MISSION « ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE » Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial

I. APERÇU GÉNÉRAL DE L'EXÉCUTION 2005

Dans le cadre de l'exécution de la loi de finances pour 2005, qui a précédé la mise en oeuvre complète de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) , la section « Ecologie et développement durable » recouvre des crédits aujourd'hui répartis au sein de la mission « Ecologie et développement durable » et du programme « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Afin de préparer le passage à la mise en oeuvre complète de la LOLF, certains crédits ont toutefois fait l'objet d'une expérimentation de la gestion en « mode LOLF », avec la mise en place de dotations globalisées dans quatre régions et d'une dotation globalisée au profit de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Le tableau qui suit retrace les conditions générales d'exécution des crédits 2005 :

A. LA RÉGULATION BUDGÉTAIRE A PERTURBÉ L'EXÉCUTION 2005

L'exécution 2005 a été perturbée par les mesures de régulation budgétaire prises au cours de l'exercice.

Une réserve de précaution a, en effet, été mise en place le 10 février 2005, entraînant le gel de 48,6 millions d'euros en autorisations de programme (AP) et 6 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Un gel supplémentaire a été réalisé le 15 juillet 2005, portant sur 45 millions d'euros en crédits de paiement, auxquels s'ajoutaient 15,9 millions d'euros de CP sur les crédits reportés de 2004 vers 2005.

La réserve de précaution a été aménagée le 21 octobre 2005, afin de maintenir un gel sur 78,6 millions d'euros d'AP et 29,2 millions d'euros de CP. Le gel de CP s'est traduit par une annulation totale dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2005, tandis que les gels d'AP n'ont été levés qu'à la fin du mois de décembre.

Outre les difficultés générales de gestion induites par ces mesures, le ministère a indiqué à votre rapporteur spécial qu'« il devient dès lors difficile d'estimer les insuffisances liées aux mesures de régulation des dotations du ministère au regard de ses besoins. A coup sûr, ces gels ont restreint ou conduit à reporter des projets immobiliers. Les efforts de la Ministre pour retrouver la disponibilité des crédits de paiement gelés en matière de versement des crédits de paiement sur les subventions d'investissement ont permis de limiter les retards de versement qui constituent le point noir de la gestion du ministère depuis plusieurs années. Pour le reste, la programmation du début de l'année avait intégré des degrés de priorités des opérations à engager pour anticiper les conséquences des mesures de régulation. L'impact de ces dernières a été géré en réduisant la part de la programmation pouvant être engagée au fur et à mesure des décisions de mise en réserve des crédits ».

Ces mesures de régulation budgétaire se sont également traduites par des reports de charges sur les exercices à venir.

B. LES REPORTS DE 2004 VERS 2005 ONT ÉTÉ TRÈS IMPORTANTS ET SOULÈVENT UN PROBLÈME DE SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES INITIALE

Les reports de la gestion 2004 vers la gestion 2005 ont été considérables, puisqu'ils se sont élevés à 188,1 millions d'euros , soit l'équivalent de 22,8 % des crédits initiaux .

L'ampleur des reports soulève un problème de sincérité de la loi de finances initiale, ce qui avait été relevé par votre rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005 44 ( * ) .

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, le ministre de l'écologie et du développement durable, alors M. Serge Lepeltier, avait en effet annoncé que 141 millions d'euros seraient inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004, afin de compléter les moyens dont disposerait son ministère en 2005 pour mener ses politiques : 130 millions d'euros pour abonder les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 8 millions d'euros pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et 3 millions d'euros au profit de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Votre rapporteur spécial relève que le financement des établissements publics sous tutelle et tout particulièrement de l'ADEME, qui avait donné lieu à des « acrobaties budgétaires » en 2004 45 ( * ) et 2005, a trouvé une solution dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, par le biais d'affectation du produit de certaines taxes :

- l'ADEME recevra désormais le produit de la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel, dont le produit s'élève à 170 millions d'euros, ainsi que le produit de la taxe sur les voitures particulières les plus polluantes (environ 12 millions d'euros ) ;

- le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres percevra 80 % du droit de francisation et de navigation, soit des recettes d'environ 28 millions d'euros pour le Conservatoire ;

- l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) s'est vu attribuer le produit de droit de timbre perçu pour la validation du permis de chasser, soit 6 millions d'euros .

