat d'insertion avec l'allocataire et les personnes mentionnées au premier alinéa et de coordonner la mise en oeuvre de ses différents aspects économiques, sociaux, éducatifs et sanitaires (...) ». Par ailleurs, l'article 19 du même projet de loi prévoit que « [le contrat d'insertion] fait l'objet d'une évaluation semestrielle donnant lieu éventuellement à un réajustement des actions précédemment définies ».

Il résulte de ces dispositions qu'un référent sera officiellement désigné par le président du conseil général pour chaque allocataire du RMI, qui aura l'obligation de voir au moins deux fois par an tous les allocataires du RMI qui relèvent de son ressort. Ces contraintes, au demeurant parfaitement justifiées, puisqu'elles visent à rendre plus effective la démarche de réinsertion des allocataires du RMI prévue par les contrats d'insertion, ne figurent pas actuellement dans les textes législatifs portant sur la définition du contrat d'insertion. Il semble donc évident, compte tenu du travail de suivi du contrat d'insertion par les référents désignés par le président du conseil général que les dispositions du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA impliquent, qu'elles entraîneront une charge de personnel supplémentaire par rapport à la charge actuellement supportée par l'Etat . Cette charge étant indirecte, et n'entrant pas dans le champ des dispositions constitutionnelles et législatives relatives à la compensation des transferts de compétences, elle ne sera pas prise en compte dans le calcul de la compensation versée par l'Etat aux départements. De plus, la mise en oeuvre du RMA demandera un suivi individualisé spécifique, et de nombreux contacts avec les employeurs potentiels, que les conseils généraux se devront de motiver.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, environ 150 agents en charge de la gestion du RMI, actuellement rémunérés par l'Etat, pourraient être transférés aux départements. Le gouvernement devrait proposer, lors de la première lecture du projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un RMA à l'Assemblée nationale, un amendement prévoyant que, pour l'année 2004, les personnels d'Etat concernés par la gestion du RMI seront mis à la disposition des départements et continueront à être rémunérés par l'Etat. A compter de 2005, ces personnels seront transférés aux départements dans les conditions prévues par le projet de loi relatif aux responsabilités locales.

5. L'absence de possibilité de jouer sur les taux de l'imposition transférée aux départements

La compensation des transferts de compétences par l'attribution d'impositions de toute nature constitue un progrès significatif par rapport aux transferts de compétences antérieurs, qui étaient généralement compensés par le biais de la dotation générale de décentralisation (DGD). Cette solution présentait en effet un double inconvénient :

- d'une part, celui de rigidifier le budget de l'Etat, en accroissant la part des dépenses obligatoires, incompressibles et indexées sur l'indice de progression de la dotation globale de fonctionnement ;

- d'autre part, celui de réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales : celles-ci géraient en effet de plus en plus de compétences, mais avec une capacité de lever l'impôt, et donc, d'adapter le niveau de leurs ressources à l'évolution de leurs dépenses, moindre en proportion de leur budget total.

Toutefois, en l'absence de capacité à moduler les taux des impôts transférés, les collectivités territoriales ne seront pas en mesure de fixer le niveau de leurs ressources ; la différence avec une dotation ne porte donc que sur la prise en compte de l'évolution des bases correspondant à l'impôt pour la détermination de l'évolution de la ressource transférée.

L'absence de possibilité, pour les départements, de moduler les taux de la TIPP, pose problème . En effet, le RMI constitue une dépense sociale « obligatoire », puisque l'éligibilité à cette allocation continuera - et cela se conçoit - à être définie par l'Etat. Par conséquent, le département n'aura pas la maîtrise des dépenses liées au RMI. L'absence de possibilité de moduler les taux de la TIPP, et par là, de faire varier la ressource transférée afin de la faire coïncider avec l'évolution des charges, est donc une réelle difficulté : dans l'hypothèse où les charges liées au RMI augmenteraient de manière plus dynamique que le produit total de la TIPP, les départements seraient en effet contraints soit d'augmenter le taux des autres impôts dont ils bénéficient, reportant une charge importante sur les contribuables locaux, soit de réduire d'autres postes de dépenses. Dans ce dernier cas de figure, on se rapprocherait d'une tutelle indirecte de l'Etat sur les dépenses des conseils généraux. Ces derniers ne seraient alors que « sous-traitants » d'une politique de l'Etat.

