Rapport n° 435 (2004-2005) de Mme Esther SITTLER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 29 juin 2005

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N° 435

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 29 juin 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1), sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à l' égalité salariale entre les femmes et les hommes ,

Par Mme Esther SITTLER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2214 , 2282 et T.A. 422

Sénat : 343 (2004-2005)

Travail.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

« L'an passé, j'avais appelé les partenaires sociaux à négocier sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'entreprise. Un accord interprofessionnel a été conclu. Il pose des principes et des objectifs intéressants. Nous devons, ensemble, aller plus loin. C'est pourquoi je demande au Gouvernement de présenter sans tarder un projet de loi pour que les accords d'entreprise fixent des objectifs chiffrés, en vue de parvenir à l'égalité salariale dans un délai maximum de cinq ans ». Trois mois après cette déclaration du Président de la République, formulée à l'occasion de ses voeux aux forces vives de la Nation, Nicole Ameline, alors ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, présentait en Conseil des ministres, le 24 mars dernier, un projet de loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Conformément au souhait du Gouvernement de s'appuyer sur le dialogue social chaque fois que la vie de l'entreprise est en cause, ce projet de loi s'inspire de l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, signé à l'unanimité par les partenaires sociaux.

L'objectif commun est d'apporter une réponse à :

- un impératif démocratique, qui exige le respect de la législation relative à la lutte contre les discriminations au travail, directes ou indirectes, qui s'expriment parfois dès l'embauche, au retour des congés parentaux, dans les écarts de rémunération, dans la formation professionnelle et dans la promotion ;

- une nécessité économique, face aux tensions démographiques attendues sur le marché du travail dès 2006 ; la baisse prévisible de 100.000 nouveaux actifs par an implique de rechercher des ressources de main d'oeuvre que les femmes sont en plus grand nombre pour fournir ;

- une exigence sociale, pour que la vie familiale ne soit plus un obstacle à l'épanouissement professionnel des femmes.

Le succès de cette démarche suppose la remise en cause de nombreux stéréotypes, dès l'école, ainsi qu'une lutte active contre les discriminations, l'accès accrue à la formation professionnelle et la diversification des filières de formation initiale.

Or, les règles législatives n'ont eu jusqu'à aujourd'hui qu'un effet limité en la matière, comme l'a constaté la délégation sénatoriale aux droits des femmes 1 ( * ) lorsqu'elle a évalué l'application de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Faut-il pour autant considérer le présent projet comme une énième loi sur la parité et penser inutile de légiférer dans ce domaine si les lois existantes ne sont pas respectées ? Nous ne le croyons pas car ce texte propose une nouvelle approche, à la lumière des résultats obtenus par ceux qui l'ont précédé.

Sa première originalité est, en s'appuyant sur le dialogue social, d'inciter les partenaires sociaux à négocier. Jugeant, dans l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004, que « l'emploi des femmes est un facteur de dynamisme social et de croissance économique et que les femmes constituent un vivier de compétences dont une société moderne a besoin », les représentants des entreprises et des syndicats de salariés ont, en effet, reconnu qu'il est de leur « responsabilité de garantir la mixité et l'égalité professionnelle au travail ».

Les quinze articles du projet - vingt-cinq depuis son adoption à l'Assemblée nationale - poursuivent quatre objectifs :

- supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans un délai de cinq ans , en recourant à la négociation dans les branches professionnelles et dans les entreprises ;

- réconcilier vie professionnelle et vie familiale , en renforçant les droits des femmes en congé parental, notamment lorsqu'elles sont en formation et en aidant financièrement, les petites entreprises à pourvoir au remplacement temporaire des salariées absentes pour cause de congé de maternité ou d'adoption ;

- promouvoir un plus large accès des femmes dans les instances délibératives et juridictionnelles , dans les conseils d'administration des entreprises publiques et dans les conseils des prud'hommes ;

- améliorer l'accès des femmes à l'apprentissage et à la formation professionnelle , en invitant les régions, compétentes en la matière, à mieux prendre en compte la mixité dans l'entreprise.

La seconde originalité de ce projet de loi réside dans le dispositif d'incitation des entreprises, soumises non plus à une obligation de moyens mais à une obligation de résultat. A défaut d'engagement clair de leur part dans le sens de la parité professionnelle, une conférence nationale sur les salaires sera organisée et une taxe assise sur la masse salariale pourra être à terme imposée aux entreprises récalcitrantes. Les entreprises, pour faire face à leurs besoins en compétences nouvelles, devront nécessairement défendre une autre idée du management, fondée sur la mixité professionnelle qui, comme tout autre facteur de diversité, est un réel stimulateur de performance.

Le fait de vouloir passer d'un droit proclamé à une réalité concrète est apparu à votre commission comme un signal fort en direction des femmes, mais aussi des entreprises qui, dans le contexte démographique actuel, ne devront désormais plus considérer la mixité comme une faveur faite aux femmes mais comme une condition de leur compétitivité.

Entre convaincre et contraindre, le Gouvernement a donc choisi la voie de la conviction. Ce faisant, il ne commet pas l'erreur de penser que l'égalité se décrète alors qu'elle s'organise ni celle d'ouvrir la guerre des sexes alors que l'égalité professionnelle suppose aujourd'hui un partenariat intelligent entre les hommes et les femmes au sein de l'entreprise. On abandonnera ainsi le discours de la victimisation des femmes pour une démarche qui consiste à démontrer que la femme active est source de plus-value pour l'entreprise. Comme l'a relevé Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité 2 ( * ) , « l'égalité salariale est un enjeu trop important pour que l'ensemble des forces productives de la Nation ne se mette en mouvement pour assurer que la France de demain, la France qui gagne, assure une place équitable à la moitié de sa population, dans tous les secteurs de la vie publique, sociale et professionnelle ».

I. EN DÉPIT DES LOIS, LA PARITÉ PROFESSIONNELLE RESTE À CONQUÉRIR

La place des femmes dans le monde du travail a connu de réelles avancées. En cinquante ans, le nombre de femmes actives, qui s'élevait à 6,5 millions, a doublé, passant de 40 % à 80 %. Cette féminisation massive et rapide du salariat n'est pas seulement une mutation économique mais le signe d'un profond changement de la société où les femmes acquièrent l'indépendance économique. Depuis les années quatre-vingt, la tendance s'est même accélérée puisque la part des femmes cadres supérieurs est passée de 25 % à 35 %.

Toutefois, ce changement considérable, favorisé par les transformations économiques de notre pays et par un arsenal juridique important, n'a pas résorbé les inégalités, qui sont aujourd'hui de moins en moins acceptables, tant pour des raisons démocratiques et sociales qu'économiques.

A. UN ARSENAL JURIDIQUE IMPORTANT

La protection des femmes au travail repose sur le respect du principe d'égalité.


La longue marche des femmes vers l'égalité professionnelle

1907 : loi autorisant les femmes mariées à disposer de leur salaire ;

1920 : possibilité pour les femmes d'adhérer à un syndicat sans l'autorisation de leur mari ;

1946 : inscription du principe d'égalité entre les hommes et les femmes dans le Préambule de la Constitution ;

1951 : convention n° 100 de l'organisation internationale du travail affirmant l'égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de valeur égale ;

1957 : affirmation de l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes dans le Traité de Rome ;

1965 : loi réformant les régimes matrimoniaux et le code civil : les femmes peuvent désormais exercer une profession sans l'autorisation de leur mari ;

1972 : loi sur l'égalité de la rémunération et ouverture aux femmes du concours d'entrée à Polytechnique ;

1973 : entrée en vigueur en France de la Charte sociale européenne de 1961 prévoyant l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour le même travail ;

1976 : adoption de la directive européenne du 9 février relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes ;

1977 : loi créant le congé parental pour les femmes travaillant dans les entreprises de plus de deux cents salariés ;

1983 : loi « Roudy » sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ;

1987 : assouplissement des restrictions de l'interdiction de travail de nuit et abolition de certaines dispositions particulières au travail des femmes ;

1992 : loi sanctionnant l'abus d'autorité en matière sexuelle dans le monde du travail ;

2000 : loi « Génisson » sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ;

2001 : création du congé paternité dans la loi de financement de la sécurité sociale et adoption de la loi du 16 novembre relative à la lutte contre les discriminations ;

2004 : accord national interprofessionnel du 1 er mars relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes ; lancement, le 24 juin, du label « Egalité » pour les entreprises ;

2005 : premier label « Egalité » décerné à PSA Peugeot Citroën.

Source : Liaisons sociales, avril 2005

1. L'égalité professionnelle, un principe constitutionnel

Le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes figure dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».

2. Le dispositif législatif et réglementaire : les limites de la sanction

Ce principe constitutionnel a été traduit dans la législation, à l'article 225-1 du nouveau code pénal qui précise que constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes en raison de leur sexe ainsi qu'aux articles L. 123-1 et suivants du code du travail qui disposent que « sauf si l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe est la condition déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle, nul ne peut refuser d'embaucher une personne ...en considération du sexe... ».

La loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dite « loi Roudy », réaffirme en droit français l'égalité professionnelle. Cette loi, née de la transposition de la directive communautaire n° 76/207 du 9 février 1976 relative à l'égalité d'accès à l'emploi, à la formation, à la promotion professionnelle et en matière de conditions du travail, oblige les entreprises à publier chaque année un rapport comparant les situations entre les hommes et les femmes et à proposer des « plans d'égalité ». Mais cette obligation n'est assortie d'aucune sanction.

La loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite « loi Génisson », actualise la loi précédente en définissant quatre axes de mise en oeuvre : le travail de nuit, le harcèlement sexuel, la représentation dans les élections professionnelles et l'obligation pour les entreprises de négocier tous les trois ans sur des mesures tendant à remédier aux inégalités constatées dans le monde du travail entre les hommes et les femmes.

Un décret d'application de cette loi a été publié le 12 septembre 2001 au journal officiel 3 ( * ) - ce qui montre un progrès par rapport à la loi « Roudy » dont les décrets d'application ne sont jamais parus. Ce texte dresse la liste des « indicateurs pertinents » que les entreprises doivent intégrer dans leurs bilans sociaux pour établir des comparaisons sexuées pour l'année écoulée.

Bien que la loi « Génisson » ait prévu des sanctions pénales (un an de prison et 3.750 euros d'amende), son bilan n'est pas convaincant. Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, observait à partir d'une enquête réalisée par l'IFOP sur la situation des femmes « la persistance des inégalités professionnelles tant dans la hiérarchie des fonctions que celle des rémunérations ». Elle ajoutait que, trois ans après son adoption, la loi « Génisson » faisait l'objet d'« une application mitigée voire médiocre sur certains points ». Toutefois, « les enseignements de l'enquête ne permettent pas de faire à ce sujet un constat totalement négatif et laissent apparaître qu'une nouvelle génération de femmes, caractérisée par leur jeunesse et leur haut niveau de diplôme, parvient à occuper assez rapidement des postes de responsabilité au sein de l'entreprise. Cela permet d'envisager, sans faire preuve d'un optimisme excessif, que cette génération serait moins sujette que les plus anciennes aux inégalités professionnelles » 4 ( * ) .


« Inégalités professionnelles et loi Génisson: un premier bilan mitigé »
Extraits du rapport de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes
du 8 décembre 2004

L'enquête a été menée auprès de deux mille DRH ou responsables des ressources humaines d'entreprises de cinquante salariés et plus, du 27 septembre au 18 octobre 2004.

Tout d'abord, l'enquête révèle que le critère de la taille semble le plus déterminant dans l'attitude des entreprises par rapport à la loi : plus celles-ci sont grandes, plus elles ont tendance à appliquer cette loi. Cela tient probablement au fait qu'elles possèdent des services juridiques et des services en ressources humaines plus fournis que les entreprises de taille plus modeste, et qu'elles sont donc mieux à même de respecter le droit du travail, dans tous les domaines. Par ailleurs, les plus grandes entreprises sont caractérisées par une présence syndicale plus forte qui permet une meilleure surveillance de l'application des dispositions du code du travail.

En ce qui concerne la tenue de négociations spécifiques dans l'entreprise, 72 % des entreprises n'ont jamais organisé de négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes . Dans 19 % des entreprises, les négociations spécifiques, prévues par la loi, ont eu lieu en 2004, soit le même taux qu'en 2002 et légèrement moins qu'en 2003. Cette proportion augmente à 32 % parmi les entreprises de plus de mille salariés. Par ailleurs, 18% des entreprises semblent s'engager à les organiser prochainement. La faible part des DRH déclarant ne pas savoir si les négociations spécifiques ont ou non eu lieu est par ailleurs le signe que les dispositions de la loi ne leur sont pas inconnues.

Dans les branches, on relève un nombre plus important de négociations spécifiques sur l'égalité professionnelle . Cela s'explique surtout par le fait que la branche est traditionnellement un lieu plus favorable à l'exercice des négociations collectives. Ainsi, selon les déclarations des DRH, pour 34 % des entreprises des négociations ont eu lieu au niveau de la branche, 31 % des répondants ne se prononçant pas.

Sans surprise, au niveau de la branche, les réponses varient sensiblement selon le secteur d'activité de l'entreprise. Certains secteurs semblent ainsi plus propices que d'autres aux négociations spécifiques. Ainsi, parmi les entreprises du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, le taux d'entreprises où les négociations spécifiques ont eu lieu atteint 43 %. En revanche, il n'est que de 25 % dans le secteur des transports et des télécommunications.

Dans 60 % des entreprises, le rapport de situation comparée n'a jamais été écrit depuis 2002. La proportion d'entreprises dans lesquelles le rapport est écrit évolue peu dans le temps : 32 % en 2004, 30 % en 2002 et 35 % en 2003.

Parmi les entreprises qui ont rédigé au moins une année un rapport de situation, 87 % l'ont transmis au comité d'entreprise. Ce taux progresse en fonction de la taille de l'entreprise et atteint 98 % pour les entreprises de plus de mille salariés. La transmission du rapport semble plus fréquente en interne qu'en externe. En effet, 60 % des entreprises envoient ce rapport à l'inspection du travail. Le respect de cette disposition de la loi est encore une fois corrélé à la taille de l'entreprise.

L'ensemble des indicateurs utilisés pour la rédaction du rapport sont jugés pertinents par une majorité des DRH interrogés, à l'exception des données en matière d'embauches et de départs (46 % jugent ce dernier critère pertinent, contre 53 % qui pensent le contraire). L'indicateur le plus pertinent aux yeux des DRH a trait à la rémunération effective (80 % le jugent pertinent).

3. Une jurisprudence limitée : les conflits ne se règlent pas devant les tribunaux

Les évolutions jurisprudentielles récentes ont également contribué à porter devant les tribunaux les discriminations constatées en matière de travail des femmes. Les principales avancées qu'elles ont consenties aux salariées sont l'allégement de la charge de la preuve et l'institution d'une protection contre le licenciement injustifié.

Dans le premier cas, en vertu de l'arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996, rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation, l'employeur doit garantir une égalité de rémunération entre les salariés « pour autant qu'ils soient placés dans une situation identique ». Le salarié n'est pas tenu de prouver la discrimination : il lui suffit d'établir une inégalité de traitement, dont l'employeur doit ensuite démontrer qu'elle est liée à des facteurs « objectifs ». Le principe « à travail égal, salaire égal » conforte désormais un principe de non-discrimination, la jurisprudence plus récente semblant même donner à celui-ci la valeur d'un principe fondamental du droit du travail.

Dans le second cas, l'arrêt Harba c/Fédération nationale de la Mutualité française rendu par la même instance, le 28 novembre 2000, marque une date importante car, pour la première fois, la Cour de Cassation fait appliquer l'article L. 123-5 du code du travail et consacre la nullité du licenciement pour discrimination salariale.

4. Des règles internationales nombreuses

Au niveau international , l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 condamne la discrimination fondée sur le sexe, en proclamant que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage » donnant une portée générale au principe « à travail égal, salaire égal ». Par la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes, entrée en vigueur le 3 septembre 1981, l'Organisation des Nations-Unies (ONU) a défini, plus précisément, la discrimination sexuelle comme « toute distinction, exclusion ou restriction faite sur la base du sexe qui empêche les femmes de jouir de leurs droits et libertés fondamentaux, à égalité avec les hommes ».

La convention 111 de l'Organisation internationale du travail du 25 juin 1958 affirme également l'interdiction de discrimination sexuelle en matière d'emploi et de profession.

Au niveau européen , le Traité de Rome de 1957 consacre, à son article 141, le principe de l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. En 1997, le Traité d'Amsterdam renforce cette déclaration, en incluant la promotion de l'égalité professionnelle dans son article 2. La Charte des droits fondamentaux mentionne également ce principe.

Plusieurs directives sont parallèlement venues lui donner une portée pratique en matière de rémunérations (directive 75/117/CEE), d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle (directive du 9 février 1976), de régime de sécurité sociale (directive 79/7/CEE), de sécurité des travailleuses enceintes (directive 92-85-CEE) et de charge de la preuve dans les cas de discrimination sexuelle (directive 97/80/CEE du 15 décembre 1997). Une nouvelle directive européenne est parue le 23 septembre 2002 sur la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail.

Le 14 février 2005, la Commission européenne a publié un rapport sur l'égalité entre les femmes et les hommes, indiquant que, « malgré le ralentissement de la croissance économique au cours des dernières années et la progression limitée de l'emploi, on continue d'observer une tendance positive vers une réduction des disparités entre les femmes et les hommes dans les domaines de l'éducation et de l'emploi au sein de l'Union élargie à vingt-cinq, tandis que l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes reste quasiment inchangé ». Elle a alors formulé cinq recommandations à l'intention des Etats membres de l'Union européenne :

- renforcer la position des femmes sur le marché de l'emploi , notamment en augmentant le taux d'emploi des femmes des classes d'âge supérieure sur le marché du travail, en réduisant les écarts salariaux, en garantissant l'égalité d'accès au marché du travail aux femmes ayant des enfants à charge et en éliminant les facteurs qui obèrent la trajectoire professionnelle des femmes ou limitent leur protection sociale ;

- améliorer les services d'accueil des enfants et des personnes dépendantes , en favorisant des services de garde d'enfants qui soient abordables, accessibles et de qualité ;

- sensibiliser les hommes à la prise en charge partagée des responsabilités en matière de garde d'enfants et d'autres personnes dépendantes ;

- prendre en compte le genre dans les politiques d'immigration et d'intégration , en s'attaquant à la double discrimination sexiste et raciste à laquelle les immigrées sont souvent confrontées, notamment sur le marché du travail, et en tenant compte des pratiques et attentes culturelles des femmes selon leur pays d'origine ;

- évaluer les progrès en matière d'égalité entre les femmes et les hommes , en profitant du dixième anniversaire, en 2005, de la plateforme d'action de Pékin pour réaffirmer les engagements pris en 1995 et pour présenter les résultats obtenus en matière d'égalité des sexes depuis lors. La prochaine proposition de la Commission sur la création d'un Institut européen pour l'égalité entre hommes et femmes étendra les possibilités d'évaluation des réalisations.

B. UNE PARITÉ PROFESSIONNELLE A PAS COMPTÉS

Malgré ce large corpus législatif, la parité professionnelle, en particulier en matière de rémunérations, n'est toujours pas devenue une réalité. Alors que l'activité féminine est en constante progression depuis les années soixante, le rattrapage reste anormalement lent tant en ce qui concerne les écarts de rémunération que la nature des postes occupés.

1. Un constat décevant

a) Les écarts de rémunération : un rattrapage interrompu depuis le milieu des années quatre-vingt-dix

Les discriminations salariales constituent la face la plus visible des inégalités. Selon la commission des droits de la femme du Parlement européen, les écarts de rémunération s'élèvent à 27 % au sein de l'Union européenne. En France, on observe que l'écart salarial moyen entre les hommes et les femmes est de près de 25 %. Même si le rattrapage est indéniable depuis les années soixante - les écarts de rémunération étaient alors supérieurs à 50 % -, il est moins sensible depuis le milieu des années quatre-vingt-dix.

Or, les éléments objectifs qui pouvaient jusqu'à présent « justifier » ces inégalités ont disparu : les femmes sont désormais devenues plus diplômées, globalement, que les hommes et ont, comme ces derniers, des trajectoires professionnelles continues. Une fois neutralisés les effets d'âge, de formation, de métier et d'évolution de carrière, il reste une différence de 15 % inexplicable hormis par des effets de discrimination.

D'abord, les femmes ont payé cher la crise de l'emploi, la montée du chômage ayant créé de nouvelles inégalités. La première de ces inégalités tient à la persistance d'un sur-chômage féminin qui n'a pas faibli depuis trente ans : quelle que soit leur catégorie sociale ou leur classe d'âge, les femmes sont plus souvent au chômage que les hommes. Alors qu'elles représentent 45,9 % de la population active (soit 26,16 millions de personnes), le taux de chômage féminin s'élevait à 10,9 % contre 9 % chez les hommes, à la fin de l'année 2004.

La deuxième source d'inégalité réside dans le développement désordonné, à partir des années quatre-vingt, sous l'impulsion de politiques publiques fortement incitatives, d' un travail à temps partiel qui concerne surtout les femmes. En 2003, sur quatre millions de travailleurs à temps partiel, 82 % sont des femmes , et souvent sans qu'elles l'aient choisi. De plus, le temps partiel représente 29,8 % des emplois féminins contre 5,4 % des emplois masculins, selon le rapport remis le 3 mars 2005 au Gouvernement par Françoise Milewski, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques 5 ( * ) . Lorsqu'elles ont un emploi, les femmes subissent également une autre forme de précarité : l'absence de qualification. 78 % des emplois non qualifiés sont occupés par des femmes. Le rapport conclut que « non seulement les femmes sont très massivement présentes parmi les employés non qualifiés, mais leurs trajectoires mettent en évidence qu'elles sont bloquées sur ces postes : les professions les plus féminisées (assistantes maternelles, agents de service hospitalier, agent de service de la fonction publique) sont celles qui connaissent les plus forts taux d'enfermement dans l'emploi non qualifié. La surexposition au risque d'occuper un emploi non qualifié pour les femmes se double donc de la surexposition au risque d'y être enfermées ».

Cette précarité a des conséquences sur le niveau de vie des femmes. En matière de revenus, sur les 8,4 millions d'actifs qui perçoivent un salaire inférieur au SMIC, 80 % sont des femmes . Cette proportion est supérieure d'environ dix points au niveau constaté au début des années quatre-vingt-dix, selon le rapport précité. Lorsqu'elles sont retraitées, les femmes âgées de soixante-cinq ans et plus perçoivent une pension mensuelle moyenne de 606 euros contre 1.372 euros pour les hommes . Cette situation explique qu'elles conservent un fort taux d'emploi après l'âge légal de la retraite. En effet, l'OCDE a publié, en mars 2005, une étude qui révèle que les femmes françaises âgées travaillent, en moyenne, plus que les européennes du même âge. « Depuis 1970 , il est frappant de voir combien le taux d'emploi des hommes de 50-64 ans a diminué (il est inférieur de quatre points à celui des hommes européens et de douze points à celui des hommes des pays membres de l'OCDE) alors que celui des femmes a globalement augmenté sur la même période, et se situe six points au-delà de la moyenne européenne ».

b) La concentration des emplois féminins

On relève également que les secteurs où les femmes sont surreprésentées sont aussi ceux où les salaires proposés sont les plus faibles (commerce de détail, hôtellerie-restauration, industries du textile...).

La féminisation massive du salariat a eu pour effet d'accroître la place des femmes, non pas dans tous les métiers, mais dans les professions déjà féminisées. Selon une étude de la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), publiée en juillet 2004, dix des quatre-vingt-quatre familles professionnelles regroupent, en 2002 plus de la moitié des emplois occupés par les femmes .

Ces dix professions ont apporté à elles seules 54 % des nouveaux emplois occupés par des femmes sur la période 1992-2002. Les métiers les plus féminisés relèvent presque tous du groupe des employés.

Les dix familles professionnelles comptant le plus de femmes (1992-2002)

Emplois

Effectifs féminins en 2002

Variation de l'emploi féminin 1992-2002

Taux de féminisation en 2002
(en %)

Variation du taux de féminisation 1992-2002
(en %)

Agent d'entretien

798.000

* 8.000

74

- 6

Enseignant

716.000

100.000

64

2

Assistant maternel

656.000

309.000

99

- 1

Secrétaire

651.000

-79.000

97

- 1

Employé administratif de la fonction publique (cat. C)

650.000

51.000

72

0

Vendeur

555.000

-100.000

69

- 4

Employé administratif en entreprise

460.000

82.000

76

- 3

Infirmier, sage-femme

374.000

67.000

87

- 1

Aide-soignant

369.000

91.000

91

- 2

Professionnel de l'action sociale, culturelle et sportive

341.000

145.000

65

- 3

Total

5.570.000

674.000

77

- 1

* Données peu significatives en raison de l'échantillon.
Source : enquête emploi Insee ; calculs DARES.

Certes, entre 1992 et 2002, ce sont les emplois très qualifiés ou qualifiés qui ont le plus progressé. Pourtant, les femmes continuent à occuper assez peu des fonctions d'encadrement. Selon l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), elles représentent moins de 10 % des dirigeants d'entreprises et moins de 5 % des conseils d'administration.

En outre, certaines frontières semblent se recomposer sous l'effet de contraintes extérieures : la croissance du taux de féminisation a pu s'accompagner d'une segmentation interne de certaines professions selon le genre. Ainsi en est-il du secteur juridique où les femmes sont majoritaires dans la magistrature mais encore minoritaires au sein des professions de notaires, de conseils juridiques et fiscaux.

En ce qui concerne les non-salariés, alors qu'un homme qui travaille sur sept est non salarié (professions libérales, artisans, commerçants etc.), ce n'est le cas que pour une femme sur dix ; d'autant qu'un quart des femmes non salariées occupe la fonction d'aide familiale, ce qui est rare chez les hommes. Ainsi, s'il y a presque autant de salariées que de salariés, deux indépendants sur trois sont des hommes. L'entreprenariat reste une valeur essentiellement masculine.

Actifs ayant un emploi selon la catégorie socioprofessionnelle en 2003

(en milliers)

Catégories socioprofessionnelles (CS)

Femmes

Hommes

Ensemble

Femmes

Part par CS (%)

Répartition par CS (%)

Agriculteurs

231

481

711

32,4

2,1

Artisans

178

527

705

25,2

1,6

Commerçants et assimilés

230

373

603

38,2

2,1

Chefs d'entreprise de dix salariés ou plus

19

124

143

13,6

0,2

Cadres et professions intellectuelles supérieures

1.189

2.252

3.441

34,6

10,8

Professions intermédiaires

2.677

2.974

5.651

74,4

24,2

Employés

5.372

1.624

6.996

76,8

48,6

Ouvriers

1.133

4.931

6.064

18,7

10,3

Catégorie socioprofessionnelle indéterminée

21

22

43

48,8

0,2

Total

11.050

13.307

24.357

45,4

100,0

Champ : France métropolitaine, actifs ayant un emploi de 15 à 64 ans.
Source : enquête sur l'emploi, Insee.

Au total, on est encore assez loin d'une répartition équilibrée des femmes dans l'ensemble des professions et ce, malgré la bonne orientation de la conjoncture à la fin des années quatre-vingt-dix et l'apparition de tensions sur les recrutements qui ont touché certaines professions et conduit parfois les employeurs, faute de pouvoir embaucher des hommes, à recruter des femmes. La diffusion de la féminisation dans certaines professions semble donc procéder d'un caractère contingent lié en grande partie à l'état du marché du travail, laissant la question de la mixité dans le travail entièrement posée.

c) La difficile articulation entre vie familiale et vie professionnelle

Paradoxalement, ces femmes qui parviennent à concilier vie familiale et vie professionnelle appartiennent à deux catégories opposées :

• les femmes diplômées et appartenant aux catégories professionnelles supérieures qui disposent de salaires suffisants pour faire garder leurs enfants ;

• les femmes qui se sont retirées du marché du travail en devenant femmes au foyer : 80 % des femmes actuellement au foyer ont travaillé dans le passé ; les trois quarts d'entre elles étaient employées ou ouvrières. Il s'agit donc majoritairement de femmes disposant de petits salaires et pour lesquelles l'arbitrage financier a certainement orienté leur décision d'arrêter de travailler.

Entre ces deux extrémités, concilier vie familiale et vie professionnelle demeure difficile pour les femmes actives, contrairement aux hommes dont l'activité professionnelle est peu influencée par le nombre et l'âge de leurs enfants.

Activité, emploi et chômage en 2003 selon le nombre d'enfants du couple

(en %)

Taux d'activité

Temps complet

Temps partiel

Chômage

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Sans enfant

74,0

86,1

51,2

76,9

16,2

3,7

6,6

5,5

un enfant de moins de 3 ans

80,2

97,1

57,0

90,1

13,5

1,8

9,8

5,3

deux enfants dont au moins un de moins de 3 ans

58,3

96,7

27,6

88,0

24,1

3,1

6,5

5,6

trois enfants ou plus dont au moins un de moins de 3 ans

36,3

95,6

12,7

83,5

17,9

3,7

5,8

8,5

un enfant âgé de 3 ans ou plus

79,9

92,4

52,2

83,9

21,2

3,6

6,5

4,9

deux enfants âgés de 3 ans ou plus

83,5

96,1

48,4

90,0

28,8

2,4

6,3

3,8

trois enfants ou plus âgés de 3 ans ou plus

68,1

94,8

31,0

86,0

28,9

2,4

8,2

6,5

Ensemble des couples

75,1

92,2

46,5

84,0

21,8

3,1

6,9

5,2

Lecture : en 2003, 74 % des femmes vivant en couple sans enfant sont actives : 51,2 % travaillent à temps complet, 16,2 % à temps partiel et 6,6 % sont au chômage.
Champ : France métropolitaine, personnes âgées de 15 à 59 ans vivant en couple.
Source : enquête sur l'emploi, INSEE.

Outre la garde des enfants, l'aide aux personnes âgées est essentiellement une affaire de femmes, qu'elles l'assurent à titre personnel ou professionnel. Elles représentent les deux tiers des personnes qui assistent une personne âgée de leur entourage. Les intervenants des services d'aide à domicile sont à 99 % des femmes.

Pour ce qui concerne les tâches domestiques, une spécialisation durable s'est installée entre les femmes et les hommes : inactive ou non, la femme continue à les prendre en charge alors que l'homme passe plus de temps à travailler, étudier et se former. On constate qu'en 1999, les femmes consacraient 4 heures 36 par jour aux tâches domestiques (contre 5 heures 06 en 1986) ; les hommes, 2 heures 13 soit seulement six minutes de plus qu'en 1986 !

Évolution des temps sociaux au cours d'une journée moyenne

(en heures et minutes)

Femmes

Hommes

Total

1986

1999

1986

1999

1986

1999

Temps physiologique

11 h 40

11 h 48

11 h 28

11 h 32

11 h 34

11 h 40

Travail, études, formation

3 h 16

3 h 27

5 h 47

5 h 30

4 h 30

4 h 28

Temps domestique

5 h 07

4 h 36

2 h 07

2 h 13

3 h 29

3 h 25

Ménage, courses

4 h 10

3 h 40

1 h 10

1 h 15

2 h 42

2 h 28

Soins aux enfants

0 h 42

0 h 38

0 h 10

0 h 11

0 h 26

0 h 25

Jardinage, bricolage

0 h 15

0 h 18

0 h 47

0 h 47

0 h 31

0 h 32

Temps libre

3 h 13

3 h 31

3 h 53

4 h 09

3 h 32

3 h 50

Trajets

0 h 44

0 h 38

0 h 45

0 h 36

0 h 45

0 h 37

Total

24 h 00

24 h 00

24 h 00

24 h 00

24 h 00

24 h 00

Champ : France métropolitaine hors étudiants et retraités.
Source : enquête emploi du temps 1986 et 1999, INSEE.

2. A diplôme égal, emplois inégaux

Les idées reçues sur le travail féminin persistent et ont une influence non négligeable sur la place qu'on réserve à la femme sur le marché du travail. Pour certains employeurs, la jeune femme que l'on embauche est une mère potentielle, qui sera moins productive pendant sa grossesse et qui devra interrompre son activité pour s'occuper de ses enfants en bas âge. Son retour dans l'entreprise peut être délicat, après un congé plus ou moins long lié à la maternité ; ses perspectives d'avancement peuvent aussi s'en trouver réduites.

De surcroît, les dispositifs prévus pour neutraliser le congé de maternité restent d'une efficacité limitée : d'après l'INSEE, le taux d'activité des mères s'élève à 80 % lorsqu'elles ont un enfant de moins de trois ans, mais il chute à 58 % avec deux enfants dont un ayant moins de trois ans. Selon le rapport Milewski précité, l'allocation parentale d'éducation (APE) n'a pas contribué à faciliter l'emploi des femmes puisqu'en ouvrant l'accès de l'APE aux femmes de deux enfants, la réforme de 1994 a entraîné une baisse sensible du taux d'activité des mères dont l'un des deux enfants a moins de trois ans, créant un effet de « trappe à inactivité ».

Les idées reçues à l'égard des femmes actives sont d'autant mieux ancrées dans les esprits qu'elles sont transmises parfois dès l'école. Pourtant, les filles réussissent désormais mieux que les garçons à tous les niveaux du système éducatif :

- en termes de diplôme : en vingt ans, le niveau de diplôme acquis par les femmes n'a cessé de s'élever.

Diplôme le plus élevé obtenu selon l'âge

(en %)

25 - 34 ans

35 - 44 ans

45 - 54 ans

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Aucun diplôme ou CEP

12,2

16,2

19,4

22,4

31,2

28,4

BEPC seul

4,3

4,2

8,7

6,1

9,8

7,2

CAP, BEP ou équivalent

17,1

26,5

30,4

38,9

24,9

34,4

Baccalauréat ou brevet professionnel

22,4

20,1

16,4

11,3

13,7

10,7

Baccalauréat + 2 années d'études

21,4

16,4

13,8

9,8

11,3

7,0

Diplôme supérieur

23,6

16,7

11,3

11,6

9,1

12,3

Source : enquête emploi « Regard sur la parité », INSEE 2004.

- en termes de scolarisation : depuis 1980, les filles sont majoritaires parmi les étudiants, leur nombre progressant deux fois plus vite que les garçons. Elles ont su progressivement conquérir les études de troisième cycle universitaire et les classes préparatoires aux grandes écoles.

Pourcentage de filles par cycle et discipline à l'université en 2002

1 er cycle

2 ème cycle

3 ème cycle

Droit, sciences politiques

66,3

64,5

57,3

Sciences économiques, gestion (hors AES)

47,0

52,3

47,1

Administration économique et sociale (AES)

59,8

61,0

64,5

Lettres, sciences du langage, arts

72,7

76,0

66,9

Langues

74,4

79,4

69,4

Sciences humaines et sociales

68,9

68,8

58,3

Sciences et structure de la matière

32,1

39,1

33,9

Sciences et technologie, sciences pour l'ingénieur

19,4

23,0

20,9

Sciences de la nature et de la vie

60,4

57,8

49,5

Sciences et techniques des activités physiques et sportives

31,6

32,5

34,0

Médecine - odontologie

68,3

56,5

50,1

Pharmacie

69,3

67,2

65,3

Instituts universitaires de technologie

40,3

-

-

Total

57,0

57,3

50,5

Source : Direction de l'évaluation et de la prospective (DEP)-
Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mais cette réussite scolaire ne se concrétise pas d'égale manière dans le monde du travail en raison de choix d'orientation différents : selon une étude de la DEP en mai 2004 6 ( * ) , les filles sont en effet surreprésentées dans les filières littéraires du secondaire et du supérieur, dans les filières professionnelles des services, dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) et dans les écoles paramédicales et sociales, alors que les garçons s'orientent davantage dans les filières scientifiques et industrielles, quelles que soient leur appartenance sociale ou leur réussite scolaire. Les garçons ont également tendance, lorsqu'ils expriment leur choix, à privilégier les débouchés potentiels plutôt que l'intérêt ou le contenu des études. De fait, en période de crise économique, les filles peinent davantage à trouver un travail et sont plus nombreuses à adopter une position de retrait.

La formation professionnelle aurait pu constituer une deuxième chance de réorientation. Selon l'Insee 7 ( * ) , l'apparente similitude des taux d'accès à la formation des hommes (36 %) et des femmes (35,6 %) masque en réalité des inégalités importantes. Celles-ci sont dues aux difficultés à concilier vie professionnelle et familiale lorsque la formation a lieu en dehors du temps de travail : avant quarante ans, le taux d'accès des femmes à la formation est systématiquement inférieur à celui des hommes et les écarts qui les séparent sont plus importants pour les employées (32 % contre 40 %) et surtout les ouvrières (16 % contre 26 %) que pour les cadres (57 % contre 62 %) et les femmes exerçant une profession intermédiaire (51 % contre 52 %). Au-delà de quarante ans, la tendance s'inverse mais seulement pour les salariés des deux dernières catégories.

L'abondante législation qui aurait dû permettre d'atteindre la parité professionnelle affiche donc un bilan médiocre.

D'abord, les entreprises n'ont pas mis en application les lois relatives à l'égalité professionnelle : en dépit de la loi « Génisson », 72 % des entreprises n'ont jamais organisé de négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle.

Ensuite, lorsque les femmes décident de faire appliquer cette législation devant la justice au prix d'années de procédures susceptibles de compromettre leur avenir dans l'entreprise, il leur est très difficile de prouver, au cas par cas, les situations discriminatoires : les salariées qui portent plainte sont, de fait, rares. La chambre sociale de la Cour de Cassation a relevé moins d'une dizaine de dossiers sur les deux dernières années.

Face à l'échec relatif des contraintes législatives et à la persistance des phénomènes discriminatoires constatés sur le marché du travail, l'efficacité commande d'adopter des lois adaptées et de diffuser la culture de l'égalité au sein des entreprises. Dans cet esprit, le dialogue social doit pouvoir retrouver toute sa place au sein des entreprises.

II. UNE ACTION VOLONTARISTE DU GOUVERNEMENT DEPUIS 2002

A. LA PRIMAUTÉ ACCORDÉE AU DIALOGUE SOCIAL

Pour promouvoir l'égalité professionnelle, le Gouvernement a mis en place de nombreux outils depuis 2002, en concertation avec les partenaires sociaux.

1. La valorisation des pratiques d'égalité professionnelle

Le 28 juin 2004, le Gouvernement a inauguré un label « Egalité » qui récompense les entreprises, associations ou administrations valorisant la mixité et l'égalité professionnelle.

Le label « Egalité »

Créé à l'initiative du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle en septembre 2004, le label Egalité distingue les entreprises, associations ou administrations qui se sont illustrées dans la promotion de la mixité et de l'égalité professionnelles.

Les dossiers de candidature sont instruits par un organisme international de certification, l'AFAQ-AFNOR, qui élabore ensuite un rapport d'évaluation qu'il transmet à une commission externe tripartite, constituée de représentants de l'État, de représentants des instances patronales et des syndicats. Cette commission émet un avis qui permet de ratifier la décision de labellisation. Le label égalité est délivré pour une durée de trois ans , avec un contrôle intermédiaire à dix-huit mois, permettant de vérifier que le labellisé satisfait toujours aux critères du cahier des charges et qu'il évolue dans une logique d'amélioration continue.

Le cahier des charges du Label Egalité comprend dix-huit critères , qui s'articulent autour de trois champs :

- les actions menées dans l'entreprise en faveur de l'égalité professionnelle : ces actions sont évaluées en tenant compte de l'information et de la sensibilisation à la mixité et à l'égalité des dirigeants, des salariés ainsi que de leurs représentants ; des opérations de communication interne, adaptées à la taille de l'entreprise, pour promouvoir la mixité et l'égalité ; et de la signature d'un accord d'entreprise dans le domaine de l'égalité professionnelle ;

- la gestion des ressources humaines et le management : celle-ci s'apprécie au regard des actions menées en faveur de l'égalité d'accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle continue, des objectifs de progression affichés et de la politique menée en faveur de la mixité dans les différentes instances de décision ;

- la prise en compte de la parentalité dans le cadre professionnel , notamment par l'aménagement des horaires, l'organisation et les conditions de travail ainsi que les modalités de départ et de retour de congés de maternité et/ou parentaux.

Ministère de la cohésion sociale et de la parité

Symboles de « l'exemplarité gagnante », les premiers labels Egalité ont été attribués, en mars 2005, à une dizaine d'entreprises modèles comme PSA-Peugeot Citroën, EADS, Airbus, Eurocopter, Space Transportation, Matra Electronique, le Cabinet Barbin, les services funéraires de la Ville de Paris ou encore les Eaux de Paris. D'autres comme Schneider, La Poste, France Télécom et EDF-GDF ont, de leur côté, récemment conclu des accords en ce sens.

Précédemment, le Gouvernement avait également été à l'origine, en novembre 2003, de la création d'un répertoire des pratiques d'égalité professionnelle en entreprise , dont l'élaboration a été confiée à l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE), afin d'identifier les pratiques d'égalité professionnelle innovantes dans les entreprises françaises.

2. Des partenaires sociaux encore au stade des intentions

Il a fallu deux ans de négociation pour que le dialogue social entre le Gouvernement et les partenaires sociaux se concrétise, le 1 er mars 2004, par l'adoption unanime d'un accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelles entre les hommes et les femmes.

Il faut reconnaître que l'engagement des partenaires sociaux pour la parité n'est pas spontané, en raison de l'absence d'une culture de la parité, de la faiblesse de la formation des syndicats en la matière et d'une forte masculinisation des effectifs syndicaux.

Tout en reconnaissant l'existence d'un « plafond de verre » dans les carrières féminines, l'accord affiche quatre priorités :

- l'orientation : les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications, prévus par l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, devront fournir chaque année des données chiffrées et sexuées sur la situation de l'emploi et les branches professionnelles pour encourager les filles à s'orienter vers les métiers porteurs, notamment dans les filières scientifiques et techniques ;

- le recrutement : les postes devront être définis par le service public de l'emploi en fonction de critères non discriminants. Quant aux entreprises et aux branches, elles devront fixer des objectifs de mixité et en assurer le contrôle ;

- la formation continue : reprenant les engagements pris dans l'accord national de 2003 précité, les partenaires sociaux ont souhaité que l'accès aux nouveaux dispositifs de formation (droit individuel à la formation, contrats et périodes de professionnalisation) soient accessibles aux femmes, notamment grâce à une neutralisation des effets de la maternité ;

- l'égalité salariale : les entreprises et les branches doivent faire de l'égalité des rémunérations une priorité, en engageant des actions de rattrapage progressif. La conciliation entre vie familiale et professionnelle sera facilitée grâce à un aménagement adéquat des horaires.

L'accord a été suivi de la publication d'une lettre paritaire le 7 juillet 2004 à l'intention des pouvoirs publics demandant :

- au ministère de l'éducation nationale de faire de la mixité une priorité dans la formation des enseignants et dans l'orientation des élèves , de favoriser la conclusion, avec les fédérations professionnelles, de conventions de coopération visant à leur permettre de conduire des actions de communication sur l'image et la représentation des métiers, de retirer des manuels scolaires tous les stéréotypes et de faciliter l'accès des jeunes filles aux métiers scientifiques et techniques ;

- aux secrétariats des commissions professionnelles consultatives mises en place dans les différents ministères, de fournir tous les ans des données chiffrées et sexuées sur la formation et l'emploi.

Les partenaires sociaux ont également souhaité que l'ANPE présente, dans son acticité de placement, à profil équivalent, une part significative de femmes et d'hommes.

Enfin, les partenaires sociaux demandent l'adoption de dispositions législatives permettant :

- de neutraliser tout ou partie de la période du congé parental à temps complet pour le bénéfice des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation ;

- de majorer de 10 % le montant de l'allocation de formation lorsqu'un salarié est conduit à engager des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre une action de formation en dehors de son temps de travail ;

- d'établir, avant la reprise du travail à l'issue du congé parental, un bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de remise à niveau, notamment dans le cadre d'une période de professionnalisation ;

- d'accorder aux salariés qui souhaitent reprendre un emploi dans une autre entreprise, à l'issue de leur congé parental, un financement par l'État d'actions de formations identiques à celles effectuées par les salariés revenant dans leur entreprise d'origine.

L'accord du 1 er mars, dont les partenaires sociaux avaient souhaité « l'extension sans attendre », a été décliné dans vingt-quatre branches professionnelles, selon le bilan d'étape effectué par le ministère de la parité et de l'égalité professionnelle. Certaines dispositions ont déjà donné lieu à une traduction législative dans la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale et dans la loi d'orientation pour l'avenir de l'école. D'autres, comme le statut et la formation du conjoint d'entrepreneur, feront l'objet de dispositions complémentaires dans le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

Le présent projet de loi apparaît, par conséquent, comme le prolongement d'une démarche engagée depuis deux ans.

B. LES OBJECTIFS DU PROJET DE LOI RELATIF A L'ÉGALITÉ SALARIALE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Le présent projet de loi poursuit quatre objectifs : la suppression des écarts de rémunération, la conciliation de l'emploi et de la parentalité, l'accès des femmes à des instances délibératives juridictionnelles, ainsi qu'à la formation professionnelle et à l'apprentissage.

1. La suppression des écarts de rémunération

En déclarant qu'« aucun accord salarial ne doit pouvoir être conclu si la négociation n'a pas également porté sur les moyens d'atteindre l'égalité salariale entre les femmes et les hommes au plus tard en cinq ans », le Président de la République a fait de l'égalité salariale une priorité de la parité professionnelle entre les femmes et les hommes. L'objectif est de remédier aux disparités constatées d'ici 2010.

Face à l'échec des négociations de branche et d'entreprise sur la parité salariale, le Gouvernement propose de mettre en place un dispositif plus contraignant en obligeant les branches professionnelles et les entreprises à programmer des mesures de suppression des écarts salariaux à partir d'un diagnostic de ces écarts .

En cas d'échec ou d'absence de négociation de branche, le ministre chargé du travail réunira une commission mixte paritaire ad hoc afin que s'engage ou se poursuive la négociation. Une convention collective nationale de branche ne comportant pas de disposition relative à la suppression des écarts de salaires entre les femmes et les hommes ne pourra pas être étendue.

Dans les entreprises, les accords sur les salaires effectifs ne pourront être déposés auprès des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) que s'ils sont accompagnés du procès-verbal d'ouverture des négociations sur l'égalité salariale. Dans un second temps, après la tenue à mi-parcours - en 2008 - d'une conférence nationale sur l'égalité salariale, le Gouvernement présentera, si nécessaire, un projet de loi instituant une contribution financière sur la masse salariale, perçue auprès des entreprises qui n'auront pas ouvert de négociations sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Dans un premier temps, le projet de loi présente deux mesures en faveur des salariées :

- d'une part, pour neutraliser les conséquences financières du congé de maternité, il propose que la salariée bénéficie de la moyenne des augmentations individuelles perçues, pendant sa période d'absence, par les salariés relevant de sa catégorie professionnelle ;

- d'autre part, il suggère d'élargir le champ des discriminations interdites aux mesures d'intéressement ou de distribution d'actions . Il est par ailleurs proposé d'inscrire la prise en compte de l'état de grossesse parmi les discriminations interdites .

2. La conciliation de l'emploi et de la vie familiale

Plusieurs mesures ont pour objet de faciliter la vie des entreprises et des femmes qui souhaitent concilier vie familiale et professionnelle et notamment :

- une aide financière forfaitaire pour les petites entreprises de moins de cinquante salariés qui souhaitent procéder au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption ;

- la possibilité pour les partenaires sociaux de la branche de prévoir une majoration de l'allocation de formation d'au moins 10 % pour le salarié qui engage des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre une formation en dehors de son temps de travail ;

- l'extension du « crédit d'impôt famille » en faveur des entreprises qui engagent des dépenses en faveur de la formation de salariés recrutés à la suite d'une démission pendant un congé parental d'éducation. Cette mesure s'ajoute à la mise en place d'une période de professionnalisation instaurée en faveur des femmes qui reprennent leur activité professionnelle après un congé par la loi du 4 mai 2004 ;

- un aménagement de la charge de la preuve devant le juge pour les salariées discriminées en raison de leur grossesse : c'est à l'employeur qu'il incombera de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

- l'attribution de dommages et intérêts en cas d'inobservation par l'employeur des dispositions relatives aux congés ;

- l'assouplissement du droit à congés payés : l'indemnité de congés payés sera également due aux salariés de retour d'un congé de maternité ou d'un congé d'adoption .

