II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE LA CONVENTION

A. L'HISTORIQUE DE LA CONVENTION FRANCO-ALBANAISE

La convention fiscale entre le gouvernement français et le gouvernement albanais, signée à Tirana le 24 décembre 2002, est destinée à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. Ce texte comble un vide juridique, la France et l'Albanie n'étant liées à ce jour par aucune convention fiscale.

Cette convention a été signée à la demande des autorités albanaises qui, dès 1994, ont fait part de leur souhait d'engager des discussions avec la France. Un projet de texte a été transmis à la partie albanaise en décembre 1996. Les travaux n'ont finalement commencé, à Paris, qu'en avril 2000. Un seul tour de négociations a été nécessaire au paraphe d'un texte, les négociations ne présentant pas de problème particulier. En revanche, l'Albanie a eu quelques difficultés à établir sa version définitive de l'accord en langue albanaise, ce qui explique la signature tardive de l'accord, le 24 décembre 2002.

La convention a fait l'objet d'une approbation parlementaire en Albanie, qui a été menée à son terme en mai 2003.

B. UNE CONVENTION GLOBALEMENT CONFORME AU MODÈLE DE L'OCDE

La convention fiscale entre la République française et la République d'Albanie s'inspire largement du modèle de convention de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), et comporte les aménagements habituellement conclus par la France.

Ainsi, des précisions ont été introduites dans la convention en ce qui concerne les revenus mobiliers, les plus-values de cession de parts, d'actions ou autres droits dans des sociétés à prépondérance immobilière, la non-discrimination afin que la convention ne fasse pas obstacle à l'application de la législation fiscale en la matière.

En outre, le texte de la convention conclue avec l'Albanie est assez proche des conventions fiscales conclues par la France avec les autres pays de la région, et notamment, de la convention franco-macédonienne.

1. Les définitions

S'agissant de la résidence, la France a pu inclure, comme elle l'a fait avec les autres Etats de la région, sa clause habituelle reconnaissant expressément que ses sociétés de personnes sont des résidents pour l'application des dispositions de la convention.

S'agissant des « établissements stables », dans le modèle de l'OCDE, un chantier (de construction ou de montage) constitue un établissement stable si sa durée dépasse 12 mois. C'est la durée que la France retient habituellement, mais l'Albanie souhaitait l'abaisser à 6 mois. La clause retenue à l'issue des négociations est le fruit d'un compromis : le principe de 12 mois a été retenu, mais la France a accepté de prévoir une durée de 9 mois pendant une période transitoire de 10 années suivant la prise d'effet de la convention.

S'agissant des « agents indépendants », le principe, issu du modèle de l'OCDE, selon lequel une entreprise ne dispose pas d'un établissement stable lorsqu'elle fait appel à un agent indépendant pour exercer son activité dans un autre Etat, a été repris.

Toutefois, la France a accepté, suite à la demande albanaise, de préciser qu'un agent n'est pas considéré comme indépendant si son activité est exercée exclusivement ou quasi-exclusivement pour le compte de l'entreprise concernée (clause prévue par le modèle de convention de l'OCDE).

S'agissant des « livraisons », le point 3 du Protocole donne une définition plus précise de la notion de livraison à partir d'un stock de marchandises situé dans un Etat contractant mentionnée aux alinéas a) et b) du paragraphe 4.

S'agissant des « revenus immobiliers », le point 4 du Protocole précise que la notion de « biens immobiliers » recouvre également les options, promesses de vente et autres droits semblables relatifs aux biens immobiliers. Cette précision était habituellement insérée dans les conventions signées par la France.

2. Les dividendes

La convention prévoit l'application d'un taux de retenue à la source de 15 % dans le cas général et une retenue de 5 % sur les dividendes payés aux sociétés-mères par leurs filiales, détenues directement ou indirectement à plus de 25 %.

Ce taux de retenue à la source de 5 % dans le cas des entreprises associées s'écarte des objectifs habituels de la France tendant à l'exonération dans le cas d'une détention d'au moins 10 % mais correspond néanmoins au modèle de l'OCDE et place la France à égalité avec les autres pays européens ayant conclu une convention fiscale avec l'Albanie (notamment la Suède et la Norvège). On notera que la convention conclue avec la Macédoine prévoit une telle exonération, mais pour un seuil de participation de 25 %.

3. Les intérêts

La France a accepté l'application d'une retenue à la source de 10 % au lieu de l'imposition exclusive dans l'Etat de résidence qu'elle souhaitait à l'origine. Cette retenue et ce taux sont conformes au modèle de l'OCDE.

Cependant, cette retenue à la source a une portée limitée puisque la France a pu obtenir l'exonération des intérêts payés par ou à Etat, y compris sa Banque centrale, ou au titre de prêts garantis par l'Etat (COFACE) et que, dans la pratique, il s'agit de la seule catégorie d'intérêts versés en provenance d'Albanie et à destination de la France.

4. Les redevances

Le texte de la convention prévoit, contrairement au modèle de l'OCDE qui préconise une imposition exclusive à la résidence, une retenue à la source de 5 %.

