Article 12
(art. L. 323-3, L. 323-4, L. 323-8-2 et L. 323-12 du code du travail)
Adaptation de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés applicable aux entreprises d'au moins vingt salariés

Objet : Cet article vise à aménager l'obligation d'emploi de personnes handicapées qui s'applique aux établissements du secteur privé occupant au moins vingt salariés. Il élargit la liste des bénéficiaires. Il modifie le mode de décompte des bénéficiaires de l'obligation d'emploi et le calcul des effectifs de l'entreprise. Il revoit le régime de la contribution financière des employeurs ne satisfaisant pas à cette obligation. Il supprime enfin le classement des travailleurs handicapés par les COTOREP.

I - Le dispositif proposé

La loi n° 87-577 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des personnes handicapées a introduit une obligation d'emploi à leur profit par les employeurs occupant au moins vingt salariés.


La loi du 10 juillet 1987

L'emploi des personnes handicapées est principalement régi par les dispositions de la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. Ces dispositions sont codifiées aux articles L. 323-1 à L. 323-8-8 du code du travail.

S'inscrivant dans la continuité de la loi d'orientation du 30 juin 1975, cette loi reposait sur quatre idées principales :

- le remplacement de l'obligation de procédure par une obligation de résultats ;

- la fusion des législations sur les mutilés de guerre et les travailleurs handicapés ;

- l'association des partenaires sociaux à la politique de l'emploi des personnes handicapées ;

- l'extension de l'obligation de résultats au secteur public.

En application de cette loi, les établissements d'au moins vingt salariés sont assujettis à une obligation d'emploi des travailleurs handicapés tels que définis à l'article L. 323-3 du code du travail, à hauteur de 6 % de leurs effectifs.

Ces établissements peuvent s'acquitter de cette obligation de quatre manières :

- en embauchant effectivement des bénéficiaires de l'obligation d'emploi dans les proportions prévues par la loi ;

- en passant des contrats de fourniture de sous-traitance avec ces établissements de travail protégé (ateliers protégés, centres d'aide par le travail, centres de distribution de travail à domicile) ;

- en concluant un accord de branche, d'entreprise ou d'établissement prévoyant la mise en oeuvre d'un programme pluriannuel en faveur des bénéficiaires de l'obligation d'emploi ;

- en versant une contribution à l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH).

Or, le taux d'emploi des travailleurs handicapés stagne depuis plusieurs années autour de 4 % 16 ( * ) , soit à un niveau significativement inférieur à celui prévu par notre législation.

Le présent article vise à aménager l'obligation d'emploi sur trois points :

- l'élargissement des bénéficiaires concernés (paragraphe I) ;

- les modalités de décompte des bénéficiaires et de calcul de l'effectif global de l'entreprise (paragraphe II) ;

- le régime de la contribution financière de l'employeur (paragraphe III).

Le paragraphe I concerne les bénéficiaires de l'obligation d'emploi.

A l'heure actuelle, l'article L. 323-3 du code du travail précise les différentes catégories de bénéficiaires :

- les travailleurs reconnus handicapés par la COTOREP ;

- les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d'une rente attribuée au titre du régime général de sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire ;

- les titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre du régime général de sécurité sociale, de tout autre régime de protection sociale obligatoire ou au titre des dispositions régissant les agents publics à condition que l'invalidité des intéressés réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;

- les anciens militaires et assimilés, titulaires d'une pension militaire d'invalidité au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- les veuves de guerre non remariées titulaires d'une pension au titre du même code, dont le conjoint militaire ou assimilé est décédé des suites d'une blessure ou d'une maladie imputable à un service de guerre ou alors qu'il était en possession d'un droit à pension militaire d'invalidité d'un taux au moins égal à 85 % ;

- les orphelins de guerre âgés de moins de vingt et un ans et les mères veuves non remariées ou les mères célibataires, dont respectivement le père ou l'enfant, militaire ou assimilé, est décédé des suites d'une blessure ou d'une maladie imputable à un service de guerre ou alors qu'il était en possession d'un droit à pension d'invalidité d'un taux au moins égal à 85 % ;

- les veuves de guerre remariées ayant au moins un enfant à charge issu du mariage avec le militaire ou assimilé décédé, lorsque ces veuves ont obtenu ou auraient été en droit d'obtenir, avant leur remariage, une pension ;

- les femmes d'invalides internés pour aliénation mentale imputable à un service de guerre, si elles bénéficient de l'article L. 124 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- les titulaires d'une allocation ou d'une rente d'invalidité attribuée dans les conditions définies par la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service.

