Rapport n° 56 (2004-2005) de M. Didier BOULAUD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 9 novembre 2004

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N° 56

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti,

Par M. Didier BOULAUD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1636 , 1714 et T.A. 338

Sénat : 15 (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, a pour objet l'approbation de la convention signée le 3 août 2003 à Djibouti entre la France et Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises à Djibouti.

Cette convention conclue pour une durée de neuf ans et reconductible instaure une contribution forfaitaire de 30 millions d'euros par an versée par la France au titre de la présence de ses forces militaires à Djibouti. Cette contribution regroupera un ensemble de versements opérés jusqu'à présent dans le cadre de l'aide du ministère de la défense aux forces armées djiboutiennes et de l'assujettissement des forces françaises à divers impôts directs et indirects. Elle représente cependant une majoration sensible des transferts financiers effectués par le budget français de la défense, qui s'élevaient jusqu'alors à près de 19 millions d'euros.

La convention présente donc une double dimension : technique, à travers le remplacement de procédures actuellement complexes par un mécanisme global dont la gestion sera simplifiée ; politique, puisqu'elle établit, dans un contexte qui voit se renforcer l'intérêt stratégique de Djibouti, une nouvelle base pour nos relations avec ce pays.

Votre rapporteur présentera les forces françaises à Djibouti et leur rôle dans notre dispositif militaire à l'étranger avant de rappeler les conditions établies avec Djibouti pour leur stationnement et les modifications qu'apporte la convention du 3 août 2003.

I. LES FORCES FRANÇAISES À DJIBOUTI

Dès l'indépendance, Djibouti a conclu avec la France un accord définissant les conditions du maintien d'une présence militaire française. Cette dernière est aujourd'hui inférieure de moitié à ce qu'elle était en 1977, mais elle demeure un élément essentiel de la stabilité d'un pays occupant une position stratégique et elle continue de remplir une fonction-clef dans notre dispositif de déploiement outre-mer.

A. LES FONDEMENTS DE LA PRÉSENCE MILITAIRE FRANÇAISE À DJIBOUTI

Le jour même de son accession à l'indépendance, le 27 juin 1977 , l'ancien territoire français des Afars et des Issas, devenu la République de Djibouti, concluait avec la France un « protocole provisoire » fixant les conditions de stationnement des forces françaises après l'indépendance et les principes de la coopération militaire entre les deux pays.

Ce protocole s'analyse avant tout comme un accord de défense , son article 1 er prévoyant la participation des forces armées françaises stationnées à Djibouti, à la demande du gouvernement djiboutien, en cas d'agression étrangère.

La jeune République de Djibouti ne comptait alors qu'un peu plus de 250.000 habitants, partagés entre deux grandes ethnies : les Issas, majoritaires et proches de la Somalie, et les Afars, disposant plutôt de liens avec certaines populations d'Ethiopie. Sa contiguïté avec ces deux Etats beaucoup plus peuplés a amené Djibouti à se tourner vers la France pour garantir son intégrité territoriale et sa souveraineté. Les évènements survenus depuis lors dans la Corne de l'Afrique, notamment la crise somalienne et le conflit érythréo-éthiopien, ont démontré l'instabilité chronique d'une région dans laquelle Djibouti apparaît, grâce à cet accord de défense, comme un îlot relativement épargné.

Le protocole de 1977 exclut la participation des forces françaises à des opérations de maintien ou de rétablissement de l'ordre, de même que l'utilisation de Djibouti comme base ou point d'appui pour une intervention armée contre une tierce puissance. Il prévoit également une aide française à la mise sur pied des forces armées djiboutiennes , notamment sous forme de soutien logistique et de mise à disposition de personnels militaires au titre de la coopération technique. En contrepartie, Djibouti met à disposition des forces armées françaises les infrastructures qui leur sont nécessaires et des facilités de circulation, d'entraînement et de survol.

C'est sur la base de ce protocole et des divers accords qui l'ont complété 1 ( * ) que stationne à Djibouti un important dispositif militaire français dont le volume à cependant été notablement réduit au fil des ans. Les Forces françaises de Djibouti comptaient 5.600 hommes à la veille de l'indépendance. Leur effectif a été ramené à 4.300 hommes dès 1978 et a régulièrement diminué depuis, puisqu'il n'était plus que de 3.500 hommes entre 1990 et 1995 avant de passer sous les 3.000 hommes en 1998.