3. L'accès des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles

Le projet de loi vise à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques. Il prévoit de supprimer en cinq ans l'écart de représentation entre les sexes pour la nomination des personnalités qualifiées, proposées par les ministères de tutelle .

Par ailleurs, il reprend, pour les prochaines élections prud'homales de 2008, le mécanisme législatif mis en place en 2001 pour les élections prud'homales de 2002, qui avait permis une progression de la part des femmes élues dans ces instances. Les organisations syndicales devront faire en sorte de présenter une proportion de femmes et d'hommes, réduisant, par rapport au précédent scrutin, l'écart de représentation du sexe sous-représenté au sein des listes et sa part dans le corps électoral .

4. L'accès à la formation professionnelle et à l'apprentissage

Le projet de loi prévoit que les régions devront organiser des actions destinées à répondre aux besoins d'apprentissage et de formation, en favorisant un accès plus équilibré des femmes et des hommes.

Le plan régional de développement des formations professionnelles devra ainsi assurer une présence équilibrée des femmes et des hommes dans chacune des filières de formation.

De plus, les contrats d'objectifs devront déterminer les objectifs qui concourent à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les métiers préparés par les différentes voies de formation initiale et continue .

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION : UN ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE DROITS DES FEMMES ET SANCTIONS DES ENTREPRISES

A. FACILITER LA MISE EN APPLICATION DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ SALARIALE PAR LES ENTREPRISES

Votre commission estime que la mise en pratique du principe d'égalité professionnelle ne doit pas conduire à imposer aux entreprises qui embauchent des règles et des charges susceptibles de limiter leur développement.

C'est la raison pour laquelle il convient, sur le plan financier, de faire en sorte que les augmentations salariales n'accroissent pas leurs difficultés dans un contexte économique difficile. Aussi, votre commission propose que les augmentations individuelles salariales accordées aux femmes de retour d'un congé parental ne soient pas calculées sur la moyenne des augmentations individuelles obtenues par l'ensemble du personnel, mais sur celle des augmentations perçues par la salariée elle-même dans les trois années précédant son départ en congé.

Sur le plan de la représentation des femmes, votre commission juge que, s'il est indispensable d'imposer aux grandes entreprises privées la présence d'un nombre significatif de femmes dans leurs conseils d'administration, il est difficile d'instaurer des quotas de femmes, sans méconnaître la réalité du fonctionnement de ces entreprises.

Enfin, en ce qui concerne les procédures, votre commission souhaite simplifier les règles de négociation de branche et d'entreprise afin d'en accélérer l'aboutissement. Il n'apparaît, en effet, pas judicieux d'imposer une nouvelle négociation aux branches et aux entreprises qui ont déjà négocié des accords récemment, sachant les difficultés à surmonter pour aboutir à la conclusion d'un accord collectif.

B. RENDRE EFFECTIFS LES DROITS DES FEMMES

Votre commission souhaiterait renforcer l'effectivité des droits des femmes. Elle proposera donc de mieux prendre en compte les incidences du congé parental d'éducation et du congé de présence parentale.

Elle suggère également de renforcer les possibilités d'accès au DIF en faveur des femmes de retour de congé.

Enfin, afin que les bonnes pratiques d'égalité soient connues de tous, elle propose d'en autoriser la diffusion.

C. LIMITER LES RISQUES DE CONTENTIEUX RELATIFS A L'APPLICATION DE LA LOI

Certaines dispositions du projet de loi étant apparues à votre commission sources de contentieux, elle a souhaité limiter les recours devant la justice en clarifiant les règles. Ainsi, l'obligation faite à l'employeur de prendre un « engagement sérieux et loyal » pour mener les négociations relatives à l'égalité salariale ne lui a pas semblé utile dans la mesure où la communication des documents de travail aux syndicats suffit à assurer cette loyauté.

De même, elle suggère de mieux définir les conditions dans lesquelles une femme enceinte peut ester en justice, lorsqu'elle fait l'objet de discriminations de la part de son employeur, pour des raisons autres que sa grossesse.

*

* *

Sous réserve de ces modifications, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi en faveur de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
SUPPRESSION DES ÉCARTS DE RÉMUNERATION

Article premier
(art. L. 122-26 du code du travail)
Rémunération des salariés au retour d'un congé parental

Objet : Cet article vise à garantir aux salariés de retour de leur congé maternité ou d'adoption, les mêmes augmentations salariales que celles accordées à leurs collègues durant leur absence.

I - Le dispositif proposé

Le parcours professionnel des femmes est aujourd'hui jalonné de fractures en raison des interruptions successives de leur carrière, essentiellement pour cause de maternité. Ces ruptures ont des conséquences sur leur promotion professionnelle et sur leur rémunération.

Si la protection de la femme enceinte au travail est depuis longtemps une préoccupation des pouvoirs publics et des entreprises, les conséquences financières de l'exercice des responsabilités familiales sur l'emploi des femmes ont fait l'objet d'une prise de conscience récente.

L'article L. 122-26 du code du travail donne la possibilité à la salariée enceinte de suspendre son contrat de travail pour congé de maternité. Des modalités particulières sont prévues pour tenir compte des naissances multiples, du rang de l'enfant à naître et du cas de l'adoption. Enfin, depuis peu, il légalise la pratique selon laquelle la salariée peut retrouver, à l'issue du congé de maternité ou d'adoption, son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Cette règle est issue de :

la directive européenne 2002/73/CE l du 23 septembre 2002 8 ( * ) ;

la jurisprudence, à travers plusieurs arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation 9 ( * ) ;

l'article 5 de l'ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004 relative à la simplification du droit dans les domaines du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Au-delà de la législation, et en application de l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004, les entreprises, notamment les plus grandes, ont conclu des conventions collectives innovantes, prenant en considération les conséquences de la maternité sur la rémunération des salariés de retour d'un congé de maternité, d'adoption ou de paternité.

Parmi les accords répertoriés par l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE), on relève :

- l'accord du 17 février 2004, signé par Renault, qui met en place une allocation de départ en congé de maternité et une prime d'adoption, maintient la rémunération du salarié pendant le congé de paternité et assimile à du temps de travail effectif les absences liées aux congés de maternité, paternité et d'adoption ;

- l'accord du 28 avril 2004 conclu à France Télécom qui prévoit que l'entreprise s'engage à organiser le retour de la salariée dans l'entreprise, notamment par la communication d'informations sur l'évolution de l'entreprise durant son absence, à neutraliser le congé de maternité pour l'attribution des parts variables de rémunération et à mettre en place un rattrapage salarial en fonction des augmentations générales intervenues pendant la période d'absence ;

- l'accord du 22 juin 2004 signé à EADS France, qui porte le congé parental à un maximum de quatre ans et le prend en compte pour le calcul de l'ancienneté. A l'issue du congé, la rémunération est actualisée soit du montant des augmentations générales appliquées durant la période aux personnes non cadres, soit du montant moyen des augmentations individuelles accordées aux cadres ;

- l'accord du 13 juillet 2004 conclu à EDF-GDF, qui dispose que les absences liées à la maternité n'auront aucun impact sur la rémunération et qui donne la possibilité au salarié de retour de congé de demander un entretien pour étudier sa situation ;

- l'accord du 14 décembre 2004 de Schneider Electric Industries qui prévoit un entretien professionnel avant le départ et au retour d'un congé de maternité ou d'un congé parental et qui affirme que l'absence pour congé parental « ne doit en aucun cas influer sur les décisions de révision annuelle de la rémunération » ;

- l'accord du 4 avril 2005 de la Poste, qui engage la direction à faire respecter la neutralisation des absences liées au congé de maternité et parental ;

- moins axé sur les questions financières, l'accord signé au Crédit mutuel océan met l'accent sur la nécessité de faire en sorte que « l'entretien annuel d'évaluation [de la personne salariée] vaut pour une année civile entière, même si une partie de l'année a donné lieu à absence pour congé de maternité ou d'adoption » ;

- l'entreprise Thales s'est engagée à ce que « la salariée dont le contrat de travail est suspendu en raison du congé de maternité ou d'adoption, bénéficie d'une augmentation au moins égale à la moyenne des augmentations de sa catégorie à la même date d'effet que les autres salariés ».

En proposant de nouveaux compléments à l'article L. 122-26 du code du travail, le présent article vise à généraliser les initiatives prises par ces entreprises pour neutraliser les conséquences financières du congé de maternité ou d'adoption.

Il envisage deux hypothèses :

- soit un accord collectif de branche ou d'entreprise, « déterminant les garanties d'évolution de la rémunération des salariés » pendant les congés de maternité, d'adoption et à leur issue a été conclu : dans ce cas, les partenaires sociaux de la branche ou de l'entreprise s'en tiennent aux mesures ainsi décidées ;

- soit aucun accord n'a été conclu : dans ce cas, le salarié de retour de congé disposera d'une rémunération « majorée ... des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ces congés par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise ».

Autrement dit, dans cette seconde situation, la majoration accordée au salarié pourra être calculée de deux manières :

- s'il existe des classifications de catégories professionnelles, le salarié bénéficiera de deux types de majoration : l'augmentation générale et la moyenne des augmentations individuelles au sein de sa catégorie ;

- s'il n'est pas possible d'opérer une telle classification, comme c'est souvent le cas dans les PME, la majoration sera effectuée sur la seule base de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission est favorable aux mesures qui consistent à remédier aux effets négatifs de l'absence pour congés parentaux.

Le dispositif proposé au présent article s'inspire des propositions actuellement formulées :

- dans l'accord national interprofessionnel (ANI) du 1 er mars 2004 dont l'article 13 dispose que « lorsqu'il apparaît que l'ouverture au droit à certains éléments de rémunération est affectée par les absences autorisées liées à l'exercice de la parentalité, les entreprises et les branches ayant mis en place de tels dispositifs rechercheront les aménagements susceptibles d'y être apportés pour les absences en cause en vue de ne pas pénaliser la parentalité, sans pour autant dénaturer lesdits dispositifs » ;

- dans la directive du 23 septembre 2002 précitée, qui indique simplement qu'« une femme en congé de maternité a le droit, au terme de ce congé, de retrouver son emploi ou un emploi équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elle aurait eu droit durant son absence ».

Mais le présent article va plus loin en imposant, en l'absence d'accord collectif, que le salarié de retour de son congé de maternité bénéficie non seulement d'une majoration salariale fondée sur les augmentations générales mais également sur la moyenne des augmentations individuelles perçues par les autres salariés de sa catégorie professionnelle.

Si votre commission approuve le principe d'une application des augmentations générales de salaire à l'employé de retour de congé parental, elle est en revanche plus réservée sur l'idée de lui appliquer également la moyenne des augmentations individuelles, susceptible, à son sens, de poser des difficultés aux entreprises.

La première de ces difficultés tient au respect de la confidentialité des rémunérations individuelles accordées aux salariés, surtout dans les petites entreprises.

La seconde porte sur l'impossibilité réelle des petites entreprises d'établir une moyenne significative lorsque la catégorie concernée est très limitée.

En outre, en se fondant sur les augmentations individuelles de la catégorie professionnelle concernée, ce dispositif risque de provoquer l'incompréhension, voire un sentiment d'injustice de la part des autres salariés de la même catégorie qui ne comprendraient pas pourquoi ils ne bénéficient pas d'une augmentation salariale de même niveau alors qu'ils ne se sont pas absentés de l'entreprise.

Par ailleurs, le caractère contre-productif de cette mesure a été relevé par de nombreuses entreprises, qui notent déjà qu'elle ne les incitera pas à accorder des augmentations salariales individuelles, à partir du moment où elles savent que les salariés qui n'ont pas travaillé dans l'entreprise en bénéficieront quand même.

Enfin, le dispositif semble peu équitable, puisque les salariés qui habituellement bénéficient des plus fortes augmentations salariales pour leurs performances et qui reviennent de leur congé, risquent d'être pénalisés en ne percevant que la moyenne des augmentations individuelles. Ce risque de nivellement par le bas des augmentations salariales paraît singulier.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission propose, par la voie d' un amendement , que les salariés de retour de congé bénéficient non pas de la moyenne des augmentations de leurs collègues mais d'une augmentation individuelle calculée sur la base de celles qu'ils avaient eux-mêmes perçues dans les trois années précédentes.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 2
(art. L. 122-45 du code du travail)
Extension du champ des discriminations interdites à celles fondées
sur la grossesse et à celles pratiquées en matière d'attribution
des mesures d'intéressement ou d'actions

Objet : Cet article vise à interdire les discriminations fondées sur la grossesse, d'une part, et les discriminations pratiquées en matière d'attribution des mesures d'intéressement ou d'actions, d'autre part.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 122-45 du code du travail interdit aujourd'hui les discriminations au travail liées au genre, directes ou indirectes, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.

? Le présent article propose détendre ce dispositif et d'intégrer, dans le champ des discriminations interdites, celles liées aux mesures d'intéressement et à la distribution d'actions .

En mentionnant les discriminations pratiquées « notamment en matière rémunération », on pouvait considérer que l'actuel article L. 122-45 n'exclut pas les discriminations portant sur des mesures d'intéressement et de distribution d'actions. Toutefois, il ne les intègre pas non plus puisque les sommes versées au titre d'un accord d'intéressement ou les actions distribuées à titre gratuit ou onéreux au salarié n'ont pas le caractère de salaire au terme de l'article L. 441-4 du code du travail.

Etant déconnectés du salaire, l'intéressement et les actions peuvent être, comme les accessoires au salaire (primes, gratifications, avantages en nature etc..), des moyens indirects - mais réels - de discriminer les femmes. Ainsi que le reconnaît le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi, « la méthode de calcul de ces avantages peut aboutir de fait à une discrimination au détriment des femmes, selon la pondération des critères retenus par l'employeur - par exemple pénibilité physique, disponibilité horaire, éléments définissant les ratios de productivité ».

Or, l'intéressement étant par nature collectif et calculé en fonction des résultats et des performances de l'entreprise, il s'adresse à tous les salariés ayant plus de trois mois d'ancienneté, selon la circulaire du 22 novembre 2001 pris en application de l'article L. 441-2 du code du travail. Ce principe a été confirmé par la jurisprudence à plusieurs reprises. Le présent article vise à éviter que l'entreprise définisse des critères de performances plus difficiles à atteindre pour les femmes.

Quant à la distribution d'actions , elle concerne les actions ou autres titres donnant accès au capital attribués gratuitement par une assemblée générale d'entreprise qui souhaite augmenter son capital. L'article 83 de la loi de finances pour 2005 (n° 2004-1484 du 30 décembre 2004) a créé un nouveau mécanisme d'attribution d'actions gratuites en disposant que « l'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre » . La décision d'attribution de ces actions émanant de l'employeur, le présent article a pour objet d'éviter les discriminations possibles à cette occasion.

? Enfin, le présent article intègre dans le champ des discriminations interdites à l'article L. 122-45 du code du travail celles liées à la grossesse . En effet, l'article L. 122-45 énumère une série de critères qui peuvent être source de discriminations : l'origine, le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'âge, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l'appartenance ou non à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique, le patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, l'état de santé ou le handicap. En y ajoutant la grossesse, le législateur permettra aux femmes discriminées en raison de leur état d'agir en justice, au titre de l'article L.225-1 du code pénal, ce que d'ailleurs prévoit l'article 10 du présent projet de loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour préciser que la rémunération qui ne peut faire l'objet de discriminations s'entend au sens de l'article L. 140-2 du code du travail, c'est-à-dire qu'elle inclut « le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier ».

III - La position de votre commission

Votre commission approuve le souhait du Gouvernement de renforcer l'arsenal de sanctions en matière de discriminations.

Mais, soucieuse de ne pas systématiser l'intervention des juges dans les relations de travail, déjà soumises à de fortes pressions contentieuses, elle a souhaité, par un amendement , préciser les conditions d'interdiction des discriminations faites aux femmes. Dans l'état actuel du texte, l'employeur, qui prend une décision affectant la carrière d'une salariée enceinte, peut risquer d'être mis en cause alors même qu'il ignorait son état. Votre commission souhaite donc qu'il en ait été préalablement informé par un certificat médical.

Cet amendement n'a pas pour objectif d'obliger les salariées à révéler leur grossesse, mais d'éviter qu'une salariée n'évoque sa grossesse pour contester une décision de son employeur, prise sans aucun rapport avec son état.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé .

Article 3
(art. L. 132-12-2 nouveau et L. 133-5 du code du travail)
Négociations de branches relatives à la suppression des écarts
de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici 2010

Objet : Cet article central du projet de loi vise à intégrer, dans les négociations de branche, l'objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant 2010 et à prévoir des solutions plus contraignantes, lorsque cette négociation n'aboutit pas.

I - Le dispositif proposé

Bien qu'ils se soient réduits depuis les années cinquante, les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes sont l'aspect le plus visible des inégalités professionnelles persistantes entre les femmes et les hommes.

Ecarts salariaux entre les hommes et les femmes en France (1952 - 2002)

* en euros

Salaires nets moyens

Rapport des salaires

Ecarts de salaire

Années

Hommes

Femmes

F/H (%)

H/F

Ecarts (H-F)/F
(en %)

1952

4.079

2.636

64,6

1,55

54,7

1954

4.552

3.029

66,5

1,50

50,3

1956

5.604

3.605

64,3

1,55

55,5

1958

6.897

4.386

63,6

1,57

57,3

1960

8.051

5.178

64,3

1,55

55,5

1962

9.579

6.170

64,4

1,55

55,3

1964

11.242

7.208

64,1

1,56

56,0

1966

12.692

8.131

64,1

1,56

56,1

1968

14.632

9.703

66,3

1,51

50,8

1970

17.782

11.855

66,7

1,50

50,0

1972

21.841

14.548

66,6

1,50

50,1

1974

28.782

19.322

67,1

1,49

49,0

1976

38.037

26.295

69,1

1,45

44,7

1978

47.383

33.464

70,6

1,42

41,6

1980

58.258

42.100

72,3

1,38

38,4

1982

74.849

54.724

73,1

1,37

36,8

1984

88.317

65.570

74,2

1,35

34,7

1986

99.782

74.139

74,3

1,35

34,6

1988

105.566

78.657

74,5

1,34

34,2

1990

115.730

86.968

75,1

1,33

33,1

1992

122.715

93.307

76,0

1,32

31,5

1992

128.040

98.930

77,3

1,29

29,4

1993

131.060

101.640

77,6

1,29

28,9

1994

132.800

103.470

77,9

1,28

28,3

1995

135.670

107.950

79,6

1,26

25,7

1996

136.740

109.230

79,9

1,25

25,2

1997

136.040

108.220

79,6

1,26

25,7

1998

137.760

109.920

79,8

1,25

25,3

1999*

21.460

17.140

79,9

1,25

25,2

2000*

21.890

17.510

80,0

1,25

25,0

2001*

22.301

17.928

80,4

1,24

24,4

2002*

22.860

18.404

80,5

1,24

24,2

Source : Déclarations annuelles de salaire, INSEE ; Femmes, genres et sociétés, l'État des savoirs sous la direction de Margaret MARUANI, La Découverte 2005

La loi « Génisson » du 9 mai 2001 a codifié, aux articles L. 132-12 et L. 132-12-1 du code du travail, les règles qui permettent aux négociateurs de la branche de prendre des mesures en faveur de l'égalité professionnelle.

L'article L. 132-12 dispose ainsi que les branches « se réunissent pour négocier tous les trois ans sur les mesures tendant à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées », notamment en matière de « conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, de conditions de travail et d'emploi. La négociation se déroule sur la base d'un rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes dans ces domaines et sur la base d'indicateurs pertinents, reposant sur des éléments chiffrés, pour chaque secteur d'activité ».

L'article L. 132-12-1 ajoute que « les négociations prennent en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».

Le bilan de ces dispositions n'ayant pas entièrement donné satisfaction, le présent article propose de relancer la négociation collective de branche, sur des bases renouvelées, en créant un nouvel article L. 132-12-2 dans le code du travail.

Dans son premier alinéa, le paragraphe I du présent article donne aux négociateurs des branches professionnelles, qui se réunissent tous les trois ans, un objectif supplémentaire de définition et de programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010, c'est-à-dire dans un délai maximum de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi. Ce délai de cinq ans correspond à l'engagement du Président de la République et s'inscrit dans la stratégie européenne pour l'emploi pour la réduction des écarts salariaux.

Ces mesures ne pourront être définies et programmées qu'après l'établissement d'un diagnostic sur la base du rapport de situation comparée, actuellement requis pour les négociations relatives à l'égalité professionnelle.

Pour éviter qu'une telle disposition ne reste lettre morte, le Gouvernement a prévu plusieurs moyens de rendre effective cette négociation de branche. De fait, la véritable innovation du nouvel article L. 133-12-2 du code du travail réside dans le caractère automatique du déclenchement des négociations.

? Premièrement, le deuxième alinéa du paragraphe I prévoit que si la partie patronale ne prend pas l'initiative d'ouvrir la négociation dans l'année qui suit la promulgation de la présente loi, une organisation syndicale représentative peut demander que la négociation s'engage dans les quinze jours qui suivent cette demande.

? Deuxièmement, l'accord qui résulte de ces négociations devra être déposé auprès de l'autorité administrative compétente , à savoir l'inspection du travail, conformément à la règle posée à l'article L. 132-10 du code du travail, portant obligation de déposer les accords ou conventions collectifs de travail auprès des services du ministère du travail. La procédure de dépôt est une formalité obligatoire qui vise à faciliter l'information des salariés et des services de l'État.

? Troisièmement, pour que la négociation s'engage où se poursuive même en l'absence de dépôt d'un accord ou de transmission d'un procès-verbal de désaccord auprès de l'inspection du travail, le ministre chargé du travail prend l'initiative de convoquer une commission mixte composée, conformément à l'article L. 133-1 du code du travail, des représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives.

? Quatrièmement, le Gouvernement propose de confier à la commission nationale de la négociation collective le soin d'établir le bilan d'application de l'ensemble des mesures du paragraphe I. Conformément au 8° de l'article L. 136-2 du code du travail, ce bilan est établi à l'occasion de l'examen annuel (dès 2006) de « l'application, dans les conventions collectives, du principe à travail égal salaire égal, du principe de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et du principe d'égalité de traitement entre les salariés... ».

Enfin, le paragraphe II pose une dernière obligation, tendant à soumettre l'extension des accords de branche à une clause supplémentaire , dans un nouveau 9° bis de l'article L. 133-5 : la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Cette clause vient s'ajouter à une autre clause plus générale et déjà prévue au 9° de l'article L. 133-5 précité, qui traite de l'« égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées », « mesures [qui] s'appliquent notamment à l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et aux conditions de travail et d'emploi ».

Par coordination avec le paragraphe I qui accorde un an à la partie patronale pour enclencher les négociations relatives à l'égalité salariale, le paragraphe III précise que les accords de branche, pour pouvoir être étendus, devront prendre en compte cette nouvelle clause un an après la promulgation de la présente loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre cinq amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a introduit une modification de fond au présent article en précisant qu'une commission mixte, qualifiée de « paritaire », est réunie dans les mêmes conditions que celles proposées par le texte si la négociation n'a pas été engagée sérieusement et loyalement . L'engagement sérieux et loyal des négociations implique notamment que la partie patronale ait communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et ait répondu « de manière motivée » aux éventuelles propositions des organisations syndicales.

III - La position de votre commission

Même si votre commission estime qu'il aurait été préférable d'insérer ces nouvelles dispositions relatives à l'égalité salariale dans la loi « Génisson » relative à l'égalité professionnelle, par souci de clarté du code du travail, elle approuve l'esprit du présent article qui, grâce à une série d'incitations à la négociation, permettra d'atteindre plus assurément l'objectif de suppression des écarts salariaux.

Toutefois, elle considère que l'obligation de négociation imposée aux branches pour l'année qui vient, cadre mal avec le calendrier des accords déjà négociés : il est, à son sens, inutile d'imposer aux branches une renégociation supplémentaire dès lors qu'un accord existe déjà pour la durée qu'il s'est fixée. De plus, pour les entreprises dont les branches ont négocié un accord exemplaire ayant nécessité des années de discussion, une telle obligation de renégocier leur imposerait de refaire toute la procédure déjà conduite.