A ces neuf catégories de bénéficiaires, le présent article en ajoute une dixième : les titulaires de la carte d'invalidité .

De fait, comme le souligne l'exposé des motifs, « les titulaires d'une carte d'invalidité qui ont une incapacité permanente d'au moins 80 % ne sont pas systématiquement décomptés comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi. Ils ne le sont que dans la mesure où ils remplissent l'une des conditions prévues par l'article L. 323-3 du code du travail ».

Le paragraphe II a trait au mode de calcul de l'effectif global de l'entreprise et aux conditions de décompte des bénéficiaires de l'obligation d'emploi.

Défini comme le rapport entre des « unités bénéficiaires » et un « effectif assujetti », le taux d'emploi de travailleurs handicapés, établi par l'article L. 323-4 du code du travail, s'éloigne pourtant sensiblement du pourcentage de travailleurs handicapés dans les effectifs de l'établissement.

Le mode de calcul de l'effectif global de l'entreprise qui sert de référence à l'application du taux de 6 % est identique à celui retenu pour la mise en place du comité d'entreprise 17 ( * ) , à une notable exception près : ne sont pas pris en compte dans le décompte des effectifs « les salariés occupant certaines catégories d'emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières ».Ces « catégories d'emploi exigeant des conditions d'aptitude particulières » font l'objet d'une liste annexée à l'article D. 323-3 du code du travail.

Catégories d'emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières

Numéro de la nomenclature

Intitulé de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles - emplois salariés d'entreprise

389 b

Officiers et cadres navigants techniques et commerciaux de l'aviation civile

389 c

Officiers et cadres navigants techniques de la marine marchande

480 b

Maîtres d'équipage de la marine marchande et de la pêche

526 c

Ambulanciers

533 a

Pompiers

533 b

Agents techniques forestiers, gardes des espaces naturels, exclusivement pour les gardes-chasse et les gardes-pêche

534 a

Agents civils de sécurité et de surveillance, excepté les gardiens d'usine et les gardiens de nuit

534 b

Convoyeurs de fonds, gardes du corps, enquêteurs privés et métiers assimilés

546 a

Contrôleurs de transports (personnels roulants)

546 d

Hôtesses de l'air et stewards

546 e

Autres agents et hôtesses d'accompagnement (transports, tourisme)

553 b

Vendeurs polyvalents des grands magasins

621 a

Chefs d'équipe du gros oeuvre et des travaux publics

621 b

Ouvriers qualifiés du travail du béton

621 c

Conducteurs qualifiés d'engins de chantiers du bâtiment et des travaux publics

621 e

Autres ouvriers qualifiés des travaux publics

621 g

Mineurs de fond qualifiés et autres ouvriers qualifiés des industriels d'extraction (carrières, pétrole, gaz...)

624 d

Monteurs qualifiés en structures métalliques

632 a

Maçons qualifiés

632 c

Charpentiers en bois qualifiés

632 e

Couvreurs qualifiés

641 a

Conducteurs routiers et grands routiers

641 b

Conducteurs de véhicules routiers de transport en commun

643 a

Conducteurs livreurs, coursiers

651 a

Conducteurs d'engins lourds de levage

651 b

Conducteurs d'engins lourds de manoeuvre

652 b

Dockers

654 b

Conducteurs qualifiés d'engins de transport guidés (sauf remontées mécaniques)

656 b

Matelots de la marine marchande

656 c

Capitaines et matelots timoniers de la navigation fluviale

671 c

Ouvriers non qualifiés des travaux publics et du travail du béton

671 d

Aides-mineurs, ouvriers non qualifiés de l'extraction

681 a

Ouvriers non qualifiés du gros oeuvre du bâtiment

691 a

Conducteurs d'engins agricoles ou forestiers

692 a

Marins pêcheurs et ouvriers de l'aquaculture

On observera que cette liste est régulièrement modifiée, le plus souvent pour l'élargir. Ainsi, un décret du 16 septembre 2003 a introduit deux nouvelles catégories d'emplois : les agents techniques forestiers et gardes des espaces naturels d'une part, les convoyeurs de fonds, gardes du corps et enquêteurs privés, d'autre part.