A titre d'illustration, le tableau ci-dessous compare l'évolution des recettes de TIPP et des dépenses au titre du versement de l'allocation de RMI en France métropolitaine depuis 1993. Or, sur cette période, les recettes de TIPP ont augmenté de 24,3 %, soit une évolution comparable à l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux collectivités locales au cours de la même période (+ 25,3 %), tandis que les dépenses de l'Etat au titre des allocations de RMI versées en France métropolitaine ont augmenté de 84,5 %. Certes, cette période correspond à une montée en charge du nombre d'allocataires du RMI, dont on peut considérer qu'il a atteint un « point haut », compte tenu de la conjoncture économique dégradée que connaît notre pays. Toutefois, il met en valeur deux éléments importants :

- d'une part, il souligne la possibilité d'un décalage important entre l'évolution des charges liées au versement de l'allocation de RMI, et les recettes dont le présent article propose le transfert ;

- d'autre part, il montre que le transfert d'une partie du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers n'est pas nécessairement plus intéressant, d'un strict point de vue financier, que le transfert d'une dotation budgétaire indexée sur l'indice de progression de la DGF.

Comparaison de l'évolution des recettes de la TIPP, des dépenses au titre du RMI
et de l'indice de progression de la DGF depuis 1993


(en millions d'euros )

Année

Recettes (TIPP)

Evolution (TIPP)

Indice de progression de la DGF

Evolution (RMI)

Dépenses (RMI)

1993

19.273

-

+ 4,33 %

-

2.411

1994

21.517

+ 11,64 %

+ 2,00 %

+ 20,20 %

2.898

1995

21.851

+ 1,55 %

+ 1,70 %

+ 9,56 %

3.175

1996

22.621

+ 3,52 %

+ 3,77 %

+ 7,31 %

3.407

1997

22.938

+ 1,40 %

+ 1,26 %

+ 8,57 %

3.699

1998

23.465

+ 2,30 %

+ 1,38 %

+ 12,27 %

4.153

1999

24.649

+ 5,05 %

+ 2,78 %

+ 4,43 %

4.337

2000

24.271

- 1,53 %

+ 0,82 %

- 0,42 %

4.319

2001

23.409

- 3,55 %

+ 3,38 %

+ 0,09 %

4.323

2002

23.962

+ 2,36 %

+ 4,09 %

+ 3,17 %

4.460

1993-2002

-

+ 24,33 %

+ 25,32 %

+ 84,99 %

-

Source : douanes (recettes de TIPP), CNAF, ministère de l'intérieur

Le décalage entre l'évolution des ressources et des charges transférées

Lors de la discussion générale du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA au Sénat, le 26 mai dernier, notre collègue Michel Mercier, rapporteur pour avis au nom de votre commission des finances, indiquait : « Vous avez dit avec raison, monsieur le ministre, qu'une fois le transfert opéré la dépense comme l'impôt qui la finance continueraient à évoluer, et pas nécessairement de la même façon.

« Comment les choses se sont-elles passées jusqu'à présent ? En 1993, selon les chiffres que vos services nous ont communiqués - ils sont donc forcément exacts -, le coût financier de l'allocation du RMI s'est élevé à environ 2,5 milliards d'euros, et, si l'on avait décentralisé le RMI à cette époque, il aurait fallu transférer 2,5 milliards d'euros prélevés sur la TIPP aux départements.

« Comment ont évolué depuis le RMI d'un côté et la TIPP de l'autre ? Le RMI a, en 2003, représenté, vous l'avez dit et c'est tout à fait exact, 4,4 milliards d'euros, soit près de 4,5 milliards d'euros. Quant à la TIPP, qui évolue indépendamment, son produit atteint 2,98 milliards d'euros, soit environ 3 milliards d'euros 234( * ) . « Manque » donc 1,4 milliard d'euros, même si je ne tire pas de ces deux évolutions et de cette constatation la conclusion qu'il manquera systématiquement 1,4 milliard d'euros, parce que, demain, les choses peuvent évoluer différemment. Le Gouvernement devrait transférer des centimes de TIPP aux départements sans tenir compte des abattements que, par exemple dans un système de TIPP flottante, il peut décider pour limiter le coût du carburant. Quoi qu'il en soit, on voit bien que l'évolution de la TIPP est assez différente de celle du coût du RMI.

