Chapitre V - Dispositions relatives à la prévention d'actes violents pour soi-même ou pour autrui

ARTICLE 15 (ART. 222-14-1 NOUVEAU, ART. 222-15, ART. 222-48-1 DU CODE PÉNAL)
RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION CONTRE LES VIOLENCES AU SEIN DU COUPLE

LE PRÉSENT ARTICLE VISE, D'UNE PART, À PRÉVOIR L'INCRIMINATION SPÉCIFIQUE DES VIOLENCES HABITUELLES COMMISES AU SEIN DU COUPLE ET, D'AUTRE PART, À APPLIQUER LA PEINE DE SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE AUX AUTEURS DE VIOLENCES CONJUGALES.

DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, LE LÉGISLATEUR A SOUHAITÉ RÉPRIMER PLUS SÉVÈREMENT LES VIOLENCES CONJUGALES. AINSI LE NOUVEAU CODE PÉNAL A PRÉVU DES PEINES AGGRAVÉES POUR LES TORTURES ET ACTES DE BARBARIE ET LES VIOLENCES LORSQUE CES INFRACTIONS SONT COMMISES PAR LE CONJOINT OU LE CONCUBIN DE LA VICTIME.

LA LOI N° 2006-399 DU 4 AVRIL 2006 RENFORÇANT LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES VIOLENCES AU SEIN DU COUPLE OU COMMISES CONTRE LES MINEURS A COMPLÉTÉ CE DISPOSITIF À PLUSIEURS TITRES. EN PREMIER LIEU, ELLE A ÉLARGI LE CHAMP DES INFRACTIONS AUXQUELLES POURRAIENT S'APPLIQUER CES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES. AINSI, LES PEINES ENCOURUES POUR LE MEURTRE, LE VIOL ET LES AUTRES AGRESSIONS SEXUELLES ONT ÉTÉ ÉGALEMENT AGGRAVÉES LORSQUE CES FAITS SONT COMMIS AU SEIN DU COUPLE. ENSUITE, ELLE A ÉTENDU LA CIRCONSTANCE AGGRAVANTE AUX FAITS COMMIS PAR LA PERSONNE LIÉE À LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ. ENFIN, LA CIRCONSTANCE AGGRAVANTE S'APPLIQUE AUSSI LORSQUE LES FAITS SONT COMMIS PAR L'ANCIEN CONJOINT, L'ANCIEN CONCUBIN OU L'ANCIEN PARTENAIRE LIÉ À LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ LORSQUE L'INFRACTION EST COMMISE « EN RAISON DES RELATIONS AYANT EXISTÉ ENTRE L'AUTEUR DES FAITS ET LA VICTIME ».

LE PRÉSENT PROJET DE LOI PRÉVOIT D'AJOUTER À L'APPLICATION DES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES UN DEUXIÈME DEGRÉ D'AGGRAVATION POUR LES SEULES INFRACTIONS DE VIOLENCES COMMISES AU SEIN DU COUPLE LORSQUE CELLES-CI PRÉSENTENT UN CARACTÈRE HABITUEL .

UN TEL DISPOSITIF A D'ORES ET DÉJÀ ÉTÉ RETENU POUR LES VIOLENCES COMMISES D'UNE PART SUR UN MINEUR DE QUINZE ANS , D'AUTRE PART, SUR UNE « PERSONNE DONT LA PARTICULIÈRE VULNÉRABILITÉ , DUE À SON ÂGE, À UNE MALADIE, À UNE INFIRMITÉ, À UNE DÉFICIENCE PHYSIQUE OU PSYCHIQUE OU À UN ÉTAT DE GROSSESSE, EST APPARENTE OU CONNUE » DE L'AUTEUR DE CES VIOLENCES. EN EFFET, LES PEINES ENCOURUES POUR CES VIOLENCES SONT ALORS DOUBLEMENT AGGRAVÉES :

- À RAISON DU CARACTÈRE DE LA VICTIME QUI CONSTITUE UNE CIRCONSTANCE AGGRAVANTE DES VIOLENCES DONT ELLE EST L'OBJET ;

- À RAISON DE LA NATURE HABITUELLE DES VIOLENCES PERPÉTRÉES.

LE NOUVEL ARTICLE 222-14-1 QUI, AUX TERMES DU PRÉSENT PROJET DE LOI, COMPLÈTERAIT L'ARTICLE 222-14 DU CODE PÉNAL APPLIQUE AUX VIOLENCES HABITUELLES COMMISES AU SEIN DU COUPLE LES MÊMES QUANTA DE PEINE QUE CEUX PRÉVUS POUR LES VIOLENCES HABITUELLES PERPÉTRÉES À L'ENCONTRE DES MINEURS DE QUINZE ANS OU DES PERSONNES D'UNE PARTICULIÈRE VULNÉRABILITÉ.

LE TABLEAU SUIVANT PERMET DE METTRE EN ÉVIDENCE LA TRIPLE ÉCHELLE DE PEINE QUI SERAIT AINSI INSTITUÉE SELON LA NATURE DES INFRACTIONS.

Infraction

Peine encourue

sans la circonstance aggravante

avec la circonstance aggravante

quand la violence présente un caractère habituel

Violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (art. 222-7)

15 ans
de réclusion criminelle

20 ans
de réclusion criminelle
(art. 222-8, 6°)

30 ans
de réclusion criminelle

Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (art. 222-9)

10 ans d'emprisonnement
et 150.000 euros d'amende

15 ans de réclusion criminelle (art. 222-10, 6°)

20 ans
de réclusion criminelle

Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (art. 222-11)

3 ans d'emprisonnement
et 45.000 euros d'amende

5 ans d'emprisonnement
et 75.000 euros d'amende (art. 222-12, 6°)

10 ans
d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende

Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours ou n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail (art. 222-13)

1.500 euros d'amende

3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende

5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende

? Le 2° du présent article tend à assurer une coordination à l'article 222-15 du code pénal afin de viser le nouvel article 222-14-1. L'article 222-15 applique à l'administration de substances de nature à nuire à la santé un régime de peines identique à celui retenu pour les différentes infractions de violence (même principe de différenciation du niveau de la peine selon la gravité de l'atteinte portée à la personne et mêmes quanta de peines).

La coordination permet de prévoir que l'administration de substances nuisibles par le conjoint, concubin ou partenaire de la victime serait punie de la même manière que les violences habituelles dès lors qu'elle présenterait un caractère répété.

Votre commission a observé que le Parlement avait adopté, au terme de débats approfondis et d'un large consensus, la loi du 4 avril 2006 sans retenir la proposition présentée lors de l'examen du texte par le Sénat d'une incrimination spécifique des violences habituelles 59 ( * ) . Notre assemblée avait alors estimé que l'application des circonstances aggravantes actuellement prévue pour les violences au sein du couple se justifie notamment parce que ces violences présentent souvent un caractère répété -facilité par l'intimité du foyer familial- et qu'il n'était donc pas nécessaire de prévoir un degré supplémentaire d'aggravation de peine pour les violences habituelles. En second lieu, votre commission constate que les sanctions qui devraient, en l'état du droit, être aggravées pour les violences au sein du couple ne le sont, en pratique, qu'assez rarement et qu'il serait donc souhaitable d'appliquer de manière plus effective la loi pénale avant de la modifier de nouveau. Enfin, ni les magistrats, ni les représentants des associations entendus par votre rapporteur n'ont exprimé le voeu d'une nouvelle aggravation des peines déjà prévues par le code pénal.

Votre commission vous soumet en conséquence un amendement de suppression du 1° et du 2° de cet article.

? Le 3° de cet article vise à appliquer aux auteurs de violences (visées par les articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 du code pénal ainsi que par le nouvel article 222-14-1, qui serait créé par le présent projet de loi) au sein du couple la peine de suivi socio-judiciaire .

Institué par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, le suivi socio-judiciaire constitue une peine permettant de placer une personne sous surveillance et en particulier de la soumettre à une injonction de soins .

En matière correctionnelle, cette peine peut être ordonnée comme peine principale.

Elle peut aussi accompagner une peine privative de liberté (article 131-36-5 du code pénal) 60 ( * ) . Dans ce cas, elle s'applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin . Le suivi socio-judiciaire permet alors un contrôle post carcéral du condamné.

