IV. L'OPTIMISATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL

A. L'ACTION SUR L'OFFRE : UNE AMÉLIORATION QUALITATIVE ET QUANTITATIVE

1. L'amélioration qualitative

a) La formation en alternance
(1) La relance de l'apprentissage par le plan de cohésion sociale

La réforme de l'apprentissage portée par le plan de cohésion sociale repose sur un renforcement de l'attractivité de l'apprentissage pour les jeunes et les employeurs, ainsi qu'une mobilisation de ressources supplémentaires au profit de l'appareil de formation. L'objectif du plan est de passer de 350.000 à 500.000 apprentis par an de 2004 à 2009 . Cette relance paraît particulièrement opportune à votre rapporteur spécial compte tenu de l'importance du nombre d'emplois non pourvus, qui, de l'ordre de 300.000, concernent essentiellement les métiers.

L'apprentissage est financé par :

- les régions, compétentes pour la construction et le financement des centres de formation d'apprentis et pour octroyer une prime aux employeurs, de manière à encourager ce type de formation en alternance ;

- les entreprises, qui acquittent la taxe d'apprentissage au taux de 0,5 % de la masse salariale (sauf lorsque celle-ci est inférieure à six fois le SMIC et que l'entreprise emploie un apprenti) ;

- l'Etat, enfin, qui compense aux régions les dépenses engagées au titre de l'apprentissage au moyen d'une dotation générale de décentralisation (DGD), et finance les exonérations de charges sociales dont bénéficient les entreprises et les apprentis.

L'augmentation des moyens dévolus à l'apprentissage en 2005 ressort à 600 millions d'euros , par la combinaison des mesures suivantes :


• une augmentation de 0,06 point de la taxe d'apprentissage (prévue par l'article 20 du projet de loi de finances pour 2005), qui engendre un accroissement de son produit de 197 millions d'euros ;


• l'affectation de ce surplus de recettes aux régions, le montant des crédits décentralisés à destination de l'apprentissage étant réduits à due concurrence (cette mesure neutralise donc la précédente pour ce qui est des moyens dévolus à l'apprentissage) ;


• la suppression de diverses exonérations peu justifiées de taxe d'apprentissage, rehaussant encore le produit de la taxe d'apprentissage de 123 millions d'euros en 2005 (prévue à l'article 14 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale) ;


• enfin, la création d'un crédit d'impôt de 1.600 euros par apprenti (prévu à l'article 15 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale), procurant un gain évalué à 472 millions d'euros pour les entreprises en les incitant puissamment à développer l'apprentissage ; il résulte des mesures qui précèdent un allègement fiscal net de 152 millions d'euros pour les entreprises , qui, toutefois, supporteront par ailleurs une diminution des exonérations de charges sociales au titre des contrats d'apprentissage de plus de 32 millions d'euros (cf. article 75 rattaché).

Pour 2005, le bleu « emploi et travail » prévoit une légère augmentation du nombre d'apprentis, qui progresserait de 354.000 en 2004 à 358.000 en 2005 .

Votre rapporteur spéciale estime que le développement du préapprentissage à partir de quatorze ans constitue une piste méritant d'être étudiée en vue de garantir l'insertion professionnelle de certains jeunes. L'augmentation du nombre de jeunes en apprentissage, grâce aux mesures de développement de préaprentissage, serait probablement plus efficace que le recours ultérieur aux diverses formes de contrat aidé. Si, dans la concertation, une évolution dans le sens du développement du préapprentissage pouvait être entamée, il conviendrait alors de mener une vaste campagne d'information expliquant aux jeunes et aux parents les avantages de l'apprentissage.

(2) La rationalisation des autres formations en alternance

Conformément à l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003, la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a créé un contrat de professionnalisation , exonéré de charges sociales pour les jeunes de moins de 25 ans et les demandeurs d'emploi de plus de 45 ans. Le budget de l'Etat prend en charge la compensation de cette exonération, contribuant ainsi au financement de ce contrat. Le contrat de professionnalisation « jeune » (moins de 26 ans) se substitue au contrat de qualification , au contrat d'adaptation, ainsi qu'au contrat d'orientation, tandis que le contrat de professionnalisation « adulte » (plus de 45 ans) se substitue au contrat de qualification « adulte ».

