Article 8
(art. L. 351-1
à L. 351-3 et L. 351-1-1 nouveau du code de
l'éducation)
Principes régissant le mode de scolarisation des
élèves handicapés et la qualification des enseignants
concernés
et leur application dans les territoires ultramarins
Objet : Cet article vise à préciser les principes applicables au mode de scolarisation des enfants et des adolescents handicapés et à la qualification des enseignants qui en sont chargés et reconnaît leur effectivité dans certains territoires ultramarins.
I - Le dispositif proposé
a) Les modes de scolarisation relèvent de la responsabilité de l'État
Aux termes de l'article L. 351-1 du code de l'éducation, les enfants et les adolescents en situation de handicap, hormis ceux qui dépendent de l'autorité judiciaire en tant que mineurs délinquants ou en danger, voient leurs dépenses d'enseignement et de formation professionnelle initiale prises en charge par l'État. Plusieurs solutions sont alors possibles :
en priorité, l'accueil individuel dans une classe ordinaire, ou l'accueil collectif au sein d'un établissement scolaire relevant des ministères de l'éducation nationale ou de l'agriculture, la gratuité de l'enseignement devant dans tous les cas être assurée ;
la mise à disposition de personnel qualifié relevant du ministère de l'éducation nationale auprès de structures d'éducation spéciale dépendant d'autres ministères ou d'associations conventionnées. L'éducation nationale met chaque année environ 5.400 enseignants à disposition de ces établissements. Dans ce cas, le ministère de l'éducation nationale participe au contrôle des professeurs et de l'enseignement qui y est dispensé.
Le détachement et la mise à disposition d'enseignants se sont faits progressivement, à partir de 1975 et surtout de l'application des annexes XXIV au décret de 1989. Ces enseignants ne bénéficient d'aucun avantage particulier mais sont rémunérés en heures supplémentaires si leur fonction exige une technicité spécifique.
Auparavant, la plupart des établissements spécialisés recrutaient directement des éducateurs scolaires avec des conditions de diplôme identiques à celles de l'enseignement du premier degré : certificat de capacité pédagogique, diplôme d'instituteur et certificat de qualification aux fonctions d'éducateur scolaire reconnu par le ministre des affaires sociales et obtenu avant le 31 décembre 1992. En 1998, il subsistait encore 950 éducateurs scolaires dans ces établissements ;
enfin, la signature de contrats avec des établissements privés, y compris agricoles. Il s'agit soit de contrats d'association (article L. 442-5 du code de l'éducation), qui prévoient l'enseignement des programmes nationaux et la prise en charge des dépenses de fonctionnement, soit de contrats simples (article L. 442-12), qui entraînent le contrôle pédagogique et financier de l'État.
Outre les personnels enseignants de l'éducation nationale, plusieurs catégories de personnels interviennent dans le champ de la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés. A l'heure actuelle, le nombre de personnels enseignants intervenant dans les établissements médico-sociaux et ne relevant ni d'un statut public ni de l'enseignement privé sous contrat est estimé à 2.363 postes en équivalents temps plein. Environ 1.700 d'entre eux interviennent auprès des déficients sensoriels. En outre, 230 personnels enseignants figurent dans le corps des établissements régis par le décret n° 74-355 du 26 avril 1974 (Instituts nationaux des jeunes sourds et des jeunes aveugles).
Les textes régissant les titres et
diplômes de l'enseignement aux jeunes déficients sensoriels
relevant du ministère chargé des affaires sociales
Les arrêtés du 15 décembre 1976 ont institué :
- le certificat d'aptitude à l'enseignement général des aveugles et des déficients visuels (CAEGADV) ;
- le certificat d'aptitude à l'enseignement musical des aveugles et des déficients visuels (CAEMADV) ;
- le certificat d'aptitude aux fonctions de professeur d'enseignement technique des aveugles et des déficients visuels (CAFPETADV) ;
- le certificat d'aptitude aux fonctions de professeur d'enseignement technique aux déficients auditifs (CAFPETADV).
