B. UN NIVEAU DE CHÔMAGE COMPARATIVEMENT ÉLEVÉ, DONT LA COMPOSANTE STRUCTURELLE EST PRÉPONDÉRANTE

1. Le chômage en France se situe à un niveau comparativement élevé

Eurostat, l'office statistique des communautés européennes, a évalué le taux de chômage 8 ( * ) en France au mois de juillet dernier à 9,5 % de sa population active.

Il demeure supérieur au taux de chômage dans l'Union européenne élargie à 25 Etats membres (« UE 25 ») évalué à 9 %, à celui de la zone euro, également évalué à 9 %, et surtout au taux de chômage de l'Union européenne dans son ancien périmètre (« UE 15 »), évalué à 8,1 %.

La France, qui se situe derrière la Pologne (18,8 %), la Slovaquie (15,9 %), la Lituanie (11,3 %), l'Espagne (11,0 %), la Lettonie (10,6 %) et l'Allemagne (9,9 %), affiche ainsi l'un des taux de chômage les plus élevés parmi les anciens pays de l'union européenne (UE 15).

De nombreux Etats-membres ont un taux beaucoup plus faible : l'Autriche (4,2 %), le Luxembourg (4,3 %), l'Irlande et Chypre (4,5 % chacun), le Royaume-Uni (4,7 % en mai) les Pays-Bas (4,8 %), le Danemark et la Hongrie (5,9 % chacun).

Onze Etats membres ont connu sur un an une hausse de leur taux de chômage, onze une diminution et trois sont restés stables. Les hausses relatives les plus importantes ont été enregistrées aux Pays-Bas (de 3,8 % en juin 2003 à 4,8 % en juin 2004), en Suède (de 5,6 % à 6,4 %), au Luxembourg (de 3,8 % à 4,3 %) et en République tchèque (de 7,9 % à 8,8 %).

La stagnation observée en France par Eurostat (9,5 % en juillet 2004 comme en juillet 2003) est à rapprocher de celle que l'office a pu observer concernant l'Union européenne (8,1 % pour l'UE 15 en juillet 2004 comme en juillet 2003, et 9 % en juillet 2004 contre 9,1 % en juillet 2003 pour l'UE 25).

Dans la zone OCDE, le taux de chômage ressortait à 6,9 % en juillet 2004, taux inférieur de 0,3 point à celui de l'année précédente. En dehors de l'Union européenne, on peut noter qu'au Japon, le taux de chômage ressort à 4,9 % (après 5,3 % en 2003, 5,4 % en 2002 et 5 % en 2001), et qu'aux Etats-Unis, ce taux s'établit à 5,5 % (après 6,4 % en 2003, 5,9 % en 2002 et 4,8 % en 2001).

La faiblesse du taux de chômage, observée dans certains Etats tels que le Danemark ou les Etats-Unis, s'explique par la flexibilité du marché du travail.

2. La précédente amélioration et la nouvelle détérioration de la situation du chômage recouvrent des évolutions contrastées

a) La précédente amélioration de la conjoncture du marché du travail a particulièrement favorisé les jeunes et les chômeurs de longue durée

Le nombre de demandeurs d'emploi a décru de 29 % entre juin 1997 et juin 2002.

Cette réduction a été très favorable aux jeunes de moins de 25 ans , qui ont en particulier bénéficié des emplois-jeunes, aux chômeurs sans aucun diplôme, et aux chômeurs de longue durée, dont le nombre a diminué de 45 % en cinq ans . Il convient toutefois de rappeler que le coût des emplois jeunes aura approché 14 milliards d'euros durant la période 1997-2002, et 20 milliards d'euros de 1997 à 2005.

La forte diminution du chômage de longue durée peut être attribuée, pour partie, au recentrage des mesures de politique d'emploi.

Le retournement de conjoncture du printemps 2001 affecte davantage les jeunes, les hommes, les plus diplômés et les plus qualifiés

Entre juin 2001 et juin 2004, le nombre de demandeurs d'emplo i de catégorie 1 a crû de plus de 17 % .

Au sein de la catégorie 1, de juin 2001 à juin 2003, le nombre de demandeurs d'emploi ayant un diplôme de niveau « Bac + 3 » et plus, a augmenté de 51 % , les demandes d'emploi des ingénieurs ou cadres se sont accrues de 54 % , celles des jeunes de moins de 25 ans de 20 % , et celles des hommes de 23 % .

Dans le même temps, les demandes d'emploi des femmes n'ont progressé que de 7 %.

Au total, le taux de chômage des femmes , qui s'est établi en juin 2003 à 10,6 %, demeurait, certes, supérieur à celui des hommes, qui s'établit à 8,6 %. Cependant, jamais l'écart entre ces deux taux n'avait été aussi faible. Il s'est maintenu en 2004 avec un taux de chômage des femmes qui s'est établi en juin 2004 à 10,9 %, celui des hommes ressortant à 8,9 %.

