Section 2
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Insertion professionnelle et obligation d'emploi

Article 11
(art. L. 323-8-3 et L. 323-11 du code du travail)
Articulation entre politique générale de l'emploi et actions spécifiques
en faveur de l'emploi des personnes handicapées

Objet : Cet article prévoit la conclusion d'une convention triennale d'objectifs entre l'État et l'AGEFIPH, ainsi qu'un conventionnement des organismes du réseau Cap Emploi, afin d'améliorer l'articulation entre la politique générale de l'emploi et les actions spécifiques en faveur des personnes handicapées.

I - Le dispositif proposé

Créée en 1987, l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) est devenue, au fil des ans, un partenaire obligé de la politique de l'emploi en faveur des personnes handicapées. L'existence de réserves importantes de trésorerie a en effet conduit l'État à se décharger, d'abord financièrement mais aussi stratégiquement, d'un certain nombre de missions sur celle-ci : financement de la garantie de ressources en milieu ordinaire en 1997 et financement du réseau Cap Emploi en 1999.

Malgré ces transferts de responsabilité importants, les relations organiques entre l'État et l'AGEFIPH sont restées très lâches. Dans son rapport public pour 2002, la Cour des comptes a vivement critiqué le désengagement de l'État de la politique de l'emploi des personnes handicapées, estimant que « la puissance publique ne semble(ait) pas vouloir s'inscrire dans une logique volontariste » .

Un effort tardif de formalisation des relations entre l'État et l'AGEFIPH a toutefois été engagé mais son cadre demeure peu contraignant car la convention quinquennale d'objectifs signée, pour la première fois, le 9 décembre 1998, pour la période 1999-2003 n'a pas de base légale.

C'est à cette objection que répond le paragraphe I qui prévoit la signature, tous les trois ans, d'une telle convention. Il est précisé qu'elle déterminera les « engagements réciproques » de l'État et de l'association et les moyens d'assurer la cohérence entre les mesures de droit commun de la politique de l'emploi et les mesures spécifiques arrêtées par l'association.

L'exposé des motifs du projet de loi indique qu'un comité de pilotage, remplaçant l'actuel comité de suivi, et des comités régionaux de pilotage, intégrant les comité de pilotage régionaux existants dont la compétence était limitée aux organismes de placement spécialisés, seront constitués pour suivre l'application de la convention.

Il précise également que les objectifs fixés dans la convention seront assortis d'indicateurs chiffrés dont la réalisation sera évaluée par le comité de pilotage national et que cette évaluation s'intégrera dans le rapport quinquennal général au Parlement sur l'application de la loi.

Le paragraphe II vise à clarifier la place des organismes de placement spécialisé, c'est à dire des équipes de préparation et de suite du reclassement (EPSR) et des organismes d'insertion et de placement (OIP) regroupés sous le label « Cap Emploi », dans la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées et donne une base légale au financement de ces structures par l'AGEFIPH.

Compte tenu de la mission de service public qu'ils assurent, les Cap Emploi devront conclure une convention quadripartite avec l'État, l'AGEFIPH et l'ANPE. Ce conventionnement leur ouvrira droit, de ce fait, à un financement par l'AGEFIPH.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'approuver la volonté qui sous-tend le présent article de renforcer la responsabilité de l'État dans la définition des orientations et des outils de la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées, mais elle reste sceptique quant à l'efficacité des moyens qu'il propose, à savoir la conclusion d'une convention d'objectifs, pour orienter réellement les actions de l'AGEFIPH.

Malgré l'existence d'une telle convention depuis 1999, l'influence de l'État sur les priorités fixées par le conseil d'administration de l'AGEFIPH est restée limitée et si le programme exceptionnel, imposé par l'État, a effectivement permis de réduire les très importantes réserves de trésorerie de l'association, accumulées aux dépens d'actions concrètes en faveur des personnes handicapées, cette augmentation quantitative de la dépense ne s'est pas forcément traduite par une amélioration de la qualité des actions financées ou de meilleurs résultats en matière de taux d'emploi des personnes handicapées.