Le décret n° 86-1151 du 27 octobre 1986 a ensuite
mis en place le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement aux
jeunes sourds.
Le choix du mode de scolarisation et de la structure les mieux adaptés à la situation de l'enfant handicapé revient à la commission départementale d'éducation spéciale (CDES) (article L. 351-2). Sa décision s'impose aux établissements ordinaires ou d'éducation spéciale choisis, dans la limite de leur spécialité.
Sauf cas exceptionnel, la CDES doit proposer à la famille une liste de plusieurs établissements susceptibles d'accueillir l'enfant. Si les parents ou le représentant légal du mineur handicapé font connaître leur préférence pour un établissement d'éducation spéciale correspondant aux besoins de l'enfant et en mesure de l'accueillir, la CDES doit l'inclure dans la liste de ses propositions, quelle que soit sa localisation.
b) Une scolarisation des jeunes handicapés qui doit se rapprocher de la prise en charge ordinaire
Inspiré des modifications introduites par les deux articles précédents aux dispositions de principe du code de l'éducation, le présent article vise à préciser les obligations qui incombent au service public de l'éducation en termes de scolarisation des jeunes handicapés, notamment celle concernant la formation des enseignants.
Le paragraphe I modifie l'intitulé du chapitre I du titre V (Les enseignements pour les enfants et adolescents handicapés) du livre III (L'organisation des enseignements scolaires). La référence à « l'éducation spéciale », trop souvent comprise en opposition à l'éducation ordinaire, est remplacée par celle, plus générale, de « scolarité ». Il s'agit ici de ne pas affirmer le caractère particulier de l'éducation des enfants et des adolescents handicapés, qui doivent se voir proposer, autant que possible, une scolarité identique à celle des autres élèves tout en bénéficiant d'aides complémentaires.
Le paragraphe II introduit une nouvelle rédaction de l'article L. 351-1 afin d'affirmer plus clairement la priorité donnée à l'intégration scolaire individuelle, si l'état de l'enfant le permet, et d'engager la responsabilité de l'État dans la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés.
Ainsi, les enfants et les adolescents qui souffrent d'un handicap ou d'un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans l'ensemble des établissements publics ordinaires ou d'éducation spéciale du premier et du second degré, qui dépendent de l'État ou des collectivités territoriales, y compris les établissements agricoles, ainsi que dans les établissements privés sous contrat simple ou d'association.
Si le handicap de l'enfant le nécessite, cette scolarisation peut avoir lieu au sein de dispositifs adaptés, collectifs (CLIS ou UPI). Ces classes regroupent des élèves handicapés ayant des besoins très proches en matière d'adaptation pédagogique, de manière à réduire les contraintes liées à la scolarisation quand elle s'avère difficile dans une classe ordinaire.
En outre, des aides et des accompagnements complémentaires peuvent être proposés à ces élèves en fonction de leurs besoins, ainsi que le prévoit également l'article L. 112-1 du code de l'éducation tel que modifié par l'article 8 du présent projet de loi.
Concernant la scolarisation dans les établissements de santé et les établissements médico-sociaux, le paragraphe III du présent article précise (article L. 351-1-1) quels sont les personnels qualifiés relevant du ministère de l'éducation nationale autorisés à y enseigner. Il s'agit soit d'enseignants publics mis à disposition de ces établissements dans des conditions prévues par décret, soit d'enseignants de l'enseignement privé sous contrat.
Un aménagement à ce principe a toutefois été prévu afin de prendre en compte la situation particulière des instituts nationaux placés sous la tutelle du ministre chargé des personnes handicapées, où le personnel enseignant est titulaire de diplômes délivrés par ce dernier.
De ce fait, seront rapidement prévues, en concertation avec les représentants des structures et des personnels concernés, les modalités du transfert progressif vers le statut de maître de l'enseignement privé des personnels enseignants des établissements médico-sociaux régis par le décret n° 89-798 du 27 octobre 1989 et de ceux qui relèvent des établissements publics nationaux régis par le décret n° 74-355 du 26 avril 1974 relatif à l'organisation et au régime administratif et financier des instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes aveugles.