« En conséquence, si on laisse les choses en l'état, c'est-à-dire si on ne prévoit pas de possibilité de modulation, ne restera qu'un seul recours, à savoir la taxe d'habitation, puisque la taxe professionnelle produit beaucoup moins.

« Nous n'allons pas clore le débat sur la modulation aujourd'hui, ce serait trop long, mais il faut au moins l'ouvrir, monsieur le ministre. Je crois que, tous, nous pouvons y participer et nous devons faire assaut d'imagination, car si transférer la TIPP, c'est bien, ne pas prévoir la possibilité de moduler le taux, c'est beaucoup moins bien ! Il faut donc envisager le transfert d'autres impôts. N'étant pas ministre du budget, et n'aspirant pas à l'être, j'ignore lesquels, mais j'espère, monsieur le ministre, que vous nous direz quelles autres pistes peuvent être ouvertes tant le différentiel entre l'évolution des dépenses et des charges est grand.

« Il n'y aurait de pire sinon que de transférer aux départements une dépense qui évolue relativement vite non seulement du fait de l'augmentation du nombre des allocataires, mais aussi parce que ni vous-même ni ceux qui, dans de nombreuses années, vous succéderont ne prendront l'engagement de ne jamais augmenter les minima sociaux. Il faudra les augmenter, et c'est normal, mais la TIPP, elle, n'augmentera pas parce que les minima sociaux augmentent ! ».

Dans la suite de la discussion générale, notre collègue Jean-Pierre Fourcade indiquait :

« Monsieur le ministre, je vous ai rendu hommage en commission en indiquant que l'article 3 du projet de loi était conforme, dans son écriture, au texte constitutionnel que nous avons adopté ici-même. (...) Encore faut-il savoir de quel impôt il s'agit ! (...) Encore faut-il savoir comment sera transféré le morceau d'impôt - je préférerais qu'il s'agisse de morceaux de plusieurs impôts, de manière que le financement soit mieux assuré et que l'équilibre des budgets départementaux soit mieux garanti -, quelles que seront l'évolution et la modulation de ce transfert. C'est la raison pour laquelle je reste attaché au transfert d'un morceau d'impôt assorti d'une modulation des taux par la collectivité départementale ou par la collectivité régionale : seule cette solution permettrait de faire face aux difficultés que nous rencontrons. Cela n'est pas précisé dans l'article 3 parce que ce n'était pas possible, mais j'espère que cela figurera dans le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales, qui est en préparation. Nous veillerons, en tous les cas, à ce que la loi de finances en tire les conséquences.

« On ne saurait, en effet, se lancer dans un processus de transfert aussi coûteux pour les collectivités territoriales que le fut celui qui concernait les collèges et les lycées, dont nous avons tous gardé un très mauvais souvenir : l'Etat nous ayant donné ce que lui-même dépensait - c'est-à-dire, passez moi l'expression, des « clopinettes » -, nous avons été obligés d'augmenter notre fiscalité pour pouvoir faire face aux besoins.

« Il faut que, dans notre pays, comme dans les autres grands pays européens, soit instaurée, entre l'Etat et les collectivités locales, une procédure de révision tous les trois ou cinq ans, opérée par des organismes ad hoc et permettant de faire apparaître l'évolution des flux financiers ».

Source : JO Débats Sénat, séance du 26 mai 2003, pages 3606-3607 et pages 3620-3621

Il convient toutefois de ne pas considérer de manière isolée le transfert de la compétence RMI aux départements. En effet, bien qu'ayant fait l'objet d'un projet de loi spécifique, et que l'entrée en vigueur de celui-ci soit prévue au 1 er janvier 2004 235( * ) , le transfert du RMI s'inscrit dans un processus plus large de transfert de compétences prévu par le projet de loi relatif aux responsabilités locales, récemment adopté par le Sénat en première lecture .

