Article 4
(art. L. 243-4 à L. 243-6 du code de l'action sociale et des familles)
Réforme de la garantie de ressources des personnes handicapées
accueillies en centre d'aide par le travail

Objet : Cet article remplace le mécanisme de la garantie de ressources par une aide au poste et en limite la portée aux personnes accueillies en centre d'aide par le travail (CAT).

I - Le dispositif proposé

Le mécanisme de la garantie de ressources de travailleurs handicapés (GRTH) a été institué dès la loi d'orientation du 30 juin 1975. Il permet de rémunérer des travailleurs handicapés à un niveau supérieur à celui correspondant à leur rendement au travail, en compensant en partie leur moindre productivité par rapport à un travailleur valide.

Cette garantie de ressources se compose d'une rémunération directe, versée par l'employeur ou par le gestionnaire du CAT et calculée en fonction de leur productivité, et d'un complément de rémunération, indexé sur le SMIC et financé par l'État. Pour des raisons de simplicité, ce complément est également versé par l'employeur au travailleur handicapé, mais il fait l'objet d'un remboursement par l'État, qui prend également en charge les cotisations patronales assises sur le complément.

La GRTH, qui s'applique aussi bien en CAT qu'en atelier protégé ou en milieu ordinaire de travail, répond à trois objectifs principaux :

- garantir au travailleur handicapé un revenu minimum tiré de son travail ;

- faciliter l'embauche et le maintien dans l'emploi des personnes handicapées, en ne faisant peser sur l'employeur que la rémunération directement liée à la productivité de celles-ci ;

- grâce à la fixation d'un revenu garanti différent selon le milieu de travail et au sein de chacun d'eux, inciter les travailleurs handicapés qui le peuvent à évoluer du milieu le plus protégé vers le milieu ordinaire.

Ce mécanisme a fait l'objet d'analyses nombreuses depuis sa mise en place, la dernière en date étant un rapport d'évaluation conjoint de l'IGF et de l'IGAS de mai 2003. Si tous convergent sur le fait que la GRTH a constitué une réelle avancée en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées, des critiques récurrentes ont été exprimées :

«  - absence d'incitation financière à l'effort productif au sein de chaque milieu de travail qui ne favoriserait pas le passage du milieu protégé vers le milieu ordinaire, notamment du fait du cumul entre GRTH et AAH et de la superposition du mécanisme de bonifications au salaire qui n'existe pas dans le milieu ordinaire ;

« - incitation insuffisante à accroître la rémunération directe des travailleurs handicapés en milieu protégé ;

« - carence généralisée des contrôles de l'administration sur les demandes de remboursement, à la fois sur le droit au bénéfice de la GRTH, sur la liquidation du montant et sur la réalité de ses bases de calcul ; cette carence a souvent été rapprochée d'une complexité excessive du barème et du principe même de calcul de la GRTH sur une base horaire ;

« - absence de mise en oeuvre de la GRTH pour les travailleurs handicapés non salariés. »

C'est la raison pour laquelle le présent article propose une réforme du dispositif de la garantie de ressources qui s'articule autour de deux axes .

- Le mécanisme de la garantie de ressources est tout d'abord limité aux travailleurs en CAT

La mesure n'a en effet pas fait la preuve de son efficacité en milieu ordinaire de travail, puisque sur les 350.000 personnes handicapées exerçant une activité professionnelle dans des entreprises ordinaires, seules 11.000 bénéficient de la GRTH, soit dix fois moins qu'en milieu protégé.

Plusieurs facteurs expliquent cet échec : comme le soulignait l'IGAS dans son rapport d'évaluation, il est d'abord « difficile de convaincre un employeur de miser sur les compétences d'un travailleur handicapé, tout en vantant les mérites d'un dispositif mesurant, au travers d'un abattement de salaire, une productivité insuffisante compensée par un complément de rémunération versée par l'État » .

Ensuite, contrairement au milieu protégé où la GRTH est de droit, les entreprises ordinaires souhaitant bénéficier de ce dispositif sont soumises à une procédure administrative longue et complexe, qui s'avère en réalité dissuasive pour les employeurs.

