B. OPTIMISER LES DÉPENSES DES ÉTABLISSEMENTS

Au-delà des outils de régulation comptable mis en oeuvre dans le cadre de l'Ondam, les pouvoirs publics se doivent d'engager des politiques d'optimisation des dépenses des établissements des dépenses de santé.

1. Les dispositifs de contrôle d'optimisation des dépenses

Cette recherche de l'optimum passe par le développement de mécanismes classiques, comme le contrôle de l'activité, ou par l'adaptation à l'hôpital des outils de la maîtrise médicalisée déjà utilisés par la médecine de ville. Ce thème fait d'ailleurs l'objet d'une attention soutenue du Sénat depuis maintenant plus de trois ans.

a) Le contrôle de la tarification à l'activité

Les expériences étrangères montrent sans ambiguïté la nécessité de mettre en place sans tarder des procédures de contrôle de la T2A. Trois thèmes doivent particulièrement retenir l'attention : le risque d'une sélection des patients ou, a contrario, d'une inflation du nombre des admissions, les risques de falsification du codage des pathologies pour bénéficier d'un financement plus avantageux 15 ( * ) , la baisse de la qualité des soins ou le recours au report de charges.

La procédure de contrôle a tardé à être mise en oeuvre, mais le décret du 16 mars 2006 formalise ce dispositif autour de trois points principaux :

- le programme de contrôle régional est défini par la commission exécutive (Comex) de chaque ARH ;

- le contrôle est assuré par une unité de coordination régionale (UCR), composée de médecins et placée sous la responsabilité d'un médecin conseil. Cette unité est placée auprès de la Comex de l'ARH ;

- le barème de sanction est défini en fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par l'établissement par rapport aux sommes dues.

S'il est impossible de contrôler chaque année la totalité des établissements de la région, les contrôles ne seront pas pour autant organisés selon une base aléatoire : leur déclenchement reposera sur l'exploitation des données de facturation exploitées par l'assurance maladie.

La base de données de l'assurance maladie, c'est-à-dire le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie (SNIIR-AM), et le Datim (dépistage des atypies de l'information médicale), outil informatique développé par l'agence technique d'information hospitalière (Atih), permettront de détecter d'éventuelles anomalies dans les déclarations d'activité transmises par les établissements de santé.

Schématiquement, ces outils fonctionneront sur le principe de tests statistiques comparant la valeur nationale d'un indicateur à la valeur de ce même indicateur observée dans un établissement donné. Cette recherche permettra de réunir des indices susceptibles de déclencher un contrôle sur pièces et sur place dans les établissements dont l'activité présenterait des anomalies.

A la fin du premier semestre 2006, la Cnam estimait que sur 1.400 établissements concernés par la T2A, 110 ne présentent aucune anomalie de facturation, tandis que 300 d'entre eux en ont commis . Il convient toutefois de rester prudent sur les conclusions à tirer de ces premiers résultats.

Depuis leur mise en place, les UCR ont d'ores et déjà procédé au contrôle de 310 établissements (170 établissements publics ou participant au service public et 140 cliniques). Aucune sanction n'a été prononcée à cette occasion, cette première vague de contrôle ayant été conçue comme une action pédagogique à destination des établissements.

b) Le recours à la maîtrise médicalisée des dépenses

Plusieurs ébauches d'un nouvel axe d'optimisation des dépenses hospitalières ont été esquissées à l'occasion de l'année 2006 ; elles doivent déboucher sur la mise en oeuvre de plusieurs actions de maîtrise médicalisée des dépenses hospitalières.

Cette démarche s'appuie sur les dispositions de l'article 13 de la loi du 13 août 2004 qui autorise la conclusion d'accords-cadres.

Un premier accord concernant le bon usage des antibiotiques a été signé le 26 janvier 2006 , l'objet de cet accord étant d'améliorer la prescription des antibiotiques dans les établissements de santé. Cet objectif répond à la fois à un fort intérêt de santé publique et à un souci de maîtriser les dépenses. Une partie des sommes ainsi économisées peut être ensuite reversée à l'établissement.

Des négociations sont en cours pour la signature de deux autres accords-cadres, l'un sur la prescription en dénomination commune internationale (promotion des médicaments génériques), l'autre sur la prescription de statines. Ces trois thèmes font déjà l'objet d'accords conventionnels dans le secteur des soins de ville où les économies cumulées entre 2005 et 2006 s'élèvent à environ 300 millions d'euros.

D'autres dispositifs de maîtrise médicalisée doivent être implantés à l'hôpital, votre commission ayant pris l'initiative de faire adopter des mesures législatives ou d'émettre des recommandations en ce sens.

C'est ainsi que le Sénat a inséré dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 un article additionnel prévoyant l'identification individuelle des médecins hospitaliers . Cette identification doit permettre aux caisses d'assurance maladie de disposer d'un tableau individualisé des prescriptions hospitalières sur le modèle des informations dont elles disposent pour les médecins de ville. Cette information permet un suivi individualisé des objectifs conclus dans le cadre de la maîtrise médicalisée et permet aux délégués de l'assurance maladie d'informer régulièrement les médecins sur les caractéristiques et les inflexions de leur mode de prescription.

Prolongeant cette réflexion sur la nécessité d'introduire à l'hôpital les principes appliqués à la médecine de ville, la mission d'information sur la sécurité sanitaire des médicaments a recommandé que la charte de la visite médicale conclue entre les laboratoires pharmaceutiques et le comité économique des produits de santé (CEPS) soit étendue à l'hôpital .

L'intention du Sénat n'était en aucun cas de stigmatiser les praticiens hospitaliers ni de remettre en cause la qualité de leur pratique mais bien de leur proposer de rejoindre un mouvement d'optimisation des dépenses qui produit ses premiers effets en ville. Les praticiens hospitaliers ont un rôle considérable à jouer dans la promotion des principes de la maîtrise médicalisée car leurs prescriptions influencent celles des médecins de ville qui sont souvent amenés à les reconduire à la demande des patients.

2. La convergence tarifaire est-elle encore possible ?

Le processus de convergence des tarifs est un axe fort de la réforme du financement des établissements de santé . Son ambition affichée est de réduire les disparités de ressources constatées entre les établissements de santé produisant une même activité de soins. Elle se présente sous la forme de deux dispositifs parallèles : d'une part, la convergence propre à chaque secteur, public ou privé, dite convergence intrasectiorielle ; d'autre part, la convergence intersectorielle dont l'objectif initial est de disposer à terme d'une seule grille tarifaire pour l'ensemble des établissements de santé publics et privés 16 ( * ) .

a) La poursuite des efforts de convergence intrasectorielle

Le processus de convergence intrasectorielle a été entamé dès les premiers mois de mise en oeuvre de la T2A , c'est-à-dire en 2004 pour les établissements publics et en 2005 pour les établissements privés.

Censée s'achever en 2012, après une phase intermédiaire à 50 % prévue pour 2008, cette convergence s'opère progressivement selon des mécanismes propres à chaque secteur.

Pour les établissements publics financés par dotation globale , le processus de convergence repose sur une mise en place progressive des nouvelles modalités de financement. Ces dernières sont constituées sous forme de forfaits et de tarifs de séjours principalement, dont la part augmente régulièrement dans le budget des établissements, et sur le maintien dégressif d'un financement qui prend la forme d'une dotation annuelle complémentaire. C'est ainsi que la part financée à l'activité s'élevait à 10 % en 2004, 25 % en 2005, 35 % en 2006 et sera fixée à 50 % en 2007. La Cour des comptes estime que « la fraction de 25 % correspond en réalité à une part de 19,4 % du financement MCO » en 2005, tandis que « pour 2006, la fraction de 35 % correspond à une part de 28,6 % » . Cet écart s'explique par les modalités de calcul retenues pour valoriser cette fraction.

Ce modèle de convergence n'a pas lieu d'être pour le secteur privé puisque ces activités sont financées à 100 % par l'intermédiaire de la T2A depuis le 1 er mars 2005.

Pour le secteur privé , le processus de convergence défini par la loi fixe comme objectif de réduire chaque année le coefficient de transition de chaque établissement pour qu'il atteigne au plus la valeur 1, avec un objectif de réduction de la valeur de ce coefficient de 50 % en 2008. En 2005, lors de l'entrée en vigueur de la T2A, cette convergence a été mise en oeuvre sur un rythme linéaire de 1/7 e .

Au cours de la campagne 2006 17 ( * ) , les directeurs des agences régionales d'hospitalisation ont eu la possibilité d'accélérer le taux de convergence fixé au niveau national au profit des établissements sous-dotés. Cette accélération devant être réalisée dans le respect de la neutralité financière, les sommes supplémentaires versées à ces établissements (sous-dotés) sont prélevées sur les établissements dont le coefficient de transition est supérieur à 1 (surdotés).

Après deux années de convergence dans le secteur privé, le bilan est positif. La possibilité offerte aux ARH d'augmenter le rythme de la convergence a permis de gagner un an. Si avant la campagne tarifaire 2006, sur 1.213 établissements concernés, seuls 31 (soit 2,6 %) avaient un coefficient de transition égal à 1, à l'issue de la campagne tarifaire, 136 avaient terminé leur convergence (soit 11,2 %).

La relative fluidité avec laquelle se déroule le processus de convergence dans le secteur privé s'explique par le fait qu'environ 88 % des établissements du secteur se situent dans une fourchette de plus ou moins 10 % de l'objectif moyen à atteindre.

Les effets de redistribution financière entre les établissements considérés comme surdotés et ceux considérés comme sous-dotés, tout comme les efforts à accomplir pour atteindre l'objectif fixé par le législateur, sont tout à fait soutenables pour ces établissements, dont l'activité croît régulièrement.


Processus de convergence : les montants financiers en jeu

Pour chaque secteur pris séparément, les montants financiers en jeu sont les suivants :

- dans le secteur des établissements antérieurement financés par dotation globale, la redistribution à la moyenne porte sur 1,19 milliard d'euros prélevé sur les établissements surdotés (42 % des établissements, - 7,2 % de leur budget initial) et réaffectés aux établissements sous-dotés (58 % des établissements, + 7,8 % de leur budget initial) ;

- dans le secteur privé, la redistribution à la moyenne porte sur 137 millions d'euros prélevés sur les établissements surdotés (55 % des établissements, - 4,7 % de leurs recettes initiales) et réaffectés aux établissements sous-dotés (45 % des établissements, + 7,8 % de leur budget initial).

Source : Cour des comptes - Septembre 2006

La situation semble plus critique dans le secteur public, où d'une part, les enjeux financiers sont plus importants, et où d'autre part, moins de 60 % des établissements se situent dans une fourchette de plus ou moins 10 % de l'objectif moyen à atteindre.

Pour aider les établissements en difficulté, le Gouvernement a prévu pour 2006 une enveloppe d'aide à la contractualisation, dite marge de manoeuvre régionale, dont le montant est fixé à 174 millions d'euros. Cette aide doit à permettre aux agences régionales d'hospitalisation de soutenir les établissements dans leurs efforts d'adaptation aux réformes et de retour à l'équilibre. Compte tenu de la fragilité financière du secteur public, des incertitudes subsistent sur sa capacité à réussir sa convergence intrasectorielle dans la période allouée tout en stoppant la dégradation des comptes constatée dans de nombreux établissements. L'interrogation majeure réside dans le fait de savoir si les acteurs hospitaliers publics sont prêts à engager les efforts nécessaires pour y parvenir et s'ils disposent des moyens idoines.

b) Vers l'abandon de la convergence intersectorielle ?

La mise en oeuvre d'une convergence intersectorielle devant déboucher à terme, c'est-à-dire en 2012, sur la détermination de tarifs communs aux établissements de santé publics et privés, était incontestablement de l'aspect le plus novateur de la réforme. Le principe de cette convergence reposait sur une ambition forte, celle de favoriser la coopération entre les établissements publics sur un pied d'égalité financière, et sur un principe simple dans son expression : un même acte médical ou chirurgical doit être rémunéré au même prix dans tous les établissements publics ou privés.

Depuis l'origine, ce processus de convergence souffre de handicaps multiples.