Les effectifs ont été temporairement augmentés en raison du conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée, de janvier 1999 à février 2001, dans le cadre de l'opération interarmées Khor Angar qui visait à assurer la surveillance maritime éloignée de Djibouti, à préparer, en liaison avec les autorités du pays, la protection éventuelle de l'aéroport et du port de Djibouti et à renforcer la protection des installations des forces françaises.

Depuis lors, le volume des forces françaises s'est à nouveau réduit, s'élevant actuellement à 2.800 hommes . Cette diminution ne traduit en rien, de la part des autorités françaises, une remise en cause du principe même de notre présence militaire à Djibouti, qui a au contraire été conforté à l'occasion de la restructuration de notre dispositif en Afrique.

B. UN DISPOSITIF AUX INTÉRÊTS OPÉRATIONNELS MULTIPLES

Les Forces françaises de Djibouti sont placées sous le commandement d'un général de l'armée de l'air relevant directement du chef d'Etat-major des armées et disposant d'un Etat-major interarmées.

Les forces terrestres (1.700 hommes) représentent près de 60% du dispositif. Elles se composent de deux régiments, le 5 ème régiment interarmes d'outre-mer et la 13 ème demi-brigade de Légion étrangère, et d'un détachement d'hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre (hélicoptères de combat Gazelle et hélicoptères de transport Puma).

L' armée de l'air déploie près de 800 personnels militaires affectés à la base de soutien à vocation interarmées et auprès de deux escadrons, l'un formé d'avions de combat (Mirage 2000) et l'autre d'aéronefs de transport (Transall C160, hélicoptères Puma spécialisés dans la recherche et le sauvetage des équipages).

La marine dispose d'une base navale à laquelle sont rattachés plusieurs bâtiments. Un commando marine stationne également à Djibouti.

Les forces françaises comportent également des personnels de divers services interarmées ou communs (transmissions, service de santé 2 ( * ) , service des essences, commissariat, direction des travaux) et des gendarmes.

Au delà d'une réduction sensible du volume des effectifs, l'évolution principale de notre dispositif à Djibouti réside dans le recours accru, surtout pour les militaires du rang, à des personnels dits « tournants », envoyés en mission pour une durée de quatre mois, avec diminution corrélative des postes dévolus à des personnels « permanents », généralement affectés pour une durée de deux ans. Sur les 2.800 hommes affectés à Djibouti, 1.600 environ le sont comme « permanents » et 1.200 comme « tournants ».

Ainsi que l'avait dernièrement constaté la délégation de notre commission lors d'une mission d'information dans la Corne de l'Afrique 3 ( * ) , la présence militaire française à Djibouti comporte de multiples intérêts .

C'est le cas tout d'abord pour la République de Djibouti elle-même, qui bénéficie de notre coopération militaire et d'actions civilo-militaires. Elle a surtout vu son indépendance préservée et confortée, de même que sa stabilité intérieure, en dépit du conflit armé qui opposa de 1991 à 1994 le Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD) au gouvernement. À travers la stabilité de Djibouti, c'est également un certain équilibre régional qui est préservé.

Pour la France , la présence à Djibouti complète utilement l'implantation de nos forces « prépositionnées » en Afrique occidentale et centrale, en procurant des facilités d'accès à l'Afrique orientale. Ce stationnement permanent joue un rôle préventif indéniable et garantit une capacité de réaction rapide pour des actions humanitaires, des évacuations de ressortissants ou des opérations de gestion de crises, de maintien ou de rétablissement de la paix. La France dispose aussi à Djibouti du matériel destiné à équiper une capacité africaine de maintien de la paix, de l'ordre du bataillon, dans le cadre du programme RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix).

