Article 17
(art. L. 323-4-1 et L. 323-8-6-1 du code du
travail)
Fonds pour l'insertion des personnes handicapées
dans la
fonction publique
Objet : Cet article crée un fonds d'insertion des personnes handicapées commun aux trois fonctions publiques, alimenté par les contributions des employeurs publics qui ne remplissent pas leur obligation d'emploi.
I - Le dispositif proposé
La loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des personnes handicapées a assujetti les employeurs publics à la même obligation d'emploi que les employeurs privés. Des modalités particulières de mise en oeuvre avaient toutefois été prévues :
- le champ des bénéficiaires de l'obligation d'emploi était élargi aux agents ayant bénéficié d'un reclassement à la suite d'une inaptitude à exercer leurs fonctions antérieures et aux agents titulaires de l'allocation temporaire d'invalidité 23 ( * ) ;
- les modalités ouvertes aux employeurs publics pour s'acquitter de leur obligation d'emploi étaient plus restrictives que celles accordées aux employeurs privés : la signature d'un accord collectif, l'accueil de stagiaires handicapés de la formation professionnelle et le versement d'une contribution à l'AGEFIPH ne leur étaient pas accessibles ;
- le calcul du taux d'emploi dans les fonctions publiques s'effectuait sur la base du nombre de personnes handicapées effectivement employées et non sur celle des « unités bénéficiaires » ;
- le respect de l'obligation d'emploi faisait enfin l'objet d'un rapport annuel aux comités techniques paritaires ainsi qu'aux conseils supérieurs des trois fonctions publiques.
Le taux d'emploi dans la fonction publique de l'État s'élevait, pour 2001, à 4,33 %, hors éducation nationale. Il était respectivement de 5,12 % et de 5,73 % en 1998, dernière année connue, dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Il convient toutefois de mentionner le manque de fiabilité de ces statistiques, dans la mesure où elles reposent uniquement sur les chiffres transmis par les collectivités publiques volontaires.
L'état des lieux peu flatteur de la situation de l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique de l'État, qui apparaissait comme la « lanterne rouge » de la fonction publique, avait conduit celui-ci à conclure, le 8 octobre 2001, avec cinq organisations syndicales un protocole d'accord sur l'emploi des travailleurs handicapés.
État d'avancement de la mise en oeuvre du
protocole d'accord sur l'emploi des travailleurs handicapés dans la
fonction publique de l'État du 8 octobre 2001
1) Améliorer le recrutement et le reclassement
• Développement de l'information sur les métiers de la fonction publique : information directe des coordinateurs des programmes départementaux d'insertion des travailleurs handicapés, diffusion d'une fiche thématique lors du salon de l'éducation ;
• Mise en place d'un volet « personnes handicapées » dans les bourses interministérielles d'emploi : non opérationnel à ce jour.
• Préparation aux concours de la fonction publique : signature d'une convention avec l'Office national des anciens combattants fin 2002 ;
• Stages professionnalisant pour les étudiants handicapés : prévu par les circulaires de mise en oeuvre du protocole d'accord ;
• Recrutements de travailleurs handicapés par contrats donnant vocation à titularisation : 372 recrutements pour quinze ministères en 2001, 549 recrutements pour treize ministères en 2002 ;
• Suppression de la voie des emplois réservés : examens suspendus depuis le mois de juin 2002, dans l'attente de la parution des textes qui supprimeront totalement la procédure. Les nominations des personnes inscrites sur les listes d'attente des emplois réservés sont, en revanche, poursuivies, de façon à épurer les listes qui donnent accès à des emplois appartenant à des corps pour lesquels des nominations sont possibles ;
• Mise en place d'un réseau de correspondants départementaux « handicap» dans chaque département ministériel : mise en oeuvre variable selon les départements ministériels.
2) Améliorer la formation continue et les conditions de travail
• Formation continue, évaluation du potentiel professionnel et accompagnement de l'insertion : prévu par les circulaires d'application du protocole d'accord.
3) Améliorer les procédures spécifiques
• Simplification de la procédure d'accès à la fonction publique des personnes handicapées : la formation de médecins agréés a débuté, en vue de la suppression des COTOREP spécialisées ;
• Fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique de l'État : crédits portés de 2,29 millions d'euros en 2001 à 6,56 millions d'euros en 2002 et à 6,86 millions d'euros en 2003, conformément aux engagements pris dans le protocole d'accord ;
• Amélioration de l'outil statistique : travaux entamés, CNIL saisie d'un projet d'automatisation de l'enquête annuelle sur le nombre des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, en liaison avec les fichiers de personnel.