Initialement réservé aux infractions à caractère sexuel, il a été étendu depuis la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, à d'autres infractions caractérisées par leur gravité et qui peuvent déceler chez leurs auteurs un trouble psychique justifiant un traitement médical dans la durée (crimes de torture et de barbarie, meurtre et assassinat, enlèvement et séquestration, actes de destruction par explosif ou incendie).

Le suivi socio-judiciaire ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et vingt ans en matière criminelle. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a néanmoins fixé cette durée à trente ans lorsqu'il s'agit d'un crime puni de trente ans de réclusion criminelle. Elle a également permis à la cour d'assises de ne pas fixer de limite à la durée du suivi socio-judiciaire s'il s'agit d'un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

Les obligations du suivi socio-judiciaire qui doivent en principe être initialement fixées par la juridiction de jugement sont mises en oeuvre sous le contrôle du juge de l'application des peines. Elles renvoient, d'une part, à celles prévues pour le sursis avec mise à l'épreuve et comportent, d'autre part, des dispositions spécifiques (interdiction de paraître dans certains lieux ; interdiction de rencontrer certaines personnes ; interdiction d'exercer une activité en contact avec les mineurs...). Le suivi socio-judiciaire comporte également des mesures d'assistance similaires à celles du sursis avec mise à l'épreuve (aide sociale et, le cas échéant, aide matérielle). Le suivi socio-judiciaire peut également comprendre une injonction de soins.

L'injonction de soins

Aux termes de l'article 131-36-4 du code pénal, le suivi socio-judiciaire « peut comprendre une injonction de soins ». L'injonction, prononcée en principe par la juridiction de jugement 61 ( * ) , demeure subordonnée à une expertise médicale établissant que la personne poursuivie est susceptible de faire l'objet d'un traitement 62 ( * ) .

L'injonction de soins prend tous ses effets à la libération du condamné 63 ( * ) .

Le juge de l'application des peines doit alors désigner un médecin coordonnateur sur une liste départementale de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, établie par le procureur de la République (article L. 3711-1 du code de la santé publique). Le médecin coordonnateur assume une triple fonction :

- il invite le condamné à choisir son médecin traitant ;

- il conseille le médecin traitant -considéré comme médecin référent- à la demande de celui-ci ;

- il transmet au juge de l'application des peines ou à l'agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction de soins.

La part des suivis socio-judiciaires assortis d'une injonction de soins n'est pas appréhendée par les statistiques du ministère de la justice. Il semble cependant qu'elle demeure faible.

En réalité le dispositif d'injonction de soins souffre d'une triple faiblesse que la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le traitement de la récidive avait mise en évidence en 2004.

Tout d'abord, la pénurie de psychiatres dans le secteur public -quelques 800 postes vacants- explique que certains tribunaux de grande instance soient dépourvus de médecins coordonnateurs (dont le nombre total n'est d'ailleurs pas connu).

Ensuite, la prise en compte thérapeutique de la délinquance sexuelle est limitée, d'une part, par l'insuffisante formation des médecins psychiatres dans ce domaine et, d'autre part, par le fait que les auteurs de ces actes sont considérés, par une majorité de psychiatres, comme des « pervers » au sens clinique et à ce titre non susceptibles -à la différence des schizophrènes- d'un traitement.

Enfin, le nombre de médecins traitants apparaît insuffisant au regard des besoins. Afin de remédier à cette difficulté, la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a prévu d'élargir le « vivier » des responsables du traitement thérapeutique aux titulaires d'un diplôme de troisième cycle en psychologie clinique.

Enfin, il peut comporter le placement sous surveillance électronique mobile à condition que la personne ait été condamnée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à sept ans.

L'inobservation par le condamné des obligations liées au suivi socio-judiciaire est sanctionnée par un emprisonnement dont la durée maximale doit être initialement fixée par la juridiction de jugement et qui, en tout état de cause, ne peut dépasser trois ans en cas de délit et sept ans en cas de crime. Il appartient au juge de l'application des peines d'ordonner, en tout ou partie, l'exécution de cet emprisonnement.

La possibilité d'appliquer le suivi socio-judiciaire aux auteurs de violences conjugales paraît justifiée à un double titre.

En premier lieu, les responsables de tels actes ont souvent besoin d'une prise en charge sanitaire -ne serait-ce que parce que ces comportements peuvent présenter un lien étroit avec la consommation excessive d'alcool. Aussi l'injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire offre-t-elle la possibilité de traiter certaines causes du comportement violent.

Ensuite, le suivi socio-judiciaire permet de soumettre la personne à plusieurs obligations après l'exécution de la peine ce qui constitue un moyen de limiter les risques de la récidive tout en assurant un suivi sanitaire sur la durée, à travers l'injonction de soins.

La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive a prévu que l'auteur de violences au sein du couple pourrait, d'une part, se voir interdire de résider au domicile du conjoint et, le cas échéant, de paraître dans ce domicile ou à proximité et, d'autre part, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. Ces dispositions ne peuvent être prises que dans un cadre limité : au titre des mesures alternatives aux poursuites , dans le cadre des mesures de contrôle judiciaire ou de celui du sursis avec mise à l'épreuve .

Votre commission estime logique d'étendre ce dispositif aux parents violents et vous soumet un amendement en ce sens.

Elle vous propose d'adopter l'article 15 ainsi modifié .

Article 16 (art. 226-14 du code pénal ; art. 48-5 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)
Levée du secret médical - Délit de provocation aux violences au sein du couple

L'efficacité de la répression des violences au sein du couple est affaiblie par la réticence des victimes à se manifester. Les deux dispositions proposées par cet article visent précisément à surmonter les effets de cette « loi du silence ».

? Le I du présent article tend ainsi à compléter le 2° de l'article 226-14 du code pénal afin de permettre au médecin de porter à la connaissance du procureur de la République sans que l'accord de la victime soit nécessaire , les sévices ou privations qu'il a constatés.

En l'état du droit, le médecin est délié de l'obligation de secret professionnel lorsque les sévices et les privations qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession lui « permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toutes natures ont été commises ». Il en informe alors le procureur de la République avec l'accord de la victime . Toutefois, cet accord n'est pas nécessaire lorsque la victime est mineure. Cette exception au principe de l'accord vaudrait aussi désormais, aux termes des dispositions proposées par cet article, quand la victime a fait savoir au médecin qu'elle a été victime de violences commises par son conjoint, son concubin ou son partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité ou par son « ex » conjoint, concubin ou partenaire.

Votre commission s'est longuement interrogée sur cette disposition. Plusieurs de ses membres ont estimé que le médecin ne pouvait s'affranchir de l'accord de la victime mais devait l'accompagner et la convaincre, dans une démarche de responsabilisation, de prendre elle-même l'initiative de saisir la justice.

Cependant, selon les représentants des associations chargées de la défense des victimes de violences au sein du couple entendus par votre rapporteur, la volonté des personnes victimes de telles violences apparaît à ce point brisée que l'application du secret médical en la matière pourrait s'assimiler à non assistance à personne en danger.

? Le II de cet article vise, quant à lui, à compléter l'article 48-5 de la loi du 29 juillet 1881 afin de permettre aux associations actuellement visées par cet article -associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits dont l'objet social est de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d'assister les victimes de ces discriminations- de se porter partie civile pour les délits de provocation concernant les crimes ou délits d'agression sexuelle ou les crimes ou délits commis au sein du couple.

En l'état du droit, les associations peuvent se porter partie civile pour les délits de provocation à la haine ou à la violence ou à certaines formes de discrimination en raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap. 64 ( * )

Les cas de provocation aux agressions sexuelles et aux agressions commises au sein du couple apparaissent cependant excessivement rares. A l'exception d'un cas médiatique 65 ( * ) , les magistrats entendus par votre rapporteur n'en ont rapporté aucun autre. Il semble que du fait des dispositions actuelles permettant en particulier la répression de provocations de violences à raison du sexe, l'arsenal juridique actuel ne présente pas de nouvelles failles. Enfin, les associations entendues par votre rapporteur n'ont pas confirmé l'intérêt du dispositif proposé par le projet de loi.

Votre commission vous soumet donc un amendement tendant à la suppression du paragraphe II de cet article.

Elle vous propose d'adopter l'article 16 ainsi modifié .

