ARTICLE 67 ter (nouveau) - Taxe annuelle pour les résidences mobiles terrestres

Commentaire : le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances, et Jérôme Chartier. Il institue une taxe annuelle de résidence, représentative de la taxe d'habitation, due par les personnes dont l'habitat est constitué à titre principal d'une résidence mobile terrestre.

I. SEULES LES RÉSIDENCES TERRESTRES IMMOBILES SONT ACTUELLEMENT REDEVABLES DE LA TAXE D'HABITATION

Suivant l'article 1407 du code général des impôts (CGI), la taxe d'habitation est due, notamment, « pour tous les locaux meublés affectés à l'habitation ». L'article 1409 du même code dispose que cette taxe est calculée d'après la valeur locative des habitations et de leurs dépendances (telles que garages, jardins, etc.).

En l'état du droit, et notamment de la jurisprudence, les caravanes et maisons mobiles, en principe, ne sont pas imposables à la taxe d'habitation, quelles que soient les conditions de leur stationnement et de leur utilisation . De la sorte, le contribuable qui utilise une caravane, serait-ce de manière permanente, comme résidence principale ou secondaire, n'est pas redevable de cette taxe. Pour le Conseil d'Etat statuant en 1987, en effet, « le législateur, en soumettant à la taxe d'habitation [...] tous les locaux meublés affectés à l'habitation, n'a pas entendu inclure dans ceux-ci les caravanes ».

Cette règle, toutefois, ne vaut que pour autant que les résidences en cause disposent en permanence de leurs moyens de mobilité . Le Conseil d'Etat, en 1988, a ainsi précisé sa formule de principe, précitée : « le législateur, en soumettant à la taxe d'habitation [...] tous les locaux meublés affectés à l'habitation, n'a pas entendu inclure dans ceux-ci les caravanes, ou maisons mobiles, susceptibles d'être déplacées à tout moment ». De fait, l'administration fiscale taxe légalement les habitations légères de loisirs « qui n'ont pas vocation à être normalement déplacées à tout moment par simple traction et dont la mobilité sur route nécessite l'emploi de moyens exceptionnels ». Il en va ainsi, en particulier, des caravanes qui ne sont plus équipées de roues et se trouvent posées sur des cales fixes.

Par ailleurs, pour mémoire, on rappelle que, conformément à l'article 1408 du CGI, la taxe d'habitation est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables. Les articles 1414 et 1414 A du même code exonèrent ou dégrèvent d'office de cette taxe les personnes de condition modeste. Pour les contribuables qui ne bénéficient pas de ces mesures, en outre, un plafonnement de la taxe d'habitation afférente à la résidence principale est prévu, en fonction des revenus, par l'article 1417 du CGI.

II. LE PRÉSENT ARTICLE PROPOSE LA CRÉATION D'UNE TAXE POUR LES RÉSIDENCES TERRESTRES MOBILES

L'Assemblée nationale, à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances, et Jérôme Chartier, avec l'avis favorable du gouvernement, a adopté un amendement créant le présent article. Celui-ci instaure, à compter du 1 er janvier 2006, une taxe annuelle de résidence, représentative de la taxe d'habitation, due par les personnes dont l'habitat est constitué à titre principal d'une résidence mobile terrestre . A cette fin, la présent article crée, au titre des « taxes diverses » figurant parmi les impôts directs et taxes assimilés d'Etat, un article 233 du CGI.

Le I de ce nouvel article institue, dans les termes précités, la taxe frappant les résidences terrestres mobiles. Cette taxe sera due dès lors que les personnes n'auront pas acquitté de taxe d'habitation, au titre de l'année précédente, pour leur résidence principale .

Le premier alinéa du II dispose que l'assiette de la taxe est constituée de la surface de la résidence terrestre , exprimée en mètres carrés, telle qu'elle a été déterminée par le constructeur de la résidence mobile, sous la réserve d'éventuelles modifications ultérieurement apportées. Il est prévu que le contribuable procède à cet égard à une déclaration annuelle, mentionnée dans sa déclaration de revenus de l'année au titre de laquelle la taxe est due.

Le second alinéa du même II précise que l'assiette ainsi imposable ne pourra être inférieure à 4 mètre carrés . Le III fixe le taux de la taxe à 75 euros par mètre carré - soit, au minimum, une taxe annuelle de 300 euros .

