Rapport n° 319 (2004-2005) de M. Daniel GOULET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 4 mai 2005

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N° 319

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 mai 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées ,

Par M. Daniel GOULET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1550 , 2106 et T.A. 394

Sénat : 246 (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté le 10 mars dernier par l'Assemblée nationale, vise à autoriser l'approbation du protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, fait à Strasbourg le 18 décembre 1997.

Destiné à permettre à un détenu étranger de purger sa peine dans son pays d'origine, pour des considérations humanitaires ou de réinsertion sociale, le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté fait l'objet d'une Convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983, à laquelle adhèrent aujourd'hui 59 États, dont 14 États non européens.

Le protocole additionnel qui fait l'objet du présent projet de loi vise à résoudre certaines difficultés d'application de la convention en définissant des règles adaptées à deux cas particuliers : celui dans lequel les personnes se sont enfuies de l'Etat de condamnation pour se réfugier dans leur Etat d'origine et celui dans lequel les personnes condamnées font l'objet d'une mesure d'expulsion.

Votre rapporteur effectuera une brève présentation de la Convention du Conseil de l'Europe de 1983, avant de décrire les précisions apportées par le protocole additionnel.

I. LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE SUR LE TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES

Le transfèrement consiste à permettre à un étranger condamné à une peine d'emprisonnement de purger sa peine dans son pays d'origine. Il répond à des considérations humanitaires , dans la mesure où les difficultés de communication, les barrières linguistiques et l'absence de contact avec la famille peuvent avoir des effets néfastes sur le comportement des détenus étrangers. Il vise aussi à favoriser la réinsertion sociale du détenu dans la perspective de sa libération.

Le transfèrement des étrangers condamnés peut s'envisager entre États sur une base de réciprocité, mais la conclusion d'accords internationaux permet d'en faciliter et d'en encadrer la pratique.

L'amplification des phénomènes migratoires et plus globalement des déplacements internationaux, de même que le développement de la criminalité transnationale, ont donné à la question du transfèrement une acuité nouvelle.

En 1978, les ministres européens de la justice ont souhaité que le Conseil de l'Europe examine la possibilité d'élaborer un accord type prévoyant une procédure simple de transfert des détenus que les États membres pourraient utiliser dans leurs relations mutuelles ou dans leurs relations avec des États non membres. Cette initiative allait aboutir à la rédaction du principal instrument multilatéral relatif au transfèrement : la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées .

Cette convention retient le principe selon lequel un transfèrement peut être demandé aussi bien par l'État dans lequel la condamnation a été prononcée (État de condamnation) que par l'État dont le condamné est ressortissant (État d'exécution). Il est subordonné au consentement de ces deux États, ainsi que du condamné. La Convention définit également les procédures d'exécution de la condamnation après le transfèrement. Néanmoins, quelle que soit la procédure retenue par l'État d'exécution, une sanction privative de liberté ne peut pas être convertie en une sanction pécuniaire et toute période de privation de liberté déjà subie par la personne condamnée doit être prise en considération par l'État d'exécution. La peine ou la mesure appliquée ne doit, ni par sa nature, ni par sa durée, être plus sévère que celle qui a été prononcée dans l'État de condamnation.

L'originalité de la convention du Conseil de l'Europe est d'être ouverte non seulement aux États-membres mais également à tout État non membre.

Avec la signature de la Russie le 7 avril 2005, ce sont désormais 45 des 46 États membres du Conseil de l'Europe qui ont signé la convention, le seul État non signataire étant Monaco, devenu État membre il y a quelques mois seulement.

Elle a également été signée par 14 États non membres (Australie, Bahamas, Bolivie, Canada, Chili, Costa Rica, États-Unis, Israël, Japon, Maurice, Panama, Tonga, Trinité et Tobago, Venezuela).

Pour la France, la convention du Conseil de l'Europe constitue le principal instrument international pour le transfèrement des personnes condamnées. Elle est également liée à 5 États par convention bilatérale (Maroc, Thaïlande, Djibouti, Paraguay, Cuba). Les conventions générales de coopération ou d'assistance judiciaire conclues avec 14 pays africains (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Congo, Madagascar, Côte d'Ivoire, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo) comportent en outre des dispositions relatives au transfèrement des personnes condamnées. Des négociations sont en cours d'autres pays comme le Brésil, la Bolivie, la Colombie, le Guatemala, l'Inde et la République dominicaine.

II. LE PROTOCOLE ADDITIONNEL DU 18 DÉCEMBRE 1997

Adopté à Strasbourg le 18 décembre 1997, le protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées complète cette dernière en vue de remédier à certaines difficultés rencontrées par les États dans le fonctionnement de cette convention ainsi que pour couvrir certaines situations n'ayant pas été prévues dans son champ d'application.

Le Protocole additionnel définit les règles applicables au transfert de l'exécution des peines dans deux cas distincts :

- celui dans lequel la personne condamnée s'est évadée de l'État de condamnation pour regagner l'État dont elle est ressortissante , ce qui dans la plupart des cas rend impossible au premier l'exécution de la peine ;

- celui dans lequel la personne condamnée fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière en raison de sa condamnation.

Comme dans la convention de base, le protocole n'impose aucune obligation à l'État de condamnation d'accepter la demande de transfèrement, ni à l'État d'exécution de donner son accord à ce transfèrement. Il établit le cadre et la procédure pour une coopération laissée à la libre appréciation des États.

A. LE CAS DES PERSONNES ÉVADÉES

En ce qui concerne le cas des personnes évadées de l'État de condamnation , il apparaît que la convention sur le transfèrement n'est pas applicable dans la mesure où la personne condamnée ne se trouve pas sur le territoire de l'État de condamnation et n'est donc pas susceptible d'être transférée. Il s'agit le plus souvent de personnes condamnées s'échappant d'une situation de détention légale sur le territoire de l'État de condamnation et s'enfuyant dans l'État dont elles sont ressortissantes, afin de se soustraire à l'exécution de toute ou d'une partie de la peine.

Par dérogation au principe de la convention voulant que le transfèrement soit subordonné au consentement de l'intéressé, l'article 2 du protocole permet à l'État de condamnation de demander à l'État d'exécution de prendre des mesures provisoires telles que son arrestation ou toute autre mesure propre à garantir qu'il demeure sur son territoire dans l'attente d'une décision le concernant. L'État de condamnation transmet à cet effet un certain nombre d'indications (nom de la personne condamnée, date et lieu de sa naissance, adresse éventuelle dans l'État d'exécution, faits sur lesquels repose la condamnation, ainsi que la nature, la durée et la date du début d'exécution de la peine). En cas d'arrestation, la période passée en détention dans l'État de condamnation doit être déduite dans l'État d'exécution, en cas de poursuite de l'exécution comme en cas de conversion de la condamnation. Cette obligation s'impose aussi à l'État de condamnation au cas où il exécute ou reprend l'exécution de la condamnation.

B. LE CAS DES PERSONNES FRAPPÉES D'UNE MESURE D'EXPULSION OU DE RECONDUITE À LA FRONTIÈRE

L'article 3 du protocole concerne les personnes condamnées frappées d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière . Considérant que les procédures de transfèrement poursuivent un objectif de réinsertion sociale, les rédacteurs du protocole ont estimé qu'il n'était pas souhaitable de maintenir de telles personnes dans l'État de condamnation alors qu'il ne leur serait plus permis d'y rester une fois la peine purgée. Il prévoit donc de procéder au transfèrement des intéressés, y compris ans leur consentement.

Plusieurs dispositions visent à encadrer cette possibilité de transfèrement .

Premièrement, elle n'est possible qu'après l' épuisement de toutes les voies de recours contre la mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière.

Deuxièmement, les deux États concernés ont l' obligation d'examiner l'avis de l'intéressé et d'en tenir compte avant de prendre toute décision. Cet avis figure dans une déclaration officielle adressée par l'État de condamnation à l'État d'exécution. Il été notamment envisagé, en prévoyant cette disposition, que la personne condamnée puisse par exemple demander d'être expulsée vers un pays autre que celui dont elle est ressortissante ou qu'elle possède plusieurs nationalités.

Troisièmement, les deux États doivent s'accorder sur le transfèrement lui-même mais également sur le fait de passer outre un éventuel avis négatif de la personne condamnée.

Enfin, l'article 3 ouvre au condamné transféré dans le cadre d'une telle procédure le bénéfice du principe de spécialité , c'est à dire l'immunité contre toute poursuite - ainsi que contre toute condamnation ou toute détention - pour tout délit qu'il aurait commis avant son transfèrement et qui serait autre que le délit lui ayant valu la condamnation à exécuter. Cette immunité prend cependant fin lorsque l'État de condamnation l'autorise, lorsque, ayant eu la possibilité de le faire légalement, le condamné n'a pas quitté, dans les quarante-cinq jours qui suivent son élargissement définitif, le territoire de l'État d'exécution ou lorsque le condamné est retourné volontairement sur le territoire de l'État d'exécution après l'avoir quitté.

CONCLUSION

Le protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées a été signé par 33 des 46 États membres du Conseil de l'Europe et il est entré en vigueur le 1 er juin 2000.

Il permettra un meilleur fonctionnement de la convention dans les cas particuliers de l'évasion d'un condamné et surtout de toute mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière le concernant.

Votre commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du mercredi 4 mai 2005.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur la position des Etats-Unis vis à vis des instruments du Conseil de l'Europe relatifs au transfèrement des personnes condamnées.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a répondu que les Etats-Unis avaient adhéré à la convention dès son adoption, en 1983, sans être pour l'instant partie au protocole additionnel de 1997.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique

Est autorisée l'approbation du protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, fait à Strasbourg le 18 décembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

* 1 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 1550 (Douzième législature).

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