B. LES DEMANDES FORMULÉES PAR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 2

Estimant, tout comme notre collègue, que les autres éléments du texte communautaire peuvent être désormais considérés comme satisfaisants (10 ( * )), votre commission se bornera à examiner les neuf demandes de sa proposition de résolution au regard de ces quatre types de préoccupations.

1. La méthode d'harmonisation

En premier lieu, la proposition de résolution demande que le principe de reconnaissance mutuelle ne s'applique pas aux dispositions de la directive destinées à régir les relations entre les particuliers et les prêteurs :

- afin d'éviter, notamment, le risque d'une pluralité de droits applicables, au sein d'un même contrat de crédit, sans bénéfice pour les parties,

- et pour conserver le principe, fixé par la convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, de la primauté, à titre supplétif, des dispositions en vigueur dans le pays où le consommateur dispose de sa résidence habituelle.

La proposition de directive a en effet été organisée en trois « étages » , conformément à l' objectif d'harmonisation « ciblée » retenu pour tenir compte des réserves exprimées tant par le Conseil que par le Parlement européen et pour favoriser un accord :

- tout d'abord, un certain nombre de dispositions - plus réduit que dans la première mouture datant de 2002 afin de répondre aux voeux du PE -, fait l'objet d'une harmonisation dite « maximale » , seule à même, selon la Commission, de garantir parfaitement la fluidité du marché intérieur. Les Etats membres seront ainsi contraints, dans un délai de transposition fixé pour l'essentiel à deux ans suivant l'entrée en vigueur de la directive, de conformer leur législation interne aux règles communautaires retenues dans ces domaines, sans être autorisés à maintenir ni à introduire des mesures différentes quand bien même elles seraient plus favorables aux consommateurs ;

- ensuite, un nombre limité de règles, précisément citées (11 ( * )), sont soumises au principe de la reconnaissance mutuelle dans le cadre soit de la liberté d'établissement, soit de la libre prestation de services : dans ces domaines, les Etats membres pourront conserver leur législation nationale mais il leur sera interdit de s'opposer aux activités d'un professionnel du crédit sur leur territoire sous prétexte qu'il ne respecte pas ladite législation, dès lors qu'il est en conformité avec celle de son pays d'origine ;

- enfin, dans tous les autres domaines, qui ne sont pas visés par le texte du projet de directive, les Etats membres sont laissés libres de conserver une législation nationale adaptée aux particularités traditionnelles de leur marché national du crédit .

Dans cette architecture, l'application du principe de la reconnaissance mutuelle vise à favoriser les activités transfrontalières nonobstant la limitation du champ de l'harmonisation maximale : il s'agit en effet de réduire les contraintes imposées aux entreprises désireuses d'offrir des crédits aux consommateurs sur une base transfrontalière . Mais ce choix pose deux types de difficultés qui, soit directement, soit indirectement, risquent de porter atteinte à la protection et aux intérêts des particuliers emprunteurs .

D'une part, il méconnaît les dispositions combinées des articles 3 à 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles, qui ont précisément pour objet de garantir un haut niveau de protection au consommateur .

LA CONVENTION DE ROME DU 19 JUIN 1980

RELATIVE À LA LOI APPLICABLE AUX OBLIGATIONS CONTRACTUELLES

L'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 affirme qu'en droit international, en application du principe traditionnel de « l'autonomie des volontés » (12 ( * )), « le contrat est régi par la loi choisie par les parties ». En l'absence de choix par les parties de la loi nationale applicable, l'article 4 de la convention prévoit qu'est retenue celle de l'Etat avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, c'est-à-dire en général celle du pays du prestataire. Par ailleurs, l'article 5 interdit au choix des parties d'avoir « pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle (...) si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité » .

A l'évidence, l'application du principe de la reconnaissance mutuelle à certaines règles du contrat de crédit, qui imposerait la loi de l'État membre d'origine du prêteur en l'absence de choix des parties même si cette législation est moins protectrice du consommateur que celle du pays dans lequel celui-ci possède sa résidence habituelle, contreviendrait à l'article 5 de la Convention de Rome, ce que reconnaît du reste la Commission européenne dans l'exposé des motifs de sa proposition modifiée de directive.

