Article 19 C (nouveau)
Privilège spécial immobilier du
syndicat de copropriétaires
L'Assemblée nationale a, sur proposition de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, adopté une précision relative au privilège spécial immobilier.
Le droit en vigueur
L'article 2103 du code civil énumère les créanciers qui bénéficient du privilège spécial immobilier, c'est-à-dire d'un droit de priorité en cas de vente d'un immeuble.
En vertu de ces dispositions, bénéficient d'une priorité : - le vendeur, sur l'immeuble vendu, pour le paiement du prix ; - conjointement avec le vendeur et, le cas échéant, avec le prêteur, le syndicat des copropriétaires, sur le lot vendu, pour le paiement des charges et travaux, mentionnés aux articles 10 et 30 de la loi du 10 juillet 1965, relatifs à l'année courante et aux quatre dernières années échues ; - même en l'absence de subrogation, ceux qui ont fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble, sous certaines conditions ; - les cohéritiers, sur les immeubles de la succession ; - les architectes, entrepreneurs, maçons et autres ouvriers employés ; - ceux qui ont prêté les deniers, pour payer ou rembourser les ouvriers, sous certaines conditions ; - les créanciers et légataires d'une personne défunte, sur les immeubles de la succession ; - les accédants à la propriété titulaires d'un contrat de location-accession. |
Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le dispositif de l'article 19 C donne au syndicat des copropriétaires le bénéfice du privilège spécial immobilier, en cas de faillite commerciale ou civile, sur les charges dues par le failli ou par son liquidateur. En pratique, un tel dispositif a pour objet de faire échapper le privilège spécial immobilier, qui garantit le paiement des charges dues par un copropriétaire en redressement ou en liquidation judiciaire, aux effets de la procédure collective. Son adoption permettrait au syndicat des copropriétaires de disposer d'un droit de priorité sur l'ensemble des autres créanciers en cas de liquidation judiciaire.
Propositions de votre commission
Votre commission s'interroge sur la portée de ce dispositif et souhaiterait, à ce titre faire plusieurs observations.
En premier lieu, elle constate que cet article porte atteinte, sans raison objective, à l'égalité entre les créanciers, qui constitue un principe fondamental du droit des procédures collectives.
Ce principe postule que tous les créanciers d'un même débiteur défaillant doivent être traités pareillement, sauf ceux ayant pris la précaution de garantir leur créance par une sûreté et sauf si la loi en dispose autrement. Il est destiné à inciter les créanciers potentiels, quels qu'ils soient, à faire confiance à leur interlocuteur, étant assurés de ne pas être devancés par d'autres créanciers en cas de défaillance de leur débiteur commun. Il a été réaffirmé avec force par la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, dans laquelle le législateur s'est efforcé de placer sur un pied d'égalité les différents créanciers de l'entreprise en faillite. La loi peut, certes, rompre cette égalité. Mais encore faut-il, que cette rupture repose sur un intérêt légitime : il en va de la sécurité des affaires et du crédit, mais aussi de la préservation du fragile équilibre instauré par la loi précitée. Or, en l'espèce, il ne se trouve objectivement aucun argument justifiant que la copropriété créancière soit préférée aux autres créanciers (banques, fournisseurs...) du copropriétaire défaillant. |
En second lieu, le syndicat des copropriétaires dispose déjà, pour obtenir le paiement des charges, en plus des voies de recouvrement de droit commun, de procédures particulières et rapides en application de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965.
Cet article prévoit qu'à défaut du versement, à sa date d'exigibilité, de la provision due par un copropriétaire sur le fondement du budget prévisionnel, les autres provisions et non encore échues deviennent immédiatement exigibles après mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée infructueuse pendant plus de trente jours à compter du lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile de son destinataire. Après avoir constaté le vote du budget prévisionnel par l'assemblée générale des copropriétaires ainsi que la déchéance du terme, le président du tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé peut alors condamner le copropriétaire défaillant au versement de ces provisions devenues exigibles. L'ordonnance est assortie de l'exécution provisoire de plein droit. Enfin, lorsque la mesure d'exécution porte sur une créance à exécution successive du débiteur du copropriétaire défaillant, notamment une créance de loyer ou d'indemnité d'occupation, cette mesure se poursuit jusqu'à l'extinction de la créance du syndicat résultant de l'ordonnance. |
Enfin, votre commission relève que sur le fondement de l'article 24 de la loi du 26 juillet 2005 86 ( * ) , le Gouvernement est actuellement en train d'élaborer une ordonnance sur la réforme des sûretés et des hypothèques. Dès lors, le vote dans le cadre du projet de loi « ENL » de mesures y ayant trait risquerait de poser des problèmes de coordination avec les modifications actuellement à l'étude. Même si sur le fond, votre commission ne souscrit pas à la réforme proposée par l'article 19 C du projet de loi, elle souligne qu'un tel débat trouverait plutôt sa place au moment de la ratification de cette ordonnance.
Tels sont les motifs de l'amendement de suppression qu'elle vous soumet.
Votre commission vous propose de supprimer cet article. |
* 86 Loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie.