EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Lorsqu'en 2003 le Parlement commença à débattre de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, l'immigration était l'une des questions de société sur lesquelles la confiance de nos compatriotes dans l'Etat s'était le plus effondrée.

Les carences, voire l'inexistence, de notre politique migratoire devenaient un handicap lourd face à l'émergence d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des biens et des idées et traversé de mouvements migratoires puissants.

Le gouvernement a construit sa politique migratoire autour de quatre axes principaux : restaurer le droit d'asile, aider et inciter les étrangers à s'intégrer, lutter contre l'immigration clandestine et harmoniser les politiques européennes d'immigration.

Trois ans plus tard, des progrès significatifs ont été obtenus sur ces quatre fronts. Le propos n'est évidemment pas de conclure que tous les problèmes ont été résolus, que l'immigration clandestine a été endiguée ou que la politique d'intégration des étrangers est pleinement satisfaisante.

Mais un certain nombre de principes, voire d'évidences, ont retrouvé un sens et une réalité qu'ils avaient perdus. Ainsi avait-on oublié que le droit d'asile n'est pas un moyen parmi d'autres de se maintenir illégalement sur le territoire français.

Concernant la lutte contre l'immigration clandestine, le doublement depuis 2002 du nombre des reconduites à la frontière rappelle que l'éloignement constitue la pierre de touche des politiques de contrôle de l'immigration : sauf à renoncer en fait à tout contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers sur son territoire, l'Etat doit en effet savoir afficher sa détermination, au besoin par la contrainte mais dans le respect du droit des personnes, à mettre fin au séjour irrégulier.

De la même façon, la création d'une condition d'intégration républicaine dans la société française en vue de la délivrance d'une carte de résident consiste simplement à exiger d'une personne qui souhaite bénéficier d'un droit au séjour durable un gage de son intégration. La carte de résident concrétise la reconnaissance de cette volonté d'intégration.

Cette politique équilibrée et assumée a permis de sortir du débat stéréotypé entre « immigration zéro » et ouverture totale de nos frontières. Les conditions d'un débat de fond, rationnel et dépassionné semblent désormais réunies . C'est dans cet esprit que la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, créée le 27 octobre 2005, a mené ses travaux dans un souci d'objectivité et dans le but de faire tomber un certain nombre d'idées reçues 1 ( * ) .

Ce climat favorable est le préalable, dans une seconde étape, au passage d'une politique de maîtrise des flux à une politique de pilotage des flux.

Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration se veut l'instrument de cette nouvelle politique. Modifié par l'Assemblée nationale, il comprend cent seize articles regroupés en sept titres. Deux principaux traits le caractérisent : la continuité et la rupture.

Continuité tout d'abord avec la politique engagée depuis trois ans. Le projet de loi consolide la lutte contre l'immigration irrégulière, en métropole et outre-mer, et mène à son terme la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration ainsi que celle de la condition d'intégration pour la délivrance de la carte de résident.

Rupture ensuite avec le tabou de l'immigration dite de travail. Depuis 1974, l'immigration de travail a pratiquement cessé dans notre pays et aucun gouvernement n'a remis en cause ce dogme depuis trente ans. Une grande partie de nos concitoyens assimile à tort, mais qui peut le leur reprocher tant le message politique est brouillé, cette fermeture de nos frontières avec « l'immigration zéro ».

Le projet de loi brise ce tabou et met en place des instruments diversifiés pour attirer les meilleurs talents en France et satisfaire des besoins ciblés de l'économie française en main d'oeuvre. A côté d'une immigration régulière « au fil de l'eau », de nature familiale essentiellement, notre pays doit pouvoir attirer également des étrangers répondant à des besoins identifiés.

Les travaux économiques démontrent que l'immigration est un moteur de la croissance, qui peut être optimisé en fonction du niveau de qualification des immigrés. En rouvrant l'immigration de travail, il s'agit de réhabiliter une vision positive de l'immigration par rapport à une représentation trop souvent malthusienne de celle-ci.

Une critique fréquente à l'encontre de cette politique d'immigration sélectionnée est qu'elle dépossèderait les pays pauvres de leurs richesses humaines. Votre rapporteur, qui fut également celui de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, est très sensible à ces remarques. Mais elles semblent exagérées car elles relèvent, en partie, d'une conception datée de l'immigration et du développement économique.

Il y a la place, sans aucun doute, pour une immigration mutuellement bénéfique.

I. UN NOUVEAU DÉFI : PASSER DE LA MAÎTRISE DES FLUX MIGRATOIRES À LEUR PILOTAGE

A. DES PROGRÈS DANS LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

1. Un préalable

La lutte contre l'immigration irrégulière est une condition nécessaire à la mise en place d'une politique migratoire crédible, quelles que soient ses orientations par ailleurs.

A cet égard, la capacité d'un Etat à éloigner les étrangers en situation irrégulière sur son territoire est primordiale. A défaut, les clandestins sont d'autant plus incités à entrer sur le territoire national, quel que soit le moyen employé, que le risque d'être éloigné est faible.

Sans une politique d'éloignement ferme, l'intérêt de distinguer entre étrangers en situation régulière et irrégulière disparaît. Et sans cette distinction, la politique d'intégration des étrangers en situation régulière se construit sur du sable.

Refuser d'éloigner, c'est s'obliger à régulariser ou à jouer le « pourrissement » en maintenant indéfiniment dans la précarité et la clandestinité les étrangers en situation irrégulière.

Tenir ce discours, ce n'est pas signifier son indifférence à de nombreux drames humains. Un clandestin n'est pas un criminel. C'est même souvent une victime. En effet, l'immigration clandestine est de plus en plus la proie de réseaux criminels.

Lutter contre l'immigration clandestine, cela signifie également lutter contre le travail illégal et la criminalité organisée et protéger des êtres humains contre des traitements contraires à la dignité humaine.

C'est enfin, dans des situations extrêmes comme en Guyane, à Mayotte ou en Guadeloupe, une nécessité pour préserver la paix civile et écarter le risque d'une déstabilisation sociale.

* 1 Rapport n°300 (Sénat 2005-2006) de votre rapporteur au nom de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine présidée par notre collègue M. Georges Othily.

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