Dans ces conditions, votre commission vous propose d'exonérer ces branches de l'obligation de négociation, par amendement , pendant la durée de validité de l'accord de branche déjà conclu. Dès l'expiration de l'accord, toutefois, ces branches devront appliquer le nouveau dispositif prévu au présent article : l'exigence d'un accord sur l'égalité salariale ne serait donc pas remise en cause.

Par ailleurs, toujours par souci de prévenir les recours judiciaires systématiques du fait de l'ambiguïté des dispositions de notre législation, votre commission propose, par un amendement , de supprimer la mention à un engagement « sérieux et loyal » exigé de la partie patronale. Hormis à l'article L. 213-4 du code du travail relatif au travail de nuit, cette mention n'est d'ailleurs pas inscrite dans le code du travail. Or, étant susceptible d'interprétations différentes, elle est source de contentieux et risque, par conséquent, de retarder la négociation.

L'amendement proposé n'enlèvera pour autant rien à l'obligation à laquelle est tenue la partie patronale de communiquer aux syndicats les documents utiles à la négociation. Par cet acte, votre commission estime que le caractère sérieux et loyal de l'engagement sera démontré.

Enfin, votre commission vous propose trois amendements rédactionnels.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3
(art. L. 132-10 du code du travail)
Publicité des accords d'égalité

Objet : Cet article additionnel vise à rendre possible la publication des accords d'égalité signés dans les entreprises.

Sensible au succès du label « Egalité » mis en place par le Gouvernement en juin 2004 auprès des entreprises, votre commission a souhaité encourager les moyens de valoriser l'exemplarité des entreprises en matière d'égalité salariale.

Cet article additionnel vise donc à permettre aux entreprises qui souhaitent s'engager dans une démarche d'égalité professionnelle de prendre connaissance des pratiques déjà existantes en la matière et qui sont consignées dans des accords collectifs d'entreprise.

Cette proposition répond à l'une des recommandations formulées par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes 10 ( * ) .

Votre commission propose d'insérer cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 3 bis nouveau
(art. L. 132-27 du code du travail)
Egalité professionnelle dans les entreprises de moins de vingt salariés

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à fixer un objectif d'égalité professionnelle dans les entreprises de moins de vingt salariés.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel précise que, « dans les entreprises de moins de vingt salariés, l'employeur est tenu de prendre en compte les objectifs en matière d'égalité professionnelle et les mesures permettant de les atteindre ». Il a pour objectif, compte tenu du nombre important d'entreprises de moins de vingt salariés dans notre pays, de rechercher une plus grande égalité entre les salariés des PME ou des grandes entreprises et ceux des petites et très petites entreprises.

Le présent article complète donc l'article L. 132-27 du code du travail portant obligation de négociation annuelle dans les entreprises.

II - La position de votre commission

Votre commission est sensible au souhait de l'Assemblée nationale de ne pas exonérer les petites entreprises de l'obligation d'égalité professionnelle.

Toutefois, la formulation retenue au présent article risque de dénuer cette disposition de tout effet pratique. En effet, la catégorie des entreprises de moins de vingt salariés ne répond à aucune spécificité juridique.

On aurait pu envisager de retenir le seuil des entreprises de moins de cinquante salariés mais ce choix n'aurait pas eu un grand intérêt dans la mesure où certaines d'entre elles, disposant d'un délégué du personnel, sont déjà assujetties à l'obligation de négociation, à moins de ne compter que dix salariés au plus. Encore faut-il préciser que, dans ce dernier cas, l'entreprise peut également être soumise à une obligation d'égalité professionnelle par le biais d'un accord de branche étendu.

Le critère qui paraît donc ici le plus pertinent est celui des entreprises de moins de onze salariés qui ne sont pas couvertes par un accord étendu. C'est ce que propose votre commission par la voie d' un amendement .

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 4
(art. L. 132-27-2 du code du travail)
Négociations d'entreprises relatives à la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici 2010

Objet : Cet article vise à intégrer dans les négociations d'entreprise l'objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant 2010 et à prévoir des solutions alternatives, lorsque cette négociation n'aboutit pas.

I - Le dispositif proposé

Le présent article reprend, pour les entreprises, les principes de la négociation fixés à l'article 3 du projet de loi pour les branches, en matière de suppression des écarts salariaux entre les femmes et les hommes.

Complété par l'article 4 de la loi « Génisson », l'article L. 132-27 du code du travail actuellement en vigueur prévoit que, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales représentatives, « l'employeur est tenu d'engager, chaque année, une négociation sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, ainsi que les mesures permettant de les atteindre, à partir des éléments figurant dans le rapport de situation comparée ... et complété éventuellement par des indicateurs qui tiennent compte de la situation particulière de l'entreprise ».

Il ajoute qu'à défaut d'une initiative patronale plus d'un an après la précédente négociation, la négociation doit s'engager quinze jours après qu'une organisation syndicale l'aura demandé et que celle-ci aura transmis, sous huit jours, cette demande à l'employeur. Enfin, l'article L. 153-2 du code du travail, également issu de la loi « Génisson », étend les sanctions pénales mentionnées à l'article L. 481-2 aux employeurs qui n'ont pas satisfait à l'obligation annuelle de négocier sur l'égalité professionnelle.

Ces règles ont fait l'objet d'une application décevante par les entreprises, comme en témoigne le bilan dressé par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat.

Nombre d'entreprises ayant mené des négociations
sur l'égalité professionnelle en 2003

(en %)

Entreprises de 50 à 99 salariés

Entreprises de
250 à 499 salariés

Entreprises de plus de 1.000 salariés

Ensemble

OUI

17

35

35

23

NON

79

59

58

73

Ne se prononcent pas

4

6

7

4

TOTAL

100

100

100

100

Source : Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances
entre les hommes et les femmes, du Sénat

Plutôt que d'adapter les dispositions actuelles relatives à la négociation d'entreprise sur l'égalité professionnelle, le paragraphe I propose de créer un article L. 132-27-2 nouveau dans le code du travail qui transcrit, mot pour mot, l'ensemble du mécanisme actuel, en l'enrichissant de dispositions plus contraignantes.

Ainsi, reprenant le principe posé pour les branches, le premier alinéa dispose que les négociations d'entreprise devront, en plus des matières actuellement existantes, définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010, c'est-à-dire dans les cinq ans.

Pour ce faire, les négociateurs devront également établir un diagnostic des écarts éventuels de rémunération sur la base des éléments figurant dans le rapport écrit relatif à la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise.

Pour garantir l'application de cette règle, trois mécanismes sont prévus :

? d'abord, comme pour la négociation de branche, si la partie patronale ne prend pas l'initiative de cette négociation dans l'année qui suit la promulgation de la présente loi, il suffit qu'une organisation syndicale représentative de salariés le demande pour que les négociations s'engagent dans les quinze jours ;

? ensuite, le dépôt des accords collectifs d'entreprise sur les salaires effectifs auprès de l'inspection du travail est subordonné à la présentation d'un procès verbal d'ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération et consignant les propositions de chaque partie. Ainsi, aucun accord collectif d'entreprise sur les salaires ne sera recevable, si des négociations sur la suppression des écarts de rémunération ne sont pas ouvertes ;

? enfin, le paragraphe II met en place un triple dispositif d'évaluation de l'ensemble du projet de loi :

-  une conférence nationale sur l'égalité salariale établira un bilan à mi-parcours (dans deux ans et demi) du présent projet de loi, sur la base d'un rapport élaboré par le Conseil supérieur de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ;


Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle

Afin d'assurer un large débat sur l'égalité professionnelle, auquel participent les organisations syndicales, les organisations d'employeurs, des personnalités qualifiées ainsi que les pouvoirs publics, il a été créé un Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP) par la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 et le décret n° 84-136 du 22 février 1984.

Ce conseil se compose de trente-six membres regroupés en quatre collèges représentant paritairement les syndicats de salariés, les organisations patronales, l'administration et les personnalités qualifiées. Il est présidé par le ministre chargé des droits des femmes. Le ministre chargé du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en est le vice-président.

Le Conseil a un triple rôle : suivre régulièrement l'application du dispositif relatif à l'égalité professionnelle, mettre en oeuvre des études, des recherches et formuler des propositions pour faire progresser l'égalité professionnelle et se prononcer sur la législation concernant le travail des femmes et sur les modifications du droit du travail lorsque celles-ci peuvent avoir une incidence sur l'égalité professionnelle. Il se réunit au moins une fois par an.

Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle constitue en son sein une commission permanente, composée de cinq représentants de l'administration, cinq représentants des salariés, cinq représentants des employeurs et cinq personnalités qualifiées.

Cette commission a pour fonction de préparer les travaux du Conseil supérieur et d'être consultée en ses lieu et place en cas d'urgence. Elle est elle-même alimentée par les travaux des commissions spécialisées et groupes de travail mis en place pour l'étude des questions relevant de la compétence du Conseil. Parmi les commissions, on compte la commission orientation, formation, emploi et la commission des études. Les groupes de travail ont réfléchi sur une série de thématiques. Ainsi, ces dernières années, se sont réunis le groupe de travail concernant les propositions issues du rapport « Génisson » sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le groupe de travail concernant la place des femmes dans le dialogue social, le groupe de travail relatif à l'articulation des temps sociaux et des temps professionnels (2000), le groupe de travail axé sur les outils en matière d'égalité professionnelle (2001), le groupe de travail relatif à la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes (2002) ou encore le groupe de travail portant sur l'outil d'observation et d'évaluation de l'égalité professionnelle (2003).

Le 12 mai 2004, le Conseil supérieur a eu sa réunion plénière sur la mise en oeuvre de l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 et la présentation du Label « Egalité ». Une deuxième réunion plénière s'est tenue le 27 septembre 2004 pour examiner les mesures relatives à la promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes inscrites dans le plan de cohésion sociale. Le 17 mars 2005, il s'est à nouveau réuni pour examiner l'avant-projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Source : Ministère de la cohésion sociale et de la parité

- si le bilan du Conseil supérieur le justifie, le Gouvernement « pourra présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de loi instituant une contribution assise sur les salaires et applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'ouverture des négociations » d'entreprise. Ce dispositif soumet ainsi le recours à la sanction financière à deux limites : d'une part, le Gouvernement n'intervient qu'« au vu » du bilan d'étape effectué par le Conseil précité ; d'autre part, la présentation d'un projet de loi instituant les pénalités est à la discrétion du Gouvernement, quelles que soient les conclusions du bilan d'étape ;

- six années après la promulgation du présent projet de loi, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport , après consultation du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cinq amendements au présent article :

- le premier précise, par coordination avec l'article 3, les conditions de l'appréciation du comportement « sérieux et loyal » de l'employeur dans les négociations ;

- le deuxième restreint le champ du bilan d'étape établi par la conférence nationale sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes aux seules dispositions relatives à la négociation de branche et à la négociation d'entreprise (et non plus à l'ensemble du projet de loi, comme le proposait le texte initial) ;

- le troisième précise les modalités d'élaboration du rapport qu'établira le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle à partir d'outils méthodologiques permettant de mesurer les écarts de rémunération et de les recenser, en tenant compte des différents parcours professionnels et secteurs d'activité. La liste de ces outils sera fixée, dans les six mois suivant la promulgation du présent projet de loi, par un décret pris après avis du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle ;

- le quatrième est rédactionnel ;

- le cinquième indique que l'éventuelle taxe payée par les entreprises sera appliquée à celles qui n'auront pas engagé de négociations (une simple ouverture de celles-ci ne suffisant pas).

III - La position de votre commission

Votre commission réaffirme, comme à l'article 3, sa satisfaction de voir le Gouvernement renforcer les incitations à la négociation sur l'égalité salariale.

De même, elle insiste à nouveau sur la nécessité de ne pas obliger les entreprises qui viennent de conclure un accord d'égalité salarial, à recommencer la négociation. Par la voie d' un amendement , elle propose donc de rendre applicables les dispositions du présent article aux seules entreprises (c'est-à-dire la majorité) qui n'ont pas encore conclu de tels accords. Les autres seront tenues d'appliquer les nouvelles règles, dès l'expiration de l'accord précédent.

Votre commission suggère également, par coordination avec l'amendement présenté à l'article 3, de prévenir les recours contentieux que risque d'encourager l'ambiguïté de la notion d'engagement sérieux et loyal imposé aux entreprises. Par amendement , elle propose donc de supprimer cette mention, sachant que la communication des outils utiles à la négociation aux syndicats suffit à garantir le sérieux et la loyauté de la partie patronale.

Enfin, bien que soucieuse de l'aboutissement des négociations d'entreprises, elle propose, par un amendement , de simplifier la procédure de suivi de texte. En effet, la multiplicité des rapports d'évaluation prévus, la diversité des conseils et des calendriers ne sont pas de nature à rendre le dispositif lisible comme l'indique le schéma suivant :

Négociations d'entreprise pour l'égalité salariale

PARTENAIRES SOCIAUX

Rapport de situation comparée
hommes / femmes

Diagnostic sur les écarts
de rémunération

A défaut

Initiative syndicale
pour l'ouverture
des négociations

Initiative patronale
pour l'ouverture
des négociations

Accord collectif d'entreprise

EXPERTS

Dépôt auprès de l'inspection du travail

Rapport d'étape du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle dans deux ans et demi


Décret

POUVOIRS PUBLICS

Conférence nationale
sur l'égalité salariale

Projet de loi établissant
des sanctions

Consultation du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle

Rapport d'évaluation
au Parlement dans six ans

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 4 bis nouveau
(art. L .311-10 du code du travail)
Participation des maisons de l'emploi
aux objectifs d'égalité professionnelle

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à associer les maisons de l'emploi aux objectifs d'égalité professionnelle et de réduction des écarts de rémunération, notamment auprès des employeurs.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, qui crée les maisons de l'emploi à l'article L. 311-10 du code du travail, leur a confié trois missions :

- la coordination des actions menées dans le cadre du service public de l'emploi ;

- la mise en oeuvre d'actions en matière de prévision des besoins de main-d'oeuvre et de reconversion des territoires, notamment en cas de restructurations ;

- la participation à l'accueil et à l'orientation des demandeurs d'emploi, à l'insertion, à l'orientation en formation, à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des salariés et à l'aide à la création d'entreprise.

L'Assemblée nationale a souhaité attribuer aux maisons de l'emploi une mission supplémentaire : celle de favoriser les objectifs d'égalité professionnelle et de réduction des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. A cette fin, elles devront mener, auprès des employeurs privés et publics en activité dans leur ressort, des actions de sensibilisation et d'information.

II - La position de votre commission

Votre commission se félicite de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale. Il est, en effet, indispensable d'associer étroitement le service public de l'emploi, dont le rôle a été renforcé par le plan de cohésion sociale, aux mesures d'égalité professionnelle.

C'est la raison pour laquelle votre commission ne proposera qu' un amendement au présent article tendant à rendre plus normatif son contenu et vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

TITRE II
-
CONCILIATION DE L'EMPLOI ET DE LA PARENTALITÉ

Article 5
(art.  L. 432-3-1 du code du travail)
Rapport sur la situation professionnelle comparée
des hommes et des femmes dans l'entreprise

Objet : Cet article vise à intégrer la conciliation entre l'activité professionnelle et la vie familiale parmi les indicateurs permettant d'apprécier la situation professionnelle des femmes dans l'entreprise.

I - Le dispositif proposé

La loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 fait obligation aux chefs d'entreprises de soumettre, chaque année, à l'avis du comité d'entreprise ou aux délégués du personnel « un rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise ».

Ajoutant une contrainte supplémentaire, la loi « Génisson » a indiqué que ce rapport est établi sur la base d'« indicateurs pertinents » reposant notamment sur « des éléments chiffrés » permettant d'apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rémunération effective.

Ce rapport recense les mesures prises au cours de l'année écoulée en vue d'assurer l'égalité professionnelle, les objectifs prévus pour l'année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions à mener à ce titre ainsi que l'évaluation de leur coût. Les délégués syndicaux reçoivent communication du rapport dans les mêmes conditions que les membres du comité d'entreprise.

Dans le cas où des actions prévues par le rapport ou demandées par le comité n'ont pas été réalisées, le rapport suivant donne les motifs de cette inexécution.

Le présent article propose que le rapport de situation comparée prenne en compte un nouvel indicateur d'appréciation de la situation des femmes au sein de l'entreprise : la conciliation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié l'intitulé de ce titre II devenu « articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale ».

Elle a également adopté un amendement rédactionnel pour substituer le mot « articulation » à celui de « conciliation » et une modification de fond visant à ne pas limiter la vie des femmes à une dimension exclusivement familiale, l'aspect personnel devant aussi être pris en considération.

III - La position de votre commission

Convaincue que les difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale sont l'une des raisons du ralentissement de la carrière des femmes, votre commission est favorable à l'insertion, dans le rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes, de ce nouvel indicateur d'appréciation de la situation des femmes au sein de l'entreprise.

Si elle ne propose aucun amendement au présent article, elle suggère en revanche par un amendement , de modifier l'intitulé du titre II afin de l'harmoniser avec le contenu de l'article 6 du projet de loi. L'intitulé serait plus précis s'il fait mention de la « vie personnelle et familiale » plutôt que de « l'exercice de la responsabilité familiale » .

A l'exception de la modification de l'intitulé du titre II, votre commission propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6
(section 2 du chapitre II du titre II du livre III
et art. L. 322-7 du code du travail)
Prise en compte de l'égalité professionnelle dans la gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences

Objet : Cet article vise à intégrer l'égalité professionnelle dans le dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

I - Le dispositif proposé

L'article 95 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, codifié à l'article L. 322-7 du code du travail, a autorisé les entreprises de moins de 250 salariés à mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de leurs salariés.

Ce plan comporte « notamment des actions de formation destinées à assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois ».

Pour mettre en place ce dispositif, les entreprises peuvent bénéficier d'une prise en charge par l'État d'une partie des frais liés aux études préalables à sa conception : le décret d'application n° 2003-681 du 24 juillet 2003 a précisé que le montant de cette prise en charge ne peut excéder 50 % des coûts, plafonnés à 12.500 euros par entreprise lorsqu'un groupe d'entreprises est concerné et à 15.000 euros pour une entreprise seule.

Bien que la rédaction actuelle de l'article L. 322-7 du code du travail ne l'interdise pas, la liste des actions de gestion prévisionnelle n'étant pas limitative, le paragraphe II du présent article propose d'ajouter explicitement dans le plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences les « actions favorisant l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». Pour atteindre cet objectif, des « mesures améliorant l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale » pourront être prises.

Par coordination, le paragraphe I modifie l'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre II du livre III du même code. Jusqu'à présent, celui-ci ne visait que les « aides à l'adaptation des salariés aux évolutions de l'emploi, dans le cadre des accords sur l'emploi ». Désormais, les nouvelles dispositions introduites à l'article L. 322-7 précité permettent de modifier l'intitulé ainsi : « Aides à l'adaptation des salariés aux évolutions de l'emploi et à la conciliation de l'emploi et de la parentalité ». La référence aux accords sur l'emploi n'ayant plus lieu d'être en matière d'égalité professionnelle, elle disparaît du titre de la section.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Six amendements rédactionnels ou de coordination ont été adoptés par l'Assemblée nationale, le principal ayant pour objet de remplacer, dans le titre de la section II et dans le corps de l'article L. 322-7, le mot « conciliation » par le mot « articulation » et le mot « parentalité » par l'expression « exercice de la responsabilité familiale ».

III - La position de votre commission

Votre commission approuve le souci du Gouvernement d'intégrer l'égalité professionnelle dans la gestion prévisionnelle des emplois.

Elle ne présentera, par conséquent, qu' un amendement tendant à harmoniser le texte du présent article avec l'intitulé du titre II relatif à l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.

Elle vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article additionnel après l'article 6
(art. L. 212-4-4 du code du travail)
Heures choisies en faveur des salariés à temps partiel

Objet : Cet article additionnel vise à favoriser l'exercice d'un travail à temps complet pour les salariés employés à temps partiel.

Votre commission a bien pris note de l'engagement du Gouvernement de réunir les partenaires sociaux sur le thème du travail à temps partiel subi des femmes. Elle estime néanmoins que le présent projet de loi ne peut être discuté sans que soit abordée concrètement la question centrale des emplois à temps partiel, occupés à 82 % par les femmes.

C'est la raison pour laquelle elle propose d'introduire dans le texte un article additionnel tendant à limiter les effets du temps partiel contraint.

L'article L. 212-16-1 du code du travail dispose que, lorsqu'une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement le prévoit, le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, effectuer des heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement.

Il est ici proposé de donner la possibilité aux partenaires sociaux de décider que les heures supplémentaires ou les heures choisies seront proposées en priorité aux salariés à temps partiel qui souhaitent effectuer un nombre d'heures supérieur à celui mentionné dans leur contrat de travail.

Une telle disposition sera de nature à établir des passerelles entre temps partiel et temps complet, en particulier pour les femmes sous-employées.

Votre commission propose d'insérer cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 7
(art. L. 122-25-2-1 du code du travail)
Aide financière au remplacement des salariés
en congé de maternité ou d'adoption

Objet : Cet article vise à accorder aux entreprises de moins de cinquante salariés une aide financière de l'État, dès lors qu'elles embauchent pour remplacer un ou plusieurs salariés absents pour congé de maternité ou d'adoption.

I - Le dispositif proposé

Actuellement, l'article L. 322-9 du code du travail, créé par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, autorise l'État à accorder une aide financière (400 euros) aux entreprises de moins de cinquante salariés qui, pour assurer le remplacement d'un ou plusieurs salariés en formation 11 ( * ) , recrutent une personne auprès d'une entreprise de travail temporaire ou un groupement d'employeurs.

Le présent article propose d'autoriser l'attribution de cette aide, dans les mêmes conditions, pour remplacer un ou plusieurs salariés en congé de maternité ou d'adoption.

Cette mesure n'a pas été introduite à l'article L. 322-9, qui traite déjà de cette question, mais dans un nouvel article L. 122-25-2-1 du code du travail figurant dans la section V du titre II du livre premier relatif à la « Protection de la maternité et protection des enfants ».

En effet, s'il s'inspire du dispositif de l'article L. 322-9, la mesure proposée au présent article s'en différencie sur deux points :

- la nature de l'aide : dans le cas du remplacement des salariés en formation, l'aide est accordée pour un an et calculée sur la base d'un forfait horaire correspondant à 50 % du taux horaire du salaire minimum de croissance ; le soutien financier proposé au présent article est une aide forfaitaire de 100 euros par mois et par salarié, soit 400 euros pendant la durée du congé (le coût pour l'État de cette mesure est estimé à 16 millions d'euros) ;

- les conditions d'exécution : un décret en Conseil d'État est requis pour l'application de la mesure aux salariés absents pour formation ; aucune procédure de ce type n'est prévue pour le remplacement des salariés en congé de maternité ou d'adoption pour des raisons de simplification.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un amendement, visant à corriger une erreur de référence, a été adopté à cet article.

III - La position de votre commission

Votre commission approuve l'instauration d'une aide en faveur des petites entreprises confrontées à des difficultés d'anticipation des absences du personnel, en particulier liées à la maternité et à l'adoption.

Pour leur permettre de gérer au mieux l'organisation du travail, et aussi de lever un des freins à l'embauche des jeunes femmes, l'aide financière proposée permettra d'éviter la discrimination par anticipation à laquelle les entreprises peuvent avoir tendance à procéder lorsqu'elles redoutent le départ d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption.

On pourrait regretter que rien ne soit prévu pour éviter les effets d'aubaine fréquents lorsque ce type de mesure est mis en place, comme, par exemple, le calcul prorata temporis de l'allocation. Toutefois, cela supposerait de recourir des formalités administratives trop lourdes pour les petites entreprises. Le Gouvernement a donc choisi de jouer la carte de la confiance.

Satisfaite de la mesure proposée, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 8
(art. L. 932-1 du code du travail)
Majoration de l'allocation de formation en faveur des salariés pour garde d'enfant pendant une formation hors temps de travail

Objet : Cet article vise à relever le montant de l'allocation de formation versée au salarié lorsque celui-ci engage des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre une formation en dehors de son temps de travail.