A l'heure actuelle, ce sont ainsi environ 456.000 emplois 18 ( * ) qui relèvent de ces catégories particulières et qui sont donc exclus des quelque 8 millions d'emplois des entreprises de vingt salariés au moins correspondant aux effectifs assujettis à l'obligation d'emploi.

Le présent article supprime, pour le décompte des effectifs globaux de l'entreprise, ces catégories d'emplois qui exigent des conditions d'aptitude particulières et élargit alors d'autant les effectifs globaux à partir desquels sera calculé le quota de 6 %.

D'après l'exposé des motifs, deux raisons ont motivé cette mesure :

« D'une part, le maintien de l'exclusion de ces emplois n'est pas compatible avec le principe de non-discrimination par ailleurs réaffirmé par la loi. D'autre part, on observe, en pratique, que sur les 220.000 travailleurs handicapés en milieu ordinaire, plus de 13.000 occupent déjà des fonctions entrant dans le champ de ces catégories d'emplois ».

L'article 47 du présent projet de loi prévoit toutefois que ces catégories d'emplois continueront à ne pas être prises en compte pour le calcul de l'effectif global pendant un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi.

Le décompte des bénéficiaires de l'obligation d'emplois relève également d'une logique particulière : celle des « unités bénéficiaires ».

Comme l'observait la Cour des comptes dans son rapport précité :

« La plupart des emplois de travailleurs handicapés ne comptent pas pour une unité mais font l'objet, après conversion en équivalents temps plein, d'un mécanisme complexe de majorations visant à prendre en compte le niveau d'employabilité des personnes recrutées (âge, importance du handicap) et l'effort de l'employeur pour permettre leur insertion (durée et nature du contrat offert). En 2000, dernière année connue, chaque travailleur handicapé représentait en moyenne 1,38 « unité bénéficiaire ». »

Ainsi, à un travailleur handicapé, peuvent correspondre jusqu'à 5,5 « unités bénéficiaires » comme en témoigne le tableau ci-après.

Le décompte des unités supplémentaires

Pour les travailleurs handicapés reconnus par la COTOREP

En fonction de l'âge

moins de 25 ans

plus de 50 ans

+ 0,5

+ 0,5

En fonction de l'importance du handicap

Catégorie B

Catégorie C

+ 0,5

+ 1,5

En fonction de la formation en entreprise

500 heures de formation ou plus

+ 0,5

En fonction du placement antérieur

à compter de l'année d'embauche et de manière permanente

- atelier protégé, centre de distribution de travail à domicile, centre d'aide par le travail, institut médico-professionnel

+ 1

- centre de formation professionnelle

l'année d'embauche et l'année suivante

+ 0,5

Pour les accidentés du travail et victimes de maladies professionnelles

En fonction du taux d'incapacité permanente

66,66 % à 85 %

plus de 85 %

+ 0,5

+ 1,5

Pour l'ensemble des bénéficiaires en CDI

En fonction de l'année d'embauche

L'année de début du CDI et l'année suivante

+ 1

Source : rapport précité du Conseil économique et social.

A ce décompte par « unité bénéficiaire », le présent paragraphe substitue un « décompte par tête » : tout travailleur handicapé compte pour une unité dans l'effectif de l'entreprise - tant pour le calcul de l'effectif global de celle-ci que pour le décompte des bénéficiaires de l'obligation d'emploi - dès lors qu'il a été présent six mois au cours des douze derniers mois écoulés, quelles que soient la nature de son contrat de travail et sa durée de travail. A défaut, ce sont les règles de l'article L. 431-2 qui s'appliquent, le décompte se faisant alors au prorata temporis .

