TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 26 octobre 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur la lettre rectificative au projet de loi n° 445 (2003-2004) de programmation pour la cohésion sociale .

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail , s'est félicité de l'occasion qui lui était donnée de présenter à la commission des affaires sociales les huit articles relatifs à la réforme du licenciement économique et à la création d'une convention de reclassement personnalisé qui ont été ajoutés, par voie de lettre rectificative, au projet de loi de programmation de cohésion sociale.

Il a salué l'ampleur du travail réalisé par les trois rapporteurs sur ce texte, tout en reconnaissant que la lettre rectificative avait alourdi leur charge de travail de façon importante. Il s'est néanmoins dit convaincu que cet effort était justifié car ce texte permettra de doter les entreprises, comme les salariés, d'instruments pour faire face, dans des conditions équilibrées de sécurité et de flexibilité, aux nécessaires mutations économiques.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a considéré que le régime des licenciements économiques souffrait en France d'un triple handicap. En premier lieu, centré sur une gestion « à chaud » des difficultés, il n'incitait pas les entreprises à anticiper sur les évolutions de l'emploi. En deuxième lieu, son aspect procédurier débouche sur la confrontation plutôt que sur le dialogue. Enfin, son caractère, profondément inégalitaire, laisse sans garantie de reclassement plus de 80 % des salariés en cause. A ce titre, il a rappelé que 20 % uniquement des 200.000 licenciements économiques comptabilisés en 2003 étaient intervenus dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et que la moitié d'entre eux seulement concernait des entreprises de plus de mille salariés dans lesquelles existait un véritable dispositif de reclassement. Il a observé par conséquent que, dans près de 90 % des cas, les salariés licenciés n'avaient droit à aucune mesure particulière d'accompagnement et de reclassement de nature à leur permettre de retrouver un emploi.

Il a jugé qu'une telle situation, qui était préjudiciable aussi bien aux salariés qu'aux entreprises, ne pouvait pas perdurer. C'est pour cette raison que le Gouvernement avait suspendu, en janvier 2003, les dispositions de la loi de modernisation sociale et avait encouragé les partenaires sociaux à rechercher un accord sur des règles plus efficaces et plus équilibrées.

Après avoir regretté l'échec de deux années de négociations qui n'ont pas abouti, malgré le délai supplémentaire ouvert par la loi du 30 juin 2004, il a observé que l'avant-projet de loi sur la prévention des licenciements économiques et sur la création d'une convention de reclassement pour l'ensemble des salariés avait respecté le calendrier annoncé aux partenaires sociaux au mois de juin, puis à la fin du mois d'août.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a indiqué que ce projet avait été présenté à la sous-commission des accords de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) le 15 octobre 2004, examiné par le Conseil d'État avant d'être présenté au conseil des ministres et qu'il avait été tenu compte des différentes analyses et prises de position qui s'étaient exprimées lors de ces consultations. Pour procéder avec rapidité et mettre fin à la situation transitoire née de la suspension de la loi de modernisation sociale, le Premier ministre avait décidé de joindre ce texte au projet de loi de programmation déjà déposé sur le bureau du Sénat au moyen de la procédure de la lettre rectificative.

Il a estimé qu'il s'agissait d'un choix cohérent dans la mesure où l'accompagnement des restructurations et l'amélioration du reclassement des salariés licenciés s'inscrivaient pleinement dans les objectifs du volet emploi du plan de cohésion sociale.

Il a considéré que la technique de la lettre rectificative respectait les prérogatives du Parlement, ce que n'aurait pas permis le dépôt d'un amendement gouvernemental en séance publique.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a estimé que le contenu de cette lettre rectificative comportait trois avancées essentielles, et d'abord le renforcement de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, par l'introduction d'une obligation de négocier sur ces sujets tous les trois ans, dans les entreprises et dans les branches, voire dans les groupes. Il s'agit, par le dialogue, de permettre aux entreprises d'anticiper sur les mutations de l'emploi et de donner aux salariés les moyens de s'y préparer.

Il a souligné, en deuxième lieu, que le dispositif proposé permettait un traitement négocié et si possible « à froid », des restructurations et des licenciements économiques par la conclusion d'accords de méthode et qu'il s'inspirait ainsi de l'exemple de nos principaux partenaires de l'Union européenne, comme de l'expérimentation menée en France depuis deux ans.