Enfin, l'embauche doit nécessairement être préalable à la décision de la COTOREP, avec pour conséquence que les employeurs ne peuvent pas connaître, lors de l'embauche, le taux d'abattement qui sera retenu, ni même savoir s'ils pourront en bénéficier.

Le Gouvernement opte donc pour la suppression de ce dispositif en milieu ordinaire. Sa suppression pour les ateliers protégés est de conséquence, puisque le projet de loi fait désormais des ateliers protégés - transformés en entreprises adaptées - une modalité particulière de l'intégration en milieu ordinaire de travail.

- La garantie de ressources actuelle est transformée en une aide au poste qui inclut l'actuelle GRTH et les sommes actuellement versées aux personnes accueillies au titre d'une AAH différentielle

La transformation, proposée par le présent article, de la garantie de ressources en aide au poste répond à deux objectifs :

- responsabiliser les gestionnaires de CAT en matière de rémunération directe : le mécanisme actuel de bonification, qui réduit l'impact d'une augmentation de la rémunération directe sur le revenu global de la personne handicapée, comme la situation fréquente de cumul de la GRTH avec l'AAH, conduit un certain nombre de gestionnaires de CAT à abandonner toute politique salariale ;

- restaurer la dignité des personnes handicapées accueillies en CAT, en améliorant sensiblement les ressources directement tirées de leur travail.

Cette réforme devrait également permettre de mettre fin à la complexité du mode de calcul de la GRTH actuelle, dont le caractère totalement individualisé conduisait à placer l'État en situation de quasi employeur, celui-ci devant prendre en compte, pour le calcul du complément de rémunération, le nombre exact d'heures travaillées et les primes éventuelles versées.

Dans sa nouvelle rédaction, l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles prévoit donc le versement aux personnes handicapées accueillies en CAT d'une rémunération garantie, qui reste déterminée par référence au SMIC, « composée d'une rémunération directe financée par l'établissement (...) et d'un complément de rémunération financé par l'État sous la forme d'une aide au poste » , l'ensemble étant versé, pour des raisons de lisibilité pour la personne handicapée, par le CAT.

Le montant de l'aide au poste pourra varier en fonction de l'effort de rémunération directe consenti par le CAT et du temps de travail de la personne handicapée.

Il n'est, semble-t-il, toutefois pas question de restaurer un système entièrement individualisé qui tiendrait compte, mois après mois, du temps de travail effectif. Il s'agirait simplement de fixer un barème pour l'aide au poste, avec des montants différents pour les personnes qui exercent une activité à temps partiel.

L'exposé des motifs du projet de loi précise que l'aide au poste sera revalorisée par rapport au complément de salaire aujourd'hui versé par l'État, grâce à une intégration des sommes actuellement versées aux personnes accueillies au titre d'une AAH résiduelle, et ce afin de limiter les situations de cumul de l'AAH avec une rémunération de CAT.

Le niveau de rémunération directe et les modalités d'attribution de l'aide au poste seront fixés par la voie réglementaire, sans qu'il soit toutefois précisé s'il s'agit de fixer ou non un seuil de rémunération directe minimum.

L'article L. 243-5, tel que modifié par le présent article précise que les éléments de rémunération des personnes handicapées accueillies en CAT ne constituent pas un salaire au sens du droit du travail.

Les cotisations assises sur ces éléments seront calculées sur la base d'une assiette forfaitaire. Celle-ci serait justifiée par l'inclusion, dans l'aide au poste, des sommes actuellement versées au titre d'une AAH différentielle aux personnes handicapées accueillies en CAT : la forfaitisation des cotisations permettra de neutraliser l'effet d'accroissement de l'assiette qui résulte de la fusion entre l'actuelle GRTH et l'AAH différentielle.

Enfin, comme aujourd'hui, les frais consécutifs à l'aide au poste et les cotisations y afférentes seront prises en charge par l'État.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'approuver l'objectif de simplification qui préside à la réforme de la GRTH proposée par cet article, et notamment la revalorisation de l'aide au poste, qui évitera la superposition de trois types de ressources pour garantir un niveau de ressources décent aux personnes handicapées accueillies en CAT.

