2. L'absence de ratification et de contrôle par le Conseil constitutionnel des actes élaborés par les institutions de l'Union européenne

Pour mettre en oeuvre les compétences qui lui sont confiées, l'Union européenne peut aujourd'hui adopter une quinzaine de types d'actes juridiques différents . Certains sont définis par les traités, d'autres ont découlé de la pratique.

Les plus connus sont les règlements, qui établissent une règle uniforme applicable directement dans tous les Etats membres, les directives, qui fixent les objectifs à atteindre par les Etats membres et leur imposent une date limite pour les mettre en oeuvre en droit interne, les décisions de portée individuelle, les recommandations et les avis.

Les règles qui président à l'élaboration de ces actes sont extrêmement diverses. Toutefois, nombre d'entre eux sont désormais adoptés par le Conseil des ministres, à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission européenne et après approbation ou avis du Parlement européen.

Leur introduction dans notre droit interne n'obéit pas aux règles classiques du droit international public . Elle n'est en effet soumise ni à ratification ni à publication au Journal officiel de la République française. Leur publication à celui de l'Union européenne suffit à leur permettre de produire des effets juridiques. Cette spécificité a pour conséquences :

- de permettre l'application en droit interne d'actes auxquels les autorités françaises n'auraient pas souscrit , même s'il convient de rappeler que le système de la majorité qualifiée constitue une incitation pour les Etats à négocier sérieusement sur les propositions qui leur sont faites, tandis que l'unanimité est un facteur d'inertie et de marchandage ;

- de priver le Parlement d'une partie de ses prérogatives législatives , puisqu'il ne participe pas, contrairement au Gouvernement, aux décisions prises par les institutions de l'Union européenne et ne peut s'opposer à leur entrée en vigueur, l'article 88-4 de la Constitution donnant simplement à chaque assemblée la possibilité d'adopter des résolutions dépourvues de portée contraignante afin de faire connaître au Gouvernement son sentiment sur les projets ou propositions d'acte européen comportant des dispositions de nature législative ;

- d' interdire le contrôle de la conformité à la Constitution des actes pris par les institutions de l'Union européenne par le Conseil constitutionnel , ce dernier estimant que l'article 54 de la loi fondamentale ne lui permet de se prononcer que sur les engagements internationaux impliquant une autorisation de ratification ou d'approbation.

Toutefois, saisi d'une demande d'avis juridique au titre de sa fonction de conseil auprès du Gouvernement, le Conseil d'Etat peut être conduit à vérifier la constitutionnalité d'une norme à tous les stades de son élaboration .

Dans un avis rendu le 26 septembre 2002, il a ainsi considéré que la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen nécessitait une révision constitutionnelle préalable, au motif que cette décision-cadre ne respectait pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l'Etat d'exécution doit pouvoir se réserver la possibilité de refuser l'extradition d'une personne poursuivie pour une infraction à caractère politique.

Aussi la Constitution a-t-elle été révisée le 25 mars 2003 afin de permettre, pour la quatrième fois, la poursuite de la construction européenne .

Cette spécificité du droit européen dérivé mérite d'autant plus d'être prise en compte que le champ des compétences des Communautés européennes et de l'Union européenne et, corrélativement, le nombre des actes adoptés par leurs institutions ont connu une extension continue . Environ 300 textes touchant au domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution sont élaborés chaque année et l'on estime que 50 % du droit français se trouve sous influence du droit communautaire.

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