I - Le dispositif proposé

Le plan de formation comprend l'ensemble des actions de formation et de bilans de compétences retenues par l'employeur à destination des salariés de son entreprise. Il est articulé autour de trois types d'actions de formation, définies par les partenaires sociaux dans l'accord national interprofessionnel du 20 décembre 2003, reprises dans l'article 10 de la loi du 4 mai 2004 précitée et codifiées à l'article L. 932-1 du code du travail :

- les actions d'adaptation au poste de travail : elles constituent un temps de travail effectif et donnent lieu, à ce titre, pendant leur réalisation, au maintien de la rémunération ;

- les actions de formation liées à l'évolution des emplois participant au maintien dans l'emploi : elles sont également mises en oeuvre pendant le temps de travail et s'accompagnent d'un maintien de la rémunération ;

- les actions de formation ayant pour objet le développement des compétences des salariés, qui sont effectuées en dehors du temps de travail sous deux conditions : l'accord écrit du salarié et de l'employeur et leur limitation à 80 heures par an et par salarié (ou, pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou de forfait en heures sur l'année prévue à l'article L. 212-15-3, dans la limite de 5 % de leur forfait).

Pour ces trois catégories d'actions de formation, les heures de formation en dehors du temps de travail donnent lieu au versement d'une allocation de formation dont le montant est égal à 50 % de la rémunération nette de référence du salarié concerné.

Toutefois, cette disposition n'est pas adaptée aux salariés qui ont des enfants et dont la garde peut s'avérer difficilement conciliable avec des heures de formation en dehors du temps de travail.

Dans leur lettre paritaire du 7 juillet 2004, les partenaires sociaux ont demandé au ministre de la parité et de l'égalité professionnelle de prendre les mesures législatives permettant notamment « à un accord de branche de majorer de 10 % le montant de l'allocation de formation lorsqu'un salarié est conduit à engager des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre une action de formation en dehors de son temps de travail. Les règles sociales et fiscales applicables à l'allocation de formation doivent être applicables à cette majoration ».

En réponse à cette demande, le présent article propose de reprendre les termes de la lettre précitée, mais en prévoyant une majoration plus favorable,  « d'au moins 10 % », donnant ainsi la possibilité aux branches de porter cette majoration à un niveau supérieur.

Conformément à la précision apportée par l'actuel article L. 932-1 à propos de l'allocation de formation elle-même, cette majoration ne revêt pas le caractère de rémunération, au sens de l'article L. 140-2, de l'article L. 741-10 du code rural et de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. En effet, cette allocation (ou sa majoration) ne saurait être considérée comme la contrepartie financière d'un emploi, exercé en vertu d'une qualification professionnelle.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

III - La position de votre commission

Votre commission se réjouit que le Gouvernement ait proposé de concrétiser, dans ce projet de loi, une mesure très attendue en l'améliorant substantiellement puisque la majoration de l'allocation de formation sera au moins égale à 10 %, lorsque des frais de garde d'enfant sont engagés par le salarié formé en dehors de son temps de travail.

Sachant que la hausse proposée est susceptible de ne pas couvrir les frais de garde ou, à l'inverse, d'être plus importante, le Gouvernement aurait pu proposer un système de remboursement des frais sur présentation de justificatifs. Toutefois, cette option a été abandonnée au moment de la mise en place de l'aide au retour à l'emploi des femmes en raison des lourdeurs de gestion et des retards de paiement induits par ce type de procédé.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification .

Article 9
(art. 244 quater F du code général des impôts)
Extension du champ d'application du crédit d'impôt famille en faveur des salariés en formation de retour d'un congé parental d'éducation

Objet : Cet article vise à accorder un crédit d'impôt famille aux entreprises qui forment de nouveaux salariés qui ont démissionné de leur précédente entreprise pendant leur congé parental d'éducation.

I - Le dispositif proposé

La formation professionnelle des salariés de retour d'un congé parental a déjà fait l'objet d'une attention particulière de la part des partenaires sociaux.

L'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 a ainsi inspiré deux mesures mises en place dans la loi de programmation pour la cohésion sociale : l'entretien à l'issue d'un congé de maternité avec l'employeur et la prise en compte, pour la détermination des avantages liés à l'ancienneté, de la période d'absence des salariés dont le contrat de travail est suspendu pendant un congé parental d'éducation à temps plein.

Le Gouvernement propose de renforcer les dispositifs d'incitation à la formation professionnelle en faveur des salariés en congé, grâce à l'extension du champ d'application du crédit d'impôt famille.

Actuellement, l'article 244 quater F accorde aux entreprises imposées d'après leur bénéfice réel un crédit d'impôt famille, plafonné à 500.000 euros et égal à 25 % de la somme :

- des dépenses ayant pour objet de financer la création et le fonctionnement d'établissements assurant l'accueil des enfants de moins de trois ans de leurs salariés ;

- des dépenses de formation engagées en faveur des salariés de l'entreprise bénéficiant d'un congé parental d'éducation ;

- des rémunérations versées par l'entreprise à ses salariés bénéficiant d'un congé de maternité, de paternité, d'adoption, parental d'éducation et congé pour accident et maladie d'enfant de moins de seize ans ;

- des dépenses visant à indemniser les salariés de l'entreprise qui ont dû engager des frais exceptionnels de garde d'enfants à la suite d'une obligation professionnelle imprévisible survenant en dehors des horaires habituels de travail, dans la limite des frais réellement engagés.

Le paragraphe I du présent article ajoute une nouvelle catégorie à cette liste de dépenses pour lesquelles un crédit d'impôt peut être accordé : celle des dépenses de formation engagées par l'entreprise en faveur des nouveaux salariés recrutés à la suite d'une démission pendant un congé parental d'éducation.

Une enquête menée par la DARES en 2003 auprès d'un échantillon de mille femmes ayant au moins un enfant de moins de trois ans et ayant interrompu leur activité, révèle, en effet, que les femmes qui ont arrêté de travailler à la naissance d'un enfant ont des niveaux de qualification plus faible et des emplois plus précaires que les femmes qui continuent leur activité. Près de la moitié des femmes interrogées travaillaient régulièrement avec des horaires décalés avant de quitter leur emploi. Les raisons liées aux conditions de travail ont ainsi joué un rôle très important dans l'arrêt d'activité : 51 % d'entre elles indiquent qu'il était trop compliqué pour elles de continuer à travailler ; 39 % affirment que les horaires de travail étaient incompatibles avec la maternité ; 30% évoquent l'impossibilité d'aménager les horaires de travail ; 21 % estiment que les conditions de travail étaient trop dures et 17 % que le lieu de travail était trop éloigné.

L'arrêt d'activité des mères de jeunes enfants résulte, pour beaucoup d'entre elles, à la fois du choix d'un mode de vie et mais aussi des contraintes résultant d'une incompatibilité entre les conditions de travail, les modes de garde et l'organisation familiale. On peut considérer qu'un effort consenti en matière de formation au terme du congé en direction d'une salariée en reprise d'activité dans une autre entreprise constituera, non pas une condition suffisante à sa réinsertion professionnelle, mais un avantage réel.

Une condition est toutefois posée : la formation du nouveau salarié doit débuter dans les trois mois qui suivent le terme du congé parental d'éducation.

Le paragraphe II précise que cette mesure s'applique aux formations qui commencent à compter de la publication de la présente loi.

L'Assemblée nationale n'a apporté aucune modification au présent article.

II - La position de votre commission

Votre commission, déjà impliquée dans l'élaboration de la loi de programmation pour la cohésion sociale, se félicite de la cohérence affichée par le Gouvernement qui propose de renforcer les mesures en faveur de la formation professionnelle et de l'employabilité des salariés de retour d'un congé parental.

Toutefois, elle souhaite aller plus loin en présentant un amendement visant :

- d'une part, à rendre éligible au crédit d'impôt famille les dépenses de formation engagées par les entreprises en faveur des salariés recrutés à la suite d'un licenciement pendant le congé parental d'éducation. En effet, un licenciement économique qui n'a rien à voir avec le congé du salarié peut intervenir de manière collective. Dans ce cas, si les autres salariés bénéficient de mesures de reclassement, les salariés qui étaient en congé parental (pendant trois ans) et donc déconnectées de la vie de l'entreprise ont un besoin de formation encore plus important que les autres, justifiant ainsi que le crédit d'impôt famille s'applique aux entreprises qui les recrutent ;

- d'autre part, à ouvrir cette disposition aux formations ayant lieu dans les trois mois suivant l'embauche dans la nouvelle entreprise afin de préserver les chances d'une meilleure réinsertion professionnelle des salariés, qui auront, entre deux emplois, connu une période chômage plus longue que ce délai.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 10
(art. L. 123-1 du code du travail et L. 225-1 du code pénal)
Aménagement de la charge de la preuve au bénéfice des salariées discriminées en raison de leur état de grossesse

Objet : Cet article vise à aménager la charge de la preuve en matière de discrimination à l'égard des femmes enceintes.

I - Le dispositif proposé

Pendant longtemps, le droit du travail a considéré le régime de la preuve comme libre : toute preuve est légale et recevable dès lors qu'elle n'a pas été obtenue par des moyens illicites. Il n'y a guère que le nouveau code de procédure civile qui, à son article 9, oblige chaque partie à prouver ses allégations.

Toutefois l'article 4 de la directive européenne 97/80/CE du 15 décembre 1997 relative à l'aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination fondée sur le sexe a posé le principe selon lequel, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation de l'égalité de traitement.

Par ailleurs, l'article 8-1 de la convention de l'organisation internationale du travail (OIT) n° 183 relative à la protection de la maternité, non ratifiée par la France, dispose que la salariée enceinte discriminée en raison de son état de grossesse doit bénéficier d'un aménagement de la charge de la preuve.

La Cour de cassation a fait application de ces principes par un arrêt du 23 novembre 1999 en renversant la charge de la preuve au profit de la salariée, tout en exigeant de l'employeur qu'il fournisse au juge des éléments objectifs pour combattre cette forme de présomption de preuve.

Puis, le Parlement a procédé à la transposition législative de cette nouvelle règle par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 aux articles L. 123-1 et L. 122-45 du code du travail :

? d'une part, l'article L. 123-1 dispose qu'en cas de litige relatif aux discriminations au travail fondées sur le sexe « le salarié concerné ou le candidat à un recrutement présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe ou la situation de famille. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Ainsi, non seulement, l'employeur est tenu d'apporter la preuve qu'il n'y a pas eu de discrimination, mais le champ d'instruction du juge n'est plus limité à ces éléments et peut s'étendre dans les domaines qu'il juge utiles ;

? d'autre part, l'article L. 122-45 ouvre le bénéfice de l'aménagement de la charge de la preuve à l'ensemble des salariés, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, en matière de discrimination à l'emploi.

Enfin, l'article 2 de la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 dispose que « tout traitement moins favorable d'une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive 92/85/CE constitue une discrimination au sens de la présente directive ». De fait, si l'on reporte cette disposition à la directive citée plus haut, l'aménagement de la charge de la preuve, applicable aux discriminations fondées sur le sexe, s'applique également en matière de discrimination à raison de l'état de grossesse.

C'est pour transposer l'ensemble de ces directives européennes et les règles de l'OIT que le Gouvernement propose, au présent article, de réaménager la charge de la preuve en cas de discrimination.

Si la transposition de la règle de non-discrimination en raison de l'état de grossesse a été effectuée dans l'article L. 122-45 du code du travail, par l'article 2 du projet de loi, le présent article vise à intégrer, cette fois, dans l'article L. 123-1, le nouveau régime de la preuve applicable en cas de discrimination.

Ainsi, « sauf si l'appartenance à l'un ou l'autre sexe est la condition déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle », les et interdisent à quiconque de refuser d'embaucher, de prononcer une mutation, de résilier ou de refuser de renouveler le contrat de travail d'un salarié en raison de son état de grossesse ou sur la base de critères de choix différents selon l'état de grossesse.

Le proscrit de prendre en considération de l'état de grossesse toute mesure, notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation.

Le intègre l'état de grossesse parmi les motifs de discrimination invocables par la candidate à un recrutement qui dispose d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que la discrimination en raison de l'état de grossesse est passible des sanctions pénales prévues à l'article 225-1 du code pénal et qui prévalent, de façon générale, en matière de discrimination.

III - La position de votre commission

Votre commission approuve le souhait du Gouvernement de mettre en conformité notre législation avec les conventions internationales et les règles communautaires en matière de discrimination pour cause de grossesse.

Elle réaffirme néanmoins son souci de ne pas accroître les risques de recours au juge dans les rapports de travail. Elle propose, par conséquent, un amendement visant à préciser que la grossesse doit avoir été préalablement connue de l'employeur pour pouvoir être évoquée par la salariée qui conteste une mesure prise sur l'évolution de sa carrière.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 11
(art. L. 122-30 du code du travail)
Action en dommages et intérêts en cas d'inobservation des règles de protection de la maternité et de l'éducation des enfants

Objet : Cet article vise à permettre aux salariés de bénéficier de dommages et intérêts lorsque l'employeur n'a pas respecté les règles applicables en matière de congé pour maladie ou accident de l'enfant, de présence parentale ou d'adoption internationale.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 122-30 du code du travail prévoit que « l'inobservation par l'employeur des dispositions des articles L. 122-25 à L. 122-28-7 peut donner lieu à l'attribution de dommages intérêts au profit du bénéficiaire, en sus de l'indemnité de licenciement. En outre, lorsque, en application des dispositions précitées, le licenciement est nul, l'employeur est tenu de verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité ».

Cette disposition permet ainsi à tout salarié de demander le versement de dommages et intérêts en cas d'inobservation par l'employeur des règles relatives au congé de maternité et au congé parental d'éducation.

Toutefois, les congés prévus aux articles L. 122-28-8 (garde d'enfant malade), L. 128-28-9 (présence parentale) et L. 122-28-10 (congé d'adoption internationale), créés après l'instauration de cette règle générale, n'ont pas encore été pris en compte.

Le présent article propose donc d'actualiser le régime de l'action en dommages et intérêts pour que puissent bénéficier de cette possibilité les salariés ayant droit à un congé pour maladie ou accident de l'enfant, de présence parentale ou d'adoption internationale.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission, satisfaite par une mesure qui permet aux salariés de demander le versement de dommages et intérêts aux employeurs qui méconnaissent les règles applicables en matière de congés parentaux, vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 12
(art. L. 223-11-1 nouveau du code du travail)
Droit à l'indemnité de congés payés pour les salariés
de retour d'un congé de maternité ou d'adoption

Objet : Cet article vise à garantir aux salariés de retour de leur congé de maternité ou d'adoption leur droit à l'indemnité de congés payés.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 223-1 du code du travail pose le principe de droit commun selon lequel « tout ouvrier, employé ou apprenti des établissements industriels, commerciaux, artisanaux, agricoles, même s'ils ont la forme coopérative, et tout salarié des professions libérales, des offices ministériels, des syndicats professionnels, des sociétés civiles, associations et groupements de quelque nature que ce soit, a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur dans les conditions fixées par les articles suivants ».

Les conditions d'exercice de ce droit sont les suivantes :

- il faut avoir travaillé chez le même employeur pendant au moins un mois ;

- la durée du congé est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail sans que la durée totale du congé exigible puisse excéder trente jours ouvrables. L'absence du travailleur ne peut avoir pour effet d'entraîner une réduction de ses droits à congé plus que proportionnelle à la durée de cette absence. La durée du congé annuel peut être majorée en raison de l'âge ou de l'ancienneté selon des modalités qui sont déterminées par convention ou accord collectif d'entreprise ;

- l'indemnité de congé est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence , c'est-à-dire la période fixée par les conventions et accords collectifs mais qui doit, dans tous les cas, comprendre la période allant du 1 er mai au 31 octobre de chaque année. Toutefois, l'indemnité ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler, cette rémunération étant calculée à raison tout à la fois du salaire perçu pendant la période précédant le congé et de la durée du travail effectif de l'établissement.

Pour les femmes, la question se pose de savoir comment les congés payés s'articulent avec les congés de maternité. Par un arrêt du 2 juin 2004, la Cour de cassation a apporté une réponse à cette question.

Saisie par une salariée qui avait demandé, sans succès, à prendre ses congés payés après son retour de congé de maternité, la Cour a décidé que la salariée avait droit à ces congés, sachant que « les congés annuels doivent être pris au cours d'une période distincte du congé de maternité ». De fait, l'employeur a été condamné au versement de dommages et intérêts, en sus des indemnités de congés payés.

En l'espèce, le congé avait été demandé pendant la période de prise de congés annuels fixée pour l'ensemble des salariés. Or, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) est allée au-delà, en l'autorisant même lorsque cette période est expirée.

Dans un arrêt Mérino/Gomez du 18 mars 2004, la CJCE a décidé que les congés annuels doivent être pris au cours d'une période distincte du congé de maternité. Même en cas de coïncidence entre la période du congé de maternité et la période fixée dans l'entreprise pour la prise de congés annuels, la salariée pourra y prétendre, sans que l'employeur puisse lui opposer l'expiration de la période fixée pour l'ensemble des salariés.

Le présent article, qui est supposé prendre en considération cette jurisprudence comme l'annonce l'exposé des motifs du projet de loi, dispose que l'indemnité de congés payés est due aux salariés de retour d'un congé de maternité ou d'adoption lorsqu'ils n'ont pas eu la possibilité de reporter leurs congés payés en dehors de la période de référence, dans la mesure où une disposition conventionnelle ne le prévoit pas.

Le Gouvernement continue donc d'envisager la possibilité que les congés ne puissent être reportés, contrairement à la position soutenue par la jurisprudence.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Ayant observé que le présent article était en retrait par rapport à la récente jurisprudence, l'Assemblée nationale a souhaité permettre aux salariées, dont la période de congé de maternité coïncide avec la période des congés payés, de ne pas perdre leurs droits à congés payés et d'en bénéficier même après expiration de la période de référence.

III - La position de votre commission

Votre commission est favorable à la prise en compte de la jurisprudence communautaire et vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 12 bis nouveau
(art. L. 620-10 du code du travail)
Exclusion de l'effectif de l'entreprise des salariés
remplaçant les salariés en congé parental

Objet : Afin de limiter les effets de seuil, cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à exclure de l'effectif de l'entreprise les salariés remplaçant des personnes en congé de maternité, d'adoption ou parental d'éducation.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article L. 620-10 du code du travail considère comme faisant partie de l'effectif de l'entreprise :

- de manière intégrale : les salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée à temps plein et les travailleurs à domicile ;

- au prorata de leur temps de présence au cours des douze mois précédents : les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, les salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent, les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires ;

- en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail : les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail.

Toutefois, les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, d'un contrat de travail temporaire ou mis à disposition par une entreprise extérieure sont exclus du décompte des effectifs lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu.

Le présent article vise à ajouter à la liste des salariés non pris en compte dans l'effectif de l'entreprise, les salariés remplaçant des personnes en congé de maternité, d'adoption ou parental d'éducation.

II - La position de votre commission

Votre commission soutient cette proposition. Sachant que le droit du travail comporte de nombreux dispositifs dépendants de seuils, les entreprises peuvent être dissuadées de recruter en raison des contraintes qui peuvent découler de leur franchissement.

De fait, toute disposition susceptible de limiter les effets de seuil lui semble être une bonne mesure.

Elle propose, par conséquent, d'adopter cet article sans modification.

Article 12 ter nouveau
(art. L. 933-1 du code du travail)
Droit individuel à la formation

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à prendre en compte, pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation (DIF), la période d'absence du salarié pour un congé de maternité ou d'adoption.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a reconnu un droit individuel à la formation (DIF) aux salariés employés sous contrat à durée indéterminée à temps complet ou à temps partiel et ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise.

Le DIF leur permet de bénéficier d'au moins vingt heures de formation sur l'année , ou d'une durée calculée prorata temporis pour les salariés à temps partiel.

Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut autoriser le salarié qui n'utilise pas ses droits à formation à les cumuler pendant six années maximum, sans dépasser le plafond de 120 heures , et définir les actions de formation prioritaires mises en oeuvre dans le cadre du DIF.

Le DIF étant un droit, son initiative est confiée au salarié, mais sa mise en oeuvre requiert l'accord de l'employeur , selon un mécanisme de codécision formelle qui prend la forme d'un accord écrit conclu entre le salarié et l'employeur.

Or, actuellement, des projets de signature relatifs au DIF laissent apparaître un gel des congés de maternité ou d'adoption pour le décompte des heures de droit individuel à la formation.

Cette situation n'avait été souhaitée ni par le législateur ni par les partenaires sociaux. Dans l'accord du 1 er mars 2004, ces derniers on prévu qu' « un accord de branche pourra prévoir les conditions dans lesquelles la période d'absence pourra être en tout ou partie neutralisée pour le calcul des droits des salariés dont le contrat de travail est suspendu pour prise d'un congé parental d'éducation à plein temps ».

Par conséquent, l'Assemblée nationale a souhaité préciser, à l'article L. 933-1 du code du travail, que la période d'absence du salarié pour un congé de maternité ou d'adoption est prise en compte pour le calcul des droits à la formation .

II - La position de votre commission

Votre commission salue cette initiative qui signifie clairement que la période d'absence pour congé parental doit être prise en compte pour le calcul des droits à la formation.

Elle observe toutefois que la mesure adoptée se limite au congé de maternité et au congé d'adoption alors que ce sont les congés de longue durée, comme le congé de présence parentale et le congé parental d'éducation, qui font obstacle à l'employabilité des femmes.

Il est vrai que le premier alinéa de l'article L. 122-28-6 du code du travail, issu de la loi de cohésion sociale, vise, de son côté, le congé de présence parentale et le congé parental d'éducation. Il dispose ainsi que « la durée du congé parental d'éducation prévue au premier alinéa de l'article L. 122-28-1 et la durée du congé de présence parentale prévue au premier alinéa de l'article L. 122-28-9 sont prises en compte pour moitié dans la détermination des avantages liés à l'ancienneté. Le salarié conserve, en outre, le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début de ce congé ».

Cependant, lesdits « avantages » ne sont pas définis et l'on ignore si le DIF est concerné.

De plus, le second alinéa de l'article précité ajoute à la confusion, en disposant que « les accords de branche peuvent prévoir les conditions dans lesquelles la période d'absence des salariés dont le contrat de travail est suspendu pendant un congé parental d'éducation à plein temps est intégralement prise en compte ». Dans cette rédaction, on observera que le congé de présence parentale n'est pas mentionné.

Pour permettre davantage de clarté, votre commission propose, par un amendement , de fusionner la disposition de la loi de cohésion sociale et celle du présent article et de viser explicitement le DIF et l'ensemble des congés parentaux.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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TITRE III
-
ACCÈS DES FEMMES À DES INSTANCES DÉLIBÉRATIVES ET JURIDICTIONNELLES

Article 13
(article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983
relative à la démocratisation du secteur public)
Représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques

Objet : Cet article vise à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques.

I - Le dispositif proposé

La recherche d'une mixité professionnelle plus grande dans les conseils d'administration des entreprises est l'un des principaux objectifs visés par le ministère de la cohésion sociale et de la parité.

La première piste explorée est la labellisation des entreprises exemplaires en matière de mixité. Cette démarche, qui repose sur le volontariat, permet de leur attribuer un label « Egalité » après évaluation par l'AFAQ-AFNOR, organisme certificateur indépendant. Les entreprises publiques peuvent y prétendre, au même titre que les entreprises privées, les associations, les collectivités et les administrations d'État.

Afin de favoriser parallèlement une évolution réelle de la mixité dans les organes dirigeants des entreprises publiques, le présent article prévoit d'obtenir, en cinq ans, la suppression de l'écart de représentation entre les sexes pour la nomination des personnalités qualifiées, proposées par les départements ministériels de tutelle.

A cet effet, il est proposé de modifier l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, qui décrit la composition des conseils d'administration et de surveillance dans les établissements suivants :

- établissements publics industriels et commerciaux de l'État ;

- autres établissements publics de l'État qui assurent tout à la fois une mission de service public à caractère administratif et à caractère industriel et commercial, lorsque la majorité de leur personnel est soumise aux règles du droit privé ;

- entreprises nationales, sociétés nationales, sociétés d'économie mixte ou sociétés anonymes dans lesquelles plus de 90 % du capital sont détenus par des personnes morales de droit public ;

- sociétés centrales de groupes d'entreprises nationales d'assurance, sociétés à forme mutuelle nationalisées, la société anonyme Natexis, le Crédit lyonnais et la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur.