Il s'est félicité en troisième lieu de la création d'un dispositif de reclassement personnalisé pour les salariés des entreprises de moins de mille salariés, en précisant que sa durée devrait s'établir à environ huit mois et permettre au salarié, ayant le statut de « stagiaire de la formation professionnelle », de bénéficier d'actions d'accompagnement, de formation et de validation des acquis de l'expérience. Il a précisé que les droits à formation acquis par le salarié dans son entreprise seront doublés, qu'il bénéficiera, pendant toute la durée du dispositif, d'une rémunération versée par l'Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) et que des actions de formation et d'accompagnement seront menées sous l'égide des maisons de l'emploi ou des agences de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) sur le modèle des cellules de reclassement interentreprises.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a observé qu'au-delà de ces trois avancées majeures, qui correspondaient d'ailleurs aux points de convergence qui s'étaient dégagés au cours de la négociation interprofessionnelle, le projet comportait deux autres séries de dispositions importantes pour renforcer la sécurité des procédures et sauvegarder la compétitivité.

Sur le premier point, il a estimé que les règles introduites par la loi de modernisation sociale suscitaient des contentieux inutiles et décourageaient la négociation et que la présente lettre rectificative avait précisément pour objet de renforcer la sécurité juridique en définissant les règles applicables en matière de délais de recours contentieux.

Il a relevé qu'il sera mis fin à l'obligation d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) à chaque fois qu'est envisagée une évolution interne des emplois dans l'entreprise et que, désormais, une telle procédure ne s'imposera que dans l'hypothèse où les salariés ont refusé la proposition qui leur est faite.

Pour ce qui concerne l'article L. 321-1 du code du travail qui définit le champ de la procédure de licenciement économique, il a indiqué que le Gouvernement avait renoncé, après l'avoir un temps envisagé, à expliciter la notion de motif économique, qui n'est définie dans le code du travail que de façon partielle.

A ce titre, M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a rappelé que la jurisprudence de la Cour de cassation avait permis, au fil des années, de clarifier la portée de cette notion et qu'une entreprise pouvait recourir au régime du licenciement économique dans quatre hypothèses : lorsqu'elle rencontre des difficultés économiques ; lorsqu'elle est confrontée à une mutation technologique ; lorsqu'elle est conduite à cesser son activité ; et, enfin, lorsqu'il lui faut sauvegarder sa compétitivité.

Il a considéré que ces règles apparaissaient réalistes et équilibrées, dans la mesure où elles prennent en compte les impératifs d'une économie ouverte à la concurrence, sans pour autant méconnaître le caractère lourd de conséquence d'une décision comme un licenciement, qui ne peut être prise à la légère et sans motifs déterminants.

Après avoir jugé que le point d'équilibre trouvé par la Cour de cassation semblait satisfaisant, il a indiqué que le Gouvernement n'avait pas souhaité ouvrir de polémique inutile sur ce sujet délicat et décidé ainsi de laisser les dispositions de l'article L. 321-1 du code du travail en l'état, ce qui ne devait pas être interprété comme une reculade ou un revirement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a également relevé que le projet de loi organisait la revitalisation des bassins d'emplois touchés par les restructurations.

Soulignant que ces dernières pouvaient gravement déstabiliser un bassin d'emploi, notamment par des effets en chaîne sur les sous-traitants et les fournisseurs de l'entreprise, il a indiqué que le projet de loi permettra à l'État, à travers la mission interministérielle pour les mutations économiques (MIME) et la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), d'intervenir pour conduire l'entreprise en cause à contribuer à l'implantation de nouvelles activités.

Au terme de cette présentation des principales dispositions de la loi, il a insisté sur la nécessité de mettre un terme à certaines interrogations et de dissiper des malentendus.

Après avoir indiqué que le Gouvernement n'avait nulle intention de faciliter les licenciements économiques, il a souligné que cette lettre rectificative ne modifiait aucune des règles qui protègent les salariés mais visait, à l'inverse, à prévenir les licenciements économiques, en facilitant les mutations internes à l'entreprise et en favorisant la gestion prévisionnelle et négociée des emplois et des compétences.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a estimé par ailleurs que, loin de créer une quelconque différence de traitement entre les salariés selon la taille de l'entreprise, le projet remédiait à l'inégalité dont sont aujourd'hui victimes les salariés des petites et moyennes entreprises (PME).