L' intérêt stratégique de Djibouti est également évident sur le plan maritime. Le port sert d'escale à la flotte de l'océan indien et au groupe aéronaval. Situé à proximité du détroit de Bab el Mandeb, il offre une base aux missions de surveillance destinées à y garantir la liberté de navigation et, plus généralement, à assurer la sécurité de la navigation en mer Rouge, pour le trafic empruntant le canal de Suez. Djibouti est également proche du golfe persique et a donc vu son rôle se renforcer au cours des dernières années, et singulièrement depuis le 11 septembre 2001 dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. C'est au large de Djibouti qu'opère la « Task force 150 », force navale multinationale chargée d'empêcher d'éventuels transferts de groupes terroristes vers l'Afrique par voie maritime. La France assure depuis septembre 2003 le commandement de cette force à laquelle sont affectés deux frégates, un bâtiment ravitailleur et un avion de patrouille maritime.

Cette position stratégique a conduit les Etats-Unis , dans le cadre de la lutte anti-terroriste, à déployer à Djibouti un important contingent de plus d'un millier d'hommes, notamment des forces spéciales. La présence américaine semble appelée à se pérenniser, comme en témoignent les travaux d'infrastructure engagés. L'Allemagne et l'Espagne ont également fait stationner des troupes à Djibouti.

Enfin, Djibouti constitue un terrain d'entraînement privilégié, grâce à ses champs de tirs et de manoeuvre et aux possibilités d'aguerrissement en milieu désertique. Cet intérêt est renforcé depuis que les rotations entre personnels « tournants » permettent à de nombreuses unités de séjourner à Djibouti. La présence de forces des trois armées facilite en outre l'organisation d'exercices interarmées.

II. LA REDÉFINITION DES CONDITIONS DE STATIONNEMENT DES FORCES FRANÇAISES

La réduction du format des Forces françaises de Djibouti au cours des cinq dernières années a provoqué des discussions difficiles avec les autorités djiboutiennes, préoccupées par les perspectives de pertes financières qu'elle pouvait entraîner. L'établissement d'un nouveau cadre bilatéral, offrant à Djibouti des garanties dans la durée, est en mesure de répondre à ces préoccupations tout en permettant une simplification notable des relations financières avec le ministère français de la défense.

A. UN ENSEMBLE COMPLEXE DE CONTRIBUTIONS FISCALES ET D'AIDES DIRECTES À DJIBOUTI

Les charges dues à Djibouti au titre de notre présence militaire résultent d'une juxtaposition de contributions fiscales et d'aides directes dont la nature et le montant ont évolué au fil des ans.

Dans le domaine fiscal, le protocole provisoire du 27 juin 1977, déjà cité, et les textes qui en découlent, ont posé les principes d'assujettissement des forces françaises.

En matière d' impôt sur le revenu , les personnels des forces françaises sont soumis à une fiscalité dérogatoire. Ils sont imposés à Djibouti, et non en France, le barème djiboutien étant appliqué « à une base d'imposition égale à 80% de la solde globale mensuelle, à l'exclusion des indemnités spécifiques, des allocations et suppléments à caractère familial, et sous déduction des versements légaux pour la retraite et la sécurité sociale » 4 ( * ) .

En matière d' impôts indirects et de taxes, les forces françaises sont assujetties à la taxe intérieure à la consommation et aux droits de douane, aux taxes sur les produits pétroliers, ainsi qu'à un ensemble de taxes et de redevances dont le nombre et le montant s'est accru aux cours des dernières années (taxes d'aéroport, redevance d'utilisation du port international, taxes d'exploitation des télécommunications et redevances des fréquences radio-électriques, indemnité compensatrice du bureau postal militaire, rente d'usufruit versée au titre des logements domaniaux occupés par les forces françaises, situés hors des enceintes militaires et construits avant l'indépendance, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, vignette automobile ...).

En 2003, le montant de l'impôt sur le revenu prélevé à la source par les armées sur les rémunérations des personnels des Forces françaises de Djibouti s'élevait à près de 6,4 millions d'euros. Celui des taxes et redevances représentait près de 3 millions d'euros.

À ces versements obligatoires s'ajoutent des contributions volontaires du budget français de la défense vers celui des forces armées djiboutiennes. Ces aides à l'équipement et au fonctionnement des forces armées et de la gendarmerie djiboutiennes se montaient à 5 millions d'euros en 2003. Elles sont indépendantes des crédits de coopération militaire inscrits au budget des Affaires étrangères. Les Forces françaises ont également conduit pour 0,2 million d'euros des actions civilo-militaires en direction de la population (rénovations d'écoles, de bibliothèques, de centres médicaux, de maternités ou de dispensaires).

