N° 113

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 décembre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion fiscale en matière d' impôts sur le revenu et sur la fortune ,

Par M. Jacques CHAUMONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir le numéro :

Sénat : 201 (2002-2003)

Traités et conventions.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de l'avenant à la convention fiscale franco-argentine signée le 4 avril 1979 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Argentine, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, qui a été signé à Buenos Aires le 15 août 2001.

I. LA SITUATION POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE EN ARGENTINE

A. LA SITUATION ÉCONOMIQUE

Pays émergent, l'Argentine conserve une économie peu ouverte (9 % du produit intérieur brut) et ses exportations sont, pour 60 % environ, d'origine agricole (c'est l'un des principaux exportateurs de blé au monde, ainsi qu'un exportateur important de soja et de ses produits dérivés). La libéralisation de l'économie engagée dans les années 1990 a permis de stabiliser l'économie, après l'hyperinflation des années 1980, et d'attirer des investisseurs étrangers 1 ( * ) .

Basé sur une politique monétaire stricte (parité peso / dollars) et sur d'importantes réformes structurelles (ouverture commerciale, déréglementations, réduction drastique du secteur étatique par le biais de privatisations), le plan Cavallo 2 ( * ) , mis en place en mars 1991, a produit des résultats positifs en terme de croissance économique et de stabilité monétaire, qui ont attiré les investisseurs internationaux. Toutefois, le coût social de ces mesures a été important, et la dette argentine est passée de 31 % du PIB en 1994 à 50 % en 2001. Les répercussions financières de la crise mexicaine de 1995, des crises asiatiques, russes et brésiliennes en 1998-1999 ont aggravé une situation budgétaire fragile, la dévaluation du real brésilien réduisant par ailleurs la compétitivité des exportations argentines.

Afin de ramener la confiance, la communauté financière internationale a accordé à l'Argentine un prêt d'un montant de 39,7 milliards de dollars en décembre 2000, destiné à couvrir ses besoins de financement en 2001, et à permettre le retour de la croissance dans le cadre du programme négocié avec le Fonds monétaire international (FMI).

En dépit d'efforts budgétaires et d'un nouveau soutien du FMI portant sur 8 milliards de dollars supplémentaires en août 2001, l'Argentine n'est pas parvenue à sortir de la crise. A la fin de l'année 2001, devant l'imminence d'un défaut sur la dette extérieure, la fuite des capitaux s'est accélérée . Pour éviter l'implosion du système financier, le gouvernement a gelé les dépôts bancaires le 3 décembre 2001. Au terme du traité 1570-01, les personnes physiques ou morales se sont ainsi vu interdire l'accès à leur compte bancaire.

M. Eduardo Duhalde, désigné président le 1 er janvier 2002, a ouvert sa présidence par deux décisions majeures : la confirmation du moratoire sur la dette extérieure et la dévaluation du peso. La loi d'urgence publique du 6 janvier 2002 a mis en place un régime se caractérisant par l'élargissement du pouvoir exécutif, ainsi qu'un contrôle des changes. Elle a décidé par ailleurs la « pesification » des obligations internes libellées en dollars, 1 dollar devenant équivalent à 1 peso, afin d'amortir le coût de la dévaluation. Un contrôle des prix a été instauré, tandis que les licenciements ont été suspendus. Le régime des concessions et des privatisations a également été revu. Afin de protéger les intérêts des particuliers, la loi a enfin prévu des mesures devant se traduire par la stabilité des prix des services publics, qui doivent être libellés en pesos. Cette loi avait une durée de validité dont l'échéance était fixée au 10 décembre 2003. Les prérogatives de l'exécutif ont toutefois été récemment reconduites jusqu'en décembre 2004. S'agissant des services publics, la redéfinition décidée devrait faire l'objet d'une renégociation dont le délai a été prolongé jusqu'à la fin de l'année 2004. Le contrôle des changes a été considérablement assoupli, en particulier pour ce qui concerne l'achat des devises (limité à 500.000 dollars par mois pour les résidents). Enfin, les restrictions au rapatriement des dividendes ni au paiement des prestations de services ont été levées.

La dévaluation, en mettant fin à la convertibilité du peso, avait pour objectif de relancer les exportations en ramenant le taux de change et les salaires réels à des niveaux permettant de rendre compétitives les exportations argentines.

La récession économique a toutefois atteint 11 % en 2002, tandis que le taux de chômage était de 22 % et que l'inflation pesait lourdement sur les revenus : en moins d'un an, le pourcentage de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté a atteint 57 %.