Rappelant que seuls les salariés des entreprises de plus de mille salariés ont droit actuellement à un mécanisme de reclassement en cas de licenciement économique (le congé de reclassement), que les autres ne peuvent prétendre à de telles mesures que dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et en fonction de la situation financière de l'entreprise qui les licencie, il s'est réjoui qu'à l'avenir, tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise qui les emploie, puissent bénéficier d'actions de reclassement à travers la convention de reclassement personnalisé.

Pour conclure, M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a considéré qu'il était urgent que notre pays dispose d'une législation permettant à ses entreprises et à ses salariés de s'appuyer sur une gestion modernisée et négociée des emplois et des compétences, et qu'il en allait de la croissance et de la compétitivité de notre pays.

M. Alain Gournac, rapporteur, a demandé quelles étaient les différences entre la convention de reclassement personnalisé et les conventions de conversion antérieures à la loi de modernisation sociale et pourquoi il était prévu de supprimer le plan d'action au retour à l'emploi anticipé dit « pré-PARE ».

Il s'est interrogé sur le bilan des accords de méthode autorisés à titre expérimental depuis le début de 2003 et qui figurent à nouveau dans ce texte.

Il a demandé quel bilan le ministre tirait de l'application de l'article 118 de la loi de modernisation sociale relative à la participation des employeurs qui licencient à la revitalisation des bassins d'emploi et quelles étaient les différences entre ces dispositions et la réforme proposée à l'article 37-6 du projet de loi.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a indiqué que 180 accords de méthode avaient été signés depuis le début de l'année 2003, dans des entreprises de toutes tailles, par l'ensemble des partenaires sociaux, y compris Force ouvrière (FO) et la Confédération générale du travail (CGT), et que 25 % d'entre eux traitaient de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il a considéré que ces accords avaient par là-même facilité le reclassement des salariés et favorisé le maintien d'un maximum d'emplois.

S'agissant de la convention de reclassement personnalisé et du plan d'action au retour à l'emploi anticipé, il a observé que ces demandes d'accompagnement permettaient de réduire de 20 à 25 % la durée du chômage et précisé que des études récentes réalisées tant par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) que par la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) témoignaient d'une neutralité financière du dispositif d'ensemble. Il a considéré qu'il convenait, notamment dans les PME, d'établir une bonne articulation entre les dispositions législatives et l'apport de la négociation collective.

Il a ensuite relevé l'importance des maisons de l'emploi, le rôle souvent mal connu de la MIME, et annoncé qu'il souhaitait, avec Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, voir leur action renforcée sur le plan local.

M. Nicolas About, président , s'est demandé quelle pourrait être la participation demandée aux entreprises en termes de revitalisation industrielle lorsqu'elles sont confrontées à des difficultés économiques, à une mutation technologique, ou lorsqu'elles sont conduites à cesser leur activité.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a cité l'exemple de l'entreprise Lustucru qui, en choisissant de ne pas reprendre la production sur son site d'Arles après les inondations survenues l'année dernière, devra mettre au service de la revitalisation du site une grande partie des sommes qu'elle recevra dans le cadre de l'indemnisation de ce sinistre. Il a précisé que l'objet de ces dispositifs consistait à éviter que des entreprises procèdent par surprise, par exemple le week-end, à un arrêt de la production suivi d'un déménagement à l'étranger de l'outil de travail, plaçant ainsi les salariés devant un fait accompli et un sinistre social.

M. Roland Muzeau a souligné les conditions de travail déplorables dans lesquelles il a été procédé à l'étude des dispositions de la présente lettre rectificative. Il a regretté notamment que très peu de sénateurs aient eu la possibilité matérielle d'assister aux auditions préparatoires.

Revenant sur les protestations émises par le mouvement des entreprises de France (MEDEF) quant à l'absence de modification des dispositions du code du travail relatives au licenciement économique, il a considéré que la question avait été tranchée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et que cette prise de position tendait à occulter le contenu de la présente lettre rectificative. Revenant sur l'exposé du ministre, il a jugé que les huit articles qu'il avait présentés remettaient bel et bien en cause, tous à des degrés différents, les avantages des salariés, comme d'ailleurs la jurisprudence Michelin, et estimé de façon générale que ce texte apparaissait défavorable à l'emploi. Il a également déploré que les voies de recours se trouvent limitées, ce qui ne pourrait qu'affaiblir les rapports de force dans les entreprises. Il s'est enfin inquiété des suggestions d'amendements préconisées par le MEDEF qui, si elles venaient in fine à être intégrées dans la lettre rectificative lors des débats parlementaires, viendraient remettre en cause l'équilibre initial du texte, que certaines organisations syndicales considèrent pour leur part équitable.

Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé si les dispositions de la présente lettre rectificative, en s'ajoutant à celles de la directive sur la négociation collective et le dialogue social pour les entreprises à dimension européenne, ne pourraient pas avoir des effets pervers en décourageant les investissements et en imposant un niveau de contraintes trop élevé.

Elle s'est également interrogée sur les termes très directifs employés à l'article 37-6 de la lettre rectificative en se demandant si de telles dispositions ne risqueraient pas, en incitant les entreprises à s'installer dans des pays étrangers, à ruiner les objectifs poursuivis en termes de revitalisation des bassins d'emploi. Elle s'est enfin enquise du rôle des MIME au regard de la réforme de l'État.

Rappelant que l'île de la Réunion était caractérisée par un taux de chômage très élevé et un déséquilibre accentué du marché du travail, avec 40.000 offres d'emploi seulement - dont la moitié dans le secteur non marchand - face à 100.000 demandes d'emploi, Mme Anne-Marie Payet a regretté la suppression des contrats individuels de formation (CIF). Elle a souhaité savoir s'il était envisageable de prévoir une exception pour les départements d'outre-mer.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a réaffirmé qu'il avait parfaitement conscience de la difficulté qu'avait représenté l'examen, dans des délais très courts, des dispositions de la lettre rectificative, mais que pour autant, l'utilisation de cet instrument lui semblait préférable à la technique des amendements du Gouvernement déposés en séance publique, comme cela avait été le cas sous la précédente législature lors de l'examen de la loi de modernisation sociale.

Il a relevé, par ailleurs, que les propositions d'amendement émanant du MEDEF, dont M. Roland Muzeau s'était fait l'écho, montraient précisément que le texte ne lui donnait pas satisfaction. Il a également contesté que cette lettre rectificative se traduise par une remise en cause de la jurisprudence Michelin, qu'elle puisse aboutir à diminuer les droits des salariés ou créer des inégalités selon la taille des entreprises.

En réponse aux préoccupations exprimées par Mme Marie-Thérèse Hermange, il a considéré que le nouveau dispositif destiné à se substituer à l'article 118 de la loi de modernisation sociale sera proportionné à la taille des entreprises et interviendra en simple complément de la directive précitée. Se référant aux pays voisins de la France, il a cité l'exemple du conflit social entre l'entreprise General Motors et le syndicat allemand de la métallurgie IG Metal et indiqué que les objectifs de revitalisation des bassins d'emploi apparaissaient identiques à ceux poursuivis par le Gouvernement.

S'agissant de la situation particulière des départements d'outre-mer, M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a fait part de la volonté de M. Jean-Louis Borloo, ministre du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale, de conduire avec leurs élus une concertation spécifique.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mardi 26 octobre 2004 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Gournac sur la lettre rectificative au projet de loi n° 445 (2003-2004) de programmatio n pour la cohésion sociale .

Au préalable, M. Alain Gournac, rapporteur, a souligné que l'introduction de huit nouveaux articles, par voie de lettre rectificative, dans le projet de loi de cohésion sociale paraissait cohérente dans la mesure où ces dispositions comportaient des avancées notables pour les droits des salariés, notamment ceux travaillant dans les petites et moyennes entreprises.

Il a rappelé que les partenaires sociaux avaient négocié pendant plusieurs mois, sans aboutir à un accord, pour définir de nouvelles règles relatives au licenciement économique et que, pour donner toutes ses chances à cette négociation, il avait lui-même déposé une proposition de loi, adoptée en juin dernier, pour prolonger de six mois la période de suspension des dispositions les plus contestables dans la loi de modernisation sociale. Constatant l'échec des négociations, il a estimé que le Gouvernement prenait aujourd'hui ses responsabilités et que le projet de réforme dont le Sénat avait été saisi constituait le fruit d'une longue concertation avec les organisations syndicales et patronales.

Il a observé que le premier article visait à abroger les dispositions, jusqu'ici suspendues, de la loi de modernisation sociale qui avaient fait l'objet de vives critiques au moment de leur adoption en raison des contraintes excessives qu'elles faisaient peser sur les entreprises.