B. LE CONTEXTE DES NÉGOCIATIONS ENGAGÉES AVEC L'ÉTAT DJIBOUTIEN

À la suite de l'annonce d'une nouvelle réduction des effectifs des Forces françaises de Djibouti , en 1998, les autorités djiboutiennes ont revendiqué une compensation des pertes économiques et fiscales qui en résulteraient.

Dès 1999, la France satisfaisait en partie ces demandes en accordant une aide civile exceptionnelle de près de 10 millions d'euros, en prenant en charge la rénovation du balisage de l'aéroport (3 millions d'euros) et en relevant les contributions à charge des Forces françaises à Djibouti (augmentation de différentes redevances, aide en nature au fonctionnement de l'armée djiboutienne, cessions et remise en état de matériels militaires, création d'une rente d'usufruit sur les logements domaniaux, aide médicale en nature pour les militaires djiboutiens et leurs familles).

Les autorités djiboutiennes ont également demandé que l'assiette servant de calcul à l'impôt sur le revenu soit élargie et le barème réévalué. Il était difficile au gouvernement français d'accéder à une telle demande car elle aurait abouti à imposer beaucoup plus fortement nos militaires que s'ils acquittaient leur impôt sur le revenu en France.

Parallèlement à ces discussions, le nouveau contexte stratégique allait amener Djibouti à négocier avec les Etats-Unis les conditions de stationnement de leurs forces et à obtenir une aide budgétaire que différentes informations de presse situent entre 25 et 30 millions d'euros.

Cette situation justifiait la redéfinition de nos relations financières à Djibouti, au titre du stationnement de nos forces. En contrepartie d'une augmentation inévitable de nos contributions, les autorités françaises se sont attachées à obtenir une simplification d'un dispositif à la gestion devenue très complexe et à en assurer la stabilité dans le temps.

Conduites au début de l'année 2003, les négociations franco-djiboutiennes se sont déroulées en deux temps.

Ainsi que l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, une rencontre a été organisée à Paris, en février 2003 , entre M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, et le ministre djiboutien des affaires présidentielles, en vue de rechercher, « selon la volonté des Chefs d'Etat des deux pays, les voies et moyens de dissiper les malentendus et de régler les contentieux récurrents, susceptibles de nuire à la qualité des relations entre la France et Djibouti ». L'accord politique dégagé lors de cette rencontre a été formalisé par une lettre du ministre français en date du 10 février 2003 garantissant à Djibouti, dès 2003, le versement de 30 millions d'euros .

C'est sur la base de cette lettre qu'a été négociée la convention bilatérale signée le 3 août 2003.

C. LA CONVENTION DU 3 AOÛT 2003 : UNE SIMPLIFICATION ET UNE STABILISATION DE LA CONTRIBUTION FRANÇAISE

La convention du 3 août 2003 relative à la situation financière et fiscale des forces françaises à Djibouti se réfère, en préambule, au protocole provisoire du 27 juin 1977 ainsi qu'aux conventions et accords qui ont suivi, mais également au « souci de clarté et de simplification » amenant à préciser la situation financière et fiscale des forces françaises.

L'article 1 er pose le principe d'une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros versée par la France au titre de la présence des Forces françaises de Djibouti, et ce durant 9 années au moins, conformément à la durée, définie à l'article 12, de cette convention qui sera néanmoins reconductible pour une durée convenue entre les parties.

La présence des forces françaises est définie de manière extensive, puisqu'elle recouvre l'occupation des emprises immobilières mises à disposition par le gouvernement djiboutien, l'utilisation des terrains de manoeuvre et des champs de tir, l'utilisation du réseau routier, ainsi que la vie courante du personnel civil et militaire relavant du ministère français de la défense.

Les articles 2 à 8 précisent la décomposition de cette contribution forfaitaire de 30 millions d'euros qui englobera :

- le montant annuel de l' impôt sur le revenu du personnel des forces françaises 5 ( * ) ;

- le montant annuel des taxes intérieures de consommation acquittées par les forces françaises 6 ( * ) ;

- le montant annuel de l' aide fournie au ministère djiboutien de la défense , fixé par l'article 4 à 5 millions d'euros versés en trois échéance 7 ( * ) ;

- le montant annuel des actions civilo-militaires réalisées au profit de la population civile et définies en relation avec les autorités djiboutiennes, fixé par l'article 5 à 200.000 euros ;

- enfin, un solde représentant la somme libératoire des taxes et prélèvements actuellement acquittés par les forces françaises .

