CHAPITRE III
DISPOSITIONS PROPRES À L'ENTRAIDE
ENTRE LA FRANCE ET CERTAINS ÉTATS

Article 695-10 du code de procédure pénale
Possibilité d'étendre par voie conventionnelle à d'autres Etats étrangers l'application des mécanismes d'entraide propres aux Etats membres
de l'Union européenne (transmission directe des demandes d'entraide
et possibilité de constituer des équipes communes d'enquête)

Le texte proposé pour l'article 695-10 du code de procédure pénale a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées.

CHAPITRE IV
DU MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN ET DES PROCÉDURES
DE REMISE ENTRE ÉTATS MEMBRES RÉSULTANT
DE LA DÉCISION-CADRE DU CONSEIL
DE L'UNION EUROPÉENNE DU 13 JUIN 2002

Actuellement, l'extradition est régie par plusieurs textes qui se superposent.

La convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 signée dans le cadre du Conseil de l'Europe complétée par des accords bilatéraux définit les grands principes en la matière . Faute de traité entre la France et un Etat étranger et sur des points ignorés des conventions, la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers s'applique également.

Inséré par le Sénat sur la proposition de notre excellent collègue M. Pierre Fauchon, avec l'avis favorable tant de votre commission que du gouvernement, le chapitre IV du titre X du livre IV du code de procédure pénale qui regroupe quarante articles nouveaux (articles 695-11 à 695-51), tend à transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres.

Concrétisant pour la première fois le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice rendues en matière pénale, le mandat d'arrêt européen constitue une avancée décisive. Il tend à substituer au mécanisme traditionnel et contraignant de l'extradition, qui implique l'intervention du pouvoir exécutif, un dispositif exclusivement judiciaire souple et rapide plus adapté au fonctionnement de l'espace judiciaire européen, lequel repose sur un haut degré de confiance et de coopération entre les Etats membres .

Le mandat d'arrêt européen, matérialisé en un document unique, consiste en une « décision judiciaire émise par un Etat membre en vue de l'arrestation et de la remise d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté » (article premier de la décision-cadre). Les deux étapes actuelles de l'extradition qui donnent lieu à deux procédures distinctes -arrestation provisoire et remise- seraient concentrées en une seule .

Dans ses grandes lignes, la procédure se déroulerait de la manière suivante : l'autorité judiciaire d'un Etat membre introduirait sa demande auprès de l'instance judiciaire d'un autre pays membre ; celle-ci devrait alors décider du transfert de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen dans un délai maximum de soixante-dix jours .

Actuellement, la durée moyenne des procédures d'extradition -trop longue (de huit à dix mois, six mois en moyenne lorsque la personne consent à sa remise)- s'explique par les retards accumulés au cours de la phase judiciaire, étape de la procédure la plus « chronophage » 8 ( * ) .

Afin de raccourcir les délais de traitement des demandes de remise entre les Etats membres, le Conseil de l'Union européenne a souhaité encadrer le fonctionnement des systèmes judiciaires européens. Dans le souci de garantir la rapidité et l'efficacité de la procédure, la décision-cadre recommande aux autorités judiciaires de statuer définitivement sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen dans des délais précis : soit dans les dix jours à compter de l'expression du consentement de la personne recherchée lorsque celle-ci accepte sa remise, soit dans les soixante jours à compter de l'arrestation de la personne recherchée dans les autres cas (article 17).

La méconnaissance de ces délais n'est toutefois pas véritablement sanctionnée, la personne recherchée n'étant ni automatiquement remise à l'Etat d'émission 9 ( * ) , ni automatiquement libérée 10 ( * ) . En effet, la décision-cadre impose simplement à l'Etat membre d'exécution l'obligation d'informer l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission et d'indiquer les raisons du retard (paragraphe 4 de son article 17).

Outre la possibilité de prolonger ces délais de trente jours supplémentaires 11 ( * ) , le texte prévoit également que « dans des circonstances exceptionnelles », l'Etat membre d'exécution doit avertir Eurojust de l'impossibilité de respecter les délais impartis, en en précisant les raisons (paragraphe 7 de son article 17).