M. Alain Gournac, rapporteur, a indiqué que plusieurs articles tendaient à réformer le droit du licenciement économique et que l'article 37-2 ouvrait aussi de nouveaux champs à la négociation collective, dans le but de prévenir et de mieux gérer les procédures de licenciements. Parmi celles-ci, il a noté la possibilité de conclure des « accords de méthode » définissant la procédure applicable en cas de licenciements économiques et les modalités de négociation du plan de sauvegarde de l'emploi. Par ailleurs, il a relevé la création d'une obligation de négocier tous les trois ans, dans les entreprises de plus de trois cents salariés, selon la rédaction actuelle, sur la stratégie globale de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi comme sur la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi que sur le maintien dans l'emploi des salariés âgés.

Sur ce point, il a indiqué qu'il proposera un amendement destiné à corriger une erreur manifeste survenue dans sa rédaction dans la mesure où il est fait référence, à une obligation de négociation sur la stratégie de l'entreprise, alors que les travaux préparatoires employaient les termes de négociation sur « les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise ».

M. Alain Gournac, rapporteur, a observé que l'article 37-3 avait pour objet principal de revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation, dissuadant les employeurs de proposer à leurs salariés une modification de leur contrat de travail avant d'envisager des licenciements économiques. Il a regretté qu'aujourd'hui, un chef d'entreprise proposant à dix salariés une modification de leur contrat de travail doive présenter et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, sans même attendre leur réponse. Cette disposition aboutit à prendre en compte, dans le calcul du seuil de dix salariés déclenchant le plan de sauvegarde de l'emploi, des salariés qui ne seront pas forcément licenciés. En conséquence, la lettre rectificative propose que l'obligation d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi ne s'appliquera que si dix salariés expriment leur refus et si l'employeur envisage de les licencier pour motif économique. Sur un plan purement rédactionnel, il a relevé que le même article remplaçait dans le code du travail l'expression « modification substantielle » du contrat de travail, tombée en désuétude, par celle davantage utilisée par les praticiens du droit du travail, de « modification d'un élément essentiel » du contrat.

M. Alain Gournac, rapporteur, a noté que l'article 37-4 créait un droit à convention de reclassement personnalisé au profit des salariés des entreprises de moins de mille salariés qui n'y ont pas accès aujourd'hui, alors même qu'ils représentent 80 % des cas de licenciements pour motif économique. Ces personnes se verront désormais proposer une convention de reclassement leur permettant de bénéficier d'actions d'orientation, d'évaluation des compétences et de formation destinées à favoriser leur retour rapide vers l'emploi. Il a par ailleurs approuvé la possibilité donnée aux salariés licenciés d'activer le reliquat de leur droit individuel à la formation, le financement de ce nouveau dispositif étant partagé entre l'employeur, le régime d'assurance chômage, les organismes participant au service public de l'emploi et l'État, le cas échéant.

Il a considéré néanmoins que le dispositif de reclassement proposé lui semblait quelque peu déséquilibré, en ce qu'il faisait supporter la charge du financement essentiellement sur les petites entreprises et les salariés licenciés. Il a estimé en conséquence qu'il conviendra de mieux définir la durée des conventions de reclassement, dont il n'est fait aucune mention dans le projet de loi. Il a également proposé de tenir compte des inquiétudes des PME, en allégeant autant que possible leurs charges financières, sans bouleverser l'équilibre du texte négocié par les partenaires sociaux.

S'agissant de l'article 37-5 qui vise à sécuriser les procédures de licenciement sur le plan juridique en précisant certains délais de recours devant les tribunaux, M. Alain Gournac, rapporteur, a noté que la longueur des procédures juridiques était mal ressentie par les entreprises. Il a observé que pour remédier à cette difficulté sans remettre en cause le droit des salariés d'ester en justice, la lettre rectificative proposait ce qui semblait représenter un juste milieu : les actions en référé portant sur la procédure de consultation du comité d'entreprise devront être introduites dans un délai de quinze jours ; les recours portant sur la régularité de la procédure de licenciement devront intervenir au plus tard douze mois après qu'elle se sera achevée.

Il a noté que, dans le cadre de l'article 37-6, se trouvait abrogé l'article 118 de la loi de modernisation sociale créant un nouveau dispositif de revitalisation des bassins d'emplois affectés par un plan de licenciements économiques. Il a précisé que les grandes entreprises avaient l'obligation de contribuer à la création d'activités et d'emplois nouveaux lorsqu'elles procèdent à des licenciements d'ampleur, tandis que les entreprises de taille plus réduite avaient une obligation atténuée, l'État étant chef de file pour mener à bien de telles actions dans le bassin d'emploi et définissant, par voie de convention, la contribution que peut apporter l'entreprise. Afin d'améliorer le dispositif proposé par le Gouvernement, il a indiqué qu'il sera amené à proposer quelques modifications, consistant notamment à prévoir une mobilisation plus forte de l'État et un suivi plus efficace de la mise en oeuvre des mesures de revitalisation.