Article 17 (art. 32 à 39 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998, art. 227-22-1 nouveau du code pénal, art. 60-3, 77-1-3 nouveaux et 99-4 du code de procédure pénale)
Protection des mineurs vis-à-vis des représentations pornographiques et dans l'utilisation d'Internet

1. Protéger les mineurs des représentations et messages à caractère violent ou pornographique

Le paragraphe I du présent article tend à modifier la législation relative au contrôle de tout document diffusé sur un support autre que le papier, le cinéma ou la télévision et pouvant présenter un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou de la place faite à la violence.

La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs avait comblé une lacune.

Dans son rapport sur cette loi au nom de la commission des lois du Sénat, notre ancien collègue Charles Jolibois relevait 66 ( * ) : « alors que la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse permet au ministre de l'intérieur d'interdire la vente aux mineurs des publications dont le contenu est susceptible de porter atteinte à la dignité de la personne humaine, notamment du fait de leur caractère pornographique, (...) il n'existe aucun dispositif analogue en ce qui concerne les vidéogrammes (vidéocassettes enregistrées sur support magnétique, vidéodisques enregistrés sur support électronique) et les programmes informatiques (notamment ceux des jeux vidéo). Le visa d'exploitation, dont l'obtention est obligatoire avant la diffusion d'un film et qui permet d'interdire certains d'entre eux aux moins de 18 ans (oeuvres pornographiques), aux moins de 16 ans ou aux moins de 12 ans, ne vaut que pour les oeuvres projetées dans les salles de cinéma 67 ( * ) . Or, la plupart des films pornographiques diffusés sur vidéocassette ne font l'objet d'aucune exploitation en salle avant leur mise sur le marché. Ainsi, ils échappent entièrement à l'obligation d'obtenir un visa d'exploitation. Quant aux autres documents vidéo, aucune législation ne permet d'interdire leur vente aux mineurs ».

La loi du 17 juin 1998 68 ( * ) a donc mis en place pour les vidéocassettes, les jeux électroniques ou, plus récemment, les DVD un dispositif quasiment analogue à celui de la loi du 16 juillet 1949 précitée.

La procédure administrative en vigueur est la suivante. Lorsque le document présente un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciales, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants, l'autorité administrative 69 ( * ) peut, par arrêté motivé et après avis d'une commission administrative compétente, interdire :

- de le proposer, de le donner, de le louer ou de le vendre à des mineurs ;

- de faire en faveur de ce document de la publicité par quelque moyen que ce soit. Toutefois, la publicité demeure possible dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs.

En fonction du degré de danger pour la jeunesse que présente le document, l'autorité administrative prononce la première interdiction ou les deux interdictions conjointement.

La commission administrative peut également signaler à l'autorité administrative les documents qui lui paraissent pouvoir justifier une interdiction.

L'article 35 de la loi du 17 juin 1998 précise que ces interdictions doivent être mentionnées de façon apparente sur chaque unité de conditionnement des exemplaires édités et diffusés

Les articles 36 à 39 de la loi du 17 juin 1998 définissent les sanctions pénales applicables. Le fait de contrevenir aux interdictions de diffusion ou de publicité est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. Le fait par toute sorte d'artifices ou de changements de titres ou de supports d'éluder ou de tenter d'éluder ces interdictions est puni de deux ans de prison et de 30.000 euros d'amende. Les personnes morales encourent également une amende d'un montant égal à cinq fois celui prévu pour les personnes physiques et la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.

Malheureusement, le bilan de la loi du 17 juin 1998 est très médiocre . Censée combler une lacune de notre droit, elle s'est révélée inefficace car incapable de traiter des flux aussi importants de document. Ainsi, depuis 1998, la commission compétente pour avis se serait réuni moins d'une dizaine de fois.

Le projet de loi modifie la philosophie du dispositif en substituant en partie un mécanisme d'autorégulation de la profession au contrôle administratif en vigueur.

Le texte proposé pour l'article 32 de la loi du 17 juin 1998 tend à instaurer un système de signalétique géré directement par les éditeurs et les distributeurs.

Cette idée est directement inspirée de la classification élaborée il y a trois ans par l'industrie du jeu vidéo elle-même. Adopté par seize pays européens, le système PEGI (Pan European Game Information) classe par ordre d'âge les jeux électroniques et vidéo. Cinq catégories d'âge existent : 3+, 7+, 12+, 16+ et 18+.

Le projet de loi légaliserait et étendrait l'autorégulation à l'ensemble des documents à caractère pornographique ou violent.

Concernant les premiers, il serait automatiquement interdit de les proposer, donner, louer ou vendre aux mineurs. La loi du 17 juin 1998 laisse à l'autorité administrative la faculté de les interdire, mais rien ne l'y oblige. L'autocontrôle aurait des effets plus stricts.

Par ailleurs, le projet de loi précise que ces documents devraient comporter, sur chaque unité de conditionnement, de façon visible, lisible et inaltérable, la mention « mise à disposition des mineurs interdite (article 227-24 du code pénal) ». La loi du 17 juin 1998 dispose uniquement que l'interdiction administrative de mise à disposition des mineurs doit être mentionnée de façon apparente.

Concernant les autres documents, c'est-à-dire ceux pouvant présenter un danger pour la jeunesse en raison de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants, une signalétique distincte, proportionnée en fonction de l'âge des mineurs, serait définie .

Conformément au droit en vigueur, l'autorité administrative continuerait à pouvoir interdire la diffusion de ces documents aux mineurs concernés. Elle conserverait une marge d'appréciation.

Toutefois, une maladresse de rédaction du projet de loi laisse penser que l'autorité administrative ne pourrait pas interdire la mise à disposition des mineurs des documents à caractère pornographique. Or, il est indispensable de préserver cette possibilité dans le cas où les éditeurs ou les distributeurs ne respecteraient pas leurs obligations en matière de signalétique. Des divergences de vue peuvent apparaître sur le caractère pornographique ou non d'un document.

Votre commission vous soumet un amendement rétablissant cette faculté pour l'autorité administrative.

Le projet de loi tend également à accroître la palette des mesures à la disposition de l'autorité administrative.

Outre l'interdiction pure et simple de la mise à disposition des mineurs, l'autorité administrative pourrait également interdire :

- de faire en faveur de ces documents (pornographiques et autres) de la publicité, celle-ci demeurant néanmoins possible dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs. Le droit en vigueur permet déjà de prendre cette mesure d'interdiction de la publicité ;

- d'exposer ces documents (pornographiques et autres) à la vue du public en quelque lieu que ce soit, l'exposition demeurant possible dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs.

Cette dernière mesure est une innovation par rapport au droit en vigueur. Elle s'inspire directement de l'article 14 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. Son troisième alinéa dispose que le ministère de l'intérieur est habilité à interdire « d'exposer ces publications à la vue du public en quelque lieu que ce soit, et notamment à l'extérieur ou à l'intérieur des magasins ou des kiosques, et de faire pour elles de la publicité par la voie d'affiches ».

Une autre différence par rapport à la loi du 17 juin 1998 concerne la procédure administrative suivie.

Selon le droit positif, l'autorité administrative prend ses décisions d'interdiction par arrêté motivé et après avis d'une commission administrative compétente. Le projet de loi la supprime.

Concernant les sanctions pénales, la définition des infractions et le quantum des peines resteraient quasi-identiques. Toutefois, le non respect des règles en matière de signalétique des documents à caractère pornographique deviendrait un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. La loi du 17 juin 1998 érigeait cette infraction en simple contravention, renvoyant à un décret en Conseil d'Etat la détermination des sanctions applicables.

En revanche, le non respect de la signalétique pour les autres documents ne constituerait pas un délit. Cette différence de traitement entre les documents pornographiques et les autres est compréhensible. Autant il est assez facile d'apprécier le caractère pornographique d'un document, autant il est difficile de qualifier et de mesurer la violence d'un document. Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel.

2. Protéger les mineurs utilisant Internet

? Le II du présent article tend à insérer un nouvel article après l'article 222-22 du code pénal afin d'incriminer spécifiquement le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans en utilisant un moyen de communication électronique.

Cette nouvelle disposition vise plus particulièrement les pédophiles qui utilisent Internet pour identifier et abuser de leurs victimes. Il n'existe pas actuellement de moyens de réprimer de tels comportements.