Les nouveaux textes réglementaires préciseront également les conditions de reconnaissance des diplômes des enseignants pour jeunes sourds et jeunes aveugles délivrés par le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, selon les modalités prévues par le décret du 27 octobre 1986 susmentionné et les arrêtés du 15 décembre 1976. A cette fin, un groupe de travail, composé de représentants de la direction générale de l'action sociale et des ministères de la santé et de l'éducation nationale examine déjà la situation des personnels enseignants pour déficients sensoriels.
Le paragraphe IV procède au toilettage de l'article L. 351-2 du fait de l'abandon de la référence à l'éducation spéciale (articles 6 et 8 du projet de loi).
En conséquence, les textes réglementaires relatifs à l'éducation spéciale (notamment les annexes au décret n° 89-798 du 27 octobre 1989 remplaçant les annexes XXIV, XXIV bis et XXIV ter au décret du 9 mars 1956) et à l'allocation d'éducation spéciale (notamment les décrets n os 2002-421 et 2002-422 relatifs à la création des six catégories de complément d'allocation spéciale) seront révisés pour tenir compte de la suppression de ce terme.
De la même manière, le paragraphe V du présent article adapte la rédaction de l'article L. 351-3 aux modifications introduites par l'article 30 du projet de loi concernant la CDES.
Ainsi, la nouvelle commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ne devra plus désigner seulement des établissements d'éducation spéciale dans la liste des choix proposés à la famille pour l'accueil d'un enfant handicapé mais également, autant que possible, y inclure des établissements ordinaires.
Enfin, le paragraphe VI autorise le Gouvernement à prendre, par ordonnances et dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, les mesures législatives nécessaires à l'extension et à l'adaptation des dispositions du présent projet de loi relatives à la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés à Mayotte, dans les îles de Wallis-et-Futuna, les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Un projet de loi de ratification de ces ordonnances devra être déposé devant le Parlement au plus tard six mois après l'expiration de ce délai, en application de l'article 38 de la Constitution.
II - La position de votre commission
Votre commission approuve la priorité donnée par le présent article à l'intégration scolaire individuelle des élèves handicapés, dès lors qu'elle s'avère possible, et se réjouit que les enfants et adolescents obligés de suivre une formation en établissement soient suivis par un personnel enseignant contrôlé par l'éducation nationale.
Elle considère que, à terme, l'existence d'un gestionnaire unique, l'éducation nationale, pour la prise en charge des dépenses liées à la formation des enseignants et à la mise en oeuvre des actions pédagogiques à destination des élèves handicapés constitue un facteur de simplification pour les usagers comme pour les professionnels.
Pour les usagers, elle s'inscrit dans une logique d'accès au droit commun de la scolarisation, dans la mesure où le ministère chargé de l'éducation constitue désormais un interlocuteur identifié et compétent, quelles que soient les modalités de prise en charge effective (milieu ordinaire ou établissement spécialisé).
Pour les enseignants, elle permet de supprimer progressivement les distinctions de statut actuelles entre les enseignants pour déficients sensoriels, ceux des établissements publics relevant du ministère de la santé et ceux du ministère de l'éducation nationale. Il en résultera une gestion unifiée des corps, actuellement partagée entre les deux ministères.
En tout état de cause, votre commission rappelle que les conséquences budgétaires du transfert du financement des postes des personnels enseignants des Instituts nationaux pour jeunes sourds ou jeunes aveugles du budget de l'assurance maladie à celui de l'État devront être précisées en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale.
Afin de renforcer la priorité donnée à l'intégration scolaire individuelle des enfants handicapés, elle vous propose d'adopter un amendement réaffirmant le principe d'un passage en classe ordinaire, dès que l'équipe pluridisciplinaire l'estime possible, ainsi qu'un amendement de précision.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.