En pratique, les deux modifications apportées par ce paragraphe pourraient avoir des répercussions non négligeables sur le taux d'emploi constaté des personnes handicapées dans la mesure où elles conduisent à diminuer le nombre de personnes handicapées prises en compte et à majorer les effectifs globaux de l'entreprise.

Ainsi, sur la base du taux d'emploi constaté en 2000, on passerait d'un taux de 4,1 % (302.000 « unités bénéficiaires » pour un « effectif assujetti » de 7,38 millions de salariés) à un taux de 2,8 % (219.000 travailleurs handicapés pour 7,84 millions de salariés). Même si ce calcul n'a qu'une valeur indicative, il semble toutefois montrer que, toutes choses égales par ailleurs, le taux d'emploi devrait mécaniquement diminuer du fait des dispositions du présent paragraphe. Cela pourrait alors inciter les entreprises assujetties à intensifier leur effort pour l'emploi des personnes handicapées. Cela explique aussi que les articles 46 et 47 du présent projet de loi organisent une mise en oeuvre progressive de ces dispositions.

Le paragraphe III concerne le régime de la contribution financière des entreprises qui ne satisfont pas à l'obligation d'emploi.

A l'heure actuelle, comme le prévoit l'article L. 323-8-2 du code du travail, l'employeur peut s'acquitter en tout ou partie de l'obligation d'emploi en versant à l'AGEFIPH une contribution financière annuelle correspondant aux bénéficiaires qu'il aurait dû employer. Le montant de cette contribution est fixé en fonction de la taille de l'entreprise et est calculé par rapport au SMIC dans la limite d'un plafond de 500 fois le SMIC horaire.

Cette contribution est calculée au prorata du nombre d'unités bénéficiaires manquantes, après prise en compte des autres moyens de mise en oeuvre de l'obligation d'emploi. Le montant de cette contribution, fixé par arrêté, s'élève à 300 fois le SMIC horaire pour les entreprises de 20 à 199 salariés, à 400 fois le SMIC horaire pour celles de 200 à 749 salariés et à 500 fois le SMIC horaire pour celles de 750 salariés et plus.

Le paragraphe III apporte trois modifications au régime de cette contribution.

La première vise à renforcer les possibilités de modulation de la contribution, la seule modulation actuellement existante étant relative à la taille de l'entreprise. Ces nouvelles possibilités de modulation, qui seront fixées par décret, permettront de prendre en compte l'effort consenti par l'entreprise en matière de recrutement et de maintien dans l'emploi des personnes handicapées, et notamment de celles rencontrant les plus grandes difficultés d'insertion professionnelle.

Le présent paragraphe énumère alors - mais à titre indicatif - les différentes catégories de salariés handicapés que les entreprises seront invitées à recruter ou à maintenir dans l'emploi afin de pouvoir bénéficier d'une minoration de leur contribution : salariés antérieurement en contrat à durée déterminée, demandeurs d'emploi de longue durée, personnes venant du secteur protégé...

De fait, cette disposition doit sans doute s'apprécier au regard de la suppression du système des « unités bénéficiaires » prévue par le paragraphe II. A une modulation de l'obligation d'emploi elle-même, réalisée par ce système des « unités bénéficiaires », en fonction de l'effort consenti par l'entreprise en faveur des personnes handicapées dont les difficultés d'insertion professionnelle sont les plus graves, se substitue une modulation de la contribution financière en fonction de ces mêmes critères.

La deuxième modification concerne le montant maximal de la contribution financière annuelle . Le plafond est ainsi porté de 500 à 600 fois le SMIC horaire, afin, selon l'exposé des motifs, « de mettre plus sévèrement à contribution les entreprises qui n'emploient aucune personne handicapée » .

La troisième modification ouvre la possibilité pour l'entreprise de déduire directement du montant de la contribution les dépenses qu'elle a engagées pour favoriser l'insertion des personnes handicapées.