Le transfert du RMI aux départements représente une charge d'environ 5 milliards d'euros, les autres transferts de compétences au profit des départements, prévus par le projet de loi relatif aux responsabilités locales représentant, pour leur part, une charge légèrement supérieure à 3 milliards d'euros. Or, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a indiqué au Sénat, lors de la discussion générale portant sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, que la compensation des transferts de compétences prévus dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales devrait être réalisée, pour l'essentiel, par le transfert de ressources fiscales modulables : « le gouvernement va donner une preuve supplémentaire de sa bonne volonté en transférant aux départements une partie de la taxe sur les conventions d'assurance. Le périmètre précis de la ressource transférée reste à définir précisément. Même s'il ne devait couvrir que les deux principaux risques - l'habitation et l'automobile - cela représenterait une ressource supplémentaire de 3,5 milliards. J'ajoute que les départements auront une liberté de vote des taux autour d'un taux moyen.

« Cette ressource couvrira une partie des charges transférées, mais aussi le coût des services départementaux d'incendie et de secours, pour 1,3 milliard ».

Par conséquent, sur environ 8 milliards d'euros de charges transférées aux départements par le projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA et par le projet de loi relatif aux responsabilités locales, on peut estimer, de manière très approximative, à environ 40 % la part des ressources transférées aux départements qui pourra faire l'objet d'une modulation 236( * ) .

C. UNE CLARIFICATION SOUHAITABLE POUR DONNER UN SIGNAL POSITIF À LA SUITE DE « L'ACTE II » DE LA DÉCENTRALISATION

Votre commission des finances s'est attachée, à l'occasion de l'examen du présent article, à soulever l'ensemble des problèmes liés à la compensation du transfert de compétence visée par le présent article, dans le nouveau cadre juridique issu notamment de la révision constitutionnelle du 28 mars dernier. En effet, s'agissant de la compensation du RMI, plusieurs points exigent d'être clarifiés, afin d'éviter que la décentralisation ne provoque une augmentation des impôts locaux, et une mauvaise appréhension, par les élus locaux et les contribuables, d'une réforme essentielle pour moderniser notre pays et rendre plus efficace les politiques publiques.

Elle souhaite donc, qu'à l'occasion de la discussion du présent article en séance publique, le gouvernement vous assure, en apportant, sur les différents points relevés par votre commission des finances, les précisions qui s'imposent, que la compensation du transfert du RMI aux départements sera intégrale.

Votre commission des finances souhaite toutefois souligner les garanties qu'offre désormais la Constitution et les engagements d'ores et déjà pris par le gouvernement, notamment à l'occasion de la discussion au Sénat du projet de loi relatif aux responsabilités locales, quant à la loyauté avec laquelle il compte mettre en oeuvre la compensation des transferts de compétences vers les collectivités territoriales.

Elle rappelle également que les charges résultant du transfert du RMI aux départements seront retracées chaque année dans le bilan que doit établir chaque année, à l'intention du Parlement, la commission consultative sur l'évaluation des charges, en vertu des dispositions de l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales, si celle-ci s'acquitte enfin de son obligation législative 237( * ) . Cette information devrait permettre de constater si la compensation proposée par le présent article permet de couvrir les charges résultant de la compétence transférée aux départements.

Votre commission des finances rappelle d'ailleurs que le Sénat a adopté, lors de la première lecture du projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un RMA, un amendement visant à retracer, dans ce même bilan, l'évolution des charges résultant des créations et extensions de compétences. Les charges supplémentaires éventuellement liées à la création d'un revenu minimum d'activité pourraient donc être connues grâce à l'établissement du bilan de la commission consultative sur l'évaluation des charges, si cette disposition était maintenue dans le projet de loi précité.

Enfin, l'introduction, par l'Assemblée nationale, de l'obligation pour le gouvernement de remettre, tous les trois ans, un rapport au Parlement, devrait permettre de compléter cette information.

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page