c) Les progrès récemment enregistrés n'éludent pas la nécessité d'une budgétisation du FED

Un signe tangible de la relative amélioration de la gestion du FED réside dans la hausse de la contribution française au cours des dernières années, puisque le montant des appels trimestriels à contribution est calculé en fonction des besoins de trésorerie du FED. C'est le rythme des décaissements qui détermine celui des contributions.

La Commission a en outre entendu les critiques des Etats membres et a mis en place une réforme de l'aide extérieure de l'Union, et en particulier du fonctionnement du FED (cf. encadré), qui s'est traduite par des progrès en matière d'exécution 48( * ) . En 2001, les engagements avaient fortement diminué de 60 %, mais les paiements avaient progressé d'un tiers, dont une large partie était imputable aux versements exceptionnels liés à la liquidation des mécanismes STABEX et SYSMIN. L'exercice 2002 a permis de nouvelles décisions à hauteur de 1,85 milliard d'euros, en légère baisse par rapport à l'objectif initial de 2 milliards d'euros (conforme à la moyenne annuelle depuis 1989) du fait de la non-sollicitation de la tranche de 150 millions d'euros par la Banque européenne d'investissement au titre de l'initiative PPTE. Les paiements se sont élevés à 1,9 milliard d'euros, alors que la moyenne depuis 1989 n'était que de 1,6 milliard. Les montants prévus pour 2003 et 2004 apparaissent notablement plus élevés que dans le passé 49( * ) : ainsi pour l'exercice 2003, l'estimation des paiements faite par la Commission et qualifiée de « prudente » s'établit à 2,1 milliards, dont 60 millions d'euros pour la BEI ; l'exercice prévisionnel 2004 est quant à lui arrêté à 2,6 milliards d'euros de paiements, dont 225 millions d'euros consacrés à la BEI. L'objectif annoncé par le commissaire au développement, M. Poul Nielson, est d'arriver à une moyenne annuelle de 3 à 3,5 milliards d'euros de paiements annuels, ce qui apparaît assez irréaliste au vu du rythme de décaissement de ces dernières années et des réformes déjà accomplies . De manière générale, on constate une certaine accélération dans le décaissement des crédits du FED et une résorption encore trop lente des délais nécessaires à la consommation des dotations , qui s'établirait, selon l'Office EuropeAid, à 4,4 ans pour le FED, 6,6 ans pour ALA et 6,3 ans pour MEDA. Les affamés peuvent attendre !

La décision de la Commission d'apporter des contributions exceptionnelles significatives à certaines grandes opérations transversales , qui constitue originellement une initiative française, devrait contribuer à amplifier ce mouvement dans les années à venir. Outre les contributions précédemment mentionnées, il convient ainsi de relever que Président de la Commission, M. Romano Prodi, a annoncé en juillet dernier que le FED allait débloquer une somme de 250 millions d'euros pour soutenir les opérations de maintien de la paix conduites par les Africains sur leur continent 50( * ) . De même, le FED devrait accélérer le déboursement de 170 millions d'euros destinés aux Fonds mondial contre le sida.


Récapitulatif des engagements et paiements annuels du FED (tous protocoles financiers confondus)

(en millions d'euros)

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Evolution 1995/2002

Engagements

1.520

965

616

2.296

2.693

3.757

1.554

1.768

16,3 %

Paiements

1.564

1.317

1.213

1.440

1.275

1.548

2.068

1.902

21,6 %

Paiements hors versements exceptionnels (2000 et 2001)

1.564

1.317

1.213

1.440

1.275

1.298

1.315

1.902

 

Source : « La budgétisation du FED », rapport au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - mai 2003

Les nouvelles modalités de gestion de l'aide extérieure et la réforme du FED

1 - La réforme de l'aide budgétaire extérieure

Les critiques récurrentes à l'encontre de la gestion de l'aide extérieure européenne ont incité la Commission à prendre des mesures correctrices. La création en 2001 de l'Office de coopération EuropeAid a ainsi contribué à simplifier les différentes étapes d'élaboration des projets et de leur mise en oeuvre. Préalablement à la réforme de l'aide extérieure, un partage des responsabilités entre différents services de la Commission conduisait en effet à un trop grand émiettement des responsabilités et à une utilisation peu efficace des ressources. L'office EuropeAid, qui ne dispose pas de la personnalité juridique et est placé sous la responsabilité conjointe du commissaire au développement (DG DEV) et du commissaire aux relations extérieures (DG RELEX), est chargé de la mise en oeuvre de l'ensemble des instruments budgétaires d'aide extérieure ainsi que du FED, à l'exception de certaines rubriques (PESC, actions humanitaires, instruments de pré-adhésion). Il est donc responsable de toutes les phases du cycle des opérations, de l'instruction des projets à leur évaluation.