Comme le souligne l'exposé des motifs, cette modification a principalement vocation à « alléger les procédures » . A l'heure actuelle, les entreprises qui engagent des dépenses spécifiques en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées peuvent bénéficier à ce titre des aides financières de l'AGEFIPH, financées justement sur les contributions des entreprises. L'entreprise verse donc d'abord sa contribution à l'AGEFIPH avant de bénéficier, le cas échéant, d'une aide de cette dernière. La présente disposition vise alors à « globaliser » ces procédures, en permettant à l'entreprise de déduire de sa contribution les dépenses qui ouvrent droit à compensation par l'AGEFIPH.

Cette possibilité de déduction est toutefois strictement encadrée.

D'une part, les dépenses concernées sont limitativement définies. Il s'agit des dépenses non obligatoires 19 ( * ) supportées directement par l'entreprise et destinées à favoriser l'accueil ou l'insertion des travailleurs handicapés au sein de l'entreprise ou l'accès des personnes handicapées à la vie professionnelle. La nature de ces dépenses sera précisée par décret, ainsi que les conditions de déduction.

D'autre part, et logiquement, la déduction ne peut se cumuler avec une aide de l'AGEFIPH sur le même objet.

Le paragraphe IV vise à supprimer le classement du travailleur handicapé par la COTOREP.

En application de l'article L. 323-12 du code du travail, la COTOREP a pour mission, dès lors qu'elle a reconnu la qualité de travail handicapé, de classer l'intéressé dans l'une des catégories A, B ou C - selon que le handicap est léger (A), modéré (B) ou grave (C) - en fonction de ses capacités professionnelles et de l'emploi qui lui est proposé.

Ainsi, en 2001, les COTOREP ont attribué la qualité de travailleur handicapé à 234.000 personnes 20 ( * ) et les ont réparties entre les catégories A (45.000), B (125.000) et C (64.0000).

Un tel classement a actuellement pour conséquence principale d'influer sur le nombre d'« unités bénéficiaires » pour l'obligation d'emploi. Ainsi, une personne classée en catégorie B se voit appliquer une demi-unité supplémentaire et celle classée en catégorie C une unité et demie supplémentaire.

C'est donc avant tout par coordination avec les dispositions du paragraphe II - qui mettent fin au système des « unités supplémentaires » - que le présent paragraphe supprime le classement des travailleurs handicapés par les COTOREP, comme l'indique d'ailleurs l'étude d'impact annexée au projet de loi :

« La logique du nouveau comptage des bénéficiaires de l'obligation d'emploi conduit de fait à vouloir supprimer cette classification. En tout état de cause, il est à constater que ce classement s'effectue actuellement sans tenir véritablement compte de la capacité de la personne à travailler à un poste déterminé dans l'entreprise alors que l'article L. 323-12 du code du travail le prévoit expressément en précisant que le classement doit s'apprécier notamment en fonction de l'emploi qui est proposé au travailleur handicapé.

« Par ailleurs, le classement des travailleurs handicapés dans des catégories suivant la gravité du handicap peut présenter pour certains un caractère stigmatisant et injustifié au regard de l'emploi. En outre, ce classement n'étant réservé qu'aux personnes reconnues travailleurs handicapés par la COTOREP, cette mesure est discriminatoire par rapport aux victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, aux titulaires d'une pension d'invalidité ou aux anciens militaires titulaires d'une pension d'invalidité dont le handicap peut également présenter différents degrés de gravité.

« Enfin, l'argument quelquefois avancé, selon lequel cette classification favoriserait l'embauche des personnes ayant un handicap lourd, n'est pas établi, le choix d'embauche des entreprises étant déterminé avant tout par la recherche des compétences adaptées. Les objectifs de non-discrimination, de recherche d'unité des règles applicables dans tous les secteurs d'activité, et la simplification conduisent à prévoir la suppression de la classification A, B et C. »

II - La position de votre commission

Dans son rapport d'information de juillet 2002, votre commission avait longuement insisté sur la nécessité de favoriser prioritairement l'insertion en milieu de travail ordinaire.

En 2001, sur les huit millions de salariés des entreprises assujetties à l'obligation d'emploi, 219.000 étaient reconnus comme travailleurs handicapés, soit un taux d'emploi global de 4,1 %.