Dans ces établissements, le conseil d'administration ou de surveillance comprend :

- des représentants de l'État nommés par décret et, le cas échéant, des représentants des autres actionnaires nommés par l'assemblée générale ;

- des personnalités qualifiées, c'est-à-dire choisies soit en raison de leur compétence technique, scientifique ou technologique, soit en raison de leur connaissance des aspects régionaux, départementaux ou locaux des activités en cause, soit en raison de leur connaissance des activités publiques et privées concernées par l'activité de l'entreprise, soit en raison de leur qualité de représentants des consommateurs ou des usagers, nommées par décret pris, le cas échéant, après consultation d'organismes représentatifs desdites activités ;

- des représentants des salariés élus.

Le présent article prévoit que les personnalités qualifiées membres des conseils d'administration et de surveillance des établissements publics cités seront désormais désignées en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes. A compter de la publication de la présente loi, un délai de cinq ans sera accordé pour que l'écart de représentation entre les sexes soit supprimé.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a choisi d'étendre cet objectif de suppression de l'écart de représentation aux deux autres catégories de membres des conseils d'administration et de surveillance :

- pour les personnalités qualifiées et les représentants de l'État nommés par décret et, le cas échéant, aux représentants des autres actionnaires nommés par l'assemblée générale, la proportion de représentants de chacun des deux sexes ne pourra être supérieure à 80 %, l'écart de représentation entre les sexes devant être supprimé dans un délai de cinq ans ;

- pour les représentants élus des salariés, ils devront être élus sur des listes qui respectent, à l'unité près, la proportion de femmes et d'hommes parmi les salariés électeurs, et ce, dans un délai de cinq ans également.

Cette disposition reprend une proposition de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale 12 ( * ) , inspirée de la législation de la Norvège, qui « a imposé, en 2004, un niveau de représentation minimal des deux sexes fixé à 40 % dans les conseils d'entreprise des sociétés appartenant à l'État ».

III - La position de votre commission

Lors de son audition devant votre commission, la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat a recommandé de « faire du secteur public un laboratoire de l'égalité salariale et de la représentation des femmes dans les équipes de direction » 13 ( * ) . Votre commission, qui soutient cette proposition, se félicite de l'avancée ici permise par le projet de loi.

C'est la raison pour laquelle elle propose d'adopter cet article sans modification.

Article 13 bis nouveau
(art. L. 225-14 du code de commerce)
Représentation équilibrée des femmes et des hommes
dans les conseils d'administration des sociétés anonymes

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le rapport précité de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale relève qu'« aux plus hauts niveaux de responsabilité que sont les instances décisionnelles des entreprises, les femmes sont très peu présentes. Moins de deux dirigeants de sociétés sur dix sont des dirigeantes et sur les 300.000 dirigeants d'entreprise, 17 % d'entre eux seulement sont des femmes. Elles représentent à peine 5 % des membres des conseils d'administration des sociétés du CAC 40 ; en 2005, 27 femmes occupent 34 mandats sur 578 sièges d'administrateurs ».

Son rapporteur, Marie-Jo Zimmermann, a donc proposé et obtenu, contre l'avis de la commission et du Gouvernement, que, parallèlement au dispositif institué à l'article 13 pour les entreprises publiques, la parité dans les conseils d'administration des sociétés anonymes soit mieux assurée.

Modifiant l'article L. 225-17 du code de commerce relatif aux sociétés anonymes, le présent article dispose que le conseil d'administration, qui comporte trois à dix-huit membres, sera composé de façon à rechercher une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. Il comprendra un nombre de représentants de chacun des deux sexes ne pouvant être inférieur à 80 % , et au moins un représentant de chaque sexe lorsque le nombre total des membres est inférieur à cinq.

II - La position de votre commission

Si l'État est libre de décider de la composition des instances dirigeantes de ses entreprises publiques, votre commission n'est pas favorable à la mise en place de quotas obligatoires dans les conseils d'administration des entreprises privées.

Une telle obligation constituerait une ingérence dans le fonctionnement de leurs organes de direction et pourrait s'avérer complexe à mettre en oeuvre dans de nombreuses sociétés anonymes, notamment lorsque les représentants des actionnaires majoritaires revendiquent tous les mandats d'administrateurs.

Les personnels des organes dirigeants ne sont pas, pour la plupart d'entre eux, des salariés mais des mandataires sociaux, extérieurs à l'entreprise et non rémunérés. Pour ces publics, la question de la discrimination ne se pose pas, seule leur compétence à définir la stratégie de l'entreprise est en cause.

C'est la raison pour laquelle votre commission défend une formulation plus souple tendant à donner à ces entreprises des objectifs de parité, comme à l'article 3 bis applicable aux petites entreprises. Pour donner une effectivité à cette règle, elle propose également que le règlement intérieur détermine les mesures concrètes permettant d'atteindre l'objectif de parité.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 13 ter
(art. L. 433-2 du code du travail)
Parité dans les collèges électoraux
pour l'élection des délégués des comités d'entreprise

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à augmenter la part des femmes dans les listes de candidats que présentent les organisations syndicales pour l'élection des délégués des comités d'entreprise.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

La mise en place d'un comité d'entreprise est obligatoire dans les entreprises de cinquante salariés et plus employant du personnel dans des conditions de droit privé (la fonction publique et les établissements publics ne sont donc pas soumis à cette obligation).

Dans les entreprises de moins de deux cents salariés, les délégations uniques du personnel, instances qui ont à la fois les attributions du comité d'entreprise et celles de la délégation du personnel, peuvent remplacer les comités d'entreprise constitués de plein droit.

D'après les dernières données disponibles datant de 1999, 88 % des établissements de plus de cinquante salariés sont dotés d'un comité d'entreprise et d'une délégation unique du personnel.

Les élections s'effectuent à un rythme bisannuel par un scrutin de listes à un ou deux tours, avec une répartition des sièges à la proportionnelle :

- au premier tour, seules les organisations syndicales représentatives sur le plan national et les autres syndicats reconnus représentatifs dans l'entreprise peuvent présenter des listes de candidats ;

- si le nombre de votants n'atteint pas la majorité des inscrits ou s'il y a carence de candidatures, un second tour permet aux électeurs de voter pour d'autres listes (notamment non syndicales). Un second tour peut également être organisé lorsque tous les sièges à pourvoir n'ont pas été attribués, faute de candidats au premier tour.

Aux termes de l'article L. 433-1 du code du travail, sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans accomplis, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise. Leur répartition dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise ou son représentant et les organisations syndicales représentatives intéressées.

La loi « Génisson » du 9 mai 2001 avait introduit deux mesures en faveur de la parité au sein des comités d'entreprise prévoyant :

- à l'occasion de l'élaboration du protocole d'accord préélectoral, l'examen par les organisations syndicales des voies et moyens d'atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures (article L. 433-2 du code du travail) ;

- l'obligation pour les comités d'entreprise des entreprises d'au moins deux cents salariés de constituer une commission de l'égalité professionnelle en leur sein (article L. 434-7 du code du travail).

Mais, comme l'a relevé le rapport du Gouvernement remis au Parlement sur le bilan de la représentation des femmes au sein des comités d'entreprise, en application de l'article 16 de la loi « Génisson », la présence des femmes dans les comités d'entreprise ne s'élèverait qu'à 32 % en 2001 . Ce taux est néanmoins supérieur à celui des femmes déléguées du personnel (28 %) et déléguées syndicales (21 %). La proportion des femmes dans les instances représentatives du personnel est, en fait, d'autant plus importante que la dimension politique du mandat est peu marquée. De plus, cette présence diffère d'un secteur à l'autre : les proportions des femmes élues reflètent principalement le degré de féminisation des secteurs.

Les élu(e)s aux comités d'entreprise par secteur d'activité

Secteur d'activité

Nombre d'inscrits

Nombre d'élus

Proportion de femmes inscrites

Proportion de femmes élues

Ecart relatif à la parité (en %)

Industries agricoles et alimentaires

199 500

5 006

35,4

30,1

- 21

Industries des biens de consommation

259 946

6 221

47,6

40,3

- 26

Industrie automobile

146 896

1 445

16,0

16,2

+ 1

Industries des biens d'équipement

325 646

6 817

22,2

16,4

- 31

Industries des biens intermédiaires

675 355

16 230

26,1

21,2

- 24

Energie

48 799

676

31,2

16,3

- 57

Construction

160 322

5 418

11,0

8,1

- 29

Commerce et réparations

526 102

13 487

50,1

41,0

- 31

Transports

274 608

6 171

23,7

19,4

- 23

Activités financières

261 154

3 771

55,4

40,7

- 45

Activités immobilières

34 623

966

56,1

43,5

- 40

Services aux entreprises

513 673

9 700

48,1

34,9

- 42

Services aux particuliers

91 750

1 997

50,8

37,4

- 42

Education, santé, action sociale

347 200

9 548

75,6

63,4

- 44

Total

3 865 574

87 453

40,1

32,3

- 29

Note de lecture : rapportée aux 35,4 % de femmes inscrites dans le secteur des industries agricoles et alimentaires, la proportion de femmes élues (30,1 %) correspond à un écart relatif à la parité de - 21 %

Champ : établissements du secteur marchand non agricole ayant organisé des élections sur le cycle électoral 2000 - 2001

Source : fichiers d'élections aux comités d'entreprise et DADS - DARES -
Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

Ainsi, si l'on observe l'écart relatif de parité, les femmes ont en moyenne 29 % moins de chances d'être élues que les hommes .

Le présent article vise à ajouter, dans l'article L. 433-2 du code du travail, que les listes de candidatures au comité d'entreprise doivent respecter, à l'unité près, la proportion d'hommes et de femmes de chaque collège électoral , dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi.

II - La position de votre commission

Votre commission se félicite de l'initiative prise à l'Assemblée nationale pour renforcer la présence de femmes dans les comités d'entreprise.

Elle propose donc d'adopter cet article sans modification.

Article 13 quater
(art. L. 423-3 du code du travail)
Parité dans les collègues électoraux
pour l'élection des délégués du personnel

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à augmenter la part des femmes sur les listes de candidats que présentent les organisations syndicales pour l'élection des délégués du personnel.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 15 de la loi « Génisson » avait introduit à l'article L. 433-2 du code du travail une disposition demandant, « à l'occasion du protocole d'accord préélectoral, aux organisations syndicales intéressées d'examiner les voies et moyens en vue d'atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures ».

En effet, l'article L. 433-2 du code du travail dispose que les représentants du personnel sont élus, d'une part, par les ouvriers et employés, d'autre part, par les ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés sur des listes établies par les organisations syndicales représentatives pour chaque catégorie de personnel.

Pour renforcer la représentation des femmes dans ces collèges qui élisent les membres des comités d'entreprise, l'Assemblée nationale a souhaité ajouter, dans l'article L. 433-2 du code du travail, que les listes de candidatures doivent respecter, à l'unité près, la proportion d'hommes et de femmes de chaque collège électoral , dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi.

II - La position de votre commission

De la même manière qu'elle approuve le renforcement de la présence de femmes dans le comité d'entreprise, votre commission est favorable à ce qu'elles soient mieux représentées parmi les délégués du personnel.

Dans ces conditions, elle propose d'adopter cet article sans modification.

Article 14
Parité dans les listes de candidats aux élections prud'homales

Objet : Cet article vise à favoriser la parité dans les conseils de prud'hommes, pour le prochain renouvellement de ces conseils prévu pour 2008.

I - Le dispositif proposé

Afin de favoriser la représentation des femmes, lors des élections prud'homales (qui sont également des scrutins de liste), la loi « Génisson » avait fixé comme objectif, pour les élections de 2002, de réduire d'un tiers l'écart entre le pourcentage des femmes candidates présentées et la part des femmes dans l'électorat.

Contrairement à l'introduction de la règle de la parité en politique, cet objectif a été introduit par voie législative, sans nécessiter de révision constitutionnelle. Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, où siègent l'ensemble des partenaires sociaux , avait proposé d'atteindre la parité au sein des conseils de prud'hommes en deux étapes : pour 2002, réduction d'un tiers du déficit actuel ; pour 2007, nombre de femmes conforme à la réalité du corps électoral.

Les résultats de cette nouvelle règle n'ont pas tardé à se faire sentir. Lors des élections prud'homales de 2002, une nette progression de femmes a été enregistrée, tant au niveau des candidatures qu'au niveau des élues.

Le bilan dressé par le service des droits des femmes et de l'égalité du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle révèle, depuis les élections de décembre 2002, que près d'un quart des juges des prud'hommes, salariés et employeurs, sont des femmes, alors que lors des élections précédentes, moins d'un conseiller sur cinq était une femme : la féminisation a ainsi progressé de plus de 31 % depuis le scrutin précédent.

Répartition des mandats de conseillers prud'homaux
entre les hommes et les femmes en 1997 et en 2002,

(en %)

Industrie

Commerce

Activités diverses

Encadrement

Agriculture

Total Sièges

Total sièges 1997

3.829

3.850

2.565

2.851

1.95

14 . 490

Elues

498

786

761

391

239

2.675

% de femmes

13

20,4

29,7

13,7

17,1

18,5

Total sièges 2002

3.526

3.970

2.858

2.986

1.249

14 . 589

Elues

644

1.028

967

610

296

3.545

% de femmes

18,3

25,9

33,8

20,4

23,7

24,3

Progression 1997/2002

+ 40,8 %

+ 27 %

+ 13,8 %

+ 48,9 %

+ 38,6 %

+ 31 ,4 %

Source : Annexe explicative « jaune » du projet de loi de finances pour 2005,
relative aux états des crédits qui concourent aux actions en faveur des droits des femmes.

Le Gouvernement propose d'amplifier cet effort pour les prochaines élections prud'homales prévues pour le 28 novembre 2008. En conséquence, le présent article reconduit, dans son esprit comme dans sa lettre, le dispositif antérieur, à deux nuances près :

- d'une part, alors que la loi « Génisson » prévoyait une réduction d'un tiers de l'écart de représentation entre les sexes au sein des listes et dans le corps électoral, l'objectif annoncé dans le présent article n'est plus quantifié ;

- d'autre part, l'objectif final annoncé dans la rédaction de l'article 12 de la loi précitée consistait à « favoriser la progression du pourcentage de femmes élues » . Dans le présent texte, il s'agit de « favoriser la progression du pourcentage d'élus du sexe le moins représenté » .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Ces nuances apparaissant comme un retrait par rapport à la loi « Génisson », l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à préciser que l'écart de représentation entre les sexes devra être réduit d'un tiers pour les prochaines élections prud'homales.

III - La position de votre commission

Tout comme elle l'a exprimé dans les deux articles précédents, votre commission considère que le présent article vient parachever les mesures en faveur de la parité dans les instances représentatives du personnel des entreprises privées.

Par conséquent, elle propose d'adopter cet article sans modification.

Article 14 bis nouveau
(article 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984)
Parité dans les commissions administratives
paritaires de la fonction publique

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à améliorer la représentation des femmes élues aux commissions administratives paritaires de la fonction publique.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 14 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État dispose que « dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires comprenant, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Les membres représentant le personnel sont élus au scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle» .

Sur proposition de Marie-Jo Zimmermann, contre l'avis de la commission et du Gouvernement, selon lesquels la loi « Génisson » a déjà permis des avancées notables, et en dépit du fait que le ministère de la fonction publique prépare des propositions sur cette question en concertation avec les partenaires sociaux, l'Assemblée nationale a adopté cet article qui intègre, dans l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 précitée, une disposition précisant que les listes respectent, à l'unité près, la proportion de femmes et d'hommes de chaque corps de fonctionnaires.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve l'introduction d'une obligation de parité dans les commissions administratives paritaires de la fonction publique. Il lui a semblé plus opportun d'intégrer cette parité dans un projet de loi traitant de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes afin que la fonction publique ne fasse pas l'objet d'un traitement différencié dans un texte qui lui serait spécifique et dont la date d'examen n'est pas encore connue.

Dans ces conditions, votre commission propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE IV
-
ACCÈS A LA FORMATION PROFESSIONNELLE
ET À L'APPRENTISSAGE

Article 15
(art. L. 214-12 et L. 214-13 du code de l'éducation)
Formation professionnelle et apprentissage

Objet : Cet article vise à demander aux régions de veiller à ce que les femmes aient autant accès à la formation professionnelle et à l'apprentissage que les hommes.

I - Le dispositif proposé

En matière d'emploi, la formation professionnelle est l'un des domaines où les femmes sont le mieux représentées mais cette situation peut encore être améliorée. Dans le cadre de la décentralisation, les régions vont devenir les véritables pilotes de la formation professionnelle et de l'apprentissage, ce qui requiert une nouvelle adaptation des compétences et des dispositifs.

Le Gouvernement souhaite, par conséquent, saisir cette occasion pour rappeler aux collectivités territoriales leur responsabilité en matière de promotion de l'égalité professionnelle.

En matière de formation professionnelle et d'apprentissage, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a confié aux régions quatre missions, qui figurent à l'article L. 214-12 du code de l'éducation :

- la définition et la mise en oeuvre de la politique régionale d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes chômeurs ;

- l'organisation, sur leur territoire, du réseau des centres et points d'information et de conseil sur la validation des acquis de l'expérience et l'assistance aux candidats à la validation des acquis de l'expérience ;

- l'organisation  des actions destinées à répondre aux besoins d'apprentissage et de formation ;

- l'accueil en formation de la population résidant sur leur territoire, ou dans une autre région si la formation désirée n'y est pas accessible.

Le paragraphe I du présent article propose que la troisième mission relative à l'organisation des actions destinées à répondre aux besoins d'apprentissage et de formation soit menée en favorisant un accès plus équilibré des femmes et des hommes.

Modifiant l'article L. 214-13 du code de l'éducation relatif au plan régional de développement des formations professionnelles (PRDFP), le 1° du paragraphe II dispose que ce plan, qui a pour objet de définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes et de favoriser un développement cohérent de l'ensemble des filières de formation, doit être élaboré dans le souci d'assurer un équilibre numérique des femmes et des hommes dans chacune de ces filières de formation.

Pour ce qui concerne le volet « jeunes » de ce plan, le 2° du même paragraphe indique qu'au delà d'un objectif, déjà prévu par la loi, de couverture de l'ensemble des filières de formation des jeunes préparant l'accès à l'emploi, le PRDFP devra également veiller à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les formations.

Enfin, le donne aux contrats d'objectifs, signés par l'État, les régions, les milieux socioprofessionnels et, le cas échéant, les ASSEDIC en matière de formation professionnelle initiale et continue, un objectif supplémentaire de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les métiers préparés par les différentes voies de formation professionnelle initiale et continue.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté dix amendements rédactionnels à cet article.

III - La position de votre commission

Votre commission salue le souhait du Gouvernement de sensibiliser les collectivités territoriales, en particulier les régions, à l'accès des femmes à la formation et à l'apprentissage. Cette disposition vient opportunément compléter les objectifs ambitieux qu'il s'est fixés pour l'application du volet « emploi » du plan de cohésion sociale.

Dans la mesure où la compétence des régions en matière de formation et d'apprentissage est de droit commun et que l'État s'est assigné des objectifs en matière d'emploi, il est important d'établir une articulation entre politique de l'emploi et de la formation et ce, sans négliger l'employabilité des femmes dont le taux de chômage est encore de deux points supérieur à celui des hommes.

Votre commission ne présentera, par conséquent, qu' un amendement de coordination, tendant à préciser que les régions doivent veiller à favoriser une représentation plus équilibrée des femmes dans l'accès à la formation et à l'apprentissage.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 16 nouveau
(art. L. 900-5 du code du travail)
Sensibilisation des formateurs aux objectifs d'égalité professionnelle

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à sensibiliser les formateurs à la question de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Dans son premier alinéa, l'article L. 900-5 du code du travail dispose que, pour l'application du livre IX relatif à la formation professionnelle continue dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie , « il ne peut être fait aucune distinction entre les femmes et les hommes, sauf dans le cas où l'appartenance à l'un ou l'autre sexe est la condition déterminante de l'exercice de l'emploi ou de l'activité professionnelle donnant lieu à formation » .

Toutefois, le second alinéa du même article renforce la portée pratique de cette règle, en autorisant  des « mesures qui, prises au seul bénéfice des femmes, visent à établir l'égalité des chances entre hommes et femmes en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes en matière de formation ».

Le présent article propose de renforcer encore les moyens d'atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes en ajoutant un alinéa supplémentaire à l'article L. 900-5 du code du travail : désormais, les personnels concourant à la formation professionnelle tout au long de la vie devraient être formés aux règles de l'égalité professionnelle et contribuer, dans l'exercice de leur activité, à favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes .

II - La position de votre commission

En associant les formateurs des stagiaires de la formation professionnelle à l'objectif d'égalité professionnelle, votre commission estime que l'Assemblée nationale a su prendre en compte la dimension concrète de l'égalité professionnelle.

En ce sens, elle se félicite d'une mesure qui permettra aux formateurs d'être sensibilisés à cette question, tout comme les futurs enseignants des instituts universitaires de formation des maîtres suivent un module relatif à la parité.

Votre commission propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE V
-
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 17 nouveau
(art.  premier du code de l'industrie cinématographique)
Régularisation des emplois du Conseil national de la cinématographie

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à autoriser la régularisation de certains emplois du Centre national de la cinématographie.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Proposé en urgence par le Gouvernement au cours de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, cet article additionnel n'entretient aucun rapport avec le contenu du texte de loi, puisqu'il concerne la politique de recrutement du Centre national de la cinématographie (CNC).


Le Centre national de la cinématographie

Placé sous l'autorité du ministre chargé de l'industrie cinématographique, le Centre national de la cinématographie (CNC), est un établissement public doté de l'autonomie financière.

Il est chargé :

- d'étudier les textes législatifs et réglementaires relatifs à l'industrie cinématographique ;

- de prendre, par voie de règlement, les dispositions susceptibles d'assurer une coordination des programmes de travail des entreprises en vue d'une utilisation plus rationnelle de la main-d'oeuvre, la modernisation des entreprises, la coordination entre les diverses branches de l'industrie cinématographique, l'observation statistique de l'activité professionnelle et, généralement, le développement de l'industrie cinématographique française, d'arbitrer, éventuellement, les conflits nés à l'occasion de cette réglementation à l'exclusion des conflits du travail proprement dits ;

- de contrôler le financement et les recettes des films ;

- d'accorder, dans l'intérêt général, à la production cinématographique soit des subventions soit des avances dont il doit suivre l'emploi et, le cas échéant, assurer le remboursement ;

- de centraliser les paiements concernant tous les crédits destinés à la production et à la diffusion de films cinématographiques ;

- d'assurer la diffusion des films documentaires et le développement d'un secteur non commercial du cinématographe ; d'organiser, avec le concours des groupements syndicaux, des manifestations nationales et internationales susceptibles de contribuer au rayonnement des films français ;

- d'organiser la formation professionnelle et technique pour les professions du cinéma ;

- d'assurer la coordination des oeuvres sociales gérées par les comités d'entreprises ou interentreprises.

Source : code de l'industrie cinématographique

Depuis 1986, le CNC bénéficiait d'une dérogation qui lui permettait d'attribuer les emplois publics civils permanents à des agents non titulaires « en raison du caractère particulier des missions » du centre.

Mais en 1989, le Conseil d'État n'ayant pas jugé cette dérogation fondée pour les emplois de catégorie A et B, le recrutement d'agents non titulaires par le CNC s'est révélé très problématique, l'établissement ne pouvant en effet fonctionner qu'avec un grand nombre d'agents experts ou issus des professions du cinéma et de l'audiovisuel.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a rappelé qu' « il y a deux ans, après le dépôt du rapport de la Cour des comptes, le Centre national de la cinématographie a étudié avec l'ensemble de ses partenaires - ministère de la culture et de la communication, ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État, ministère des finances et du budget - les solutions possibles pour régulariser la position de centaines d'agents du centre, recrutés et rémunérés depuis plus de quinze ans sur des bases illégales, mais aussi pour permettre au Centre national de la cinématographie de poursuivre, aussi bien qu'il l'a fait jusqu'à présent, les missions qui lui sont confiées depuis 1946 par le code de la cinématographie ».