En effet, le délit de corruption de mineurs prévu à l'article 227-23 du code pénal (passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amendes) ne couvre que les incitations à la débauche. Comme le montre la jurisprudence de la cour de cassation 70 ( * ) ne tombent pas sous le coup de cette incrimination le fait de séduction personnelle et directe ou les actes seulement destinés à satisfaire ses propres passions.

Par ailleurs, le fait pour un majeur d'« exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle » sur un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende par l'article 227-25 du code pénal.

La peine est portée à dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation d'un réseau de télécommunications.

Cependant ce délit n'est caractérisé que l'acte une fois accompli .

Il apparaît donc utile de réprimer les comportements pouvant conduire à l'atteinte sexuelle dès lors qu'ils sont attestés par des propositions sexuelles explicites et qu'ils recourent à un moyen de communication électronique.

Le projet de loi prévoit pour ce nouveau délit une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende qui serait portée à cinq ans d'emprisonnement et à 75.000 euros d'amende lorsque les propositions ont été suivies d'une rencontre.

? Le III du présent article cherche à renforcer la lutte contre les comportements délictueux dont les mineurs peuvent être victimes par le biais d'Internet en renforçant les moyens d'en réunir les preuves et d'en identifier les responsables.

A cette fin, et sur le modèle des opérations d'infiltration prévues par la loi du 9 mars 2004 pour lutter contre la grande criminalité, le projet de loi prévoit que les officiers ou agents de police judiciaire peuvent, sans être pénalement responsables, prendre trois types d'initiatives :

- prendre un nom d'emprunt pour participer aux échanges électroniques,

- entrer en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles de commettre les infractions ;

- extraire et conserver des contenus illicites dans des conditions qui seraient fixées par décret.

Ces méthodes pourraient être mises en oeuvre pour constater les infractions mentionnées aux articles 227-18 à 227-24 du code pénal : provocation à l'usage ou au trafic de stupéfiants, à la consommation habituelle et excessive d'alcool ; provocation à commettre un crime ou un délit ; corruption de mineurs ; le fait d'enregistrer ou de diffuser des images pornographiques de mineurs.

Le dispositif proposé est assorti de trois séries de garanties.

En premier lieu, la finalité en est strictement délimitée. Ces procédés ne peuvent en effet être utilisés que pour constater les infractions visées et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs.

Ensuite, les méthodes considérées ne peuvent être mises en oeuvre que par des officiers ou agents de police judiciaire spécialement habilités par le procureur général près la cour d'appel de Paris (l'opération d'infiltration prévue à l'article 706-81 du code de procédure pénale requiert seulement l'autorisation du procureur de la République ou, après avis de celui-ci, du juge d'instruction). En outre, ils doivent être affectés dans un service spécialisé.

Enfin, comme le prévoit d'ailleurs la procédure prévue pour les opérations d'infiltration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, les actes entrepris par la police judiciaire ne peuvent, sous peine de nullité, constituer une incitation à commettre les infractions qu'il s'agit de réprimer.

? Le IV et le V permettent l'utilisation de ces méthodes dans le cadre de l'enquête préliminaire ainsi que des commissions rogatoires.

Par souci de simplification votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer le dispositif proposé au paragraphe III du présent article, après l'article 706-47-2 du code de procédure pénale, au titre XIX du code de procédure pénale qui fixe les dispositions communes à la procédure applicable aux infractions sexuelles à la protection des mineurs victimes. Ainsi, il s'appliquerait ipso facto dans le cadre de l'enquête sur infraction flagrante, de l'enquête préliminaire ou des commissions rogatoires sans qu'il soit nécessaire de le mentionner pour chacune de ces procédures.

Votre commission vous propose en conséquence de supprimer les paragraphes IV et V du présent article.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 17 ainsi modifié .

Article 18 (art. L. 3211-11 du code de la santé publique)
Renforcement du dispositif de contrôle des sorties d'essai des établissements psychiatriques

Le présent article vise à mieux assurer le contrôle des personnes qui, dans le cadre d'une hospitalisation sans consentement, bénéficient de sorties d'essai.

Ces sorties d'essai ont pour objet de favoriser la guérison, la réadaptation ou la réinsertion sociale des intéressés. Elles peuvent notamment se dérouler au sein d'équipements et de services ne comportant pas d'hospitalisation à temps complet.

La loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation a précisé le régime des sorties d'essai consacrant ainsi des pratiques qui ne faisaient jusqu'alors l'objet d'aucune disposition légale ou réglementaire.

La sortie d'essai est assortie de plusieurs garanties destinées à vérifier que cet aménagement du traitement médical est compatible avec l'état de santé de la personne et les considérations de sécurité.

Ces garanties concernent d'abord la décision de sortie d'essai, son renouvellement et sa cessation. Deux cas de figure doivent être distingués :

- dans l'hypothèse d'une hospitalisation sur demande d'un tiers , la décision appartient à un psychiatre de l'établissement d'accueil ; le bulletin de sortie d'essai est visé par le directeur de l'établissement et transmis sans délai au représentant de l'Etat dans le département. Le tiers ayant fait la demande d'hospitalisation est informé ;

- dans l'hypothèse d'une hospitalisation d'office , la décision est prise par le représentant de l'Etat dans le département sur proposition écrite et motivée d'un psychiatre de l'établissement d'accueil.

Par ailleurs, la sortie d'essai comporte une surveillance médicale . Elle est limitée à trois mois , renouvelable .

Ainsi que l'avait rappelé M. Cyrille Canetti, médecin psychiatre du service médico-psychologique régional de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis lors des auditions publiques organisées le 14 juin par votre commission dans le cadre de la mission d'information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses 71 ( * ) , ces sorties d'essai constituent un dispositif utile pour favoriser une réinsertion progressive de la personne tout en maintenant un accompagnement plus ou moins contraignant (en cas de refus de suivre le traitement, le patient peut être hospitalisé de nouveau : de ce fait, la sortie d'essai correspond, en pratique, à une obligation de soins).

Selon les estimations du rapport sur les problèmes de sécurité liés au régime d'hospitalisation sans consentement établi à l'initiative du ministère de l'intérieur en mai 2004, une partie importante des personnes hospitalisées sans leur consentement sont placées sous le régime de la sortie d'essai (65 % pour les hospitalisations d'office relevant de la préfecture de Paris, la moitié dans les autres départements).

Un tel dispositif implique un suivi attentif du malade (respect du traitement, calendrier des consultations médicales, décisions administratives de renouvellement de l'autorisation assorties d'un certificat médical du médecin psychiatre hospitalier). Or la généralisation des sorties d'essai et leur prolongation 72 ( * ) ne s'accompagnent pas toujours des mesures nécessaires. Comme le remarquaient les auteurs du rapport précité « le malade ne se conformant pas aux conditions de la sortie d'essai n'est pas toujours réintégré à l'hôpital, les médecins n'alertant ni systématiquement, ni immédiatement l'autorité administrative quand le malade ne suit plus son traitement ou ne se présente pas aux rendez-vous médicaux. Souvent, les décisions d'hospitalisation sont même purement et simplement abrogées en cas de fugue ».

Le souci de mieux connaître la situation des personnes placées sous le régime des sorties d'essai inspire les deux compléments proposés par le projet de loi à l'actuel article L. 3211-11 du code de la santé publique.

Le 1° du présent article vise à préciser les informations contenues dans la décision de sortie : identité du malade, adresse de la résidence habituelle ou du lieu de séjour du malade, calendrier des visites médicales obligatoires et, le cas échéant, un numéro de téléphone ainsi que la date de retour à l'hôpital.

Le 2° de cet article prévoit, dans le cas des hospitalisations d'office, l'obligation d'informer le maire de la commune où est implanté l'établissement et le maire de la commune où le malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour de la décision de sortie d'essai -ainsi que de son renouvellement ou de sa cessation- dans un délai de 24 heures.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir également l' information des procureurs de la République dans le ressort où réside le patient ainsi que dans celui où est situé l'établissement.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 18 ainsi modifié .