M. Alain Gournac, rapporteur, a noté que l'article 37-7, relatif aux modalités de fonctionnement du comité d'entreprise, précisait que les consultations du comité d'entreprise rendues obligatoires par des dispositions légales, réglementaires ou par un accord collectif, figuraient de plein droit à son ordre du jour, ce qui constituait une mesure de bon sens destinée à éviter le blocage du comité d'entreprise. Il a relevé également que le texte prévoyait désormais que les chefs d'entreprise ne seront pas tenus d'informer le comité d'entreprise avant le lancement d'une offre publique d'achat (OPA) ou d'une offre publique d'échange (OPE). Il a estimé que les dispositions de la loi de modernisation sociale qui avaient posé une règle inverse, présentaient de gros risques au regard du droit boursier, en multipliant les occasions de délit d'initié.

Enfin, il a observé que l'article 37-8 précisait que ces nouvelles dispositions s'appliqueront uniquement aux procédures de licenciement engagées après l'entrée en vigueur de la loi.

M. Roland Muzeau a considéré que, faute d'avoir disposé du temps nécessaire pour analyser la présente lettre rectificative, il n'était pas en mesure d'en commenter les termes de façon détaillée.

Après avoir déclaré qu'il partageait ce jugement, M. Jean-Pierre Godefroy a déploré les conditions de travail inacceptables sur ce texte et indiqué qu'il prendrait position lors de la discussion en séance publique.

Revenant sur les dispositions proposées à l'article L. 37-3 relatives au seuil de dix salariés exprimant leur refus de changer leur contrat de travail, comme facteur déclenchant l'obligation d'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, Mme Catherine Procaccia a jugé qu'il serait plus adapté de faire référence à une proportion déterminée des effectifs de l'entreprise.

M. Louis Souvet a jugé qu'il serait utile, lors des débats, de rappeler les dispositions applicables dans les cas principaux de licenciement.

M. Alain Gournac, rapporteur, a souligné l'impact des effets de seuil dans l'application du droit du travail.

M. Jean-Pierre Godefroy a noté que ces seuils avaient été récemment modifiés par voie d'ordonnance.

La commission a ensuite abordé l'examen des articles et des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article 37-2 (négociations obligatoires et autorisation de négocier des accords de méthode), la commission a adopté quatre amendements tendant à corriger des erreurs rédactionnelles.

A l'article 37-3 (modification du contrat de travail proposée pour un motif économique), la commission a adopté un amendement apportant une précision rédactionnelle.

A l'article 37-4 (convention de reclassement personnalisé), elle a adopté cinq amendements. Le premier établit une coordination avec les dispositions relatives au champ de négociation de l'accord interprofessionnel sur les conventions de reclassement personnalisé. Le deuxième vise à permettre l'usage du droit individuel à la formation des salariés sans que des obstacles puissent s'opposer à l'utilisation et la transférabilité de ces droits pour les personnes licenciées. Le troisième est un amendement de précision. Le quatrième a pour objet de déterminer les modalités de mise en oeuvre de la convention de reclassement et d'encadrer sa durée entre quatre et neuf mois, tout en laissant aux partenaires sociaux le soin de la fixer en fonction des situations locales. Le cinquième tend à affirmer la contribution de l'État au financement des dépenses relatives aux actions de formation.

A l'article 37-6 (équilibre des bassins d'emploi), la commission a adopté trois amendements. Le premier vise à renforcer la participation de l'État à la revitalisation des bassins d'emploi affectés par des licenciements collectifs effectués par les entreprises de moins de mille salariés. Le deuxième est d'ordre rédactionnel. Le troisième présente un double objet : instituer, sous l'autorité du préfet, un système de suivi de la mise en place des mesures de revitalisation proposées et renvoyer à un décret la détermination des conditions dans lesquelles les entreprises dont le siège n'est pas situé dans le bassin d'emploi, ou dont la fermeture totale ou partielle est envisagée, participent à sa revitalisation.

A l'article 37-8 (application dans le temps des nouvelles dispositions introduites par ce projet de loi), elle a adopté deux amendements de nature rédactionnelle.

Votre commission a enfin adopté la lettre rectificative au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale ainsi amendée.

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