Ce taux est le fruit d'un compromis, l'Albanie souhaitant à l'origine un taux de 10 %. Il nous place à égalité avec l'Italie, principal partenaire économique de l'Albanie.

La France a obtenu l'insertion de clauses anti-abus prévoyant que la convention ne s'applique pas en cas de montages abusifs ayant comme principal objet de bénéficier des dispositions du texte.

5. Les professions particulières

Un article spécifique concernant les professions indépendantes a été prévu, conformément à l'ancien modèle de convention de l'OCDE. La France a accepté, à la demande de l'Albanie, d'insérer une clause issue du modèle de convention de l'ONU. Elle précise que les revenus qu'un résident d'un Etat tire de l'exercice d'une profession libérale ou d'une autre activité à caractère indépendant dans l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat même en l'absence de base fixe s'il y séjourne pendant plus de 183 jours au cours de toute période de 12 mois. Ce type de clause a déjà été accepté par la France dans d'autres conventions, notamment avec les pays Baltes ou l'Azerbaïdjan.

La France a pu obtenir, conformément à sa pratique conventionnelle, qui déroge au modèle de l'OCDE, l'insertion de clauses prévoyant que lorsque les activités des artistes ou sportifs sont financées principalement par des fonds publics d'un Etat, de ses collectivités territoriales ou de leurs institutions de droit public, les revenus correspondants ne sont imposables que dans cet autre Etat.

6. L'élimination des doubles impositions

L'article 24 de la convention traite des modalités d'élimination des doubles impositions.

Conformément à sa pratique conventionnelle, la France a retenu une combinaison de deux méthodes couramment utilisées pour éliminer la double imposition des revenus provenant d'Albanie, dans la mesure où ils sont exemptés d'impôts sur les sociétés en application de la législation française.

Dans les autres cas, la double imposition des revenus provenant d'Albanie et perçus par des personnes résidentes en France est éliminée par l'imputation sur l'impôt français d'un crédit d'impôt dont le montant dépend du type de revenu considéré :

- pour les bénéfices des entreprises et plus-values mobilières réalisés lors de la cession d'un bien inscrit à l'actif d'un établissement stable, les dividendes, les intérêts, les redevances, les plus-values provenant de l'aliénation de biens immobiliers, de parts ou d'actions de sociétés à prépondérance immobilière, rémunérations reçues au titre d'un emploi salarié à bord d'un navire ou d'un aéronef, rémunérations d'administrateurs de société, revenus des artistes et sportifs : le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt albanais effectivement payé à titre définitif ; lorsque cet impôt excède l'impôt français correspondant à ces revenus, ce crédit est limité au montant de l'impôt français ;

- pour les autres revenus, le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. Cette méthode équivaut à une exemption avec progressivité.

La rédaction de la clause française d'élimination des doubles impositions confirme notamment la possibilité pour la France d'appliquer sa législation interne destinée à lutter contre la délocalisation des bénéfices des sociétés (article 209 B du code général des impôts) et des revenus de placement des personnes physiques (article 123 bis du même code).

Enfin, s'agissant de l'imposition sur la fortune, la France élimine la double imposition par l'imputation d'un crédit égal à l'impôt albanais mais limité au montant de l'impôt français.

En ce qui concerne l'Albanie, la France a pu obtenir l'abandon d'une clause de crédit d'impôt fictif, prévu initialement dans le projet albanais et contraire au modèle OCDE et à notre politique conventionnelle.

Ainsi, la méthode d'élimination des doubles impositions du côté albanais correspond à la méthode habituelle d'imputation d'un crédit d'impôt égal à l'impôt acquitté en France mais limité à l'impôt albanais correspondant aux revenus en cause.

7. Les clauses de non-discrimination

L'article 25 de la convention diffère quelque peu du modèle de l'OCDE pour prendre en compte, conformément à la pratique fiscale française avec ses principaux partenaires :

- les conséquences de la jurisprudence française relative à la non-discrimination des sociétés (confusion de la notion de nationalité et de résidence) ;

- la déduction des cotisations sociales versées par un salarié résident d'un Etat à des caisses situées dans l'autre Etat ;

- l'absence de portée fiscale des clauses générales de non-discrimination contenues dans d'autres accords signés entre les deux Etats.

8. L'assistance au recouvrement

La clause d'assistance au recouvrement est apparue en tant que telle dans la dernière mise à jour du modèle de convention de l'OCDE, en janvier 2003 : il n'existait pas d'article relatif à l'assistance au recouvrement dans les versions précédentes de ce modèle, cette question étant traitée par la convention multilatérale conjointe OCDE / Conseil de l'Europe sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale du 25 janvier 1988.

La France proposait donc, dans les négociations avec ses partenaires, d'introduire un article spécifique largement inspiré du texte de cette convention, comme c'est le cas de l'article 28 (clause que l'on retrouve dans les conventions signées avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan, les pays Baltes, mais qui n'existe pas dans le traité signé avec la Macédoine, qui a refusé une telle insertion).

Comme le prévoit aujourd'hui l'OCDE dans son article modèle, l'assistance au recouvrement avec l'Albanie est étendue aux impôts non visés par la convention.

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