Ce taux d'emploi demeure d'ailleurs très variable selon le secteur concerné :

Taux d'emploi des travailleurs handicapés selon les secteurs

(en %)

Dans les dix secteurs employant le plus de personnes handicapées

 

Santé, action sociale

8,0

Production de combustibles et carburants, gaz

7,1

Industrie du bois et du papier

5,5

Construction

5,4

Métallurgie et transformation des métaux

5,1

Automobile

5,1

Industries des équipements du foyer

4,9

Industries agricoles et alimentaires

4,9

Industries des composants électriques et électroniques

4,4

Agriculture, sylviculture et pêche

4,4

Dans les dix secteurs employant le moins de personnes handicapées

 

Conseils et assistance

1,5

Activités culturelles, récréatives et sportives

2,2

Recherche et développement

2,4

Commerce de gros

2,5

Eau, gaz, électricité

2,7

Activités financières

2,7

Pharmacie, parfumerie, entretien

2,9

Hôtels et restaurants

2,9

Édition, imprimerie, reproduction

3,0

Commerce et réparation automobile

3,0

Source : DARES, Déclaration obligatoire d'emploi de travailleurs handicapés, 2000.

De fait, 37 % des entreprises assujetties à l'obligation d'emploi n'emploient directement aucun travailleur handicapé. Cela représentait, en 2000, près de 34.000 établissements.

Modalités de mise en oeuvre de l'obligation d'emploi en 2000

(en %)

Modalités retenues

 

Aucun travailleur handicapé

36,7

Versement AGEFIPH uniquement

30,2

Versement AGEFIPH + sous-traitance

6,5

Avec travailleurs handicapés

59,5

Travailleurs handicapés + sous-traitance

3,0

Travailleurs handicapés AGEFIPH + sous-traitance

8,1

Travailleurs handicapés + AGEFIPH

14,5

Travailleurs handicapés seulement

33,9

Accords

3,8

TOTAL

100,0

Source : DARES, Déclaration obligatoire d'emploi de travailleurs handicapés, 2000.

Votre commission avait alors estimé qu'on ne pouvait se satisfaire d'un tel résultat et qu'il existait d'importantes marges de progrès.

Pour ce faire, elle avait formulé plusieurs propositions - pour certaines reprises dans le présent projet de loi - et avait notamment suggéré de revoir le régime de la contribution financière en ces termes :

« Votre rapporteur suggère enfin d'explorer une dernière piste, au cas où les mesures précédemment exposées ne permettraient pas une majoration significative de l'emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire.

« Dans ce cas, il lui semble souhaitable d'étudier l'instauration d'un alourdissement de la cotisation AGEFIPH pour les quelques 26.000 établissements qui n'emploient aucun travailleur handicapé et qui ne recourent à aucune forme de sous-traitance. Cet alourdissement pourrait, par exemple, prendre la forme d'une majoration progressive, au bout de trois ans, de la cotisation, dès lors que l'établissement n'a pas embauché de personnes handicapées ou n'a pas fait appel à la sous-traitance.

« Une telle mesure aurait incontestablement un rôle dissuasif et inciterait fortement les employeurs à réexaminer en profondeur leur politique d'emploi des travailleurs handicapés. »

Sur ce point, le présent article va plus loin que les propositions antérieures de votre commission puisqu'il prévoit un aménagement immédiat - même s'il est progressif - de l'obligation d'emploi.

S'agissant de l'élargissement de la liste des bénéficiaires, votre commission observe que la prise en compte des titulaires de la carte d'invalidité permettra de répondre utilement à une faille de la réglementation actuelle, dans la mesure où ceux-ci ne sont aujourd'hui effectivement bénéficiaires de l'obligation d'emploi que s'ils relèvent parallèlement d'une des catégories limitativement énumérées par la loi. En ce sens, elle permettra de remédier pour partie à « la complexité et la confusion qui résultent de l'articulation des différents bénéficiaires relevant de régimes différents d'invalidité », qu'a déploré le Conseil économique et social dans son rapport précité.

S'agissant des nouvelles modalités de calcul de l'obligation d'emploi, votre commission observe qu'elles apportent également des réponses appropriées à certaines faiblesses du dispositif actuel.

