54. Article 695-23
nouveau du code de procédure pénale
Champ d'application de
l'exception
au principe de la double incrimination
Transposant l'article 2 de la décision-cadre 25 ( * ) , le texte proposé pour l'article 695-23 maintient le principe en vigueur en matière d'extradition qui pose comme condition préalable à la remise d'une personne recherchée , que les faits en cause soient reconnus comme une infraction à la fois par la loi de l'Etat d'émission et la loi française ( premier alinéa du texte proposé).
Le deuxième alinéa prévoit toutefois une dérogation notable à cette règle en mentionnant trente-deux infractions au bénéfice desquelles elle doit être écartée. Il est précisé que ces infractions doivent être punies, dans l'Etat d'émission, d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée au moins égale ou supérieure à trois ans .
La liste énumérée aux troisième à trente-quatrième alinéas reprend, moyennant quelques modifications rédactionnelles, les termes de la décision-cadre du 13 juin 2002 26 ( * ) .
LISTE DES INFRACTIONS DONNANT LIEU À REMISE
SUR LA BASE
D'UN MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN SANS CONTRÔLE
DE LA DOUBLE INCRIMINATION
- participation à une organisation criminelle ;
- terrorisme ;
- traite des êtres humains ;
- exploitation sexuelle des enfants et pornographie infantile 27 ( * ) ;
- trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ;
- corruption ;
- fraude, y compris la fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes ;
- blanchiment de produit du crime ;
- faux monnayage, y compris contrefaçon de l'euro ;
- cybercriminalité ;
- crimes et délits contre l'environnement 28 ( * ) , y compris le trafic illicite d'espèces animales menacées et le trafic illicite d'espèces et d'essences végétales menacées ;
- aide à l'entrée et au séjour irrégulier ;
- homicide volontaire, coups et blessures graves ;
- trafic illicite d'organes et de tissus humains ;
- enlèvement, séquestration et prise d'otage ;
- racisme et xénophobie ;
- vols organisés ou avec arme ;
- trafic illicite de biens culturels, y compris antiquités et oeuvres d'art ;
- escroquerie ;
- racket et extorsion de fonds ;
- contrefaçon et piratage de produits :
- falsification de documents administratifs et trafic de faux ;
- falsification de moyens de paiement ;
- trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance ;
- trafic de véhicules volés ;
- viol ;
- incendie volontaire ;
- crimes relevant de la juridiction de la Cour pénale internationale ;
- détournement d'avion ou de navire ;
- sabotage.
Sont ainsi visés les crimes et délits les plus graves .
En première lecture, le Sénat a choisi de reproduire le plus fidèlement possible le texte de la décision-cadre, à défaut de quoi il aurait été nécessaire de modifier certaines formulations d'inspiration anglo-saxonne inconnues du droit pénal français.
Telle n'a pas été la position de l'Assemblée nationale en deuxième lecture. A l'initiative de son rapporteur M. Jean-Luc Warsmann, le gouvernement ayant donné un avis favorable, elle a en effet jugé opportun de modifier certains termes de la liste pour y apporter une précision relative « au blanchiment du produit d'un délit », ainsi qu'une précision terminologique pour remplacer l'expression « vols organisés » « qui n'existe pas en droit français », par la notion de « vols commis en bande organisée ».
Votre rapporteur s'étonne que le souci d'harmonisation terminologique avec le code pénal et le code de procédure pénale n'ait pas conduit les députés à aller au bout de leur logique, certains termes inappropriés comme « le racket » n'ayant pas été remplacés. Aussi, votre commission vous propose par un amendement de prolonger la démarche de l'autre assemblée en supprimant la mention relative au racket pour faire référence à l'extorsion.
L'avant-dernier alinéa précise que lorsque le mandat d'arrêt européen porte sur l'une des trente-deux infractions exclues du champ d'application de la double incrimination, la qualification juridique des faits et la détermination de la peine encourue relèvent de l'appréciation exclusive de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission .
Le dernier alinéa prévoit une adaptation spécifique de l'application du principe de la double incrimination en matière de taxes , d'impôts, de douane et de change. Transposant l'exception figurant au 1) de l'article 4 de la décision-cadre, il mentionne l'impossibilité pour les autorités judiciaires françaises de refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt au motif que la législation française ne prévoit pas le même type de taxes et d'impôts ou le même système de change ou de douane que l'Etat membre d'émission.
* 25 Le principe de la double incrimination a suscité de nombreuses discussions au cours de travaux préparatoires à l'adoption de la décision-cadre, certains Etats membres, considérant qu'elle se heurtait au principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, étaient partisans de sa suppression pure et simple, tandis que d'autres souhaitaient préserver la spécificité de leur système judiciaire propre en maintenant ce principe. Ainsi, le texte européen a tenté de dégager une solution de compromis.
* 26 La Grande-Bretagne envisage d'étendre cette liste à d'autres infractions.
* 27 La décision-cadre emploie le terme de « pédopornographie ».
* 28 La décision-cadre ne mentionne que les crimes.