TRANSPOSITION PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI
DES DÉLAIS PRÉVUS PAR LA DÉCISION-CADRE DU 13 JUIN 2002

 

Présentation de la personne recherchée devant le procureur général

Comparution devant la chambre de l'instruction

Délai dans lequel la chambre de l'instruction doit statuer sur l'exécution du mandat d'arrêt

Délai de pourvoi en cassation

Délai dans lequel la Cour de cassation doit statuer

TOTAL

En cas de consentement à la remise

48 heures à compter de son arrestation

5 jours ouvrables à compter de sa présentation au parquet

7 jours à compter de sa comparution devant cette juridiction
(+ 10 jours
en cas de demande de compléments d'information)

-
(la décision de la chambre de l'instruction est insusceptible de recours)

-

14 JOURS

(24 jours
en cas de demande de compléments d'information)

En cas de refus

48 heures à compter de son arrestation

5 jours ouvrables à compter de sa présentation au parquet

20 jours à compter de sa comparution devant cette juridiction
(+ 10 jours en cas de demande de compléments d'information)

3  jours francs à compter du jugement de la chambre de l'instruction

40 jours à compter de la date du pourvoi

70 JOURS

(80 jours
en cas de demande de compléments d'information)

 

A ce délai, s'en ajoute un second relatif à la mise à exécution de la remise de la personne. Celle-ci doit en principe intervenir dans les dix jours suivant la date du jugement définitif.

Aux termes de la décision-cadre, le délai maximal de remise d'une personne recherchée à l'Etat membre d'émission s'élève donc au total à 80 jours, avec des possibilités de report jusqu'à 110 jours liées à des circonstances particulières.

Le principe de la double incrimination 12 ( * ) demeure , sous réserve d'une dérogation notable .

En effet, la décision-cadre dresse une liste de trente-deux infractions graves punies d'au moins trois ans d'emprisonnement dans l'Etat membre d'émission (participation à une organisation criminelle, terrorisme, traite des être humains, exploitation sexuelle des enfants, corruption, homicide, enlèvement, actes de racisme, viol...) pour lesquelles le contrôle de la double incrimination est écarté.

Comme n'a pas manqué de le relever le rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale M. Jean-Luc Warsmann, la rédaction du texte proposé par le Sénat restait bien évidemment perfectible. Toutefois la démarche du Sénat possède un grand mérite : celle d'exister. En effet, en l'absence de dépôt d'un projet de loi particulier, il n'aurait pas été possible de respecter l'engagement pris par la France d'adapter son droit de l'extradition aux nouvelles exigences communautaires dans les meilleurs délais.

Cette initiative intervient d'ailleurs dans un contexte favorable, les obstacles constitutionnels à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen relevés par le Conseil d'Etat dans un avis du 26 septembre 2002 13 ( * ) ayant été levés par la loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d'arrêt européen.

A ce jour, la décision-cadre est entrée en vigueur dans huit Etats membres de l'Union européenne -l'Espagne, le Portugal, le Danemark, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Irlande, la Finlande et la Suède. La France pourrait donc compléter cette liste d'ici quelques semaines.

* 8 Voir commentaire du chapitre V du titre X du livre IV relatif à l'extradition.

* 9 Ainsi que le proposait la France lors des travaux préparatoires.

* 10 Comme le proposait la Commission européenne lors des travaux préparatoires.

* 11 Ce qui porte à 90 jours le délai maximal dans lequel l'autorité judiciaire doit statuer sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen.

* 12 Selon lequel donnent lieu à extradition les faits qualifiés d'infractions pénales et punis d'une peine privative de liberté par les lois de l'Etat requérant et de l'Etat requis.

* 13 Selon lequel une révision constitutionnelle paraissait souhaitable pour tenir compte du fait que le texte européen ne prévoyait pas la possibilité de refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt européen portant sur une infraction à caractère politique.

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