Elle observe toutefois que le projet de loi ne va pas jusqu'au bout de cette démarche de simplification, puisqu'il laisse subsister une ambiguïté quant à la nature de la participation de l'État : celle-ci est en effet tour à tour présentée comme un complément de rémunération - et donc une aide à la personne - et comme une aide au poste - versée à l'employeur.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose de clarifier la rédaction de l'article L. 243-4, afin :

- de mettre fin à la distinction entre rémunération directe et complément de rémunération : la rémunération garantie sera financée et versée, dans son ensemble, par l'organisme gestionnaire du CAT. Le niveau de cette rémunération garantie variera en fonction du caractère à temps plein ou partiel de l'activité exercée par la personne, de façon à permettre une hiérarchisation des revenus propre à favoriser la progression au sein du CAT ;

- de confirmer le caractère d'aide à l'employeur de l'aide au poste : celle-ci sera versée par l'État au gestionnaire de CAT, afin de compenser les charges imposées au CAT au titre de la rémunération garantie.

Votre commission vous propose également de donner une base législative à l'existence d'un plancher pour la rémunération garantie : la fixation d'un plancher de rémunération constitue une garantie d'autant plus importante pour les personnes handicapées accueillies que le passage d'un système de complément de rémunération à un système d'aide au poste se traduit par une absence de lien direct entre le montant de cette dernière et la rémunération versée par l'établissement.

Elle souhaite également que soit expressément fixé un plafond à cette rémunération garantie , et ce afin de préserver une hiérarchie des rémunérations entre les différents milieux de travail, permettant d'inciter les personnes handicapées qui le peuvent à évoluer vers un milieu de travail moins protégé.

Par ailleurs, l'abandon de la distinction entre rémunération directe et complément de rémunération entraîne nécessairement une modification des paramètres permettant de faire varier l'aide au poste : votre commission vous propose de prendre pour paramètre le niveau moyen des rémunérations pratiquées par l'établissement et la proportion de personnes exerçant une activité à temps plein ou partiel parmi les personnes accueillies.

Votre commission s'est ensuite interrogée sur l'assiette forfaitaire prévue par le présent article pour compenser la revalorisation de la part de rémunération versée par l'État rendue nécessaire par la volonté du Gouvernement d'éviter, dans la mesure du possible, aux personnes accueillies en CAT d'avoir à demander une AAH différentielle pour garantir leur niveau de revenu.

Elle ne peut bien sûr qu'approuver ce mécanisme qui vise à éviter que l'augmentation de la rémunération garantie ne se traduise paradoxalement par un recul des sommes nettes perçues par les personnes handicapées, du fait de l'augmentation concomitante des cotisations sociales mises à leur charge.

Il reste que la fixation d' une assiette forfaitaire pourrait avoir pour conséquence de diminuer l'assiette des cotisations - et donc les droits différés, notamment les droits à la retraite - des personnes handicapées qui bénéficient aujourd'hui d'une rémunération totale importante car cette assiette forfaitaire sera établie en fonction de la moyenne des rémunérations

Par conséquent, pour garantir aux intéressés des droits au moins équivalents à ceux dont ils bénéficient actuellement, le calcul des cotisations doit pouvoir, selon les cas, être effectué sur une base forfaitaire ou réelle . Votre commission vous propose donc d' amender le présent article dans ce sens.

Enfin, dans le cadre d'un passage véritable à un système d'aide au poste, se pose la question des cotisations sociales « afférentes à l'aide au poste » , dont le présent article prévoit le remboursement au CAT par l'État. Si l'aide au poste est effectivement une aide à l'employeur, cette aide ne peut donc plus être soumise à cotisation sociale car elle ne constitue pas une rémunération.

Le remboursement assuré par l'État aux CAT ne porte donc pas sur les cotisations afférentes à l'aide au poste elle-même, mais afférentes à la partie de la rémunération garantie égale à cette aide au poste. Votre commission estime donc utile de préciser le dispositif à ce sujet .

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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