Le IV , s'inspirant de la rédaction de l'article 1408 du CGI, précité, relatif à la taxe d'habitation, prévoit que la nouvelle taxe sera établie au nom des personnes qui auront, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance, à titre principal, de la résidence mobile considérée. Cette taxe devra être acquittée à la mairie du lieu d'implantation , et au plus tard le 15 septembre de l'année pour laquelle elle sera due. En cas de non-paiement, une pénalité de 10 % du montant dû est prévue.

Le V précise que les exonérations et dégrèvements d'office applicables en matière de taxe d'habitation seront également applicables s'agissant de la nouvelle taxe . Le premier paragraphe du VI , du reste, prévoit que le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de cette taxe seront exercés de la même manière que pour la taxe d'habitation.

Le second paragraphe du même VI dispose que, pour attester de l'acquittement de la taxe, le redevable recevra un timbre, lequel devra être apposé de manière visible sur la résidence mobile considérée.

Un décret en Conseil d'Etat est prévu , pour déterminer les modalités d'application du nouvel article du CGI, par le VII .

Enfin, le VIII dispose que le produit de la taxe ainsi instituée sera attribué, exclusivement, aux collectivités territoriales respectant leurs obligations en matière d'aires de stationnement destinées aux personnes vivant dans un habitat terrestre mobile . Cette dernière disposition résulte d'un sous-amendement à l'amendement précité de nos collègues députés Gilles Carrez et Jérôme Chartier, présenté par notre collègue député Augustin Bonrepaux, et adopté par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du gouvernement.

Il convient de noter que le produit de la taxe ainsi créée a été évalué, par notre collègue député Jérôme Chartier, à 50 millions d'euros au moins .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE TRADUCTION DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES

En raison de l'interprétation jurisprudentielle, précitée, donnée à la législation fiscale existante, les personnes qui habitent à titre principal une résidence terrestre effectivement mobile sont actuellement les seules qui n'acquittent pas la taxe d'habitation sur leur résidence principale . En particulier, comme il a été signalé ci-dessus, les habitants de résidences initialement mobiles mais structurellement immobilisées sont légalement redevables, eux, de la taxe. Il en va de même, d'ailleurs, pour les bateaux aménagés à usage d'habitation.

Pourtant, les occupants de résidences terrestres mobiles bénéficient de services publics et d'équipements collectifs, notamment les réseaux de distribution d'eau et d'électricité , auxquels ils peuvent être raccordés. Or, l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que, « pour les dépenses d'administration » notamment, « une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » .

Dans ces conditions, la taxe proposée par le présent article, qui s'appliquerait aux seules résidences terrestres mobiles habitées à titre principal, apparaît à votre rapporteur général comme une traduction, légitime et nécessaire, du principe d'égalité de tous devant les charges publiques .

B. LE CHOIX D'UN MÉCANISME SIMPLE

Les dispositions ci-dessus détaillées du présent article, en pratique, tendent à la création d' une sorte de « vignette » pour les résidences terrestres mobiles. En effet, ainsi qu'il a été relevé, afin d'attester de l'acquittement de la taxe nouvellement instaurée, le redevable recevra un justificatif, qui devra être apposé de manière visible sur la résidence mobile taxée.

En amont, comme on l'a noté également, la nouvelle taxe étant assise sur la surface des résidences en cause, il reviendra au contribuable, le cas échéant, de préciser, à l'occasion d'une déclaration, le nombre de mètres carrés dont il a la jouissance .

Votre rapporteur général se félicite de la simplicité de ce dispositif, qui n'entraînera pas de réelles complications administratives pour les assujettis .

C. UNE ATTRIBUTION PERTINENTE DU PRODUIT DE LA TAXE

Comme on l'a signalé plus haut, le nouvel article du CGI proposé par le présent article dispose que le produit de la taxe instituée sur les résidences terrestres mobiles sera attribué, exclusivement, aux collectivités territoriales qui respectent leurs obligations relatives aux aires de stationnement destinées aux personnes vivant dans un habitat terrestre mobile . Votre rapporteur général approuve, dans son principe, cette affectation, dont la pertinence, compte tenu de l'objet de la taxe créée par le présent article, n'est pas douteuse.

