2. Assurer l'autonomie des finances sociales

La réforme constitutionnelle du 22 février 1996 a inventé une loi financière d'un type nouveau, consacrée à la protection sociale et adaptée à ses enjeux. Elle a prévu le vote des recettes et des dépenses des régimes sociaux et des fonds de financement qui les alimentent, dédoublant ainsi la compétence fiscale auparavant concentrée sur la seule loi de finances.

Le Conseil d'État a confirmé, dans son avis du 21 décembre 2000 consacré à la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, l'existence de ce champ autonome.

Saisie de la question de savoir si la loi de finances pouvait comporter une récapitulation du produit des impôts affectés à la sécurité sociale, le Conseil d'État a répondu que « pour l'information du Parlement à l'occasion du vote de la loi de finances, la loi organique relative aux lois de finances peut prévoir que celle-ci comporte en annexe une récapitulation du produit des impôts affectés aux organismes de sécurité sociale, mais elle ne peut prévoir que le texte normatif qui attribue le produit d'un impôt à un organisme de sécurité sociale soit la loi de finances ».

Paradoxalement, cette déclaration n'a pas permis de résoudre deux conflits de compétences en matière de recettes, ou l'ordre organique ne coïncide pas avec l'ordre constitutionnel :

- la question de la source juridique autorisant la perception des impôts sociaux ;

- les modalités de résolution du conflit d'affectation entre loi de finances et loi de financement des impôts partagés entre l'État et la sécurité sociale.

a) L'autorisation de percevoir les impôts affectés aux régimes sociaux

Malgré la création de la loi de financement en 1996, et le fait que celle-ci constitue une « loi de finances de la sécurité sociale », la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) n'a pas été l'occasion de prévoir que c'est la loi de financement qui autorise la perception des impôts affectés à la sécurité sociale.

On demeure donc dans une situation singulière où la loi de financement fixe l'ensemble des recettes de la protection sociale de base mais dépend, pour sa force juridique, de l'article premier de la loi de finances de l'année .

Tirant les conclusions de l'avis du Conseil d'État précité, votre commission propose simplement d'apporter la précision selon laquelle l'autorisation de percevoir les recettes sociales est donnée par la loi de financement, dans sa première partie.

b) Les modalités d'affectation des impôts partagés entre l'État et la sécurité sociale

La deuxième difficulté réside dans l'articulation du partage des recettes entre projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Depuis la création des lois de financement, les difficultés d'articulation entre ces deux textes sur les questions de recettes ont été permanentes. Jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel du 7 décembre 2000 (2000-435 DC), il était devenu habituel qu'une décision prise dans une loi de financement puisse être modifiée soit par la loi de finances pour l'année suivante, soit par le collectif budgétaire de l'année en cours. Le Conseil constitutionnel a toutefois posé comme limite à ces modifications « qu'elles ne portent pas atteinte à l'équilibre financier de la sécurité sociale si aucune loi de financement n'est en mesure de corriger l'équilibre initial ». Il demeure que l'étanchéité des deux périmètres n'est pas garantie.

Cette difficulté s'est même accrue avec l'adoption de l'article 36 de la LOLF qui dispose que « l'affectation totale ou partielle à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».

Le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ont fourni un exemple assez caricatural des situations que fait naître cette disposition, à l'occasion d'une modification du régime juridique de la fiscalité du tabac : l'assiette et le taux de cette taxe ont été examinés en loi de financement mais l'affectation de son produit, pourtant destiné pour les trois quarts aux régimes sociaux, a été déterminée par la loi de finances. Le Gouvernement ayant, en cours de navette, décidé de rectifier le régime fiscal initialement prévu dans le projet de loi de finances, il fallut recourir à l'adoption d'amendements aux conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement pour tirer les conséquences de ce changement de cap.

Plusieurs solutions étaient défendables pour trancher une compétence relative aux recettes, dans le souci d'une meilleure cohérence de l'examen des deux textes.

Il faut d'abord admettre que l'affectation intégrale des recettes en loi de finances n'est pas envisageable, sauf à nier le caractère des lois de financement. Il ne peut être, en effet, décidé de dépenses sans débattre parallèlement des recettes.

Une solution pratique aurait pu résider, en cas de partage des recettes, dans la création d'une taxe additionnelle affectée aux régimes sociaux, en diminuant d'autant la taxe « princeps » dévolue à l'État. Elle aurait eu toutefois pour inconvénient de multiplier les taxes additionnelles et de rendre le système fiscal totalement illisible. Votre commission, pour qui l'objectif de lisibilité est prioritaire, récuse absolument une telle méthode.

Une autre solution aurait pu consister à interdire où à limiter drastiquement le partage de recettes entre les organismes relevant de la sécurité sociale et le budget de l'État, en imposant, par voie organique, la clarification des flux financiers entre ces deux sphères. Mais la conduite de la politique économique et fiscale est un exercice suffisamment difficile et contraint pour qu'il ne soit pas excessivement bridé.

Aussi, sans être aussi exigeante, votre commission propose de retenir une solution de compromis, respectueuse de l'autorité respective des deux lois financières et en même temps parfaitement opérationnelle : la répartition des impositions attribuées simultanément à l'État et la sécurité sociale relèvera de la loi de financement si plus de la moitié du produit de cet impôt est affectée aux régimes sociaux. Pour simplifier encore ce schéma et éviter le changement de « véhicule législatif » en cours de navette, elle propose même que ce critère de majorité soit apprécié au départ et une fois pour toutes lors de l'examen du projet de loi de finances, ou de loi de financement, en conseil des ministres.

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