Les modalités de la convergence n'ont pas été définies par la loi qui n'en fixe que l'échéance finale en 2012 et une échéance intermédiaire, à 50 %, en 2008.

L'ampleur de l'écart à réduire ne fait l'objet d'aucune analyse partagée par les différents acteurs et, a contrario, se trouve être un sujet de polémique récurrent entre le secteur public et le secteur privé.

Son principe essentiel, c'est-à-dire l'objectif tarifaire à atteindre qu'il s'agisse d'une convergence vers les tarifs les plus bas, donc les plus performants, ou vers les tarifs moyens, fait aujourd'hui l'objet de nombreuses interrogations.

Dans ce contexte, le Gouvernement avait décidé en 2005, conformément aux recommandations émises par le conseil de l'hospitalisation, d'entamer le processus de convergence intersectorielle par une différenciation des évolutions tarifaires propres à chaque secteur, au profit du secteur privé réputé moins cher (majoration de 1,29 % de ses tarifs) qui se traduisait par un transfert du secteur public vers le secteur privé d'un montant de 35 millions d'euros.

En 2006, le ministre a décidé de suspendre temporairement le processus de convergence, considérant qu'il était impossible de poursuivre cette démarche tant que l'ensemble de ces paramètres ne seraient pas clairement définis.

Pour ce faire, une batterie d'études et d'analyses a été commandée. Cette situation fait apparaître en creux un relatif manque de préparation de la réforme puisque aucune étude de coûts n'existait pour le secteur privé et qu'en conséquence, aucune étude comparative entre les coûts du secteur public et ceux du secteur privé ne pouvait être mise en oeuvre. Cette situation est d'autant plus navrante que « le besoin de disposer d'un échantillon représentatif d'établissements [privés] sur lesquels calculer les coûts des GHM a été exprimé dans les rapports auxquels les deux expérimentations d'une tarification à la pathologie ont donné lieu (1995 et 2002) 18 ( * ) ».

Dans ce contexte, un débat s'est engagé de facto sur les conditions de poursuite de ce processus de convergence. Successivement, plusieurs voix 19 ( * ) se sont fait entendre pour que la convergence ne s'effectue plus vers les tarifs moyens mais vers les tarifs des établissements les plus performants .

La Cour des comptes a prolongé cette réflexion en précisant que cette démarche doit s'appliquer d'une part « à des tarifs uniques, complets, incluant en particulier l'ensemble des charges de personnels ou d'honoraires, à l'exception des produits facturables en sus », d'autre part, « à des tarifs homogènes, ce qui nécessite que soient préalablement éliminés les facteurs éventuels de disparité tenant à la nature des prestations délivrées par chacun des secteurs ».

Si un consensus s'établit facilement sur cette dernière proposition, les deux précédentes ne semblent pas recueillir l'assentiment des acteurs hospitaliers.

En l'état, le processus de convergence intersectorielle est en panne et cette situation soulève des craintes légitimes quant à la capacité ou la volonté des autorités sanitaires de le voir se poursuivre dans les conditions prévues initialement.

L'ajustement des conditions de la convergence voulu par la loi de financement pour 2005, la multiplication des études sur les écarts de coût et leur justification sont autant d'éléments de nature à paralyser le processus de convergence, ou à le vider de son sens, au risque de conduire à une situation qui figera les rentes de situation à l'intérieur de chaque secteur et permettra le maintien d'un écart très significatif entre les tarifications respectives des établissements publics et aux établissements privés.

* 15 Procédé DRG Creep dans la littérature hospitalière.

* 16 La loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a précisé que le processus de convergence doit permettre de tendre vers l'équité des tarifs « dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes ».

* 17 Article 43 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006.

* 18 La sécurité sociale, Cour des comptes, septembre 2006, p. 183.

* 19 Parmi lesquelles on peut citer le rapport d'information publié par votre commission des affaires sociales (La tarification à l'hôpital : la réforme au milieu du gué, Alain Vasselle, Sénat n° 298, avril 2006) et l'étude de la Cour des comptes (Enquête sur la mise en oeuvre de la réforme du financement des établissements de santé publics et privés, mai 2006).

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