Il convient ici de rappeler que la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage dispose notamment que toutes les communes figurant au schéma départemental ad hoc et, en tout état de cause, en principe, toutes les communes de plus de 5.000 habitants , ont l'obligation de mettre une ou plusieurs aires d'accueil à la disposition des gens du voyage - lesquels, par définition, habitent à titre principal une résidence terrestre mobile. Par ailleurs, mettant en oeuvre la jurisprudence du Conseil d'État, une circulaire du 16 décembre 1986, relative au stationnement des caravanes des gens du voyage, impose que les maires des communes de moins de 5.000 habitants, au titre de leurs compétences de police administrative, prennent les dispositions permettant d'accueillir ces populations pour une durée comprise entre quarante-huit heures et quinze jours .

D. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général, tout en approuvant sans réserve le principe de la création d'une taxe pour les résidences terrestres mobiles, vous propose, en un amendement réécrivant le présent article, quatre modifications de fond en vue d'améliorer le dispositif proposé.

1. L'application de la procédure de paiement sur déclaration

Suivant les indications fournies à votre rapporteur général par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la mobilité qui caractérise, par définition, les personnes vivant à titre principal dans une résidence mobile terrestre, empêche, à la fois :

- d'une part, l'adossement de la taxe créée pour ces résidences à l'impôt sur le revenu de leurs habitants ;

- d'autre part, un « décalque », plus ou moins étendu, du régime de la taxe d'habitation pour le régime de la nouvelle taxe.

En conséquence, il n'est pas possible, notamment :

- en premier lieu, qu'un même formulaire permette la déclaration annuelle de revenus et la déclaration du nombre de mètres carrés constituant l'assiette de la taxe sur les résidences mobiles ;

- en second lieu, que les dégrèvements et exonérations d'office bénéficiant aux redevables de la taxe d'habitation soient étendus aux personnes assujetties à la nouvelle taxe.

Dans ces conditions, votre rapporteur général vous propose, pour le recouvrement de cette taxe, de recourir à la procédure de paiement sur déclaration prévue à l'article 887 du CGI, dont les modalités spécifiques sont précisées par l'amendement.

Cette procédure, en synthèse, consistera pour les redevables à acquitter la taxe due au service des impôts du département de stationnement, au jour du paiement, de la résidence mobile terrestre, contre remise d'un récépissé (et non d'un timbre fiscal). Celui-ci devra être délivré sous une forme permettant au redevable de l'apposer de manière visible sur la résidence mobile taxée, cette apposition étant obligatoire .

Ce dispositif assurera, au bénéfice des redevables, les garanties nécessaires , et préservera le caractère de simplicité souhaitable en la matière. En outre, il épargnera aux communes la tâche de la collecte que leur assigne, en l'état, le présent article.

2. Un abaissement du taux de la taxe

Le taux proposé par le présent article pour la taxe qu'il instaure, fixé à 75 euros par mètre carré de surface de la résidence considérée, apparaît assez élevé. Votre rapporteur général, en vue d'éviter une ponction trop lourde des redevables, voire l'inefficacité d'une taxe que les assujettis ne pourraient pas payer , vous propose d'abaisser ce taux à 45 euros .

3. L'affectation du produit de la taxe à un fonds pour l'accueil des gens du voyage

Afin de préciser les dispositions du nouvel article du CGI proposé par le présent article, prévoyant que la taxe sur les résidences mobiles terrestres bénéficie aux collectivités territoriales qui satisfont à leurs obligations légales en matière d'accueil des gens du voyage, votre rapporteur général vous propose la constitution d'un fonds départemental d'aménagement, de maintenance et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage . Ce fonds sera alimenté par le produit de la taxe, à hauteur du montant perçu dans le département. Ses ressources seront réparties par le préfet - autorité qui met en oeuvre le schéma départemental, précité, créé par la loi du 5 juillet 2000 - entre les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale, au prorata de leurs dépenses engagées en faveur des gens du voyage .

Il reviendra naturellement au décret prévu pour fixer les modalités d'application du nouvel article du CGI de déterminer celles du fonctionnement de ce fonds.

4. Modification de l'insertion dans le CGI

Votre rapporteur général pour tenir compte de l'affectation du produit de la taxe sur les résidences mobiles terrestres aux communes ou groupements de communes par l'intermédiaire du fonds spécial proposé comme ci-dessus, vous propose d'insérer le nouvel article du CGI, non au titre des « taxes diverses » figurant parmi les impôts directs et taxes assimilés d'Etat, comme le présent article le prévoit, mais à celui des « taxes obligatoires », autres que la taxe d'enregistrement et la taxe de publicité foncière, figurant parmi les impositions départementales. Le nouvel article du CGI instituant la taxe serait ainsi l' article 1595 quater .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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