La réforme a également permis de généraliser le recours à la programmation (définition de documents stratégiques) et à la déconcentration de la gestion des projets au sein de plusieurs délégations régionales de la Commission. En outre, le champ d'action a été limité à six thèmes privilégiés : politiques macro-économiques et accès équitable aux services sociaux, sécurité alimentaire et développement rural, transports, commerce et développement, intégration régionale, bonne gouvernance) et trois priorités transversales (démocratie, rôle de la femme et protection de l'environnement.

2 - La réforme du FED

Dans un souci d'efficacité, l'accord de Cotonou qui régit le FED a réduit à deux le nombre d'instruments financiers relevant du Fonds : un instrument pour subventionner l'aide au développement à long terme et une facilité d'investissement afin de promouvoir le développement du secteur privé dans les Etats ACP. Les instruments de stabilisation des recettes d'exportation qu'étaient le STABEX et le SYSMIN n'ont donc pas été maintenus , ce qui a conduit à des opérations de liquidation en 2000 et 2001 et à une hausse conjoncturelle des paiements (la créance française sur le Stabex était ainsi de 471 millions d'euros fin 2000 et a été totalement apurée en début d'année 2002). Le système de programmation a également été modifié selon une logique incitative , puisque l'allocation des ressources aux pays ACP ne se fait plus seulement en fonction de leurs besoins, mais aussi de leurs résultats. Le montant de l'enveloppe pluri-annuelle allouée à un Etat devrait ainsi dépendre étroitement des résultats d'une évaluation périodique. L'accord de Cotonou prévoit une implication plus forte du Conseil des ministres ACP-UE qui examine, au moins une fois par an, si les objectifs assignés à chaque Etat ACP sont effectivement atteints.

Le Comité du FED a essentiellement pour objet la mise en oeuvre de l'enveloppe financière. Conséquence de la décentralisation de la Commission, ce comité, qui se réunit six à huit fois par an, a de moins en moins vocation à se prononcer sur les projets au cas par cas , la Commission ayant obtenu que ses travaux se concentrent sur l'examen des stratégies pays, des programmes indicatifs nationaux et des plans annuels de financement qui les accompagnent. Désormais, ce sont les délégations locales de la Commission qui sont chargées de la mise en oeuvre de la stratégie pays, arrêtée par le Comité du FED, ce qui consiste en l'identification des projets, leur montage, leur mise en oeuvre et le suivi. Ce recentrage peut être l'occasion de donner une réelle inflexion ou impulsion aux activités de la Commission dans les pays concernés.

Le Conseil des ministres a décidé d'appliquer l'accord de Cotonou par anticipation à compter du 2 août 2000, sans attendre son entrée en vigueur le 1 er avril 2003. Lors de cette période de transition, la Commission a affecté 1.200 millions d'euros de la réserve générale du 8 e FED à la programmation du 9 e FED. Enfin, pour éviter les retards de mise en oeuvre qui ont marqué les précédents cycles, la Commission a initié l'adaptation de certains textes d'accompagnement nécessaires à la mise en oeuvre de la convention dès son entrée en vigueur.

Source : « jaune » annexé au PLF 2004 relatif aux relations financières avec l'UE

Il importe toutefois de demeurer lucide quant au niveau des progrès enregistrés : si une évolution favorable est indéniable, il n'y a vraiment pas lieu de s'en contenter, tant le niveau de départ est désastreux. Il importe également de s'interroger sur l'impact d'une hausse des versements sur le terrain : si la volonté d'accélérer les décaissements devait se traduire par une moindre sélectivité des projets et par de nouveaux « éléphants blancs », la gabegie n'aurait fait que changer de localisation. L'efficacité de l'amélioration apparente de la gestion doit donc faire l'objet d'une évaluation approfondie. Les errements des années passées doivent en outre conduire à se poser sérieusement la question de l'ampleur des contributions des Etats membres et de la capacité d'absorption des récipiendaires . S'il faut en moyenne quatre ans pour dépenser les crédits, ne conviendrait-il pas de revoir à la baisse les ambitions quantitatives de la Commission, pour privilégier des projets mieux ciblés ? La croissante « externalisation » de la programmation du FED vers des fonds ad hoc multilatéraux se heurte également à certaines limites conceptuelles , car si elle constitue une solution partielle en matière de gestion des paiements, elle témoigne aussi de la difficulté à bien cerner la vocation du Fonds et d'une insertion croissante de l'aide-programme. Votre rapporteur spécial considère ainsi que si certains projets transversaux méritent d'être soutenus, il est également nécessaire de ne pas faire du FED, à moyen terme, une sorte de « sas » budgétaire vers l'abondement de fonds multilatéraux. Là encore, le problème de la gestion de l'aide communautaire au développement n'aurait fait qu'être déplacé vers les institutions multilatérales, dont la gestion est également loin d'être exempte de toute critique et qui se gardent bien de souligner la participation française pourtant la plus forte !

