ARTICLE 14 bis (nouveau)

Eligibilité au FCTVA pour les travaux réalisés sur des monuments historiques inscrits ou classés mis à la disposition d'un tiers

Commentaire : le présent article propose d'assouplir la règle de non mise à disposition d'un tiers des biens éligibles au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), dans le cas des travaux réalisés à compter du 1 er janvier 2005 sur les monuments historiques inscrits ou classés appartenant à des collectivités territoriales.

I. LE DROIT ACTUEL

A. LE FONDS DE COMPENSATION DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE (FCTVA)

L'article 13 de la loi de finances rectificative pour 1975 106 ( * ) a créé le fonds d'équipement pour les collectivités territoriales (FECL), prévu par la loi n° 75-678 du 29 juillet 1975, permettant de compenser une partie de la charge de TVA supportée par les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics bénéficiaires, sur leurs dépenses réelles d'investissement. La loi de finances initiale pour 1978 a renommé le FECL fonds de compensation pour la TVA (FCTVA).

Depuis 1983, le FCTVA a cessé d'être une dotation budgétaire limitative, inscrite au budget du ministère de l'intérieur, pour devenir un prélèvement sur recettes de l'Etat dont le rythme de progression dépend des décisions des collectivités territoriales.

Ce prélèvement est estimé par le projet de loi de finances initiale pour 2007 à 4,7 milliards d'euros, comme l'indique le tableau ci-après.

Les prélèvements sur recettes au titre du FCTVA

(en millions d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

LFI 2006

Prévisions 2006

PLF 2007

3.200

3.125

3.326

3.583

3.613

3.664

3.710

3.791

4.030

4.532

4.711

Source : ministère de l'intérieur

Le FCTVA a pour objet de compenser de manière forfaitaire la TVA acquittée par les collectivités territoriales et certains organismes sur leurs dépenses réelles d'investissement, grevées de TVA, et concernant une activité non assujettie à la TVA.

Le FCTVA est attribué en appliquant, à l'assiette toutes taxes comprises des dépenses éligibles, un taux de compensation forfaitaire fixé par l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales. Ce taux a été fixé à 16,176 % pour 2001, 15,656 % pour 2002 et 15,482 % depuis 2003.

L'assiette des dépenses éligibles est établie au vu du compte administratif de la pénultième année , ce qui explique le décalage de deux ans entre la réalisation de la dépense éligible et l'attribution du FCTVA. Toutefois, pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération, l'assiette des dépenses éligibles est constituée des dépenses réalisées l'année même et établie au vu d'états de mandatements trimestriels.

B. DES RÈGLES D'ÉLIGIBILITÉ STRICTES

1. Les règles de base

Les principales règles d'éligibilité aux attributions du FCTVA sont synthétisées par la circulaire Intérieur - Finances NOR INT/B/94/00257C du 23 septembre 1994.

Selon cette circulaire, « sont éligibles au FCTVA les dépenses réelles d'investissement, grevées de TVA, réalisées par les collectivités bénéficiaires, directement ou par l'intermédiaire d'un mandataire légalement autorisé, pour leur propre compte et dans le but d'accroître leur patrimoine, pour les besoins d'une activité non assujettie à la TVA ».

Autrement dit, le FCTVA est exclusivement destiné aux dépenses présentant la triple caractéristique suivante :

- elles doivent correspondre à des investissements ;

- ces investissements doivent être grevés de TVA , mais correspondre à une activité non assujettie à la TVA ;

- les biens ne doivent pas être cédés à un tiers non éligible aux attributions du FCTVA 107 ( * ) , les mises à disposition étant strictement encadrées.

2. La règle la plus contestée : le bien concerné ne doit pas être cédé ou mis à disposition d'un tiers

L'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que « les immobilisations cédées ou mises à disposition au profit d'un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du [FCTVA] ne peuvent donner lieu à une attribution dudit fonds ».

a) De nombreuses dérogations

Le code général des collectivités territoriales prévoit de nombreuses dérogations à la règle de non mise à disposition d'un tiers.

L'article L. 1615-7 précité du code général des collectivités territoriales prévoit des dérogations, concernant :

- certaines constructions, affectées à l'usage de gendarmerie, à l'habitation principale, ou données en gestion par des communes de moins de 3.500 habitants à des organismes à but non lucratif et destinées au tourisme social ;

- les acquisitions ou rénovations de bâtiments affectés à la justice, à la police ou à la gendarmerie nationales, réalisées, jusqu'au 31 décembre 2007, par des communes ou des EPCI dans le cadre de l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) ;

- les dépenses d'investissement exposées, par les communes et leurs EPCI, sur leurs immobilisations affectées à l'usage d'alpage ;

- les dépenses d'investissement des collectivités territoriales en matière de téléphonie mobile, dans le cadre du plan d'action relatif à l'extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile.