En inscrivant, par le présent article, à l'article premier du code de l'industrie cinématographique que, pour l'exercice de ses missions, le CNC peut recruter des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée , le Gouvernement a souhaité répondre à « une exigence économique et à une urgence sociale » et trouver un cadre juridique stable pour le recrutement et la gestion des personnels non titulaires de l'établissement.

En conséquence, restent régis par les stipulations de leur contrat les agents contractuels du CNC en fonction à la date de la publication de la présente loi et qui ont été recrutés sur des contrats à durée indéterminée.

Toutefois, sur la forme, la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle alors en charge du texte est convenue que cet article « n'est pas totalement au coeur des discussions que nous avons eues au cours de ces dernières heures », laissant supposer que la censure du Conseil constitutionnel serait inévitable.

C'est la raison pour laquelle les députés, venant en renfort de l'initiative ministérielle, ont accepté de sous-amender l'amendement par une disposition indiquant que ce recrutement se fait « sans distinction de sexe ».

II - La position de votre commission

Comprenant qu'un support législatif rapidement accessible est nécessaire à la régularisation d'emplois indispensables au fonctionnement du CNC, votre commission propose d'adopter cet article sans modification.

*

* *

Sous réserve des amendements qu'elle vous a présentés, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi en faveur de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. TABLE RONDE

Réunie le mercredi 1 er juin 2005 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a organisé une table ronde sur le projet de loi n° 343 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l' égalité salariale entre les femmes et les hommes .

M. Nicolas About, président , a indiqué que la table ronde réunit Mme Gaétane Hazeran, présidente de l'association « Action'elles », M. Jean-François Sorro, directeur général de l'Association française pour l'assurance de la qualité - Association française de normalisation (AFAQ-AFNOR), Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et membre de l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes et M. Jean-Luc Vergne, directeur des relations et des ressources humaines du groupe PSA-Peugeot Citroën .

Il a souhaité savoir si, en matière d'égalité hommes-femmes, la situation actuelle justifiait, à leur sens, l'adoption d'une nouvelle loi.

Après avoir indiqué qu'elle avait représenté la CFDT dans les négociations sur l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, Mme Annie Thomas a estimé que le projet de loi doit être une incitation des partenaires sociaux à négocier, tant au niveau des branches que des entreprises.

Constatant que, par tradition, l'industrie automobile est très masculinisée, M. Jean-Luc Vergne s'est félicité que le groupe PSA-Peugeot Citroën ait été l'une des premières entreprises à avoir obtenu le label Egalité, créé par Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, en juin 2004, sur une base volontaire, sans qu'un support législatif ait été nécessaire.

Après avoir précisé qu'elle s'exprimerait en tant que chef d'entreprise et représentante d'un groupement patronal de petites et moyennes entreprises, Mme Gaétane Hazeran a souligné que les dispositifs actuels en faveur de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes sont encore inappliqués, comme en témoigne la persistance des écarts salariaux.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a souhaité connaître la manière dont les participants à la table ronde analysent l'évolution de la situation des femmes sur le marché de l'emploi depuis vingt ans.

Mme Annie Thomas a relevé deux évolutions paradoxales : d'un côté, l'augmentation de la qualification des jeunes filles, désormais plus diplômées que les garçons, et, de l'autre, la concentration des femmes dans les emplois atypiques (contrats à durée déterminée et emplois à temps partiel), féminisés à 80 %. Elle a considéré que les femmes constituent désormais la variable d'ajustement des entreprises qui souhaitent renforcer la flexibilité des emplois. Elle a appelé le législateur à faire en sorte que la nature des emplois occupés ne constitue pas un obstacle à l'accès à la protection sociale, notamment à l'assurance vieillesse.

Confirmant que les filles connaissent désormais un taux de réussite au baccalauréat supérieur à celui des garçons, M. Jean-Luc Vergne a indiqué que les entreprises, contraintes de recruter en fonction des candidats disponibles, n'étaient pas responsables des choix d'orientation des filles, souvent cantonnées dans certaines filières éducatives et universitaires, comme l'action sociale, contrairement aux garçons, plus enclins à choisir des filières scientifiques et technologiques.

Déplorant l'aggravation de la situation des femmes sur le marché actuel de l'emploi, Mme Gaétane Hazeran a expliqué que, si la proportion de femmes au chômage était supérieure de deux points à celle des hommes, c'est parce qu'elles n'ont pas le choix des emplois qu'elles occupent, leur salaire ayant longtemps été considéré comme un salaire d'appoint. En cas de divorce, devenues chefs de famille, elles ne recourent à la création d'entreprise que comme un ultime recours. Elle a également insisté sur la nécessité de distinguer la situation des femmes en milieu urbain et celle des femmes en milieu rural.

Mme Esther Sittler a souhaité savoir si les pratiques discriminatoires sont aujourd'hui les principales raisons des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ou si des facteurs objectifs plus décisifs sont en cause et si les dispositions du projet de loi pour réduire les écarts salariaux d'ici à cinq ans sont pertinentes.

Refusant de croire à l'existence de discriminations volontairement pratiquées par les entreprises, comme en témoigne la faiblesse de la jurisprudence en la matière, Mme Annie Thomas a insisté à nouveau sur les choix d'orientation scolaire des filles, souvent cantonnées à des filières dites « féminines ». Elle a plaidé pour un changement des mentalités et la mise en oeuvre de pratiques innovantes dans les entreprises, comme l'initiative exemplaire prise par l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) pour sensibiliser les filles aux métiers de l'industrie. Elle a toutefois douté de la possibilité d'atteindre une complète parité salariale dans les cinq ans.

Affirmant également que les entreprises ne pratiquent pas une discrimination délibérée, puisqu'elles recrutent en fonction des candidatures, Mme Gaétane Hazeran a plutôt mis en avant les facteurs objectifs liés à la condition actuelle des femmes tels que l'organisation du travail ou les modalités de mise en oeuvre des 35 heures, sources de surmenage pour des salariées déjà fortement sollicitées par leurs nombreuses obligations familiales.

M. Jean-Luc Vergne a confirmé qu'aucun facteur objectif ne peut justifier les écarts salariaux entre les hommes et les femmes, lorsqu'elles sont aussi compétentes dans leur catégorie professionnelle. Il a plutôt mis l'accent sur la moindre rapidité de la progression des carrières des femmes, qui s'explique souvent par leurs contraintes familiales. Il a alors rappelé que PSA a mis en place un système permettant de recruter une proportion plus importante de femmes dans les services faiblement féminisés.

Pour accompagner les lois et les règlements relatifs à la parité professionnelle, M. Jean-François Sorro a expliqué que l'AFAQ-AFNOR, organisme indépendant de certification, a mis en place le label Egalité, créé par le ministère de la parité et de l'égalité professionnelle sur une base strictement volontaire, ce qui aura sans doute pour effet de faire évoluer efficacement les mentalités.

Mme Gaétane Hazeran a jugé qu'il faudrait aller au-delà et que des mesures coercitives sont indispensables pour accélérer l'évolution des mentalités, en ajoutant qu'une forte incitation financière pour les entreprises serait préférable à la mise en place de pénalités.

M. Roland Muzeau a estimé que le travail à temps partiel subi, majoritairement féminin, est une réalité que les nombreux textes de loi n'ont pas réussi à endiguer. Il a fait valoir que certaines entreprises très féminisées, dans les secteurs du nettoyage ou de la grande distribution, font des économies grâce aux emplois précaires occupés par les femmes. Il a alors défendu le principe d'un renforcement des mesures coercitives et des pénalités.

Mme Esther Sittler, rapporteur , a indiqué que la question du travail à temps partiel des femmes devrait faire l'objet d'un traitement particulier dans un futur projet de loi préparé par le ministère en charge des relations du travail.

En raison des incertitudes liées au remaniement gouvernemental en cours, M. Nicolas About, président , a estimé que la question du travail à temps partiel devrait être prise en compte dès le présent projet de loi relatif à l'égalité salariale.

Rappelant l'inefficacité des sanctions appliquées aux entreprises qui n'embauchent pas les personnes âgées de plus cinquante ans ou les personnes handicapées, les entreprises préférant payer des pénalités plutôt que de recruter ces actifs, Mme Annie Thomas a exprimé des réserves sur leur efficacité. Elle a annoncé que la nouvelle convention d'assurance chômage, qu'elle négociera en tant que vice-présidente de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) d'ici à la fin de l'année, devra réfléchir à la possibilité d'augmenter les cotisations sociales de certaines entreprises, comme les entreprises d'intérim et du spectacle, qui emploient majoritairement des personnes sous contrat précaire, ce qui alimente le chômage. Concernant la difficulté de promouvoir les femmes dans les petites et moyennes entreprises, elle a reconnu une part de responsabilité aux syndicats, trop peu présents dans les petites structures. Elle a considéré que le prochain retournement démographique est un facteur d'optimisme, car les femmes devront investir les métiers dits « masculins » si notre pays ne veut pas recourir, in fine, à l'immigration.

Après avoir témoigné de ses visites dans l'usine Peugeot de Poissy, dont il a qualifié d'exemplaire la politique en matière de parité, M. Alain Gournac a contesté l'analyse de M. Roland Muzeau sur la stratégie d'économie salariale qui serait, à son sens, délibérément menée par les entreprises de nettoyage. Il a indiqué, au contraire, que, dans la ville dont il est l'élu, celles-ci sont très attachées à la qualité de leurs prestations. Analysant les motifs du travail à temps partiel des femmes, il a expliqué que les employées municipales demandent fréquemment à travailler à mi temps pour pouvoir concilier leur vie professionnelle et leurs contraintes familiales.

Mme Bernadette Dupont a confirmé la réalité des demandes d'emploi à temps partiel émanant des femmes dans les municipalités, situation qui s'avère parfois difficile à gérer. Par ailleurs, elle n'a pas jugé pertinente la comparaison entre la situation des femmes et celle des personnes handicapées, parce que ces dernières, souvent sous-qualifiées et souffrant parfois de difficultés psychologiques, ont besoin d'un accompagnement, ce qui n'est bien sûr pas systématique pour les femmes.

Mme Gisèle Printz a jugé que cette énième loi sur le même sujet ne servira pas à grand-chose, préconisant l'application de mesures plus contraignantes. Elle a souhaité connaître le regard que portent les entreprises sur la maternité et sur la formation professionnelle des femmes. Enfin, après avoir déploré la faiblesse de l'engagement des syndicats sur cette question, elle s'est dite convaincue que certains emplois, actuellement massivement occupés par les femmes, comme les assistantes maternelles, pourraient l'être sans aucune difficulté par des hommes.

Défendant sa position sur l'équivalence des salaires à compétence égale, M. Jean Luc Vergne a fait observer qu'au sein de PSA, la signature d'un accord sur l'emploi féminin en 2003, puis d'un autre sur la diversité culturelle en 2004, n'aurait pas pu être possible il y a cinq ans. Il s'est déclaré très heureux de l'évolution rapide des mentalités et conscient de la nécessité, pour les grands groupes industriels, d'être représentatifs de la diversité de leur clientèle.

Mme Gaétane Hazeran a récusé l'idée selon laquelle « une filière qui se féminise est une filière qui se dévalorise », formule récemment parue dans un article de presse. Elle a signalé que certaines études auraient établi que, lorsqu'elles deviennent chefs d'entreprise, les femmes reproduiraient les schémas issus de leurs expériences de salariées, notamment en baissant les prix, les salaires et les marges, accréditant du même coup l'idée, solidement ancrée dans notre culture, que le salaire des femmes est un salaire d'appoint. Elle a considéré que le recours à des dispositifs plus contraignants pour les entreprises ne devrait pas nécessairement passer par une taxation supplémentaire, mais plutôt par un allégement des cotisations sociales supportées par celles qui font, de la parité, une réalité.

Répondant à M. Alain Gournac et à Mme Gisèle Printz, Mme Annie Thomas a souligné que, parmi les raisons objectives au ralentissement des promotions, figure la maternité. Elle a ajouté que si, dans la fonction publique municipale, certaines femmes demandent effectivement à travailler à temps partiel, tel n'est pas le cas dans la grande distribution, où elles subissent plutôt la précarité des contrats de travail. Quant aux syndicats, leur présence auprès des femmes devrait se renforcer, à commencer par la féminisation des syndicats eux-mêmes, comme en témoigne l'engagement de la CFDT à augmenter la proportion de femmes parmi les négociateurs des accords collectifs.

Après avoir rappelé sa longue expérience professionnelle à Peugeot, M. Louis Souvet a souligné combien le traitement individuel des cas personnels rend difficile l'organisation du travail dans les entreprises et a tempéré les propos selon lesquels la loi pourrait tout régler en la matière.

Mme Sylvie Desmarescaux a préconisé l'application des lois existantes, plutôt que l'adoption d'une loi supplémentaire. Faisant un parallèle avec la loi sur la parité en politique, elle a confirmé que les partis politiques préfèrent désormais payer des pénalités plutôt que de faire appel à des femmes sur les listes électorales. Elle a enfin récusé l'idée selon laquelle les filières qui se féminisent se dévalorisent, s'interrogeant sur les raisons pour lesquelles certains emplois ne sont pas occupés par des hommes.

Approuvant cette position, M. Michel Esneu a défendu l'idée de changer les mentalités des filles qui, malgré leurs meilleures performances scolaires et universitaires, doutent encore d'elles-mêmes et de leur capacité à assumer des responsabilités.

Revenant au texte du projet de loi en faveur de l'égalité salariale, M. Jean Luc Vergne a rappelé que l'article premier dispose que la salariée, de retour d'un congé maternité, doit bénéficier de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant sa période d'absence par les salariés relevant de sa catégorie professionnelle. Il a considéré que cette mesure porterait préjudice aux femmes qui bénéficiaient auparavant de plus fortes augmentations et qu'il serait préférable de prévoir une augmentation égale à la moyenne des augmentations perçues par la salariée elle-même au cours des trois années précédentes. Il a ensuite estimé que l'article 13 bis, introduit par voie d'amendement par l'Assemblée nationale, et qui prévoit la parité de représentation au sein du conseil d'administration dans les grandes entreprises privées, ne correspond pas à la réalité du fonctionnement de ce type d'entreprises : en effet, les administrateurs y sont avant tout choisis non pas sur des considérations de sexe, mais sur leur capacité à définir la stratégie de développement de l'entreprise.

Considérant, à l'inverse, que les articles premier et 13 bis constituent un progrès réel, Mme Annie Thomas a d'abord rappelé que la présence des femmes dans le conseil d'administration de l'entreprise Nike a permis à celle-ci de mieux comprendre les attentes des femmes et, du même coup, de devenir leader sur le marché féminin du sport. Ensuite, elle a approuvé l'idée formulée par M. Michel Esneu d'intégrer dans la loi les bonnes pratiques répertoriées dans les entreprises afin qu'elles servent d'exemples aux autres. A cet égard, elle a jugé que la loi « Génisson » de 2001 était une bonne loi, ce dont la Délégation du Sénat aux droits des femmes a fait état dans son récent rapport, même si la presse n'a retenu que la statistique selon laquelle 72 % des entreprises n'ont pas signé d'accord sur la parité.

M. Jean-François Sorro a exprimé ses doutes sur la capacité de l'arsenal législatif à changer le cours des choses, préférant largement les systèmes alternatifs, comme le label Egalité, excellent outil d'innovation. Ce label a permis, au demeurant, de valoriser certaines pratiques en matière d'aménagement des horaires de travail ou de prise en compte de la maternité.

M. Roland Muzeau a souligné que la sanction n'a de sens que lorsqu'elle est significative. Conseillant aux syndicats de ne pas être naïfs, il a affirmé que dans le commerce et la grande distribution, les grands groupes ne respectent pas toujours la législation.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a souhaité savoir si certaines pratiques ont été répertoriées comme particulièrement innovantes pour atteindre effectivement l'égalité professionnelle.

M. Jean-Luc Vergne a indiqué que l'objectif de PSA est de recruter une proportion encore plus significative de femmes, d'améliorer l'harmonisation de la vie professionnelle et de la vie familiale et, en coopération avec le groupe ACCOR, de renforcer les aides matérielles accordées aux femmes.

Se référant aux pratiques recensées en Europe du Nord, Mme Gaétane Hazeran a cité la création des crèches d'entreprises et l'assouplissement des horaires de travail, en particulier le soir.

M. Jean-François Sorro a également mis l'accent sur la création de crèches intégrées ou partagées au sein des entreprises et sur les mesures de soutien des femmes dans la gestion de leur vie quotidienne.

Mme Annie Thomas a souhaité un renforcement du dialogue social au niveau des territoires, comme l'a expérimenté l'union régionale de la CFDT en Bretagne et dans les Pays de la Loire, où un poste de chargée de mission a été créé pour sensibiliser les syndicalistes à l'égalité professionnelle hommes-femmes.

II. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 28 juin 2005 , sous la présidence de Mme Valérie Létard, vice-président , la commission a procédé à l' audition de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur le projet de loi n° 343 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a considéré que le projet de loi en faveur de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes est un projet de justice, visant à remédier, en cinq ans, aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes grâce à une obligation de résultat imposée aux entreprises. Il est aussi un projet au service de l'efficacité économique et sociale, destiné à favoriser l'accès des femmes aux emplois qualifiés et aux postes de responsabilité, grâce à une meilleure conciliation entre leur vie professionnelle et personnelle, et à relever le défi de la baisse du nombre d'actifs constatée sur le marché du travail. Il est enfin un projet de loi rendu nécessaire par l'inapplication relative des lois antérieures, notamment la loi du 9 mai 2001 sur l'égalité professionnelle qui, malgré des avancées notables, n'a pas pleinement atteint ses objectifs, puisque l'écart des salaires entre les hommes et les femmes s'élève encore à plus de 20 % en France.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a ensuite exposé les raisons de ces inégalités : la concentration des femmes dans les dix familles professionnelles les moins qualifiées et les moins bien rémunérées (textile, hôtellerie-restauration, services à la personne, grande distribution) ; l'orientation des filles, dès l'école, vers les filières de formation dites féminines ; la concentration des femmes dans les emplois précaires d'intérim, à durée déterminée et à temps partiel ; la présence limitée des femmes aux postes de responsabilités dans la plupart des secteurs professionnels. Au demeurant, le Gouvernement a l'intention de réunir les partenaires sociaux dès cet été pour discuter des emplois à temps partiel majoritairement occupés par les femmes.

Ce diagnostic conforte l'engagement du Président de la République, pris au début de cette année, de ramener enfin à zéro l'écart salarial entre les femmes et les hommes. Cette volonté est partagée par les partenaires sociaux, comme le montre la signature unanime, le 1 er mars 2004, de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui a inspiré le dispositif du projet de loi.

Pour atteindre ses objectifs, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a indiqué qu'elle s'appuierait sur un calendrier et une méthode : le calendrier prévoit la suppression des écarts salariaux en cinq ans ; la méthode privilégie le dialogue social, avec un dispositif à deux étages reposant d'abord sur la négociation collective, puis, dans quelques années, sur un dispositif plus contraignant, soumettant les entreprises récalcitrantes à une contribution financière assise sur la masse salariale.

Elle a fait valoir que, si ce calendrier et cette méthode laissent aux acteurs sociaux la liberté et le temps d'agir, elle a conscience que tous ne marcheront pas au même pas : de fait, si le ministre chargé du travail constate que certaines branches professionnelles ne négocient pas ou n'y parviennent pas, il pourra demander, au bout d'un an, la réunion d'une commission mixte paritaire pour relancer la négociation. De plus, si le thème de l'égalité salariale n'apparaît pas dans les accords de branche dont les partenaires sociaux lui demandent l'extension, alors, il refusera cette extension. Enfin, en ce qui concerne les entreprises, les accords salariaux ne seront enregistrés, donc validés et opposables aux tiers, que s'ils sont accompagnés d'un procès-verbal d'engagement des négociations menées sur la base d'un diagnostic adapté à leur situation.

Estimant que l'égalité professionnelle ne se limite pas aux salaires, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a proposé d'actionner des leviers supplémentaires.

Pour aider les femmes à mieux concilier leur emploi et leur vie familiale, elle a souhaité que la salariée en congé maternité ou d'adoption bénéficie non seulement des augmentations collectives, mais également de la moyenne des augmentations individuelles perçues par ses collègues pendant son absence. En outre, pour les PME, le texte facilite les modalités de remplacement des salariées parties en congé de maternité et intègre mieux la dimension de l'égalité professionnelle dans le dispositif actuel de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il renforce également l'accès à la formation des femmes à la sortie du congé parental d'éducation lorsqu'elles sont amenées à changer d'emploi et il sanctionne les discriminations liées à la grossesse.

En ce qui concerne la participation des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles, elle a affirmé son intention d'améliorer leur place au sein du conseil des prud'hommes dans la perspective des élections de 2008, avant de se réjouir que l'Assemblée nationale ait proposé de renforcer les modalités de mise en oeuvre de la parité au sein des conseils d'administration des entreprises publiques et des sociétés anonymes.

Elle a alors invité l'État actionnaire à faire preuve d'exemplarité en la matière, avant d'annoncer que le ministère de la fonction publique a engagé des négociations avec les partenaires sociaux sur cette question.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a conclu que l'égalité salariale est un enjeu important qui justifie que notre pays assure une place équitable à la moitié de sa population dans tous les secteurs de la vie publique, sociale et professionnelle. Elle a ajouté que sa démarche est animée par un souci de justice, de dynamisme économique, mais également de cohésion sociale.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a pris acte de l'intention du Gouvernement de se saisir de la question du travail à temps partiel subi. Abordant les conséquences financières des congés liés à la maternité, elle a souhaité savoir si les raisons budgétaires suffisent à expliquer que le congé parental d'éducation et le congé de présence parentale soient si faiblement pris en compte dans le projet de loi. Elle s'est notamment demandé s'il ne conviendrait pas d'étendre aux femmes bénéficiaires de ce type de congés les mesures d'augmentations salariales proposées à l'article premier et de mieux prendre en compte la période d'absence pour le calcul du droit individuel à la formation (DIF).

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a répondu qu'au-delà des raisons budgétaires, l'extension du projet de loi aux congés de présence parentale et parental d'éducation, par nature d'une durée très longue, poserait un problème d'équité par rapport aux autres congés, de plus courte durée. Il est préférable, à son sens, de renforcer l'employabilité des femmes de retour de congé lorsqu'elles se sont trouvées longtemps éloignées de leur emploi.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a exposé le dispositif du texte appliquant aux salariés de retour de congé les augmentations salariales individuelles perçues par leurs collègues et a fait valoir les inquiétudes qu'il inspire aux entreprises. Elle a indiqué son intention de proposer à la commission un amendement pour calculer l'augmentation salariale à laquelle peut prétendre la salariée de retour de congé de maternité ou d'adoption à partir des augmentations qu'elle aura elle-même perçues au cours des trois années précédentes.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, n'a pas soutenu cette proposition, car elle a jugé que les augmentations individuelles de salaires sont liées à l'évolution du chiffre d'affaires des entreprises. Dans ces conditions, il ne convient pas d'imposer aux entreprises des augmentations salariales fondées sur la moyenne de celles perçues les années précédentes.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a objecté que tel est pourtant le principe posé par le projet de loi et que l'amendement qu'elle envisage permettra justement d'éviter aux entreprises des difficultés financières supplémentaires.

Elle a ensuite évoqué les dispositions du texte destinées aux petites entreprises de moins de vingt salariés pour demander si elles auront une réelle portée pratique, sachant que cette catégorie d'entreprises n'a pas de spécificité juridique.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a répondu que l'intérêt de cette disposition réside moins dans sa portée pratique que dans sa valeur symbolique pour sensibiliser les petites entreprises à la question de l'égalité hommes/femmes.

Abordant ensuite la négociation de branche et d'entreprise relative à l'égalité salariale, Mme Esther Sittler, rapporteur, a regretté la complexité de la procédure, qui multiplie les rapports élaborés par différents conseils, ce qui allongera d'autant les délais d'aboutissement.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a justifié cette procédure par la nécessité d'évaluer précisément le projet de loi ; toutefois, elle a annoncé qu'elle ne serait pas hostile à sa simplification.

Mme Esther Sittler, rapporteur, ayant souhaité connaître son avis sur l'extension éventuelle du crédit d'impôt famille aux entreprises qui engagent des dépenses de formation en faveur du recrutement de salariés dont le licenciement est intervenu pendant un congé parental d'éducation, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a estimé l'idée excellente.