Article 19 (art. L. 3213-9-1 du code de la santé publique)
Mise en place d'un traitement national des données en matière d'hospitalisation d'office

Cet article tend à instituer un traitement national de données à caractère personnel, placé sous l'autorité du ministère chargé de la santé , destiné à améliorer le suivi et l'instruction des mesures d'hospitalisation d'office.

Sans doute existe-t-il aujourd'hui une application informatique « HOPSY » créée en 1994 73 ( * ) destiné à enregistrer et gérer les hospitalisations psychiatriques sans consentement. Cependant, ces fichiers ont été institués à un niveau départemental et ils ne sont pas interconnectés. En outre toutes les DDASS n'ont pas développé cette application.

Par ailleurs, la durée de conservation des données -une année après la fin de l'hospitalisation 74 ( * ) - paraît trop courte.

Enfin, les modalités de consultation de ces fichiers ont donné lieu à certaines difficultés d'interprétation dans le cadre de la réglementation sur les autorisations de détention d'arme . Par un télégramme du 8 avril 2002, le ministre de l'intérieur avait attiré l'attention des préfets sur les conditions de délivrance des autorisations de détention d'arme en leur demandant notamment de « procéder à la vérification systématique des autorisations de détention d'armes (...) en particulier en consultant lorsqu'il existe, le traitement informatisé d'informations nominatives gérées par la DDASS (fichier HOPSY) ».

Une circulaire du ministère de la santé en date du 3 mai 2002 75 ( * ) avait précisé les modalités de cette consultation : « la demande de consultation du fichier HOPSY doit porter sur des demandes nominatives (...) et la consultation doit être opérée par les soins de la DDASS, ce qui exclut que les fichiers des personnes hospitalisées sans leur consentement, HOPSY ou manuels, puissent être mis à la disposition des services de la préfecture 76 ( * ) ».

La position du ministère de la santé se fondait alors, d'une part sur le principe posé par la loi du 27 juin 1990 77 ( * ) selon lequel une personne hospitalisée sans son consentement, en raison de ses troubles mentaux, conserve ses droits et ses devoirs de citoyen, sans que ses antécédents psychiatriques puissent lui être opposés (article L. 3211-5 du code de la santé publique) et, d'autre part, sur la protection du secret professionnel (article 226-13 et 226-14 du code pénal).

Il semble cependant que la position défendue par le ministère de la santé soit plus restrictive que celle retenue alors par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

En effet, dans son rapport d'activité 2001, celle-ci rappelle que « le préfet et les services placés sous son autorité chargés d'instruire les demandes de port d'armes sont bien sûr habilités à avoir accès [...] aux informations détenus par la DDASS [...] La CNIL a autorisé la mise en oeuvre de tels fichiers tant par les DDASS pour les personnes hospitalisées d'office que par les préfectures pour les détenteurs d'armes. Les uns et les autres sont bien entendu accessibles au préfet et à ses services compétents. »

En pratique, la mission précitée à relevé qu'« il existait, à des degrés divers selon les départements, une résistance culturelle des DDASS à communiquer les informations qu'elles détiennent, fussent-elles de nature strictement administratives . ».

Le fichier proposé vise à lever ces difficultés.

En premier lieu, il présenterait un caractère national.

Il apparaît, en effet, nécessaire de disposer d'informations sur les hospitalisations d'office intervenues dans d'autres départements que celui où est instruite la mesure de placement d'office ou la demande de détention d'armes.

Ensuite, le préfet, le procureur de la République et le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ainsi que toutes personnalités habilités par eux pourraient accéder directement , par des moyens sécurisés, aux données à caractère personnel enregistrées dans le fichier. L'autorité judiciaire serait, quant à elle, destinataire des informations recueillies dans le traitement.

Enfin, les données seraient conservées pendant toute la durée de l'hospitalisation et jusqu'à la fin de la cinquième année suivant la fin de l'hospitalisation.

Cependant, la constitution du traitement ainsi que son utilisation seraient assorties de plusieurs garanties.

D'abord, le traitement informatique resterait placé sous l' autorité du ministère de la santé .

En outre, ce fichier ne concernerait que les hospitalisations d'office alors que les actuels fichiers HOPSY couvrent l'ensemble des hospitalisations psychiatriques sans consentement y compris les hospitalisations sur demande d'un tiers.

Par ailleurs, le projet de loi précise que le fichier ne comprendrait pas « de données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, autres que celles en rapport avec la situation administrative des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office ».

Le I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 interdit la collecte ou le traitement de données à caractère personnel « qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celle-ci ».

Ensuite, le projet de loi prévoit que le traitement ne peut faire l'objet d' aucun rapprochement ou interconnexion avec d'autres fichiers.

Votre commission estime justifiée la possibilité pour le préfet d'accéder directement au fichier des personnes placées sous hospitalisation d'office.

Le préfet détenant, en matière d'hospitalisation d'office le pouvoir de décision, il paraît logique et conforme aux principes de la loi du 6 janvier 1978 qu'il puisse bénéficier d'un accès direct au fichier. La DDASS n'exerce dans ce domaine qu'un rôle d'instruction et de suivi. En outre, elle est placée sous l'autorité du préfet : il serait paradoxal d'interdire au préfet l'accès direct au fichier en en réservant l'exclusivité au directeur d'un service départemental.

En revanche, il apparaît souhaitable de préciser d'une part, que les autorités concernées ne peuvent bénéficier de l'accès direct au traitement que dans le cadre de leurs attributions en matière d'hospitalisation d'office et, d'autre part, que les personnes habilitées par ces autorités pour connaître des informations du fichier doivent être « dûment désignées ».

Votre commission vous propose un amendement en ce sens.

? Le II du présent article permet par ailleurs la consultation du fichier qui serait ainsi créé par le préfet dans le cadre de la réglementation concernant l'acquisition ou la possession de certaines armes (article L. 2336-3 du code de la défense).

Le traitement concernant les hospitalisations d'office pourrait ainsi être consulté à deux titres :

- dans le cadre de l'instruction des demandes de délivrance ou de renouvellement d'une autorisation d'acquisition ou de détention de matériels de 1 ère catégorie (armes à feu et leurs munitions considérées comme matériels de guerre) et de 4 ème catégorie (armes à feu dites de défense et leurs munitions) 78 ( * ) ;

- dans le cadre de la déclaration de détention d'armes des 5 ème et 7 ème catégories (armes de chasse et leurs munitions ; armes de tir, de foire ou de salon et leurs munitions).

? Le III du présent article renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités mises en oeuvre de ce fichier. Ce décret sera soumis à l'avis de la CNIL. Le projet de loi précise certaines des dispositions que devra comprendre le décret et donc les points sur lesquels la CNIL sera appelée à se prononcer :

- nature des données à caractère personnel enregistrées ;

- nature des données à caractère personnel susceptibles d'être consultées dans le cadre de la réglementation sur les armes ;

- conditions dans lesquelles les personnes intéressées pourront exercer leur droit d'accès ;

- modalités d'alimentation du fichier national, de sa consultation et de mise à disposition des données ;

- conditions de sécurisation des informations et en particulier d'habilitation des personnels à accéder au fichier et à demander la communication des données.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 19 ainsi modifié .

Article 20 (art. L. 3212-1 du code de la santé publique)
Application exclusive de l'hospitalisation d'office en cas d'atteintes à la sûreté des personnes ou à l'ordre public

Le présent article vise à clarifier les conditions d'application respectives des deux régimes actuels d'hospitalisation sous contrainte : l'hospitalisation sur demande d'un tiers, l'hospitalisation d'office.

L'hospitalisation sur demande d'un tiers ne peut intervenir qu'à deux conditions cumulatives : les troubles dont la personne est atteinte rendent impossible son consentement ; son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier (article L. 3212-1 du code de la santé publique).

L'hospitalisation d'office peut être décidée par le préfet si, d'une part, l'intéressé nécessite des soins et, d'autre part, les troubles mentaux dont il est atteint compromettent la sûreté des personnes ou portent gravement atteinte à l'ordre public (article L. 3213-1 du code pénal).

Cependant, en pratique, selon les constats du rapport sur les problèmes de sécurité liés à l'hôpital sous contrainte, la procédure d'hospitalisation sur demande d'un tiers est appliquée à des personnes qui relèveraient plutôt de l'hospitalisation d'office compte tenu des risques que leur comportement présente au regard de la sécurité publique. En effet, dans les cas d'urgence en particulier, l'hospitalisation d'office paraît plus lourde à mettre en oeuvre que l'hospitalisation sur demande d'un tiers puisqu'elle fait intervenir successivement deux autorités administratives, le maire puis le préfet.

Cette confusion n'est pas sans inconvénient : en dehors du régime de l'hospitalisation d'office, le préfet ne peut exercer ses prérogatives notamment en matière de sortie d'essai et de levée de l'hospitalisation.

Sans doute, en l'état du droit, une hospitalisation sur demande d'un tiers peut-elle être transformée en hospitalisation d'office.

Ainsi, le préfet peut prendre un arrêté provisoire d'hospitalisation d'office à l'égard des personnes relevant d'une hospitalisation à la demande d'un tiers dans le cas où leur état mental nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave, à l'ordre public (article L.3213-6 du code de la santé publique).

Cette décision doit être confirmée au terme d'une durée de quinze jours (dans les formes prévues par l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, à savoir au vu d'un certificat médical circonstancié). A défaut, elle devient caduque. Toutefois, ces dispositions sont rarement mises en oeuvre .

Le présent article vise à lever tout risque de superposition des deux régimes en excluant explicitement du régime de l'hospitalisation sur demande d'un tiers les personnes dont les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou troublent gravement l'ordre public.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 20 sans modification .

Articles 21 et 22 (art. L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-2 du code de la santé publique)
Compétence de principe du maire en matière d'hospitalisation d'office

Ces deux articles tendent à modifier la procédure applicable aux hospitalisations d'office en transférant du préfet au maire la compétence de principe pour décider d'une hospitalisation d'office.

Actuellement, aux termes de l'article L. 3213-1, alinéa 1 er du code de santé publique, il appartient aux représentants de l'Etat dans les départements et au préfet de police à Paris de prononcer par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement habilité des personnes dont les troubles mentaux compromettent la sûreté ou portent gravement atteinte à l'ordre public.

Cependant, en cas de danger imminent pour les personnes , attesté par un avis médical ou à défaut par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires (article L. 3213-2 du code de santé publique). Ces mesures consistent le plus souvent en une hospitalisation d'office.

L'auteur de la mesure doit en référer dans les 24 heures au représentant de l'Etat dans le département. Celui-ci statue sans délai et prend, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office selon la procédure prévue à l'article L. 3213-1 du code de santé publique.

Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires deviennent caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures.

Les nouvelles dispositions proposées par le projet de loi s'inspirent de deux propositions du rapport de mai 2004 sur les problèmes de sécurité liés au régime d'hospitalisation sans consentement. En premier lieu, ce rapport avait souligné l'« excessive rapidité de la phase en amont du processus d'hospitalisation sous contrainte ». Le certificat sur lequel se fonde le préfet présente la description d'un trouble et non un diagnostic précis. Le rapport estimait que seule une phase d'observation plus longue permettrait une juste évaluation de l'état du malade en distinguant notamment les troubles mentaux caractérisés des réactions liées à la consommation de certains produits -médicaments, alcool, drogue. Il proposait en conséquence de déterminer une phase d'observation de 72 heures- au terme de laquelle la personne serait orientée soit vers une hospitalisation d'office, soit vers une hospitalisation sur demande d'un tiers.

En second lieu, constatant que le maire est devenu un acteur de premier plan en matière de sécurité, le rapport précité avait proposé de lui confier les mesures initiales d'hospitalisation d'office afin de « favoriser un règlement de situations parfois délicates au plus près du terrain ». Il faut d'ailleurs relever qu'en moyenne 65 % des hospitalisations d'office sont actuellement précédées de mesures provisoires du maire ou des commissaires de police à Paris.

Ces considérations ont conduit, dans le cadre du projet de loi, à proposer de modifier la procédure d'hospitalisation d'office afin de l'aménager en deux temps :

- une phase initiale où la mesure d'hospitalisation d'office serait prise par le maire et correspondrait à une mesure de sûreté immédiate au cours de laquelle la personne peut être observée ;

- une deuxième étape, intervenant dans un délai de 72 heures , où l'hospitalisation d'office devrait être confirmée par le préfet - la décision pouvant être prise alors sur la base d'une évaluation médicale plus complète.

Selon le rapport précité, ce dispositif en deux temps permettrait de mettre la procédure en conformité avec les orientations du Conseil de l'Europe selon lesquelles l'autorité qui enclenche la procédure doit être, dans la mesure du possible, distincte de celle qui la confirme.

Premier temps : l'initiative du maire (article L. 3213-1)

Dans la nouvelle rédaction proposée, l'article L. 3213-1 prévoit ainsi que le maire ou, à Paris, le commissaire de police prononce par arrêté motivé au vu d'un certificat médical ou, en cas d'urgence, d'un avis médical, l'hospitalisation d'office. Si la nouvelle formulation ne requiert plus un certificat médical circonstancié elle précise -ce qui n'est actuellement pas le cas pour les mesures provisoires prises par le maire- que l'arrêté du maire doit être motivé .

Par ailleurs, il convient de relever que ce dispositif ne fait plus référence au trouble mental attesté par la seule « notoriété publique » comme le permet l'article 3213-2 du code de santé publique s'agissant des mesures provisoires.

Pour le reste, les conditions déterminant l'hospitalisation d'office demeurent inchangées : elles supposent, d'une part, que les troubles mentaux dont souffre la personne requièrent des soins et, d'autre part, que la sûreté des personnes ou l'ordre public se trouvent menacés.

Par ailleurs, comme tel est le cas aujourd'hui pour les mesures provisoires prises par le maire, celui-ci doit en référer dans les 24 heures au préfet.

En outre, une disposition que ne prévoyait ni la procédure habituelle d'hospitalisation d'office, ni les mesures provisoires permettrait de placer « le temps strictement nécessaire et justifié » la personne dans une structure médicale adaptée dans deux hypothèses :

- lorsque l'avis médical ne peut être immédiatement obtenu ;

- lorsque l'arrêté du maire a été rendu mais ne peut être exécuté sur le champ.

Enfin, tout en transférant la compétence de principe en matière d'hospitalisation d'office au maire, le texte préserve les compétences du préfet au stade initial de la procédure. En effet « en cas de nécessité » celui-ci peut toujours prononcer cette hospitalisation.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à préciser que le préfet doit alors se prononcer dans les mêmes conditions de fond et de forme que celles prévues pour le maire (arrêté motivé, certificat médical ou en cas d'urgence, avis médical, double condition de soins nécessaires et de troubles à l'ordre public). Ensuite, il peut également procéder à la levée anticipée de la mesure.

En tout état de cause, la mesure devient caduque, si le préfet ne confirme par la mesure, au terme d'une durée de 72 heures.

Deuxième temps : confirmation par le préfet (article L. 3213-2)

La décision du préfet doit être éclairée par l'avis médical. Son information repose dès la première phase de la procédure sur l'établissement de deux certificats médicaux successifs. En effet, le directeur de l'établissement dans lequel a été hospitalisée la personne doit transmettre au représentant de l'Etat et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques un premier certificat médical dans un délai de 24 heures suivant la décision d'hospitalisation du maire.

Tel est d'ailleurs le cas dans le dispositif actuel. Toutefois compte tenu de l'allongement de cette phase d'observation, un nouveau certificat médical doit être transmis par le directeur de l'établissement dans un délai de 72 heures .

Le texte prévoit que l'auteur de ces certificats ne peut être le même que celui qui a établi l'avis médical sur lequel le maire s'est fondé pour décider l'hospitalisation d'office. Votre commission vous propose un amendement tendant à corriger un oubli de viser le certificat mentionné à l'article 3213-1 dans la nouvelle rédaction proposée.

L'un et l'autre de ces médecins peuvent toutefois appartenir au même établissement. En l'état du droit, le certificat médical circonstancié au vu duquel le préfet décide l'hospitalisation d'office « ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade » (art. L. 3213-1 du code de santé publique).

Au vu du certificat médical, le représentant de l'Etat prononce par arrêté la confirmation de l'hospitalisation d'office. Pour le reste, la rédaction de l'article L. 3213-2 s'inspire des termes actuels de l'article L. 3213-1 :

- l'hospitalisation d'office concerne les personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ;

- les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent précisément les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire ;

- les arrêtés sont inscrits sur le registre prévu par l'article L. 3212-11, tenu par chaque établissement, où sont transcrites l'ensemble des informations administratives concernant les personnes soumises à l'hospitalisation d'office.