Dans l'immédiat, la poursuite de la réforme du FED - qu'il ne s'agit pas de faire disparaître mais bien d'améliorer - doit se traduire par une mesure déterminante consistant en son intégration dans le budget communautaire, et partant sa soumission au droit commun de la gestion et du contrôle budgétaires . Les avantages escomptés de cette budgétisation sont grands, à commencer par un meilleur partage de la charge de financement (et donc par une réduction significative de la contribution française), et ses risques mesurés, ainsi que l'explique l'encadré ci-après.

Les perspectives de budgétisation du FED

L'intégration du FED dans le budget communautaire constitue une initiative française, formalisée dans un rapport remis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en mai 2003, et qui reçoit un écho favorable de la Commission. Michaele Schreyer et Poul Nielson, respectivement commissaires chargés du budget et du développement, ont en effet fait des propositions en ce sens début octobre 2003, et ont insisté sur la fenêtre d'opportunité qui s'ouvrait aujourd'hui comme sur les avantages escomptés de la budgétisation en termes d'efficacité, de transparence, de légitimité, de contrôle et de modernisation des relations de l'Union avec les Etats ACP. Il apparaît que la budgétisation, si elle n'est pas la panacée et ne devrait pas résoudre toutes les difficultés, n'en constitue pas moins une nécessité technique d'une grande portée politique .

Le rapport sur la budgétisation du FED considère que la double spécificité institutionnelle et budgétaire du FED constitue aujourd'hui un double archaïsme . La spécificité budgétaire tient en particulier à l'absence d'annualité - alors que ce principe serait compatible avec l'établissement d'une programmation pluri-annuelle - et au relâchement auto-entretenu de la contrainte temporelle, dû en particulier aux ratifications tardives des protocoles quinquennaux successifs et à l'absence d' « échéance couperet » qui conduit à ce que chaque FED puisse demeurer en vie aussi longtemps que les crédits prévus restent non consommés. La liberté de gestion et l'impossibilité de tout transfert de crédits vers le budget communautaire, qui étaient longtemps apparus comme des atouts, sont aujourd'hui des facteurs de vulnérabilité et privent le FED des vertus généralement attachées à la notion de budget, l'obligation de faire des choix comme de respecter des délais, contribuant in fine à la thésaurisation des promesses d'aide .

En outre, l'absence de partage des rôles clair entre autorités d'élaboration et d'exécution et le manque de lisibilité globale de cet instrument rendent le contrôle politique difficile, d'autant que le Parlement européen - et de manière générale toute intervention parlementaire - est exclus du processus.

Cette spécificité, selon le rapport, est devenue une entrave aux réformes . La redéfinition du rôle du Comité du FED, qui depuis le 1 er avril 2003 se recentre sur les orientations stratégiques, témoigne d'un souci d'efficacité mais retire une part de la capacité d'influence des principaux pays contributeurs. L'élargissement de 2004 pose également le problème de la capacité contributive des nouveaux adhérents, et partant le risque de deux catégories d'Etats membres au regard du FED, les donateurs et les non contributeurs. La rénovation du FED à l'intérieur de son statut particulier a été largement explorée, et les marges de manoeuvre de modernisation sans budgétisation semblent épuisées . L'idée de récompenser les pays performants a en particulier été discutée avec les pays ACP et consacrée dans l'accord de Cotonou, mais la persistance des reliquats apporte un démenti aux espérances des signataires . Si un accroissement du volume des décaissements peut être observé depuis trois ans, il a été pour l'essentiel obtenu grâce à d'importantes contributions particulières à des fonds multilatéraux, qui incitent à juger les prévisions de décaissements de la Commission pour la période 2000-2007 comme particulièrement optimistes. On constate enfin une volonté manifeste de rapprocher les règles du FED, tout en maintenant son statut, de celles du budget (notamment par l'insertion d'une « sunset clause » prévoyant l'annulation automatique des engagements non suivis de décaissement, mais cela ne devrait pas suffire à améliorer durablement les décaissements, compte tenu d'autres facteurs de blocage. Ainsi, l'idée de réallocation entre pays se heurte au fait que « les fonds bloqués du fait de pays non performants ou de l'application de sanctions peuvent en pratique être gelés indéfiniment sans préjudice apparent pour le groupe ACP, car sans risque affiché de réaffectation au profit d'une autre région du monde ».

Les rapporteurs considèrent que la notion de partenariat, consubstantielle au FED, ne font pas obstacle à sa budgétisation . La budgétisation, qui ferait du FED une dépense de la rubrique IV, devrait apporter des aménagements tels que le recours à la notion de « crédits d'engagement » dans le cadre des programmes pluriannuels, une possible remise en cause de certains aspects administratifs du système des ordonnateurs nationaux, une meilleure utilisation des complémentarités offertes par les cofinancements, la mise en place de fonds sectoriels, ou l'insertion d'une clause dérogatoire tendant à faciliter les délégations de crédits, sur lesquelles le règlement financier général de la Communauté est actuellement très restrictif. L'automaticité des allocations de fonds, qui a imprégné la « culture » de Lomé, sera d'autant moins prégnante qu'il existe une conditionnalité européenne particulièrement affirmée dans le domaine politique. La budgétisation devrait aussi avoir pour effet de rééquilibrer le « triangle d'incompatibilité du décaissement » entre conditionnalité, allocation automatique et versement rapide, en restaurant l'importance du critère du décaissement. La budgétisation devrait également contribuer à ce que se traduise réellement le choix consistant à favoriser davantage les pays performants, et susciter des évolutions organisationnelles chez les récipiendaires.

La budgétisation devrait en outre présenter les avantages suivants :

- une vision globale et une plus grade lisibilité des actions extérieures et de la politique de coopération de l'Union . La perspective de disposer d'un seul instrument pour financer des actions transversales et sectorielles apparaît également beaucoup plus saine ;

- un gain pour chacune des trois grandes institutions de l'Union : Commission, Parlement et Conseil ;

- une meilleure aptitude de l'Union à faire valoir ses choix . La priorité accordée aux pays ACP devra toutefois être explicitement précisée. En revanche, si la budgétisation devrait pallier le manque d'incitation du système actuel, elle ne résoudra pas par elle-même l'insuffisante capacité d'absorption de certains pays bénéficiaires. En outre, le souci de protéger la ressource, principale préoccupation des pays ACP qui redoutent que la budgétisation n'aboutisse in fine à réduire les montants alloués, doit conduire à prévoir des mécanismes d'alerte en cas de mauvaise consommation des crédits, plutôt qu'à remettre en cause le principe même de la budgétisation.

Source : « La budgétisation du FED, une étape dans la modernisation de l'aide » - Rapport de MM. Dominique Bocquet et Stéphane Viallon au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mai 2003

Votre rapporteur spécial approuve la fermeté du gouvernement français sur l'utilisation des crédits du FED, après que la France a trop longtemps fait preuve d'une confiance excessive à l'égard de la Commission européenne. En dépit de progrès récents que l'on ne peut nier en matière de consommation des crédits, le niveau de départ est trop insuffisant et la marge d'amélioration trop ténue pour que l'on puisse faire l'économie d'une vraie réforme du fonctionnement du FED. L'alternative est en réalité la suivante :

- constater que la variable d'ajustement réside en réalité dans les montants alloués, et réviser à la baisse les ambitions communautaires en matière de coopération afin d'assurer un meilleur taux de consommation des crédits ;

- intégrer le FED dans le budget général, en tant que levier pour une réforme structurelle de son fonctionnement institutionnel et financier.

Votre rapporteur spécial considère que la seconde option est la meilleure, en ce qu'elle présente le triple avantage de pérenniser le volume d'aide au développement 51( * ) (pour autant que la budgétisation soit assortie de garanties suffisantes), de réunir les conditions propices à une gestion plus performante, et de réduire la contribution française par l'application des clefs de répartition du budget général.
La France serait en effet le principal bénéficiaire sur le plan budgétaire, puisque sa contribution passerait de 24,5 % à 16,4 % (dans le cadre d'un périmètre de financement non élargi), soit à titre d'exemple une économie de plus d'un milliard d'euros pour l'abondement de l'enveloppe du 9 e FED (13.500 millions d'euros au total).

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