Evoquant le taux de représentation des femmes dans les grandes entreprises privées, Mme Esther Sittler, rapporteur, a relayé les inquiétudes des sociétés anonymes, qui craignent que l'instauration d'un quota obligatoire de femmes dans les conseils d'administration ne corresponde pas aux réalités de fonctionnement de l'entreprise.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité a relevé que l'objectif, fixé à 20 % de femmes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, ne lui semble pas excessif, dès lors que les femmes représentent 52 % de la population.

Rappelant que les lois « Roudy » et « Génisson » proposaient déjà des dispositifs équivalents à celui du présent projet de loi, M. Roland Muzeau a estimé que la difficulté d'atteindre l'égalité salariale s'explique à la fois par l'absence de sanction des entreprises récalcitrantes et par l'ampleur du phénomène du temps partiel imposé aux femmes, en particulier dans la grande distribution. Il s'est déclaré peu convaincu de la volonté de la partie patronale de remédier à la précarisation de l'emploi féminin.

En ce qui concerne la conciliation de la vie professionnelle et familiale, il a affirmé que les intentions louables du Gouvernement ne suffiront pas à dissuader son groupe d'émettre des propositions supplémentaires. Enfin, il a dénoncé l'impact négatif de la loi portant réforme des retraites sur le revenu des retraitées, dont un grand nombre perçoit désormais un revenu inférieur au minimum vieillesse.

Revenant sur l'opportunité de sanctionner les entreprises, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a plaidé pour une solution de concertation, la sanction n'étant qu'un ultime recours. Elle a ensuite confirmé sa volonté de réunir les partenaires sociaux, dès cet été, afin de limiter le développement du travail à temps partiel subi.

Avouant le peu d'espoir qu'elle place dans ce texte, Mme Gisèle Printz a jugé qu'il aurait été préférable de contraindre, plutôt que de sanctionner financièrement, les entreprises récalcitrantes. Elle a déploré également que le projet de loi ne formule pas de proposition pour limiter le recours au travail à temps partiel subi.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a rappelé que si ce texte complète les précédents, il procède d'une démarche différente, davantage axée sur la négociation collective, la sanction, qu'elle ne différencie d'ailleurs pas de la contrainte, constituant une hypothèse extrême.

Mme Valérie Létard, présidente, a proposé que l'accent soit surtout mis sur les moyens de favoriser le retour à l'emploi des femmes isolées, avec ou sans enfant. Elle a annoncé que le groupe de travail sur les minima sociaux, constitué au sein de la commission, mettrait l'accent sur ce point.

Mme Bernadette Dupont a constaté que les inégalités professionnelles ont essentiellement pour cause les erreurs d'orientation scolaire des filles que les enseignants de l'éducation nationale ont tendance à diriger vers des métiers peu valorisants. Ensuite, elle s'est interrogée sur l'opportunité de demander aux employeurs de supporter le coût financier des congés liés à la maternité, en lieu et place de l'État à travers sa politique familiale. Enfin, elle a désapprouvé toute idée de sanctionner des entreprises déjà en difficulté dans le contexte économique actuel.

Pour améliorer l'orientation des filles, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a annoncé la conclusion d'une convention entre l'éducation nationale et le ministère de la culture et a rappelé la mise en place d'un module spécifiquement dédié à la parité dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Pour ce qui concerne la prise en charge des incidences financières des congés liés à la maternité, elle a indiqué que l'État assume déjà les prestations de maternité et les primes accordées aux petites entreprises qui souhaiteront embaucher pour assurer le remplacement des salariées en congé.

M. Jean-Pierre Godefroy a attiré l'attention de la ministre sur le fait que si la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a prévu d'allonger la durée du congé maternité accordé aux mères d'enfants prématurés, ces périodes supplémentaires ne sont pas rémunérées.

M. Paul Blanc a ajouté que cette proposition avait reçu un accueil favorable de la commission et du Sénat. Il a fait observer que les certificats médicaux d'arrêt de travail de complaisance, qui sont souvent accordés à ces femmes en détresse, ont également un coût important et qu'il conviendrait d'organiser ce régime d'une manière plus juste.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, s'est engagée à demander à ses services l'expertise de cette demande.

Après avoir rappelé que le groupe communiste républicain et citoyen avait déjà déposé une proposition de loi sur l'égalité salariale, M. Guy Fischer a dénoncé l'ampleur du phénomène de précarité des femmes, en particulier dans la fonction publique.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a assuré partager les inquiétudes des commissaires vis-à-vis du temps partiel subi, comme le prouve la décision du Gouvernement de confier un rapport sur ce sujet à Mme Françoise Milewski, membre de l'Office français des conjonctures économiques (OFCE). Dans le même esprit, le Gouvernement a chargé M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, de se saisir de la question de la précarité dans la fonction publique.

M. Alain Gournac s'est réjoui de l'intention du Gouvernement de privilégier la concertation plutôt que la sanction d'une part, parce qu'il est devenu urgent de remobiliser l'ensemble des acteurs sur la question de l'égalité salariale, d'autre part, parce que les entreprises préféreront souvent acquitter des pénalités financières plutôt que d'embaucher des femmes. Les sanctions peuvent avoir des effets pervers, comme l'a prouvé l'échec de la contribution dite « Delalande » en faveur des seniors.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a insisté sur le caractère novateur de certaines initiatives patronales, telles que l'opération industrielle menée par l'Union des industries minières et métallurgiques (UIMM) pour faire connaître aux femmes les métiers qu'elle propose.

Elle a conclu en soulignant combien les amendements au projet de loi adoptés par l'Assemblée nationale constituent des avancées significatives, tels l'obligation des entreprises à s'engager sérieusement et loyalement dans la négociation ou encore le bénéfice des augmentations salariales étendu aux femmes de retour de congé de maternité ou d'adoption.

III. COMMUNICATION DE MME GISÈLE GAUTIER

Réunie le mercredi 29 juin 2005 sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président , la commission a tout d'abord entendu une communication de Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes , sur le projet de loi n° 343 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Faisant valoir la persistance des écarts salariaux entre les hommes et les femmes depuis 1995, Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes , a constaté que la loi « Génisson » du 9 mai 2001, malgré les propositions utiles qu'elle contenait, a été mal appliquée dans les entreprises. Le rapport d'information présenté le 8 décembre 2004 par la délégation sur l'application de cette loi a ainsi établi que 72 % des entreprises n'ont pas signé d'accord sur l'égalité des salaires.

Elle a malgré tout plaidé pour la poursuite de l'effort entrepris, afin que notre pays puisse disposer des ressources humaines supplémentaires nécessaires à sa compétitivité, dans un contexte de crise démographique imminente.

Elle a ensuite exposé les raisons pour lesquelles la délégation aux droits des femmes a approuvé le présent projet de loi en faveur de l'égalité salariale, parmi lesquelles figurent notamment la définition d'un objectif à cinq ans pour atteindre l'égalité salariale, l'incitation des partenaires sociaux à la négociation sur ce thème, puisque l'extension des accords collectifs de branche sera systématiquement refusée s'ils ne comportent pas de clause relative à la suppression des écarts salariaux, et le souhait du Gouvernement d'augmenter la proportion des femmes présentes dans les équipes dirigeantes. En outre, les modifications apportées au projet de loi par l'Assemblée nationale constituent des avancées significatives, comme l'obligation des entreprises à s'engager sérieusement et loyalement dans la négociation.

Puis Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a fait part des recommandations émises par la délégation pour renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qui portent d'abord sur la nécessité de diffuser les bonnes pratiques d'égalité, telles que l'institution généralisée, au sein des entreprises, d'une médiatrice à l'écoute des salariées, la « mise en ligne » des accords d'égalité professionnelle et une meilleure articulation entre la mobilité professionnelle des salariés et la réinsertion de leur conjoint sur le nouveau lieu de travail. Elle a également préconisé d'effectuer une évaluation des effets produits par la suppression des écarts salariaux, notamment sur les grilles de qualification, et pour permettre une plus forte implication des pouvoirs publics, de sensibiliser les inspections du travail au thème de l'égalité salariale et de faire de la fonction publique un « laboratoire » de l'égalité professionnelle.

IV. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 29 juin 2005 sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président , la commission a ensuite procédé à l' examen du rapport de Mme Esther Sittler sur le projet de loi n° 343 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes .

Mme Esther Sittler, rapporteur, a fait observer que, contrairement aux idées reçues, le présent projet de loi n'est que le troisième consacré à l'égalité salariale depuis plus de vingt ans, après la loi Roudy de 1983 et la loi Génisson de 2001. Il est la traduction concrète d'un engagement du Président de la République formulé en début d'année et devrait contribuer à répondre aux tensions démographiques déjà sensibles sur le marché du travail en augmentant la proportion des femmes dans les emplois qualifiés et dans les fonctions dirigeantes. Il souhaite avant tout réduire les écarts salariaux entre les hommes et les femmes, encore proches de 25 %, et que plus aucun élément objectif ne peut expliquer, hormis la persistance de situations discriminatoires.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a estimé que ces inégalités salariales résultent du fait que le chômage affecte plus les femmes que les hommes, que le travail à temps partiel est occupé très majoritairement par des femmes, souvent sans qu'elles l'aient souhaité, et que les effectifs féminins demeurent concentrés dans l'emploi non qualifié. Elle en a déploré l'effet négatif sur le niveau de vie des femmes, en particulier lorsqu'elles vivent seules avec des enfants. Or, la politique familiale n'a pas su répondre à cet état de fait, les allocations proposées créant parfois des trappes à inactivité dont les femmes peinent à s'extraire.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a néanmoins considéré que la poursuite de la marche vers l'égalité ne doit conduire ni à une résurgence de la guerre des sexes, ni à une victimisation des femmes. Celles-ci sont désormais désireuses d'obtenir leur émancipation économique, mais en conciliant leur vie professionnelle et leur vie privée et familiale, donc sans renoncement personnel. Seule cette démarche démontrera que la femme active est source de plus-value pour l'entreprise, et non pas une contrainte.

Après avoir constaté que la lutte contre les discriminations, le renforcement de l'accès à la formation professionnelle et la politique de sanction à l'égard des entreprises n'ont pas suffi jusqu'à présent pour atteindre cet objectif, Mme Esther Sittler, rapporteur, s'est félicitée de la démarche suivie ici par le Gouvernement. Elle consiste à privilégier la négociation de branche et d'entreprise, avant toute idée de sanction, et s'inscrit dans un cadre législatif d'ensemble cohérent, car le présent projet de loi a été précédé par la loi de cohésion sociale, qui a renforcé la formation des femmes peu qualifiées de retour d'un congé de maternité, par la loi d'orientation sur l'école, qui a mis l'accent sur la nécessité d'orienter les filles vers des filières plus valorisantes, et par le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises (PME), qui donnera au conjoint d'entrepreneur un statut juridique créateur de réels droits sociaux.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a ensuite développé les quatre objectifs du texte :

- la suppression des écarts de rémunération en cinq ans, selon des modalités et un calendrier précis, qui devraient s'imposer aux branches professionnelles et aux entreprises ; après un bilan à mi-parcours, le Gouvernement déposera, si nécessaire, un projet de loi instituant une sanction financière pour les entreprises récalcitrantes ;

- la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, grâce à la neutralisation des conséquences financières de l'absence pour cause de maternité : la salariée bénéficiera de la moyenne des augmentations générales et individuelles perçues pendant son congé ; les petites entreprises percevront une aide financière pour embaucher du personnel en remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption ; les partenaires sociaux de la branche pourront prévoir une majoration de l'allocation de formation d'au moins 10 % au profit du salarié qui engage des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre une formation en dehors de son temps de travail ; enfin, le « crédit d'impôt famille » sera élargi aux entreprises qui engagent des dépenses en faveur des salariés qui ont démissionné pendant leur congé parental d'éducation ;

- l'extension du champ des discriminations interdites à la grossesse de l'employée et aux mesures d'intéressement et de distribution d'actions ; les moyens de défense des femmes discriminées seront, en outre, renforcés grâce à un aménagement de la charge de la preuve et l'attribution de dommages et intérêts sera possible en cas d'inobservation, par l'employeur, des dispositions relatives aux congés ;

- le renforcement de la représentation des femmes dans le monde du travail, en organisant une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques, en favorisant une plus forte proportion de femmes au sein des conseils des prud'hommes et en améliorant l'accès des femmes à l'apprentissage et à la formation professionnelle .

Mme Esther Sittler, rapporteur, a indiqué que l'originalité de ce projet de loi réside dans le dispositif d'incitation des entreprises, qui seront soumises non plus à une obligation de moyens, mais à une obligation de résultat. Les dispositions proposées sont dictées par le bon sens pratique et la recherche d'une efficacité immédiate. Elles devraient convaincre les entreprises, qui veulent attirer à elles des compétences nouvelles, qu'il leur faut désormais mettre en oeuvre une autre idée du management.

En conclusion, Mme Esther Sittler, rapporteur, a fait état des apports utiles de l'Assemblée nationale, en première lecture, et qui portent notamment sur : la prise en compte, par les maisons de l'emploi, de l'objectif d'égalité professionnelle ; la sensibilisation des petites entreprises à ces objectifs ; l'obligation des régions de favoriser un égal accès des femmes aux formations et à l'apprentissage ; le maintien des droits à congés payés des salariées, lorsqu'ils coïncident avec leur congé de maternité ; la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les comités d'entreprise, parmi les délégués du personnel et dans les commissions administratives de la fonction publique ; la représentation paritaire hommes/femmes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes.

M. Louis Souvet s'est d'abord étonné d'une double contradiction qu'il a relevée dans le propos du rapporteur : d'une part, entre la volonté du Gouvernement de négocier et son intention de sanctionner les entreprises ; d'autre part, entre le fait que les femmes sont désormais plus diplômées que les hommes et le fait qu'elles restent concentrées dans les métiers peu qualifiés. Ensuite, il a attiré l'attention de la commission sur la situation des mères isolées qui perçoivent des minima sociaux et se trouvent souvent dissuadées de reprendre un emploi, car le revenu qu'elles peuvent en escompter sera inférieur, dès lors qu'il sera amputé des frais de garde de leurs enfants.

Après avoir rappelé que le groupe communiste républicain et citoyen a lui-même déposé une proposition de loi sur l'égalité salariale, M. Guy Fischer a observé que les lois successives n'ont pas réussi à remédier aux discriminations faites aux femmes, dénonçant tout particulièrement la précarité des jeunes et des femmes. Il a enfin souhaité savoir si ce projet de loi ferait l'objet d'une évaluation, seule façon, à son sens, d'en évaluer l'efficacité.

Mme Gisèle Printz a jugé trop long le délai de cinq ans prévu pour la suppression des écarts salariaux. Elle a déploré que le projet de loi n'aborde ni la question du temps partiel subi, ni celle des familles monoparentales, qui sont dirigées, dans plus de 90 % des cas, par des femmes. Elle a par ailleurs fait valoir que le projet de loi relatif au développement des services à la personne, actuellement en cours d'adoption, risque d'accroître la précarité des femmes en les cantonnant dans les métiers de services, traditionnellement féminins.

M. Alain Gournac, président, a déclaré que les métiers ne doivent plus être catégorisés par genre, ce qui suppose de profondes évolutions de la société.

S'appuyant sur son expérience de vice-présidente du conseil régional de Rhône-Alpes, Mme Christiane Demontes a expliqué que, pour favoriser la mixité des formations et des métiers, cette région a créé un prix de l'égalité professionnelle, décerné à la fois aux femmes exerçant des métiers dits masculins et aux hommes occupant un emploi traditionnellement féminin. Affichant son scepticisme vis-à-vis des mesures de coercition, elle a proposé que l'accent soit mis sur les mesures permettant aux femmes employées à temps partiel d'accéder, si elles le souhaitent, à un poste à temps complet, en particulier les mères isolées.

M. Alain Gournac, président, a proposé que la mixité professionnelle soit enseignée aux enfants dès le plus jeune âge, au sein des familles et à l'école. Il a dénoncé le contenu des livres scolaires, qui continuent de reproduire les stéréotypes à l'égard des femmes.

S'appuyant sur son expérience de gestion municipale, Mme Isabelle Debré a objecté que la présence des hommes dans les métiers de services à la personne n'est pas toujours acceptée, notamment par les personnes âgées.

Répondant aux interrogations relatives à la question des sanctions, Mme Esther Sittler, rapporteur, a confirmé le souhait du Gouvernement de s'en tenir pour l'instant à la négociation collective, les sanctions n'étant qu'un ultime recours en cas d'inapplication de la loi. En ce sens, le projet de loi est cohérent, et non pas contradictoire. Au demeurant, elle a mis en garde contre l'idée de sanctionner les entreprises déjà aux prises avec des difficultés économiques.

En ce qui concerne le contrôle des mesures proposées, Mme Esther Sittler, rapporteur, a expliqué que le projet de loi ferait l'objet d'une évaluation par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle hommes/femmes. De plus, la délégation aux droits des femmes du Sénat ne manquera pas de faire également un travail d'évaluation, comme elle l'a fait pour la loi Génisson.

Pour favoriser le travail à temps complet plutôt qu'à temps partiel des femmes, Mme Esther Sittler, rapporteur, a annoncé qu'elle proposera à la commission un amendement en ce sens. Elle a aussi rappelé l'engagement pris par la ministre, lors de son audition devant la commission, d'ouvrir la réflexion sur le temps partiel subi.

Ensuite, la commission a procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

A l'article premier (rémunération des salariées au retour de leur congé de maternité ou d'adoption), la commission a adopté un amendement qui permet de calculer les augmentations salariales individuelles perçues par le salarié de retour de congé de maternité ou d'adoption sur la moyenne de ses propres augmentations dans les trois dernières années.

A l'article 2 (extension du champ des discriminations interdites à celles fondées sur l'état de grossesse et à celles pratiquées en matière d'attribution des mesures d'intéressement ou d'actions), elle a adopté un amendement précisant que les discriminations liées à la grossesse ne sont passibles de sanctions que si l'employeur avait connaissance de l'état de la salariée.

A l'article 3 (négociations de branches relatives à la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes), outre trois amendements rédactionnels, elle a adopté un amendement tendant à dispenser de l'obligation de négociation sur l'égalité salariale les branches qui ont déjà signé un accord récent en ce sens, et ce, jusqu'à l'expiration dudit accord, ainsi qu'à un amendement tendant à supprimer la mention de l'engagement sérieux et loyal exigé de l'employeur, trop subjective pour ne pas susciter des contentieux.

Après l'article 3 , la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à autoriser la publicité des accords d'égalité conclus dans les entreprises.

A l'article 3 bis (égalité professionnelle dans les entreprises de moins de vingt salariés), elle a adopté un amendement tendant à imposer aux entreprises de moins de onze salariés, et non plus vingt, non couverts par un accord de branche étendu, une obligation de prise en compte des objectifs d'égalité salariale.

A l'article 4 (négociations d'entreprises relatives à la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes), elle a adopté deux amendements de coordination avec ceux présentés à l'article 5 pour les entreprises ayant déjà conclu un accord d'égalité salariale l'année précédant la promulgation de la présente loi. Elle a ensuite adopté deux amendements visant à simplifier la procédure de la négociation d'entreprise.

A l'article 4 bis (participation des maisons de l'emploi aux objectifs d'égalité professionnelle), elle a adopté un amendement rédactionnel portant sur son intitulé.

Au titre II (avant l'article 5) , la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 6 (prise en compte de l'égalité professionnelle dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), elle a également adopté un amendement rédactionnel.

Après l'article 6 , elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à autoriser les employeurs, si l'accord collectif le prévoit, à proposer la réalisation d'heures supplémentaires ou d'heures choisies en priorité aux salariés employés à temps partiel.

A l'article 9 (extension du champ d'application du crédit d'impôt famille en faveur des salariés en formation de retour d'un congé parental d'éducation), la commission a adopté un amendement tendant à étendre le crédit d'impôt famille aux employeurs qui engagent des dépenses pour former des salariés licenciés pendant leur congé parental d'éducation.

A l'article 10 (aménagement de la charge de la preuve au bénéfice des salariées discriminées en raison de leur état de grossesse), elle a adopté un amendement de coordination avec l'amendement présenté à l'article 2.

A l'article 12 ter (droit individuel à la formation), elle a adopté un amendement tendant à considérer que l'absence pour congé de présence parentale et congé parental d'éducation est prise en compte pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation, au même titre que le congé de maternité ou d'adoption.

A l'article 13 bis (représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes), elle a adopté un amendement visant à indiquer que dans les sociétés anonymes, le règlement intérieur des conseils d'administration prévoit des mesures permettant d'atteindre en leur sein une représentation équilibrée des femmes et des hommes.

A l'article 15 (formation professionnelle et apprentissage), la commission a adopté un amendement de coordination.

M. Louis Souvet a souhaité savoir si les amendements du rapporteur présentés aux articles premier et 3 bis ne sont pas en retrait par rapport au projet de loi.

Concernant l'amendement à l'article premier, Mme Esther Sittler, rapporteur, a expliqué que la rédaction initiale de cet article est susceptible de pénaliser les salariées qui bénéficient habituellement des augmentations salariales individuelles les plus fortes. En outre, l'extension systématique des augmentations individuelles de tout employé aux salariés de retour de congé risque d'inciter les entreprises à ne pas procéder à des hausses de salaires si elles savent que même les salariés qui n'ont pas travaillé en bénéficieront.

Concernant l'amendement à l'article 3 bis, elle a indiqué que la catégorie des entreprises de moins de vingt salariés ne correspond pas à des critères juridiques spécifiques. Retenir ici la catégorie des entreprises de moins de cinquante salariés n'aurait pas été adéquat, puisqu'entre onze et cinquante salariés, ces entreprises, qui ont un délégué du personnel, sont astreintes à l'obligation de négociation. Reste donc la catégorie des entreprises de moins de onze salariés non couverts par un accord étendu de branche sur l'égalité salariale, qui est susceptible de regrouper les entreprises échappant à toute obligation en la matière. L'amendement présenté à l'article 3 bis vise en conséquence à sensibiliser précisément ces petites entreprises à l'objectif d'égalité salariale.

M. Jean-Pierre Godefroy a confirmé l'intention des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, de déposer un amendement pour organiser le paiement du congé maternité prolongé des jeunes mères d'enfant prématuré. Il a ensuite proposé d'étendre, aux élections prud'homales et aux élections des commissions administratives paritaires de la fonction publique, le principe de la liste alternée « un homme/une femme », applicable en matière politique.

La commission a approuvé le rapport de Mme Esther Sittler et donné un avis favorable à l'adoption du présent texte ainsi modifié.

* 1 Rapport d'information Sénat n° 103 (2004-2005) de Gisèle Gautier, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes le 8 décembre 2004.

* 2 Cf. p. 102, audition de Catherine Vautrin devant la commission des Affaires sociales, le 28 juin 2005.

* 3 Décret n° 2001-832 du 12 septembre 2001 portant application de l'article premier de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001.

* 4 Rapport d'information précité n° 103 (2004-2005) du 8 décembre 2004.

* 5 « Les inégalités entre les femmes et les hommes : les facteurs de la précarité ».

* 6 Colloque « De la mixité à l'égalité dans le système éducatif », mai 2004.

* 7 Enquête formation continue 2000 (INSEE).

* 8 Les autres dispositions de la directive devront être transposées avant la date limite du 5 octobre 2005 : l'aménagement de la charge de la preuve est transposée à l'article 10 du présent projet de loi et le maintien de l'emploi du salarié de retour d'un congé de maternité ou de paternité dans la fonction publique, dans un projet de loi portant diverses mesures de transposition à la fonction publique du droit communautaire, déposé au Sénat le 23 mars 2005 et dont l'examen est annoncé avant la fin de l'année 2005.

* 9 Arrêts SARL Régeltex c/ Richard du 4 décembre 1986 et Triscornia c/ Micer du 9 février 1987.

* 10 Cf. p. 107 audition de Gisèle Gautier, Présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, le 29 juin 2005.

* 11 Dans le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises adopté par le Sénat en première lecture le 16 juin dernier, l'article 13 propose d'ouvrir aussi cette aide lorsque c'est le conjoint collaborateur ou associé du chef d'entreprise qui est absent pour formation.

* 12 Cf. rapport d'information n° 2243 du 12 avril 2005 de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale.

* 13 Cf. p. 107 audition de Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, au Sénat 29 juin 2005.

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