La loi précitée procède également à la réforme du financement 18 ( * ) de la formation professionnelle, qui bénéficie notamment à l'alternance.

Alors que le bleu « travail » pour 2004 prévoyait 138.000 entrées dans les dispositifs (dont 125.000 pour les jeunes), le bleu « emploi et travail » pour 2005 prévoit 180.000 entrées , dont 160.000 pour les jeunes, les crédits progressant parallèlement de 386 millions d'euros à 472 millions d'euros.

(3) Un esprit rénové

Elément phare du programme présenté à son arrivée par le gouvernement, l'« assurance emploi » est un concept participant du nécessaire changement de perspective concernant la succession dans le temps de la formation et du travail. Il s'agit d'assurer la formation et l'employabilité tout au long de la vie.

La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social vise ainsi à réduire les inégalités d'accès à la formation tout au long de la vie professionnelle, notamment grâce à la création d'un « droit individuel à la formation » (DIF) , en complément de l'obligation collective de l'entreprise. L'articulation avec la validation de l'expérience (VAE) , qui permet de favoriser la reconnaissance de l'expérience professionnelle acquise par les salariés en vue de l'obtention d'une certification professionnelle, doit être assurée dans le cadre d'un accompagnement individualisé.

b) La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)

Dans le cadre de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, les moyens dévolus à la GPEC permettent d'appuyer la réflexion des entreprises sur leur gestion prévisionnelle des ressources humaines.

2. L'amélioration quantitative

Il s'agit, pour ces politiques, de restaurer l'offre 19 ( * ) de travail en évitant, pour l'ensemble de la population en âge de travailler, la constitution de « trappes à inactivité », et pour les plus âgés, les incitations à un retrait d'activité anticipé. Cette élévation du taux d'activité s'inscrit dans un processus européen : la « stratégie de Lisbonne ».

a) La stratégie de Lisbonne

Le Conseil européen de Lisbonne, en mars 2000, a assigné à l'Union un objectif ambitieux : faire de l'Union, d'ici à 2010, l'« économie de la connaissance » la plus compétitive et la plus dynamique du monde . Des objectifs chiffrés sont fixés à cette échéance, notamment le relèvement des taux d'emploi :

- taux d'emploi global porté à 70 %, taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 ans à 64 ans porté à 50 % , et taux d'emploi des femmes porté à 60 % ;

- 3 % du PIB à consacrer à la recherche.

Les structures de décision et les outils de pilotage pour la mise en oeuvre des objectifs de Lisbonne

Les structures de décision et les outils de pilotage pour la mise en oeuvre des objectifs de Lisbonne sont les suivants :

- depuis 2000, chaque Conseil européen de printemps est consacré à l'examen de la stratégie économique et sociale de l'Union. Ils sont préparés par les travaux des différentes formations des Conseils des ministres de l'Union (Affaires étrangères, ECOFIN, Compétitivité, Emploi, Environnement) ;

- la Commission y apporte sa contribution par son rapport annuel de printemps qui fait le bilan des avancées du processus de Lisbonne et émet des recommandations sur la base des rapports de mise en oeuvre des Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE), des lignes directrices pour l'emploi ainsi que de l'avis du Comité économique et social européen ;

- la Commission propose des règlements ou des directives (plus de 70 directives ont été adoptées dans le cadre de la stratégie de Lisbonne), oriente avec le Conseil l'allocation de financements communautaires (comme le Programme Cadre pour la recherche et le développement) ;

- le processus de Lisbonne, qui recouvre de nombreux domaines de compétence des Etats membres (emploi, protection sociale, éducation,...) a largement recours à la méthode ouverte de coordination (MOC). Les MOC correspondent à une mesure régulière des progrès réalisés par les Etats membres sur la voie d'objectifs communs et d'orientations communes. Elles constituent un moyen d'encourager la coopération et d'échanger des bonnes pratiques entre les Etats membres.