Afin de faire face à la dégradation de la situation économique, libérer les dépôts bancaires et relancer l'économie, le gouvernement argentin a demandé un nouvel appui financier au FMI. A la suite de négociations difficiles, un accord a été conclu en septembre 2003.

En 2003, grâce au réaménagement du service de la dette et à l'ajustement monétaire qui a permis aux produits argentins de bénéficier d'un regain de compétitivité 3 ( * ) , la situation économique de l'Argentine semble s'être consolidée : la croissance devrait être positive pour l'année 2003. Le peso a récupéré environ 25 % de sa valeur. Par ailleurs, les finances publiques ont amorcé leur redressement à compter de mai 2002, grâce notamment à la progression des recettes fiscales.

Toutefois, la dette extérieure, qui a été multipliée par quatre en vingt ans, atteint 178 milliards de dollars en décembre 2003, soit 140 % du PIB. La restructuration de la dette reste donc un problème important pour l'Argentine.

B. LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE

La crise économique qui a frappé l'Argentine à la fin des années 1990 a placé le chômage et les inégalités sociales au coeur du débat politique, notamment à l'occasion de l'élection présidentielle de 1999. Le 24 octobre 1999, M. Fernando de la Rua, maire radical de Buenos Aires et candidat de l'Alliance de l'opposition (Union civique et radicale et Frepaso), l'emporte dès le premier tour de l'élection présidentielle face à M. Eduardo Duhalde, gouverneur péroniste de la province de Buenos Aires.

Les élections législatives du mois d'octobre 2001 ont confirmé que la crise économique se doublait d'une grave crise de confiance politique. Le chômage massif et la faillite des institutions de protection sociale ont exacerbé les tensions sociales dans le pays 4 ( * ) .

Le 2 décembre 2001, le gouvernement annonce un gel des dépôts bancaires pour sauver un système financier menacé de faillite, sous l'effet des retraits massifs des épargnants. Moins de trois semaines plus tard, le 21 décembre 2001, des émeutes et des manifestations dans la capitale contraignent le gouvernement et le Président à la démission. Le péroniste Rodriguez Saa, désigné par le Congrès pour achever le mandat présidentiel, annonce un moratoire sur la dette, mais est contraint à la démission après une semaine seulement, par de nouvelles manifestations populaires.

M. Eduardo Duhalde est nommé le 1 er janvier 2002 par une majorité parlementaire composée des péronistes et des radicaux pour achever le mandat de M. de la Rua. Sa désignation répond à l'urgence créée par le vide politique dans un contexte économique catastrophique.

En juillet 2002, des élections présidentielles anticipées ont été annoncées. Elles ont eu lieu en avril 2003. 19 candidats se sont présentés à cette élection, dont trois d'entre eux étaient issus du même parti péroniste, le Parti Justicialiste : M. Carlos Menem (élu président de la République argentine en 1989 et en 1994), M. Rodriguez Saa et M. Nestor Kirchner.

Ces trois candidats ont réuni près de 60 % des suffrages au premier tour de l'élection, soit 24,3 % pour M. Menem, 22 % pour M. Kirchner et 14,1 % pour M. Saa. Pour la première fois dans l'histoire de l'Argentine, aucun candidat n'est parvenu à être élu dès le premier tour. L'annonce de l'ancien président Carlos Menem, pourtant arrivé en tête au premier tour, de ne pas se présenter au second tour de l'élection présidentielle, a constitué une surprise. Ce renoncement, qui résulte sans doute du fait que les sondages rendaient prévisible une large victoire de M. Kirchner, a conduit ce dernier à devenir automatiquement président de la République, en l'absence de second tour.

* 1 L'Argentine a, sous le gouvernement de Carlos Menem, entre 1989 et 1999, été le pays d'Amérique latine qui a privatisé le plus grand nombre d'entreprises publiques.

* 2 Ministre de l'économie du gouvernement de Carlos Menem.

* 3 Les exportations ont ainsi augmenté de 15 % en 2003 par rapport à 2002. Les importations ont connu une évolution comparable.

* 4 Sur l'ensemble de ces aspects, on pourra utilement se reporter au compte rendu de la mission d'information effectuée en Argentine du 12 au 18 avril 2003 par une délégation du bureau de votre commission, in Bulletin des commissions, n° 26, du 10 mai 2003 pages 4373 à 4376.

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