4) Mise en place de plans triennaux de développement de l'emploi et d'insertion des travailleurs handicapés
• Mise en place des plans triennaux ministériels : plans transmis au ministère chargé de la fonction publique, évaluation confiée à un groupe de suivi.
Source : Ministère de la fonction publique, de
la réforme de l'État
et de l'aménagement du
territoire
Pour la première fois, ce protocole d'accord mettait en place un mécanisme de sanctions pour les ministères qui n'auraient pas atteint les objectifs fixés par des plans triennaux d'emploi des travailleurs handicapés, sanctions qui pouvaient prendre la forme de contributions financières au fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et d'une interdiction de pourvoir les emplois sur lesquels des travailleurs handicapés auraient dû être recrutés.
Outre le fait que, deux ans après la signature du protocole, ce mécanisme de sanction n'était toujours pas entré en vigueur, le dispositif prévu se heurtait à deux limites :
- les crédits du fonds interministériel restaient des crédits budgétaires susceptibles de faire l'objet d'une régulation budgétaire : ainsi, au cours de l'année 2003, les crédits votés en loi de finances pour alimenter le fonds ont fait l'objet de gels et annulations, à hauteur de plus d'un million d'euros ;
- le mécanisme proposé était limité à la seule fonction publique de l'État, aucune démarche similaire n'ayant été entamée dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Afin de remédier à cette situation, le présent article prévoit la création d'un fonds commun aux trois fonctions publiques reposant sur un système contributif analogue à celui existant dans le secteur privé .
A cet effet, le paragraphe I fixe les modalités de calcul des effectifs servant de base au calcul de l'obligation d'emploi : sont pris en considération les agents rémunérés pendant six mois au moins au cours de l'année civile. Contrairement aux règles applicables au secteur privé, ces règles de calcul ne prévoient pas un mode de décompte particulier pour les agents vacataires ou employés à temps partiel.
S'agissant des personnes handicapées employées prises en compte pour la détermination du taux d'emploi, une règle similaire est adoptée. Les agents ayant fait l'objet d'un reclassement en cours de carrière et les agents titulaires d'une allocation temporaire d'invalidité sont, comme aujourd'hui, décomptés.
Le paragraphe II , qui insère un nouvel article L. 323-8-6-1 dans le code du travail, crée un fonds d'insertion des personnes handicapées commun aux trois fonctions publiques, dont les actions doivent bénéficier à l'ensemble des employeurs publics, à l'exception des établissements publics à caractère industriel et commercial déjà soumis à une contribution à l'AGEFIPH.
Il est composé de trois sections étanches, destinées à recueillir les contributions des employeurs de chacune des trois fonctions publiques et à financer des actions réalisées à l'initiative des employeurs publics membres de la section. L'exposé des motifs du présent projet de loi précise que « cette organisation doit permettre à chaque catégorie d'employeurs de la fonction publique (fonction publique de l'État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière) d'être assurée de bénéficier de financements à hauteur des contributions versées » . Des actions communes aux trois fonctions publiques pourront toutefois être financées, sous réserve de l'accord des trois catégories d'employeurs publics et d'un partage des frais entre chacune des trois sections du fonds.
Les ressources du fonds seront constituées des contributions des employeurs publics qui n'atteignent pas les 6 % de taux d'emploi requis par la loi du 10 juillet 1987. Ces contributions seront calculées en fonction du taux d'emploi observé dans la collectivité concernée, des sommes affectés par celle-ci à des mesures en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées et des effectifs totaux employés. Comme dans le secteur privé, le montant de la cotisation pourra être modulé en fonction des effectifs employés : il s'agit notamment de pouvoir majorer le niveau de contribution des employeurs les plus importants et qui ont donc plus de facilités pour employer des personnes handicapées.
Il est prévu un mode de décompte particulier pour les services de l'État : la contribution exigible ne sera pas déterminée ministère par ministère mais globalement et c'est dans un deuxième temps que sa charge sera répartie entre les ministères suivant leurs résultats.
Les employeurs publics seront tenus de déclarer annuellement le nombre de bénéficiaires qu'ils emploient. A défaut, leur taux d'emploi sera considéré comme nul et la contribution maximum leur sera appliquée.