Source : site du ministère des affaires étrangères (http://www.diplomatie.gouv.fr)

Les résultats restent en deçà des attentes pour les taux d'emploi : dans l'UE 25, le taux d'emploi global a stagné à 62,9 % en 2003, avec un taux d'emploi des « travailleurs âgés » cantonné à 40,2 %.

Aujourd'hui, la France se trouve dans la moyenne de l'Union européenne pour le taux de l'emploi global et donc en retrait des objectifs de Lisbonne , elle se situe en dessous de la moyenne de l'Union européenne pour le taux d'emploi des « travailleurs âgés », elle-même en retrait des objectifs de Lisbonne, comme le montre le tableau suivant.

Le Conseil européen a initié en mars 2004 un processus de révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, qui devrait constituer un temps fort de l'intégra tion des nouveaux Etats membres.

b) La politique française

La politique suivie tend logiquement au renforcement de l'offre globale de travail et à favoriser l'emploi des plus âgés.

(1) La poursuite du renforcement de la prime pour l'emploi (PPE)

En 2003, l'augmentation de la PPE au profit des travailleurs à temps partiel visait à favoriser le retour à l'emploi dans un plus grand nombre de situations.

Pour 2004, une revalorisation de 4,5 % de la PPE hors indexation des seuils d'une part, et la création d'un acompte de prime pour l'emploi pour certains demandeurs d'emploi et titulaires de minima sociaux qui reprennent une activité professionnelle d'autre part, ont représenté un coût fiscal de 200 millions d'euros.

Pour 2005, l'article 3 du projet de loi de finances prévoit simplement de rehausser les limites et les seuils de revenus servant au calcul de la prime pour l'emploi afin de tenir compte de l'évolution des prix et des bas salaires.

Votre rapporteur spécial observe cependant que l'effet de ces mesures sur l'offre d'emploi risque d'être réduit par la perception limitée qu'en peuvent avoir a priori les bénéficiaires potentiels, ceux dont on veut encourager le retour à l'emploi, compte tenu de la complexité du calcul de la PPE et de sa déconnexion du salaire versé. Il ajoute que le retour à l'emploi doit s'accompagner d'une politique d'offre d'emplois dynamique qui, aujourd'hui, est loin d'être assurée.

(2) La revalorisation du SMIC

L' augmentation du SMIC horaire programmée par la loi « Fillon » s'achèvera au 1 er juillet 2005, avec une nouvelle augmentation de plus de 5 %. Au total, en termes réels, l'augmentation du SMIC ressort à 11,4 % sur la période de convergence du SMIC et des garanties mensuelles de rémunération (GMR), du 1 er juillet 2003 au 1 er juillet 2005.

(3) La fin du « SMIC hôtelier »

Dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, la suppression du « SMIC hôtelier », décidée par la profession et permise par les exonérations de charges mises en place par l'article 10 de la loi du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement, débouche sur une augmentation supplémentaire du salaire brut minimum du secteur de 128 euros par mois, représentant 5,8 % du revenu disponible pour les salariés.

(4) La fermeture progressive des dispositifs de préretraite

Le resserrement des conditions d'accès aux dispositifs de préretraites financés par l'Etat participe du souci de relever le taux d'activité des salariés de plus de 55 ans, qui est particulièrement faible en France.

L'objectif est de recentrer les mesures sur les salariés ayant connu des conditions de travail pénibles, ou situés dans les bassins d'emploi en difficulté.

* 18 Pour les entreprises de 10 salariés et plus, les obligations financières des employeurs sont portées de 1,5 % à 1,6 % de la masse salariale ; pour les entreprises de moins de 10  salariés, la contribution est portée de 0,25 % à 0,55 % de la masse salariale.

* 19 Au sens économique, c'est-à-dire l'offre des travailleurs (sur le marché du travail), qui se trouvent, au sens habituel, être « demandeurs d'emploi ».

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