De même, l'article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que font l'objet d'une dérogation :

- les dépenses d'investissement des collectivités territoriales concernant des travaux de lutte contre les avalanches, glissements de terrains, inondations, ainsi que des travaux de défense contre la mer, des travaux pour la prévention des incendies de forêt, présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence ;

- en application de l'article 23 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les fonds de concours versés par les collectivités territoriales à compter du 1 er janvier 2005 à l'Etat ou à une autre collectivité territoriale ou à un EPCI à fiscalité propre pour les dépenses réelles d'investissement que ceux-ci effectuent sur leur domaine public routier.

b) La réforme de la loi de finances initiale pour 2006

L'article 42 de la loi de finances initiale pour 2006 a considérablement atténué, par une norme générale, la règle de non mise à disposition du bien à un tiers. Cette réforme avait été annoncée au Sénat le 2 décembre 2004 par M. Dominique de Villepin, alors ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Ainsi, désormais, l'article L. 1615-7 précité du code général des collectivités territoriales prévoit que les immobilisations confiées à un tiers non éligible au FCTVA donnent lieu à attribution du fonds pour les dépenses réelles d'investissement réalisées à compter du 1 er janvier 2006 si :

- le bien est confié à un tiers qui est chargé soit de gérer un service public que la collectivité territoriale lui a délégué, soit de fournir à cette collectivité une prestation de services ;

- le bien est confié à un tiers en vue de l'exercice, par ce dernier, d'une mission d'intérêt général ;

- le bien est confié à titre gratuit à l'Etat.

Cet assouplissement est subordonné à la condition que le tiers exerce une activité ne lui ouvrant pas droit à déduction de la TVA ayant grevé le bien 108 ( * ) .

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article additionnel résulte de deux amendements identiques, présentés, respectivement, par nos collègues députés Gilles Carrez , rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances, et Michel Bouvard, adoptés avec un avis favorable du gouvernement.

Il complète l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales, afin de prévoir que sont éligibles au FCTVA « les dépenses correspondant à des travaux réalisés à compter du 1 er janvier 2005 sur les monuments historiques inscrits ou classés appartenant à des collectivités territoriales, quelle que soit l'affectation finale et éventuellement le mode de location ou de mise à disposition de ces édifices. »

En effet, la réforme réalisée par la loi de finances initiale pour 2006 ne rend pas nécessairement de tels travaux éligibles :

- elle ne concerne que les dépenses réelles d'investissement réalisées à compter du 1 er janvier 2006 ;

- le tiers, s'il n'est pas l'Etat, doit être chargé soit de gérer un service public délégué ou de fournir une prestation de services à la collectivité, soit d'une mission d'intérêt général.

Lors de la discussion de cet amendement à l'Assemblée nationale, notre collègue Michel Bouvard a précisé qu'il concernait « des édifices [qui seraient mis] à la disposition de structures qui en assureraient la gestion et l'entretien dans le cadre d'activités autres que les activités traditionnelles muséographiques ».

Comme cela a été indiqué ci-avant, l'assiette des dépenses éligibles est en principe établie au vu du compte administratif de la pénultième année. Les travaux concernés par le présent article additionnel étant ceux réalisés à compter du 1 er janvier 2005, cette mesure devrait avoir un coût à compter de 2007 109 ( * ) .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

D'une manière générale, votre commission des finances n'est pas favorable à la multiplication des dérogations à la règle selon laquelle, pour être éligible aux attributions du FCTVA, un investissement doit porter sur un bien qui n'est pas mis à disposition d'un tiers.

Elle considère que la réforme réalisée par l'article 42 précité de la loi de finances initiale pour 2006 devrait, en toute logique, limiter les revendications à ce sujet.

Elle constate néanmoins que le présent article additionnel ne déroge à aucune des trois règles fondamentales du FCTVA , selon lesquelles les dépenses doivent correspondre à des investissements grevés de TVA, mais correspondant à une activité non assujettie à la TVA, et le bien ne doit pas être cédé à un tiers.

Par ailleurs, le fait qu'un monument historique ne soit pas utilisé dans le cadre d'un service public délégué, d'une prestation de services à la collectivité, ou d'une mission d'intérêt général, ne remet pas en cause l'intérêt de sa restauration.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 105 Un autre amendement du gouvernement, similaire, a été adopté par l'Assemblée nationale, à l'article 14 du présent projet de loi de finances, en ce qui concerne la compensation dont bénéficient les départements.

* 106 Loi n° 75-853 du 13 septembre 1975.

* 107 Les collectivités bénéficiaires sont : les communes, départements et régions ; leurs groupements ; leurs régies ; les organismes chargés de la gestion des agglomérations nouvelles ; les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ; les centres communaux d'action sociale ; les caisses des écoles ; le Centre national de la fonction publique territoriale et les centres de gestion des personnels de la fonction publique territoriale.

* 108 En effet, les collectivités territoriales obtiennent parfois du tiers qu'il leur verse la TVA récupérée auprès de l'administration fiscale, par exemple par une clause conclue dans le cadre d'une convention d'affermage. Cela est rendu possible par le fait que, selon l'article 216 bis de l'annexe II au code général des impôts, « la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé certains biens constituant des immobilisations et utilisés pour la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction peut être déduite (...) par l'entreprise utilisatrice qui n'en est pas propriétaire ».

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