Ainsi, la suppression des « catégories d'emploi exigeant des conditions d'aptitude particulières » correspond aux propositions déjà formulées tant par la Cour des comptes que par le Conseil économique et social.

De même, la disparition du système des « unités bénéficiaires » devrait permettre de répondre à la critique formulée par le Conseil économique et social, selon laquelle ce système « stigmatise le handicap et semble reléguer au second plan la personne ». A cet égard, votre commission observe toutefois qu'un tel système répondait avant tout au souci de favoriser l'insertion professionnelle des personnes les plus lourdement handicapées et pouvait, en ce sens, se justifier. Pour autant, le nouveau régime de la contribution financière également prévu au présent article devrait permettre de prendre en considération cet impératif et d'atténuer de la sorte les éventuels effets négatifs de la disparition du système des « unités bénéficiaires ».

Il reste, comme on l'a vu précédemment, que les effets de ces nouvelles modalités de calcul de l'obligation d'emploi ne seront probablement pas neutres pour les taux d'emplois constatés, tant dans l'entreprise qu'au niveau global, contrairement à ce que laisse entendre l'exposé des motifs du présent article. Mais la diminution qui pourrait intervenir du taux d'emploi contribuera à afficher des chiffres sans doute plus conformes à la réalité de l'emploi des personnes handicapées et à inciter plus encore les entreprises à accroître leur effort en la matière.

S'agissant du nouveau régime de la contribution financière à l'AGEFIPH, votre commission prend acte de la majoration du plafond de cette contribution, même si elle observe qu'elle répond à une logique quelque peu différente de celle qu'elle avait pu elle-même suggérer.

Elle craint, par ailleurs, que les nouvelles possibilités de modulation de la contribution ne permettent de compenser qu'insuffisamment la disparition du système des « unités bénéficiaires » et conduisent alors à pénaliser des entreprises qui ont fait l'effort d'embaucher des personnes lourdement handicapées. L'énumération des catégories de travailleurs handicapés recrutés qui ouvrent droit à une telle modulation se fonde, en effet, principalement sur leur situation vis-à-vis de l'emploi et non sur la lourdeur de leur handicap, alors que ces deux critères ne se recoupent pas toujours.

Aussi votre commission vous propose, par amendement , de tenir compte également de l'effort réalisé par les entreprises en matière de recrutement direct de personnes lourdement handicapées, pour fixer le montant de leur contribution à l'AGEFIPH.

Quant aux nouvelles possibilités de déduire certaines dépenses de la contribution, votre commission n'y est pas opposée, même si elle s'interroge sur leur portée pratique. Elle se demande notamment si une telle mesure permettra réellement « d'alléger les procédures » ou si elle ne conduira pas à introduire un nouveau risque de confusion entre les dépenses qui seront déductibles et celles qui ne le seront pas. En tout état de cause, il reviendra, sur ce point, au décret de fixer avec précision la nature des dépenses déductibles et les conditions (et les limites) de cette déduction. Aussi votre commission se contentera-t-elle de vous proposer, à ce titre, un simple amendement de coordination.

S'agissant enfin de la suppression du classement des travailleurs handicapés par la COTOREP, votre commission relève que le classement actuel n'a, jusqu'à présent, guère fait la preuve ni de son utilité, ni de sa pertinence 21 ( * ) . En conséquence, sa suppression participe à la réalisation de l'objectif de non-discrimination.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

* 16 4,1% en 2000.

* 17 Tel que prévu à l'article L. 431-2 du code du travail, à savoir sur le fondement de la règle du prorata temporis et d'une prise en compte de l'ensemble des travailleurs mis à la disposition de l'entreprise.

* 18 Selon les données publiées par la DARES au 31 décembre 2000 (« Premières informations et premières synthèses », n°47-1, novembre 2002).

* 19 Ainsi, les « mesures appropriées pour permettre aux personnes handicapées d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation leur soit dispensée » prévues à l'article 9 du projet de loi ne devraient donc pas ouvrir droit à déduction.

* 20 Sur 281.000 décisions, soit un taux de reconnaissance de 83,5 %.

* 21 Comme en témoignent les très fortes disparités de classement entre les différentes COTOREP.

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