Article 10
(art.
L. 132-12, L. 132-27, L. 133-5 et L. 136-2 du code du
travail)
Obligation de négociation collective sur les conditions
d'emploi
et de travail des travailleurs handicapés
Objet : Cet article vise à instituer une obligation périodique de négociation de branche ou d'entreprise sur les conditions d'emploi et de travail des personnes handicapées.
I - Le dispositif proposé
Les dispositions relatives aux « conventions et accords collectifs de travail » figurent au titre III du livre premier du code du travail.
S'agissant plus particulièrement des conventions collectives de branches et accords professionnels et interprofessionnels, décrits à la section 2 du chapitre II, l'article L. 132-12 dispose que les partenaires sociaux, sur la base d'un rapport remis par la partie patronale, ont obligation de négocier les salaires « au moins une fois par an » et d'examiner la nécessité de réviser les classifications « au moins une fois tous les cinq ans ». Il prévoit également une négociation « tous les trois ans » sur l'égalité professionnelle hommes-femmes.
Le paragraphe I propose d'élargir le champ de cette négociation de branche ou interprofessionnelle à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés en complétant l'article L. 132-12 par deux alinéas supplémentaires.
Le premier alinéa invite les partenaires sociaux liés par une convention de branche ou un accord professionnel à négocier tous les trois ans sur les mesures tendant à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés et notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles ainsi que sur les conditions de travail et d'emploi.
Le second alinéa précise que cette négociation s'appuie sur un rapport établi par la partie patronale. Ce rapport doit décrire, pour chaque secteur d'activité, la façon dont est mise en oeuvre l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, telle qu'elle est prévue par la section 1 du chapitre III du titre II du livre III (« obligation d'emploi des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés » ).
S'agissant ensuite des conventions et accords collectifs d'entreprise, décrits dans la section 3 du chapitre II, l'article L. 132-27 dispose que l'entreprise doit, chaque année, engager des négociations sur les salaires, la durée et l'organisation du travail ainsi que sur l'égalité professionnelle hommes-femmes.
Parallèlement aux dispositions relatives la négociation de branche et interprofessionnelle, le paragraphe II propose également d'élargir la négociation d'entreprise à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, en complétant l'article L. 132-27 par trois alinéas supplémentaires.
Le premier alinéa dispose que la négociation annuelle organisée au niveau de l'entreprise doit porter sur les mesures qui s'y rapportent. Il précise également qu'elle peut s'appliquer aux conditions d'accès à l'emploi et à la promotion professionnelles ainsi qu'aux conditions de travail et d'emploi.
Le deuxième alinéa indique que cette négociation doit être menée sur la base d'un rapport établi par l'employeur présentant la mise en application de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
Le troisième alinéa reprend à l'identique les dispositions de l'article L. 132-27 pour l'égalité professionnelle hommes-femmes et l'applique aux travailleurs handicapés : si l'employeur ne prend pas l'initiative d'ouvrir une nouvelle négociation douze mois après la précédente, une organisation syndicale peut en demander l'ouverture dans les trois mois. Cette demande doit être transmise dans les huit jours par l'employeur aux autres organisations représentatives.
Toutefois, la négociation se déroule à un rythme triennal lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise.
Par coordination, le paragraphe III modifie les conditions d'extension des conventions de branche conclues au niveau national . Selon l'actuel article L. 133-5, il est prévu que, pour pouvoir être étendues, ces conventions doivent, entre autres, contenir des clauses relatives aux « conditions propres à concrétiser le droit au travail de toutes personnes handicapées en état d'exercer une profession... ». Le présent paragraphe propose de préciser cette disposition en indiquant que ces conditions sont définies en application de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-1. Surtout, elles sont élargies aux mesures d'aménagement de postes ou d'horaires, d'organisation du travail et d'actions de formation.
Le paragraphe IV élargit les compétences de la commission nationale de la négociation collective au droit au travail des personnes handicapées.