Par coordination avec les dispositions proposées pour l'hospitalisation d'office, le 1° de l'article 22 prévoit que dans le cadre de l'hospitalisation sur demande d'un tiers, un nouveau certificat médical constatant l'état mental de la personne devra, après le certificat établi dans les 24 heures suivant l'admission, confirmer ou infirmer la nécessité de maintenir l'hospitalisation sur demande d'un tiers.

Votre commission vous propose d'adopter les articles 21 et 22 ainsi modifiés .

Article 23 (art. L. 3213-5-1 nouveau du code de la santé publique)
Possibilité pour le représentant de l'Etat dans le département d'ordonner une expertise médicale

Cet article permet au représentant de l'Etat d'ordonner à tout moment une expertise médicale dans le cadre de l'hospitalisation sur demande d'un tiers comme dans celui de l'hospitalisation d'office.

L'hospitalisation sur demande d'un tiers est levée dès qu'un psychiatre de l'établissement certifie que les conditions de cette hospitalisation ne sont plus réunies (article L. 3212-8 du code de la santé publique). Le préfet est alors informé dans les 24 heures suivant la fin de l'hospitalisation par le directeur de l'établissement.

En matière d'hospitalisation d'office, si un psychiatre déclare sur un certificat médical ou sur le registre d'établissement que la sortie peut être ordonnée, le directeur de l'établissement est tenu d'en référer dans les 24 heures au préfet qui statue sans délai.

Compte tenu des responsabilités qui incombent au préfet au titre des deux régimes d'hospitalisation sous contrainte en matière de sortie des personnes atteintes de troubles mentaux, il apparaît légitime de donner au préfet la possibilité d'ordonner une expertise médicale, y compris pour confirmer ou infirmer une expertise précédente.

Le nouvel article L. 3213-5-1 du code de la santé publique précise d'ailleurs que cette expertise est conduite par un psychiatre n'appartenant pas à l'établissement d'accueil du malade et choisi par le préfet sur la liste des experts psychiatres inscrits près la cour d'appel du ressort de l'établissement.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 23 sans modification .

Article 24 (art. L. 3212-7 et L. 3213-8 du code de la santé publique)
Procédure applicable au classement sans suite motivé par l'irresponsabilité pénale

Cet article tend à appliquer au classement sans suite les dispositions spécifiques prévues par le code de la santé publique pour l'hospitalisation d'office après une décision de non lieu, relaxe ou un acquittement fondé sur l'article 122-1 du code pénal.

En vertu de l'article 122-1 du code de procédure pénale, « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Cette irresponsabilité peut être constatée par la juridiction de jugement et donner lieu à une décision de relaxe (prononcée par le tribunal de police ou le tribunal correctionnel) ou à une décision d' acquittement (prononcée par la cour d'assises). Elle peut aussi avoir été déclarée auparavant par le juge d'instruction (décision de non lieu ).

Elle peut l'être, enfin, plus en amont encore de la procédure pénale, par le procureur de la République ( classement sans suite ).

Or si le code de la santé publique prévoit des dispositions particulières pour l'hospitalisation d'office après un non lieu, une relaxe ou un acquittement, il ne vise par le classement sans suite.

Ces dispositions concernent d'abord l' information du préfet : les autorités judiciaires, quand elles estiment que l'état mental de l'intéressé peut menacer la sûreté des personnes ou l'ordre public, avisent immédiatement le préfet qui prend sans délai les mesures nécessaires (article L. 3213-7 du code de santé publique). La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a également prévu que le procureur de la République informe le préfet de ses réquisitions ainsi que des dates d'audience et des décisions rendues.

Elles portent aussi sur les conditions de sortie de l'hospitalisation d'office lorsque celle-ci a été décidée après un non lieu, une décision de relaxe ou un acquittement, plus strictes que celles du régime de droit commun. En effet, en vertu de l'article L. 3213-8 du code de santé publique, la décision qui met fin à l'hospitalisation d'office ne peut alors être prise que sur les « décisions conformes et concordantes » de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le préfet sur une liste établie par le procureur de la République, après avis de la DDASS.

Ces dispositions paraissent également pleinement justifiées pour les classements sans suite.

Par ailleurs le présent article modifie les modalités d'intervention des deux experts évoqués précédemment. En effet, il substitue à la condition actuellement requise de deux décisions conformes et concordantes, la seule exigence de deux « avis convergents ».

En effet, il apparaît souhaitable, comme tel est le cas pour la procédure de droit commun en matière de levée de l'hospitalisation d'office, que le préfet ne soit pas lié par les avis médicaux.

Enfin le texte prévoit que ces experts seraient choisis par le préfet sur une liste d'experts inscrits près la cour d'appel du ressort de l'établissement psychiatrique.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 24 sans modification .

Article 25 (art. 706-53-5 et 706-53-10 du code de procédure pénale)
Renforcement des obligations des personnes inscrites au FIJAIS

Cet article tend à renforcer l'obligation de « pointage » de certaines des personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes.

En l'état du droit, la personne condamnée pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement doit justifier de son adresse une fois tous les six mois en se présentant auprès du groupement de gendarmerie départemental ou de la direction départementale de la sécurité publique de son domicile ou auprès de tout autre service désigné par la préfecture.

Cette obligation s'appliquerait désormais à la même catégorie de condamnés une fois par mois dans deux hypothèses :

- lorsque la dangerosité de la personne le justifie et à condition que la juridiction de jugement ou le juge de l'application des peines 79 ( * ) en décide ainsi ;

- lorsque la personne est en état de récidive légale ; le juge serait alors tenu de prévoir l'obligation de présentation une fois par mois.

Le II du présent article prévoit une coordination à l'article 706-53-10 du code de procédure pénale. En effet, en l'état du droit, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention et le président de la chambre de l'instruction peuvent également ordonner, à la demande de la personne, qu'elle ne sera tenue de se présenter devant les services de police ou de gendarmerie qu'une fois par an. Le texte proposé prévoit qu'elle ne serait tenue de se présenter qu'une fois tous les six mois si elle avait été initialement astreinte à se présenter une fois tous les mois.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 25 sans modification .

Article 26 (art. 133-13, 133-14 et 133-16 du code pénal, art. 706-53-10 et 775 du code de procédure pénale)
Allongement des délais de réhabilitation pour les récidivistes

Cet article tend, d'une part, à doubler les délais de réhabilitation pour les personnes condamnées pour des faits commis en état de récidive légale et, d'autre part, à clarifier certaines des dispositions relatives à la réhabilitation.

La réhabilitation a pour effet d'effacer la condamnation ainsi que toutes les interdictions, incapacités et déchéances qui peuvent l'accompagner. Contrairement à l'amnistie, elle suppose l'exécution -réelle ou fictive 80 ( * ) - de la peine principale.

Il existe deux formes de réhabilitation : la réhabilitation légale dite de plein droit, régie par les articles 133-12 à 133-17 du code pénal, et la réhabilitation judiciaire régie par les articles 783 à 798-1 du code pénal.

La réhabilitation légale se produit par l'effet du temps lorsque la personne n'a subi au cours d'une période déterminée suivant l'exécution de la condamnation aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle (article 133-13 du code pénal).

Les délais courent à compter de l'exécution de la peine et varient selon la peine prononcée pour la condamnation :

- trois ans pour la condamnation à l'amende ou à la peine de jour-amende ;

- cinq ans pour la condamnation unique à une peine d'emprisonnement n'excédant pas un an ou une peine autre que pécuniaire ou privative de liberté ;

- dix ans dans l'hypothèse soit d'une condamnation unique à l'emprisonnement n'excédant pas dix ans, soit de condamnations multiples n'excédant pas cinq ans au total.

Un délai unique de cinq ans est prévu pour la réhabilitation des personnes morales (et s'applique aux condamnations à l'amende, à compter du jour du paiement de l'amende ou de la prescription accomplie ; aux condamnations à une peine autre que l'amende ou la dissolution à compter de l'exécution de la peine ou de la prescription accomplie).

