ANNEXE 3

LES « PEINES PLANCHER » ET LEURS LIMITES

Les éclairages du droit comparé

Quels moyens juridiques ont été institués dans les autres pays pour lutter contre la récidive ? Deux grands modèles se distinguent : le système anglo-saxon fondé sur la définition de peines minimales, le système romano-germanique articulé autour de l'individualisation de la peine.

La « peine plancher » ou peine minimale implique l'obligation pour le juge de prononcer la peine privative de liberté édictée par la loi sans pouvoir retenir une peine moins forte. Ce concept a été retenu par les législations anglo-saxonnes.

Alors que les systèmes juridiques romano-germaniques éconcent des règles détaillées pour la prise en compte de la récidive, le droit américain, fondé principalement sur la rétribution, prévoit l'automaticité des peines en matière de récidive quelle que soit la nature des infractions commises.

La célèbre loi adoptée en 1994 par l'Etat de Californie « three strikes and you're out », qui oblige à prononcer une peine variant de 25 ans à la perpétuité à la troisième condamnation peut s'appliquer à n'importe quel fait délictueux sans condition de prescription .

Par exemple, en 1995, René Landa purge une peine de réclusion à perpétuité avec une période de sûreté de 27 ans pour le vol d'une roue de secours, alors qu'il avait été condamné en 1972 et en 1986 pour vol avec effraction.

Les Etats-Unis ont fourni également un autre modèle en matière de peine plancher : le système fédéral de barème des sanctions pénales, fondé sur une détermination quasi-mathématique de la peine (les « sentencing guidelines » -recommandations de sanction-). Pour chaque infraction, le juge fédéral est tenu d'appliquer une peine en fonction de deux paramètres, celui de la gravité du délit et celui du passé judiciaire du prévenu.

Le gouvernement travailliste britannique a récemment lancé une réforme de la justice pénale instituant le « Sentencing Guidelines Council ». Ce conseil travaille en collaboration avec la Court of Appeal , afin de créer et de tenir à jour une liste des quantums de peines applicables à chaque infraction à laquelle les juges devront ensuite se référer.

Les peines minimales sont la marque d'un système où le ministère public détient un pouvoir important au travers du « plaidé-coupable ». Cette pratique autorise une très grande souplesse au niveau de la qualification pénale retenue et permet au ministère public de déjouer l'automatisme de la peine à travers le choix de la qualification des faits et la reconnaissance de culpabilité négociée avec le prévenu. De telles dispositions légales témoignent aussi de la méfiance de l'opinion populaire et du pouvoir législatif à l'égard du pouvoir judiciaire. Jusqu'à présent, les études menées sur les peines minimales n'ont pas démontré leur effet dissuasif sur la criminalité.

Le système français

Tandis qu'en réaction à l'arbitraire de l'ancien régime le code pénal de 1791 avait établi un système de peines fixes, les réformes intervenues depuis lors n'ont cessé d'étendre les pouvoirs d'appréciation du juge. Le principe de la personnalisation judiciaire de la peine est ainsi devenu l'une des pierres angulaires de notre droit pénal. Aux termes de l'article 132-24 du code pénal « dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce une peine d'amende, elle détermine son montant en tenant compte également des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ».

L'individualisation de la peine semble une condition du respect du principe constitutionnel de la proportionnalité des peines.

Sous l'empire de notre ancien code pénal, les peines étaient comprises entre un maximum et un minimum prévus par la loi. Cependant, le juge pouvait prononcer une peine en deçà du minimum prévu s'il relevait des « circonstances atténuantes ».

En pratique, il recourrait très largement à cette faculté au point que les minima fixés par la loi auparavant n'étaient guère pris en considération.

Le nouveau code pénal a pris acte de cet état de fait en se bornant à poser des peines maximales 54 ( * ) .

Quel intérêt y aurait-il à revenir à un système supprimé il y a plus de douze ans ? Ce constat a pour une large part déterminé la mission d'information de l'Assemblée nationale à ne pas retenir le principe de « peines plancher ».

* 54 Des peines minimales ont été maintenues en matière criminelle mais elles sont très basses (deux ans si l'accusé encourt une peine de réclusion ou de détention criminelle à perpétuité) et la cour d'assises peut toujours assortir l'emprisonnement du sursis.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page