La Commission nationale de la négociation
collective
Constituée en application de la loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs de travail, la Commission nationale de la négociation collective est chargée d'émettre un avis dans les domaines suivants :
- projets de textes relatifs à la négociation collective ;
- extension et élargissement des conventions et accords collectifs ;
- fixation du salaire minimum de croissance ;
- suivi de l'application du principe : « À travail égal, salaire égal », notamment entre les hommes et les femmes et entre les salariés sans considération d'appartenance à une ethnie, une nation ou une race ;
- interprétation de clauses d'une convention ou d'un accord collectif, à la demande de la commission d'interprétation compétente.
La commission suit également l'évolution des salaires effectifs et des rémunérations minimales déterminées par les conventions et accords et examine un bilan annuel de la négociation collective.
Il a enfin compétence pour suivre annuellement
l'évolution du taux d'activité des personnes de plus de cinquante
ans afin de faire au ministre chargé du travail toute proposition de
nature à favoriser leur maintien ou leur retour dans l'emploi.
Jusqu'à présent, cette commission n'avait pas compétence pour émettre un avis sur les conditions d'accès à l'emploi des personnes handicapées. Le présent paragraphe dispose donc qu'elle devra désormais suivre chaque année l'application dans les conventions collectives des mesures prises en faveur du droit au travail des personnes handicapées .
II - La position de votre commission
L'emploi des personnes handicapées reste un thème faiblement exploré par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation collective. Le Gouvernement propose donc d'élargir l'obligation de négociation aux conditions d'emploi et de travail des personnes handicapées, tant au niveau de la branche qu'au niveau de l'entreprise.
Votre commission approuve la philosophie du présent article, relevant qu'il est cohérent non seulement avec les dispositions de l'article 9 du présent texte, mais encore avec celles du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social actuellement en cours d'adoption par le Parlement.
En effet, conformément à l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, l'article 16 de ce dernier texte propose d'élargir les thèmes dévolus à la négociation triennale de branche, visés à l'article L. 934-2 du code du travail, à la « définition et aux conditions de mise en oeuvre des actions de formation en vue d'assurer l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés ».
Lors de l'examen de ce texte par le Sénat, votre commission avait obtenu que soit précisé le contenu de cette négociation pour qu'elle porte sur « l'égalité d'accès à la formation professionnelle, l'insertion professionnelle, le maintien dans l'emploi et le développement des compétences des travailleurs handicapés, notamment par la détermination d'un objectif de progression du taux d'accès des travailleurs handicapés aux différents dispositifs de formation et des modalités d'atteinte de ces objectifs ».
Votre commission regrette toutefois la complexité croissante de la négociation collective de branche, qui est organisée suivant un rythme différent selon les sujets en discussion. Ainsi, aux termes de l'article L. 132-12, la négociation de branche respecte une périodicité différente en fonction du thème abordé :
Périodicité de la négociation de branche selon le thème abordé
Thème de la négociation |
Périodicité |
Présentation d'un rapport |
Salaires et évolution de l'emploi dans la branche |
Au moins une fois par an |
Oui, remis quinze jours avant l'ouverture de la négociation par la partie patronale |
Révision des classifications |
Au moins une fois
|
non |
Égalité professionnelle hommes-femmes |
Tous les trois ans |
Oui, mais ni l'auteur ni les délais de remise du rapport ne sont précisés |
Mesures pour l'emploi des travailleurs handicapés |
Tous les trois ans |
Oui, remis par la partie patronale mais les délais ne sont pas précisés. |
En outre, si le Gouvernement a souhaité inscrire, simultanément dans deux projets de loi, la prise en compte du handicap par la négociation collective, ce qui témoigne d'ailleurs de sa détermination, votre commission reste perplexe devant l'utilité de procéder de manière aussi redondante. Elle trouve singulier de soumettre au Parlement le présent projet de loi pour examen alors même que l'adoption du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui traite également du handicap, n'est pas encore acquise.
Votre commission propose toutefois d'adopter cet article sans modification.