Au total, les recettes fiscales nouvelles affectées aux établissements publics sous tutelle du ministère de l'écologie et du développement durable atteindraient donc 216 millions d'euros , soit l'équivalent de 35 % des crédits de la mission « Ecologie et développement durable ». Cette solution, qui apparaît comme une opération de débudgétisation, est toutefois plus conforme à la sincérité budgétaire que les arrangements retenus en 2004 et 2005 .

C. QUELLES SONT LES DETTES DU MINISTÈRE AU 31 DÉCEMBRE 2005 ?

Les auditions des responsables de programme auxquelles a procédé votre rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 et l'analyse des crédits des différents programmes montrent que la mission « Ecologie et développement durable » est confrontée à un équilibre difficile entre le paiement des dettes et le lancement d'opérations nouvelles 46 ( * ) .

A cet égard, le ministère de l'écologie et du développement durable a estimé que sa « dette » 47 ( * ) atteignait au 31 décembre 2004 près de 480 millions d'euros. Il précise que « la part de l'ADEME s'élevait à 338 millions d'euros. Celle des autres établissements est de 15 millions d'euros. Celle de la recherche (hors subvention aux établissements publics) est de 10 millions d'euros. Dès lors, les dettes accumulées sur les opérations gérées par les services déconcentrés et l'administration centrale et imputées sur les chapitres 57-20 et 67-20 au titre de la direction de la prévention des pollutions et des risques, la direction de la nature et des paysages et la direction de l'eau, portent sur un total de 107 millions d'euros. Les déclarations des services portent sur un total de 101 millions d'euros ».

Pour l'exercice 2005, le ministère de l'écologie et du développement a indiqué à votre rapporteur spécial que :

- en matière de dépenses de logistique , le montant des impayés devrait être équivalent à celui observé les années antérieures, sans préciser le montant de ces impayés ;

- s'agissant de la direction de la prévention des pollutions et des risques , sur le chapitre 57-20 « Protection de la nature et de l'environnement. Etudes, acquisitions et travaux d'investissement », toutes les factures reçues à la fin 2005 ont été payées, mais le ministère attend début 2006 des factures représentant des montants importants en cours d'évaluation . Il précise que des intérêts moratoires ont dû être payés sur certains contrats . D'autre part, sur le chapitre 67-20 « Protection de la nature et l'environnement. Subventions d'investissement », le montant des impayés à la fin de l'exercice 2005 s'élève à environ 9,9 millions d'euros , dont 5 millions d'euros environ auprès des collectivités territoriales, qui ont dû de ce fait financer des avances de trésorerie importantes ;

- pour les opérations relatives à la nature et aux paysages , la majorité des impayés relève d'opérations d'investissements conduites soit par des gestionnaires d'espaces naturels ou de sites à préserver, soit par des établissements publics comme les parcs nationaux, le total des dettes peut être compris entre 10 et 15 millions d'euros ;

- s'agissant de la politique de l'eau , si l'on prend en compte les seules dépenses obligatoires au 31 décembre 2005, les dettes (hors subventions pour charges de service public) s'élèvent globalement à 37,1 millions d'euros . Selon d'autres données recueillies par votre rapporteur spécial, le total des reports de charges en investissements arrêté au 9 janvier 2006 au titre des crédits gérés par la direction de l'eau était évalué à 123,26 millions d'euros .

Votre rapporteur spécial souhaite que l'examen du présent projet de loi de règlement permette de préciser les montants en cause et de mettre en évidence les marges de manoeuvre du ministère à l'avenir. Il interrogera donc la ministre de l'écologie et du développement durable sur ce point dans le cadre du débat spécifique qui se tiendra en séance publique le mercredi 28 juin 2006.

II. REMARQUES SPÉCIFIQUES À CERTAINES DÉPENSES ET À LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF

A. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF AMÈNE À S'INTERROGER SUR LA STRUCTURE MINISTÉRIELLE

La mise en oeuvre de la LOLF s'est traduite par la mise en place d'une mission « Ecologie et développement durable » composée de trois programmes : « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » (28,3 % des crédits de la mission en 2006), « Gestion des milieux et biodiversité » (25 % des crédits de la mission) et « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable » (46,7 % des crédits de la mission).

La politique de l'eau est répartie entre les deux programmes de politiques : « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » et « Gestion des milieux et biodiversité ».

Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 ont fait apparaître que les responsables de programme avaient tendance à raisonner toujours comme directeurs d'une administration centrale, et ainsi à séparer les actions relevant de la direction de l'eau de celles relevant de leur propre direction. Ceci conduit à s'interroger sur la manière de conduire l'exécution des programmes : envisagerait-on de ne pas faire jouer la fongibilité au sein des programmes entre les actions relevant de la direction de l'eau et celles relevant des autres directions ?

L'absence d'un programme « eau » au sein de la mission « Ecologie et développement durable » ne doit pas conduire à un jeu de renvoi des responsabilités administratives. De ce point de vue, votre rapporteur spécial estime qu'une réorganisation de la direction de l'eau en fonction des programmes définis actuellement devrait être étudiée.

Cette réflexion apparaît d'autant plus nécessaire que la création de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, prévue par le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques actuellement en cours de navette parlementaire, entraînera le transfert de la grande majorité des crédits d'intervention actuellement inscrits sur la mission « Ecologie et développement durable » et gérés par la direction de l'eau vers ce nouvel établissement public 48 ( * ) .

B. LES EXPÉRIENCES DE RÉORGANISATION DES SERVICES DÉCONCENTRÉS MENÉES EN 2005 DOIVENT ÊTRE DÉVELOPPÉES

L'exercice 2005 a vu l'expérimentation d'un rapprochement entre les directions régionales de l'environnement (DIREN) et les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Les premiers retours sur ces expériences se révélant positifs, ils doivent conduire à envisager des regroupements. L'expérimentation devant s'achever le 30 juin 2006, votre rapporteur spécial souhaite connaître les intentions du ministère sur ce point.

Par ailleurs, il souhaite, de manière plus globale, qu'un effort soit mené pour simplifier l'organisation de l'ensemble des services déconcentrés contribuant à la mise en oeuvre de la mission « Ecologie et développement durable ».

Au-delà de l'organisation des administrations à l'échelon déconcentré se pose également la question des modes d'action. A cet égard, une réflexion devrait être menée pour simplifier l'organisation des polices de l'environnement, aujourd'hui très éclatée, puisque l'on dénombre au total 24 polices distinctes.

C. LES ENJEUX COMMUNAUTAIRES DOIVENT ÊTRE MIEUX PRIS EN COMPTE

Votre rapporteur spécial a pu constater, à l'occasion d'une mission de contrôle exercée au cours du premier semestre 2006 49 ( * ) en application de l'article 57 de la LOLF, que l'application du droit communautaire de l'environnement représente un véritable enjeu pour le ministère de l'écologie et du développement durable , qui est directement responsable de 82 procédures en manquement précédant un premier arrêt de la Cour. En outre, si la Commission européenne confirme la clôture du contentieux relatif à Natura 2000, dix affaires environnementales ayant déjà entraîné la condamnation de la France pour manquement resteront pendantes, ce qui représente un risque financier compris entre 109 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros au titre des seules condamnations forfaitaires.

Votre rapporteur spécial souhaite connaître les suites que le ministère de l'écologie et du développement entend donner aux propositions formulées par votre rapporteur spécial pour remédier à cette situation, qui affaiblit le crédit de la France sur la scène européenne. Il interrogera donc la ministre de l'écologie et du développement durable sur ce point dans le cadre du débat spécifique qui se tiendra en séance publique le mercredi 28 juin 2006.

* 44 Pour une vue globale de l'analyse de votre rapporteur spécial sur le budget 2005, se reporter à l'annexe n° 9 au rapport général n° 74 (2004-2005).

* 45 Les crédits budgétaires avaient été complétés en 2004 par voie de fonds de concours, via une contribution de 210 millions d'euros versée par quatre agences de l'eau.

* 46 Sur ce point, se reporter à l'annexe n° 11 de votre rapporteur spécial au rapport général n° 99 (2005-2006).

* 47 Cette notion de dette, qui se fonde sur les restes à payer de l'ensemble des services centraux et déconcentrés, recouvre en fait le retard des paiements des opérations d'investissement par rapport à l'échéancier théorique des paiements d'une opération d'investissement.

* 48 Sur ce point, se reporter notamment au commentaire de l'article 41 du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques au sein de l'avis n° 273 (2004-2005) de votre rapporteur spécial.

* 49 « Changer de méthode ou payer : la France face au droit communautaire de l'environnement », rapport d'information n° 342 (2005-2006) de votre rapporteur spécial.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page