D'autre part, l'application du principe de la reconnaissance mutuelle à certains domaines et pas à d'autres donnerait naissance à une inextricable complexité juridique des contrats de crédit , susceptible de fragiliser la position du consommateur face au prêteur.

LE « MILLE-FEUILLES » JURIDIQUE DES CONTRATS DE CRÉDITS

Dès lors que le principe de la reconnaissance mutuelle ne s'appliquerait pas à l'ensemble du contrat de crédit, mais uniquement à tel ou tel point de ce contrat relevant, par exemple, de l'information précontractuelle, du droit de rétractation ou des modalités du remboursement anticipé, la confusion serait grande puisqu' un même contrat serait donc soumis à deux législations différentes selon les clauses sur lesquelles porterait un éventuel conflit .

Ainsi, le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Robert Francou, a pris pour exemple un contrat de crédit à la consommation conclu entre un emprunteur domicilié en France et une banque anglaise et qui, si la proposition de directive était appliquée en l'état, serait soumis à la loi française en ce qui concerne la publicité, à la loi anglaise en matière d'information précontractuelle et d'obligation de conseil, de nouveau à la loi française pour ce qui est de l'information et des obligations contractuelles, puis derechef à la loi anglaise s'agissant du droit de rétractation ou du remboursement anticipé, et enfin pour partie au droit français et pour partie au droit anglais en ce qui concerne la responsabilité.

A l'évidence, cette situation complexe ne pourrait manquer d'être préjudiciable au consommateur personne physique, qui ne disposerait pas des moyens de s'y reconnaître dans le « mille-feuilles » juridique que serait un contrat de crédit transfrontalier.

Telle sont donc les deux raisons pour lesquelles la proposition de résolution de M. Philippe Marini, tout comme la proposition adoptée par l'Assemblée nationale, demandent expressément que le principe de reconnaissance mutuelle ne s'applique pas aux dispositions régissant les relations entre les prêteurs et les particuliers (demande n° 1).

* (10) A cet égard, il peut être relevé que, conformément aux souhaits et demandes figurant dans la proposition de résolution n° 60 (2002-2003) de la DUE, la nouvelle proposition de directive a modifié ou complété le texte de la première version afin :

- d'exclure du cadre du dispositif proposé certaines procédures de facilités de paiement ouvertes aux consommateurs, notamment les opérations de « paiement en trois fois, sans frais », dont le volume ne justifiait pas qu'elles y demeurent ;

- de réduire de manière notable les informations relatives aux différents taux du crédit devant figurer dans le contrat de prêt ;

- de ne pas réglementer les conditions d'instauration, d'utilisation et d'actualisation des fichiers informatiques de données de type négatif envisagés pour lutter contre le surendettement ;

- de supprimer l'incitation à la constitution de fichiers de type positif, qui était susceptible de créer des disparités entre les États membres ;

- d'aménager les conditions dans lesquelles le contrat de prêt peut recevoir un début d'exécution durant la période de rétractation sans motif de l'emprunteur ;

- d'autoriser le démarchage à domicile pour la vente de biens ou de services assortie d'une proposition de prêt accessoire ;

- et enfin de supprimer la responsabilité solidaire du prêteur et du fournisseur de biens et services durant toute la durée de vie du produit vendu à crédit.

* (11) Les domaines concernés par la clause de reconnaissance mutuelle sont énumérés au paragraphe 2 de l'article 21 de la proposition modifiée de directive : il s'agit de l'information précontractuelle (article 5, paragraphes 1, 2 et 5), du droit de rétractation (article 13), des transactions liées (article 14, paragraphes 1 et 2), des modalités de remboursement anticipé (article 15), de l'information en cas de dépassement du crédit (article 17), de la réglementation relative aux prêteurs et intermédiaires de crédit (article 19) et des obligations des intermédiaires de crédit (article 20).

* (12) Appliqué en droit français en vertu de l'article 1134 du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » .

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