Dans son rapport public pour 2002, la Cour des comptes a émis des observations très critiques sur la gestion de cette association : interventions davantage tournées vers le financement d'actions en direction des entreprises ou de leurs institutions représentatives (41 % des financements en 2001) que vers le soutien direct à l'emploi des personnes handicapées (26 %), quasi absence d'évaluation de l'efficacité des actions financées, réserves de trésorerie peu compatibles avec un statut d'association à but non lucratif, compte de résultats ne retraçant pas l'intégralité des dépenses de l'association.

Au total, la Cour estime que « l'AGEFIPH semble avoir, dès l'origine, privilégié une conception minimale de son rôle vis-à-vis de partenaires qui, en matière d'insertion professionnelle des handicapés, sont en position de juge et partie puisqu'ils disposent de la majorité des sièges au conseil d'administration de l'AGEFIPH et qu'ils sont, par l'intermédiaire des organisations patronales et, à un degré moindre, syndicales, les principaux opérateurs des actions de l'association en direction des entreprises »

Pour votre commission, ces dysfonctionnements prouvent que le mode actuel d'organisation des relations entre l'État et l'AGEFIPH ne permet pas d'assurer, dans des conditions satisfaisantes, la cohérence et l'efficacité des actions, de droit commun et spécifiques, en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

C'est la raison pour laquelle elle vous proposera de transformer l'AGEFIPH en un établissement public , avec un double objectif :

- accentuer la présence de l'État et sa capacité d'orientation au sein des instances de décision de l'AGEFIPH : l'État n'est, à l'heure actuelle, pas représenté en tant que tel au conseil d'administration de l'association. Or, renforcer sa présence est en effet nécessaire pour inciter l'AGEFIPH à réformer ses modalités d'intervention, y compris lorsque de telles évolutions peuvent aller à l'encontre des intérêts de ses mandants ;

- améliorer le contrôle de l'utilisation des fonds collectés par les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi : à cet effet, votre commission prévoit un contrôle plus régulier des comptes du nouvel établissement public par la Cour des comptes.

En revanche, votre commission se félicite de la reconnaissance du travail mené par le réseau Cap Emploi dont les résultats, malgré la dégradation de la conjoncture économique, sont en constante progression : ainsi sur 43.000 placements réalisés en 2002, plus de 46 % ont conduit à la signature de contrats à durée indéterminée et près de 72 % à la conclusion de contrats d'une durée supérieure à douze mois.

Il lui paraît toutefois nécessaire, dans le cadre de la création d'un fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, de prévoir la possibilité d'un conventionnement de ces structures par l'établissement public qui gérera ce nouveau fonds : il serait en effet regrettable que les employeurs publics ne puissent pas bénéficier de l'expertise de ce réseau en matière de préparation à l'emploi, de placement, mais aussi d'accompagnement dans l'emploi, faute de l'avoir prévu expressément.

Votre commission s'inquiète d'ailleurs du caractère restrictif de la définition des missions du réseau Cap Emploi donnée par le présent article. Celle-ci ne fait en effet référence qu'à leur mission de placement et non à celle d'accompagnement dans l'emploi qui est pourtant, pour la plupart des personnes handicapées, un aspect essentiel de la réussite de leur intégration professionnelle.

L'AGEFIPH refuse aujourd'hui de financer les actions des Cap Emploi dans ce domaine, estimant que la loi et ses statuts s'y opposent. Votre commission observe qu'il s'agit encore une fois, de la part de l'association, d'une conception limitée de son rôle, puisque l'article L. 323-8-4 du code du travail, non modifié par le présent projet de loi, dispose explicitement que ses ressources peuvent notamment être affectées à des mesures de « suivi des travailleurs handicapés dans leur vie professionnelle » .

C'est la raison pour laquelle elle vous proposera de reconnaître le rôle des Cap Emploi en la matière et de permettre le financement de leur mission de suivi par l'AGEFIPH ou, le cas échéant, par le nouveau fonds d'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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