2. Soumettre au référendum l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats

Le projet de loi constitutionnelle tend, en second lieu, à rendre obligatoire l'organisation d'un référendum sur l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats, indépendamment de l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

La règle selon laquelle « tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République » figurerait en effet :

- à l'article 88-5 de la Constitution en l'absence, temporaire ou définitive, d'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe ( article 2 ) ;

- à l'article 88-7 de la Constitution, par la suite ( article 3 ).

Afin de ne pas troubler le cours des négociations d'adhésion qui sont déjà très avancées avec la Roumanie , la Bulgarie et la Croatie , elle ne s'appliquerait pas aux traités d'adhésion faisant suite à des conférences intergouvernementales dont la convocation a été décidée avant le 1 er juillet 2004 ( article 4 ).

La question des élargissements de l'Union et celle de la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe sont juridiquement distinctes mais politiquement liées.

La décision prise le 17 décembre 2004 par le Conseil européen d'ouvrir des négociations avec la Turquie en vue de l'adhésion de cet Etat à l'Union européenne suscite en effet, en dépit de la longue durée et de l'issue incertaine de ces négociations, de vives controverses dont le Parlement s'est fait l'écho le 21 décembre 2004, à l'Assemblée nationale lors d'une séance de questions d'actualité et au Sénat à l'occasion d'une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sans vote.

En garantissant l'organisation d'un référendum sur tout projet de loi autorisant la ratification d'un éventuel traité d'adhésion de cet Etat, la révision constitutionnelle devrait permettre aux Français de se prononcer sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe sans se préoccuper de cette question.

3. La position de la commission des Lois : proposer l'adoption sans modification du projet de loi constitutionnelle

Si le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution répond pleinement aux objectifs qui lui sont assignés, la réflexion doit être poursuivie pour prendre pleinement en compte la spécificité du droit de l'Union européenne.

Votre rapporteur a déjà évoqué la nécessité d'organiser un contrôle de constitutionnalité des actes élaborés par l'Union européenne . L'extension des compétences de cette dernière dans les domaines de la sécurité et de la justice, où sont en cause les libertés, risque de rendre plus fréquents les cas de contrariété entre ces actes et la Constitution.

Il convient également de s'interroger sur les moyens d'associer davantage encore le Parlement à l'élaboration du droit de l'Union européenne .

Les systèmes danois et britanniques sont souvent cités en exemple en raison de l'existence d'un « mandat » de négociation donné par le Parlement au Gouvernement. Encore convient-il de rappeler que ces deux pays sont de tradition dualiste et qu'en dépit d'un système très élaboré de contrôle, le Parlement ne peut juridiquement imposer au Gouvernement de prendre telle ou telle position au sein du Conseil. En revanche, la multiplication des échanges entre ministres compétents et parlementaires permet à ces derniers de connaître et d'espérer influencer les positions gouvernementales.

Les dispositions proposées par le projet de loi constitutionnelle pour les articles 88-4, 88-5 et 88-6 de la Constitution constituent des progrès indéniables.

Le Gouvernement, par la voie du garde des sceaux, ministre de la justice, a pris l'engagement de faire de la soumission de l'ensemble des textes européens la règle, et non plus l'exception, afin de permettre à chacune des deux assemblées de se prononcer par le vote de résolutions en application de l'article 88-4.

Faut-il traduire cet engagement politique en une obligation juridique, par exemple en contraignant le Gouvernement à accéder à une demande formulée par le président de l'une des deux assemblées ? Votre rapporteur et les membres du groupe du Rassemblement pour la République l'avaient envisagé lors de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam.

Faut-il, comme l'avaient également proposé votre rapporteur et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, instituer un délai minimal pour permettre aux assemblées de se prononcer et obliger le Gouvernement à prendre en considération les résolutions parlementaires lorsqu'il détermine sa position au sein du Conseil des ministres de l'Union ?

A l'époque, la crainte du rétablissement d'un régime d'assemblée, exprimée aussi bien par votre commission des Lois par la voix de son rapporteur, notre collègue M. Pierre Fauchon, que par le Gouvernement, par l'intermédiaire de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, l'avait emporté.

Mérite également d'être prise en considération la proposition de loi constitutionnelle tendant à prévoir dans chaque assemblée parlementaire une séance mensuelle réservée à la transposition des directives et à l'autorisation de ratification des conventions internationales, adoptée par le Sénat le 14 juin 2001 à l'initiative de notre collègue M. Hubert Haenel et des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Toutes ces questions nécessitent d'être examinées avec la plus grande prudence et dans le cadre d'une réflexion plus globale sur l'équilibre des institutions de la V ème République, qui dépasse l'objet de la présente révision constitutionnelle.

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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi constitutionnelle sans modification .

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