Contrairement au mécanisme retenu pour les employeurs privés, le présent article ne précise pas le montant de la contribution par unité manquante mais renvoie à la loi de finances le soin de fixer le plafond de celle-ci.
S'agissant de l'utilisation des fonds, le présent article retient un définition très large des actions auxquelles le fonds peut contribuer puisqu'il s'agit des « actions réalisées à l'initiative des employeurs » dans la limite de l'objet même du fonds, à savoir « favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des trois fonctions publiques » . L'exposé des motifs du projet de loi énumère ainsi les différents types d'actions susceptibles d'être financées :
« - l'accompagnement et la sensibilisation des employeurs publics à l'insertion des personnes handicapées ;
« - l'aménagement des postes de travail ;
« - l'aménagement des moyens de transport utilisés par les personnes handicapées pour rejoindre leur lieu de travail ;
« - des actions de formation ou d'information à destination des personnes handicapées ou des personnels ;
« - des outils de recensement des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-2 du code du travail ;
« - le versement de subventions à des organismes contribuant, par leur action, à l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique ;
« - la réalisation d'études et les frais de gestion du fonds ».
Les orientations relatives à l'utilisation des crédits du fonds et la répartition de ceux-ci au niveau local seront définies par un comité national. Dans le cadre d'une procédure déconcentrée, il appartiendra au niveau local de sélectionner les projets pouvant faire l'objet d'un financement et de bâtir un programme annuel d'actions éligibles à un financement par le fonds.
II - La position de votre commission
Votre commission ne peut que se féliciter de la volonté de donner enfin à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique une portée concrète que traduit la mise en place d'un mécanisme contraignant de contribution à un fonds pour les employeurs publics qui ne respecteraient pas le taux d'emploi de 6 %.
Elle s'est toutefois interrogée sur les raisons qui ont poussé le Gouvernement à créer un instrument spécial pour la fonction publique, au lieu d'élargir la mission de l'AGEFIPH à cette dernière.
Rien ne s'opposait, juridiquement, à un regroupement de tous les employeurs publics et privés sous l'égide d'une AGEFIPH transformée en établissement public . Il est vrai qu'un tel regroupement aurait conduit à poser la question - délicate - de la place des employeurs publics et des représentants des personnels des trois fonctions publiques au sein du conseil d'administration de cette AGEFIPH élargie. L'entrée des employeurs publics, et notamment de l'État - qui n'est jamais considéré comme une personne morale comme une autre - au sein de cet organisme, aurait remis en cause les équilibres existants.
Il semblerait que le choix du Gouvernement ait été de privilégier la création d'un dispositif qui inciterait les employeurs publics à développer des synergies entre eux : l'agrément des demandes de financement devrait être décidé par des structures constituées au niveau local, au sein desquelles seront réunis des employeurs des trois fonctions publiques. Au-delà de ces seules décisions d'agrément, leurs travaux et réflexions pourront les conduire à mettre en place des actions communes : bourses d'emplois, actions de formation et d'information, constitution ou renforcement d'un réseau de référents locaux.
A moyen terme cependant, votre commission estime qu'il ne serait pas illégitime de rassembler l'ensemble des employeurs au sein d'une structure unique et de faire jouer entre eux une certaine forme de solidarité. C'est la raison pour laquelle, sans aller pour l'instant jusqu'à une fusion entre les deux fonds, elle suggère de rapprocher leurs modalités de fonctionnement, afin de lever tout obstacle, au moins juridique, à un regroupement futur .
Outre trois amendements rédactionnels , elle vous proposera donc :
- de confier, comme elle le préconise également à l'article 11 pour l'AGEFIPH, la gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique à un établissement public : le projet de loi ne précise pas, à ce stade, l'autorité compétente pour gérer le fonds. Dans la mesure où il a vocation à gérer des contributions des trois fonctions publiques, la solution d'un fonds budgétaire paraît devoir être écartée. La création d'un établissement public spécifique chargé de cette gestion permettra, en outre, de donner une personnalité juridique au fonds, afin qu'il puisse passer des conventions pour la mise en oeuvre des actions d'insertion ou d'accompagnement qu'il déciderait de confier à des partenaires extérieurs ;
- de prévoir expressément la possibilité pour l'établissement public qui gèrera le fonds de passer des conventions avec différents partenaires, parmi lesquels les organismes du réseau Cap Emploi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
* 23 L'allocation temporaire d'invalidité est attribuée aux fonctionnaires atteints d'une incapacité permanente au moins égale à 10 % contractée à la suite d'un accident de service.