Le chômage de longue durée (c'est-à-dire supérieur à un an) a présenté des évolutions contrastées. Après avoir connu une progression très mesurée de juin 2001 à juin 2002 (moins de 1 %), il a augmenté  de 8 % entre juin 2002 et juin 2003. Toutefois, le nombre de chômeurs de très longue durée (supérieure à 3 ans) a, dans le même temps, décru de 11 %.

b) La stabilisation du chômage au premier semestre 2004 masque une nouvelle dégradation de l'emploi des jeunes

La stabilisation du chômage global au premier semestre 2004 masque des évolutions différenciées. La situation des jeunes a en effet continué de se dégrader (hausse de 2 % du nombre de jeunes chômeurs) alors que celle des salariés de 50 ans et plus s'est améliorée (baisse de 1 %), notamment du fait des départs à la retraite des salariés ayant eu une carrière longue. Le nombre de chômeurs de longue durée diminue également (- 1,8 % au premier semestre, après une forte hausse en 2003). Toutefois, le recul du chômage de très longue durée (3 ans et plus) s'est interrompu. Au total, en juin 2004, pour un taux de chômage général stabilisé à 9,9 %, celui des moins de 25 ans s'élevait à 21,5 % et celui des plus de 50 ans à 7,2 % .

3. Sans réforme de la politique de l'emploi, la croissance est moins créatrice d'emplois

Si le taux de chômage a reculé de plus de trois points de 1997 à 2001, il semble que ce mouvement se soit heurté au socle du chômage structurel, qui a pu être alors évalué, en France, à 8 % de la population active par la Caisse des dépôts et consignations, contre 3 % aux Etats-Unis .

En revanche, comme le montre la situation actuelle, le chômage demeure particulièrement flexible à la hausse lorsque la conjoncture se dégrade .

Ainsi que l'a déclaré M. François Fillon, alors ministre des affaires sociales, de l'emploi et de la solidarité, à l'occasion de sa présidence de la réunion des ministres de l'emploi et du travail de l'OCDE des 29 et 30 septembre 2003 : « Le ralentissement conjoncturel mondial auquel la France est confrontée depuis deux ans souligne la nécessité d'une mobilisation générale des politiques en faveur de l'emploi. Mais nos difficultés ne sont pas que circonstancielles. À l'évidence, nous souffrons d'un taux de chômage structurel trop élevé qui s'accompagne d'une faible mobilisation de la main-d'oeuvre, notamment un taux d'activité très bas chez les jeunes et les travailleurs âgés ».

Auditionné par votre commission des finances le 2 juin 2004, M. Jean-Philippe Cotis, chef économiste et chef du département des affaires économiques de l'OCDE, a constaté l' absence de « résilience » des grands pays continentaux , dont la croissance était toujours peu flexible aux phases de redémarrage de l'économie mondiale, mais désormais très flexible à son ralentissement. Selon lui, cette langueur s'expliquait notamment par la faiblesse de la demande des ménages, tout particulièrement en Allemagne, en raison d'un marché du travail fortement dual, engendrant une forte épargne de précaution . Il a ainsi développé la thèse selon laquelle les personnes travaillant dans le secteur protégé savaient qu'en cas de perte d'emploi, il leur serait particulièrement difficile d'en retrouver un autre, et jugé que, dans une assez large mesure, cette analyse pouvait être transposée à la France.

En toute hypothèse, il sera fructueux, à terme, de lutter contre la composante structurelle du chômage , tout en s'appliquant à soutenir l'offre de travail des jeunes et des « seniors », dont les taux d'activité se situent en France à un niveau comparativement faible.

Dans cette perspective, il convient, en particulier, de chercher à pourvoir à un volant d'environ 300.000 offres d'emploi insatisfaites. Auditionné le 12 novembre 2003 par votre commission des finances, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a pu, dans cette perspective, s'engager à une réduction de 100.000 du nombre d'offres d'emploi non pourvues à fin 2004.

Le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité a ainsi lancé, le 19 février 2004 à Montpellier, un plan national de lutte contre les difficultés de recrutement, intitulé « Objectif 100.000 emplois », dont l'objectif était bien la réduction d'un tiers, avant la fin 2004, du nombre d'offres durablement non pourvues.

Le plan « objectif 100.000 emplois »

Il s'agit d'un plan d'action qui s'articule autour de trois actions complémentaires au niveau national et régional : il fixe à l'ANPE l'objectif d'augmenter de 3 points le taux de satisfaction des offres d'emplois et à l'AFPA d'inciter davantage de personnes à se former aux « métiers sous tension », il prévoit d'élaborer et de signer avec les branches professionnelles des accords nationaux d'incitation permettant d'améliorer l'attractivité des filières ou métiers concernés, enfin il engage le service public de l'emploi à bâtir des plans d'actions régionaux permettant de pourvoir au moins 20 % d'offres d'emplois supplémentaires sur les métiers connaissant des difficultés de recrutement. Le plan prévoit enfin de procéder à une évaluation des résultats de l'action et de concevoir un indicateur national permettant de mieux mesurer les offres d'emploi non pourvues sur l'ensemble du marché du travail et de suivre leur évolution.

Le plan de cohésion sociale englobe et élargit cette démarche ( infra ).

* 8 Chômage au sens du BIT, harmonisé par Eurostat. Si les taux de chômage standardisés pour les pays membres de l'Union européenne et la Norvège sont ainsi calculés par Eurostat, l'OCDE est responsable de la collecte des données et du calcul des taux de chômage pour les autres pays.

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