Les soins délivrés gratuitement aux militaires djiboutiens et à leurs familles au sein du Centre hospitalier des armées Bouffard ne sont pas comptabilisés dans la contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros.

La contrepartie essentielle obtenue par la France réside dans la substitution à toute une série de taxes et redevances d'une indemnité libératoire dont le mode de calcul est relativement simple, puisqu'elle représentera la différence entre les 30 millions d'euros annuels et quatre type de charges bien définis : l'impôt sur le revenu, la taxe de consommation intérieure, l'aide budgétaire au ministère de la défense et les actions civilo-militaires.

Lors de sa visite à Djibouti, en février 2003, la délégation de votre commission avait pu mesurer les contraintes que faisaient peser sur la vie quotidienne des forces françaises les multiples « tracasseries » administratives liées à ces taxes et redevances, ainsi qu'aux formalités d'importation. Le remplacement des ces contributions par une indemnité libératoire est donc particulièrement bienvenu. Ce mécanisme est garanti par les articles 6 et 7 de la convention.

L'article 6 procède en effet à une énumération exhaustive des taxes et de leurs accessoires ainsi que des prélèvements actuellement acquittés par les Forces françaises de Djibouti et qui seront en pratique supprimés. Il formalise l' engagement du gouvernement djiboutien de délivrer tout document attestant l'effet libératoire de l'indemnité, de ne plus exiger le paiement de ces taxes et redevances tout en maintenant la qualité des prestations correspondantes, de renoncer à prévoir toute imposition supplémentaire des forces françaises, de faciliter les formalités d'importation 8 ( * ) ainsi que les formalités administratives relatives au séjour des personnels et de leurs familles.

Le gouvernement djiboutien s'engage également à étudier les conditions dans lesquelles pourrait être augmenté le nombre de logements domaniaux, l'objectif étant de les porter à un nombre égal à celui des logements conventionnés. Les logements domaniaux ne représentent en effet que 40% environ du parc de logement occupé par les personnels des forces françaises, alors que le niveau élevé des loyers des logements conventionnés fait peser une charge particulièrement lourde sur le budget des Forces françaises de Djibouti.

L'article 8 définit les conditions de versement de la contribution française lors de la première année d'application de la convention. Il se réfère notamment à l'aide exceptionnelle versée en 2003, à hauteur de 11 millions d'euros, en complément des diverses taxes et aides versées normalement par la France, et garantit une contribution globale de 30 millions d'euros, conformément à l'engagement pris par le gouvernement français en février 2003.

Votre rapporteur précise que la contribution forfaitaire de 30 millions d'euros est prise en charge par le budget du ministère de la défense . L'an passé, une mesure nouvelle de 11,2 millions d'euros avait été votée par le Parlement, dans le projet de loi de finances pour 2004, en vue de renforcer la dotation consacrée à la contribution forfaitaire libératoire de taxes pour Djibouti.

CONCLUSION

La ratification de la convention franco-djiboutienne sur la situation financière et fiscale des forces françaises mérite d'intervenir dans les meilleurs délais. Elle consacre une augmentation des contributions à charge du ministère de la défense, alors que le format de notre dispositif à Djibouti a été diminué, mais permet dans le même temps de redéfinir sur des bases claires et simples nos accords avec Djibouti, à un moment où l'intérêt stratégique pour la région se renforce, comme en témoigne l'implantation de forces américaines dans ce pays.

La convention satisfait en grande partie les demandes des autorités djiboutiennes et aplanit certaines difficultés qui avaient pu affecter nos relations bilatérales.

La contribution annuelle de 30 millions d'euros versée au titre du stationnement des forces ne résume pas l'ensemble de l'aide française à ce pays, puisque s'y ajoutent 25 millions d'euros par an versés au titre de l'aide publique au développement et de la coopération militaire, l'impact économique et financier de la présence militaire française étant quant à lui globalement évalué à plus de 150 millions d'euros par an. Ces chiffres sont à rapprocher du produit national brut djiboutien, voisin de 450 millions d'euros.