La réhabilitation produit, en l'état du droit, les mêmes effets que ceux de l'amnistie. En particulier, la mention des condamnations réhabilitées doit être retirée du casier judicaire alors que dans le droit antérieur au nouveau code pénal, elles restaient inscrites au bulletin n° 1.

Ces dispositions ont pour effet d' affaiblir l'application des dispositions concernant la récidive .

Dans certaines conditions en effet, l'état de récidive légale peut être constitué en cas de nouveau délit commis dans un délai de dix ans après l'exécution de la précédente peine (article 132-9 du code pénal) ou même sans condition de délai comme tel est le cas en matière criminelle avec la récidive perpétuelle. Toutefois, si la première condamnation a été effacée par la réhabilitation, elle ne figure plus au casier judiciaire et l'état de récidive ne peut donc plus être constaté.

Ainsi, une personne condamnée pour viol à dix ans de réclusion qui commet un nouveau viol onze ans après l'exécution de sa peine ne sera pas en état de récidive légale puisque dans l'intervalle la condamnation aura été effacée par les effets de la réhabilitation (à moins que pendant ces onze années elle n'ait commis d'autres infractions qui auraient empêché la réhabilitation).

Afin de surmonter ces difficultés le projet de loi prévoit en premier lieu de compléter les articles 133-13 et 133-14 du code pénal afin de doubler les délais de la réhabilitation légale applicables aux personnes -physiques ou morales- lorsqu'elles ont été condamnées pour des faits commis en état de récidive légale .

Ensuite, le présent article tend à compléter l'article 133-16 du code pénal afin d'indiquer que la réhabilitation n'interdit pas la prise en compte de la condamnation par les seules autorités judiciaires en cas de nouvelles poursuites.

Votre commission vous suggère un amendement précisant que cette prise en compte doit seulement jouer pour l'application des règles en matière de récidive légale.

Le projet de loi supprime en conséquence la disposition de l'article 769 du code de procédure pénale selon laquelle les fiches relatives à des condamnations sont effacées par la réhabilitation de plein droit ou judiciaire. La réhabilitation ne constituerait plus ainsi une cause d'effacement du bulletin n° 1 du casier judiciaire -qui n'est communicable qu'aux autorités judiciaires. Cependant, comme le permettrait le 5° du présent article complétant l'article 775 du code de procédure pénale, elle demeurerait une cause d'effacement du bulletin n°2 et par voie de conséquence du n° 3, communicable aux administrations ou, par l'intermédiaire de l'intéressé, aux employeurs.

Ces nouvelles règles vaudraient aussi, logiquement, pour les condamnations assorties d'un sursis . - en l'état de droit, l'effacement complet de ces condamnations intervient à l'expiration du délai de réhabilitation (article 769 (3°) du code de procédure pénale). En revanche, les modalités de calcul des délais de réhabilitation -qui figureraient désormais aux articles 133-14 et 133-16 du code pénal- demeureraient inchangées : ces délais courent à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue (la peine assortie d'un sursis est considérée comme non avenue si la personne n'a pas commis au cours du délai fixé par la juridiction de jugement une nouvelle peine donnant lieu à révocation du sursis).

Le maintien des condamnations ayant fait l'objet d'une réhabilitation au bulletin n° 1 conduit à modifier le 2 e alinéa de l'article 706-53-10 du code de procédure pénale. En effet, actuellement, les personnes inscrites au fichier des auteurs d'infractions sexuelles ne peuvent obtenir l'effacement des informations les concernant si elles subsistent au bulletin n°1 du casier judiciaire.

Si, comme le projet de loi le permet, les condamnations demeuraient inscrites au bulletin n° 1 malgré la réhabilitation, la rédaction actuelle du deuxième alinéa de l'article 706-53-10 rendrait irrecevables les demandes tendant à l'effacement des informations contenues dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles. C'est pourquoi la nouvelle rédaction proposée par le projet de loi permet à l'intéressé de demander l'effacement des informations le concernant dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles dès lors qu'il a été réhabilité .

Le III du présent article prévoit que les nouvelles dispositions proposées en matière de réhabilitation entreraient en vigueur six mois après l'entrée en vigueur du projet de loi. Il s'agit en effet de donner au casier judiciaire les délais nécessaires pour procéder aux adaptations nécessaires.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 26 ainsi modifié .

* 59 Le Gouvernement avait alors donné un avis défavorable à l'amendement tendant à prévoir l'incrimination spécifique des violences habituelles.

* 60 En revanche, le suivi socio-judiciaire ne peut pas être ordonné en même temps qu'une peine assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve.

* 61 L'injonction de soins peut également être prononcée par le juge de l'application des peines au vu d'une nouvelle expertise, en particulier lorsque, après sa condamnation, l'auteur d'une infraction sexuelle reconnaît les faits reprochés et devient ainsi accessible aux soins.

* 62 En cas de meurtre ou assassinat d'un mineur, précédé ou accompagné de viol, de torture ou actes de barbarie, l'expertise devra être réalisée par deux experts.

* 63 Celui-ci peut refuser le traitement -en raison du principe du « consentement aux soins » inspiré par l'éthique médicale ainsi que par un souci d'efficacité thérapeutique- mais il s'expose à la mise en exécution de l'emprisonnement prononcé par la juridiction (art. 131-36-4, alinéa 2 du code pénal). En effet, l'inobservation par le condamné des obligations résultant du suivi pourra être sanctionnée par un emprisonnement dont la durée sera initialement fixée par la décision de condamnation. Il appartient au juge de l'application des peines d'ordonner, le cas échéant, l'exécution de cet emprisonnement.

* 64 Ces associations peuvent également se porter partie civile s'agissant des délits d'injure et de diffamation en raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap de la personne.

* 65 L'iman de Vénissieux, Abdelkader Bouziane, avait affirmé en 2004 que le Coran autorisait dans certains cas un musulman à battre sa femme.

* 66 Voir le rapport n° 49 (1997-1998).

* 67 Depuis le décret n° 90-174 du 23 février 1990, lorsqu'une oeuvre cinématographique fait l'objet d'une édition sous forme de vidéogramme destiné à l'usage privé du public, mention doit être faite de façon apparente sur chacun des exemplaires édités et proposés à la location ou à la vente, ainsi que sur leur emballage, des interdictions dont elle a pu faire l'objet lors de la délivrance du visa d'exploitation.

* 68 Articles 32 à 39.

* 69 Le ministre de l'intérieur en pratique.

* 70 Décisions de la cour de cassation du 1 er mai 1854 et du 14 novembre 1990.

* 71 Les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques : comment concilier la protection de la société et une meilleure prise en charge médicale ? MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, rapporteur, rapport de la commission des Lois n° 420, 2005-2006.

* 72 Le rapport précité mentionne le cas d'un malade mental en sortie d'essai depuis 1968.

* 73 Sur la base d'un arrêté du ministre de la santé du 19 avril 1994 relatif à l'informatisation du suivi des personnes hospitalisées sans leur consentement en raison de leurs troubles mentaux.

* 74 En outre, chaque décision d'hospitalisation sans consentement supprime la mention de la précédente pour un même individu.

* 75 Circulaire DGS/6C n° 2002-295.

* 76 La circulaire du directeur général de la santé précisait également : « Lorsque la demande de consultation prend la forme d'une demande de croisement du fichier des personnes hospitalisées sans leur consentement avec des fichiers de détenteurs d'armes, j'estime que, dans le cadre de la vérification systématique des autorisations de détention d'armes demandées par le ministre de l'intérieur, ce croisement peut être opéré, sous réserve qu'il soit réalisé par vos soins dans le respect du secret professionnel, et que les services de la préfecture n'aient accès qu'aux résultats de ces croisements ».

* 77 Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux.

* 78 Ces distinctions présentent un caractère assez théorique : certaines armes utilisées pour la chasse ou le tir sportif sont classées en 1 ère catégorie (armes de guerre) ou en 4 ème catégorie (armes de défense).

* 79 Le juge de l'application des peines statuerait selon la procédure de droit commun, à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel le ministère public présente ses réquisitions et le condamné et, le cas échéant, son avocat font part de leurs observations.

* 80 En vertu de l'art. 133-17 du code pénal, « pour l'application des règles sur la réhabilitation, la remise gracieuse d'une peine équivaut à son exécution ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page