Convaincue de l'intérêt de la présence militaire française à Djibouti et se félicitant des simplifications apportées par la convention du 3 août 2003, votre commission des Affaires étrangères et de la défense vous demande d'adopter le projet de loi en autorisant l'approbation.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 9 novembre 2004, sous la présidence de M. Serge Vinçon, président.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Serge Vinçon, président, a souligné l'importance de cette convention dans la perspective d'une consolidation de la présence militaire française dans une région essentielle du point de vue stratégique.

M. Robert Del Picchia a insisté sur l'intérêt de la base de Djibouti pour l'entraînement et la formation de nos forces, notamment dans le cadre d'exercices interarmées. Il a demandé si la proportion accrue de personnels « tournants » dans les Forces françaises à Djibouti avait entraîné une perte économique pour le pays. Il a souhaité connaître l'incidence de la convention sur les prestations fournies par l'hôpital militaire français au profit de citoyens djiboutiens.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a considéré que cette convention permettra de notables simplifications par rapport à la situation actuelle et qu'elle était indispensable pour clarifier les conditions de la présence militaire française. Elle a en revanche déploré que les transferts considérables représentés par cette présence française ne semblent en rien favoriser le redressement de la situation économique et sociale du pays.

M. Gérard Roujas a estimé que la diplomatie française devrait accentuer ses actions en direction de la Corne de l'Afrique. Il a notamment souhaité que la France marque davantage d'intérêt pour l'Erythrée.

En réponse à ces différentes interventions, M. Didier Boulaud, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- la convention se traduira pour les Forces françaises à Djibouti par davantage de visibilité quant aux conditions de leur présence, tout en allégeant un nombre très important de formalités qui pèsent sur leur vie quotidienne ;

- sur les 2 800 hommes affectés à Djibouti, 1 600 environ font partie de l'effectif permanent et 1 200 représentent des personnels « tournants » dans le cadre de relèves tous les quatre mois ; le fait que le nombre de militaires séjournant avec leurs familles ait diminué a été invoqué par les autorités djiboutiennes à l'appui de leurs demandes de compensation financière ;

- les soins délivrés gratuitement aux militaires djiboutiens et à leurs familles, au sein du centre hospitalier des armées Bouffard ne sont pas comptabilisés dans la contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros ;

- il existe, dans les différents pays de la Corne de l'Afrique, une attente forte vis-à-vis de la présence française ; la fréquentation en hausse de nos établissements culturels ou encore la mise en place de projets de coopération décentralisée sont des signes positifs, l'accentuation de notre présence restant cependant handicapée par le contexte politique difficile dû au contentieux érytréo-éthiopien et à la situation intérieure de la Somalie.

La commission a ensuite approuvé le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique 9 ( * )

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti, signée à Djibouti le 3 août 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

* 1 Deux accords du 11 février 1991, l'un confiant aux forces françaises la police du ciel et la défense de l'espace aérien djiboutien, l'autre relatif à la surveillance des eaux territoriales.

* 2 Le Centre hospitalier des armées Bouffard relève des Forces françaises de Djibouti.

* 3 Voir le rapport d'information : « La Corne de l'Afrique : nouvel enjeu stratégique », en date du 5 mars 2003 (n°200 ; 2002-2003).

* 4 Annexe V de la convention du 28 avril 1978.

* 5 En vertu de l'article 3 de la convention, l'impôt sur le revenu du personnel fait l'objet d'un paiement mensuel par le trésorier de l'Ambassade de France à Djibouti.

* 6 Ces sommes sont comptabilisées par les forces françaises qui en établissent un bilan annuel.

* 7 L'article 4 précise que cette aide est notamment destinée à l'acquisition de matériel français et exclut toute contribution financière ou matérielle des forces françaises au fonctionnement des forces armées et de la gendarmerie djiboutiennes.

* 8 Le gouvernement djiboutien s'engage notamment à mettre à disposition les produits importés dans un délai de deux jours ouvrés à compter du dépôt de la déclaration en douane. Les frais éventuellement occasionnés par le non-respect de cet engagement seront déduits de la contribution française.

* 9 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 1636 (douzième législature)

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