3. Le régime des contrats de crédit à la consommation

Sous cette rubrique, M. Philippe Marini a fait figurer quatre demandes.

La première, déjà formulée tant par la DUE que par l'Assemblée nationale dans leurs textes respectifs, vise à ce que le droit de rétractation du consommateur , tout en s'exerçant dans un délai permettant une véritable réflexion , fasse obstacle à l'exécution du contrat de crédit jusqu'à l'expiration de ce délai , selon un équilibre semblable à celui du droit français, qui prévoit un délai de sept jours après l'acceptation d'une offre de prêt, réduit à trois jours en cas de prêt lié à l'acquisition d'un bien dont le consommateur demande la livraison rapide (demande n° 4).

L'application combinée des articles L. 311-15, L. 311-17 et L. 311-24 du code de la consommation offre en effet une double garantie au consommateur français : un délai de rétractation de sept jours, réduit à trois au minimum en cas de prêt lié à l'acquisition d'un bien dont le consommateur demande la livraison immédiate, durant lequel le consommateur peut revenir sur son engagement, et le « gel » des effets du contrat pendant ce délai, puisque la mise à disposition des fonds et le paiement ne peuvent intervenir qu'à son issue.

La Commission européenne, tant dans sa proposition initiale que dans sa proposition modifiée, institue un droit de rétractation de quatorze jours et, surtout, prévoit la mise immédiate des fonds à la disposition du consommateur . Or, si l'allongement du délai de rétractation ne pose normalement pas de problème en tant que tel, l' exécution immédiate du contrat de crédit est en revanche plus contestable car, outre qu'elle est de nature à créer des difficultés au prêteur cherchant à recouvrer sa créance en cas de renonciation , elle rend l'exercice de ce droit psychologiquement plus difficile pour l'emprunteur que lorsque le prêt n'a pas été matériellement effectué. Là encore, cette disposition apparaît d'autant plus préjudiciable pour le consommateur qu'il est fragile économiquement.

La deuxième demande de notre collègue, elle aussi exprimée par la résolution de l'Assemblée nationale, vise à ce que, dans le cas d'un contrat de crédit et d'un contrat d'achat liés , la rupture de l'un puisse toujours entraîner celle de l'autre , de manière réciproque , de sorte que, notamment, le consommateur ne soit pas contraint d'assumer une commande qu'il ne pourrait plus payer par suite de l'exercice de son droit de rétractation à l'égard du contrat de crédit lié (demande n° 5).

En matière de crédits affectés , le code français de la consommation, en ses articles L. 311-25 et L. 311-25-1, prévoit tant la résiliation automatique du contrat de vente ou de prestation de service lié à un contrat de crédit auquel le consommateur aurait renoncé dans le délai légal, que, à l'inverse, celle du contrat de crédit destiné à assurer le financement de l'achat d'un bien ou d'un service sur le contrat duquel le consommateur aurait exercé son droit de rétractation. Or, en n'envisageant que la seconde de ces deux situations et pas la première, la Commission semble s'être arrêtée au milieu du gué , sans du reste le justifier dans l'exposé des motifs de sa proposition de directive. Pourtant, la première hypothèse paraît également devoir être prévue et réglée dans les mêmes termes que la seconde, puisque les contrats sont liés au moment de leur conclusion et que, une fois de plus, la protection des consommateurs les plus vulnérables commande d'éviter de favoriser des situations susceptibles de mener à des contentieux (13 ( * )).

La troisième demande de cette série (demande n° 6) est une reprise des deux résolutions de M. Aymeri de Montesquiou et de l'Assemblée nationale : elle tend à ce que les États membres restent libres de dispenser du paiement de toute indemnité , le cas échéant sous certaines conditions, tenant en particulier au seuil financier du crédit, le consommateur qui procède à un remboursement anticipé , en vue notamment que cet élément d'arbitrage du consommateur contribue à la mise en concurrence des prêteurs entre eux.

En France, l'article L. 311-29 du code de la consommation autorise l' emprunteur, à son initiative, à rembourser par anticipation sans indemnité , en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti, le prêteur pouvant toutefois refuser un remboursement partiel anticipé inférieur à un montant fixé par décret (ce montant est égal à trois fois celui de la prochaine échéance à venir) (14 ( * )). Avec cette faculté, qui répond à un évident objectif de protection du consommateur dans son souhait éventuel d'accélérer son désendettement , la France fait plutôt figure d'exception au sein de l'Union européenne. La plupart de ses partenaires privilégient en effet les prêteurs en les autorisant à percevoir des frais en cas de remboursement anticipé, afin de compenser la perte de recettes que constitue l'arrêt ou la diminution de la perception des intérêts pesant sur le crédit. Mais si, au regard de cette situation, il est exclu d'imposer la généralisation du système français à l'ensemble des Etats membres de l'Union, il serait en revanche extrêmement préjudiciable, voire incompréhensible alors même que la directive a pour objectif de « garantir un haut niveau de protection des consommateurs » , que la France soit contrainte de renoncer à sa législation en matière de remboursement anticipé .

Enfin, la quatrième demande de la proposition de résolution de M. Philippe Marini en ce qui concerne le régime des contrats de crédit à la consommation (demande n° 7) a partiellement été formulée, elle aussi, par la résolution de l'Assemblée nationale, dans un esprit de protection renforcée des consommateurs. Cette demande est double puisqu'elle tend en effet à ce que soient :

- d'une part, prévues des conditions de résiliation spécifiques pour les contrats de mise à disposition d'une réserve d'argent ( crédits « revolving » ) ;

- d'autre part, prohibée la négociation d'un contrat de crédit en dehors des établissements commerciaux et, partant, interdit le démarchage des consommateurs à leur domicile s'agissant des offres en ce domaine.

S'agissant du crédit « revolving », alors que la législation en la matière a été tout récemment renforcée par l'article 4 de la « loi Chatel » dans le but d'accroître la protection des consommateurs les plus exposés à ce type de crédit (durée du contrat fixée à un an renouvelable, faculté ouverte à l'emprunteur de résilier son contrat à tout moment et obligation pesant sur le prêteur de fournir régulièrement au consommateur des informations durant l'exécution du contrat), M. Philippe Marini estime que la proposition de directive de la Commission va exactement dans le sens inverse . Il considère que la DCC soumet cette catégorie de crédit aux règles du droit commun, qui autorisent la conclusion du contrat pour une durée indéterminée et exigent le respect d'un préavis de trois mois par l'emprunteur avant sa résiliation anticipée. Aussi, pour préserver la législation française en ce domaine, dont l'utilité et l'efficacité ont été démontrées par la réforme intervenue l'an dernier, il juge nécessaire que la Commission institue un régime spécifique pour ce crédit particulier .

Quant au démarchage à domicile , qui était prohibé par le texte initialement proposé par la Commission en 2002, lequel exigeait que les contrats de crédit soient négociés dans des établissements commerciaux , il est désormais autorisé par le projet de directive modifié. Pour notre collègue, cette modification est regrettable car l'interdiction du démarchage non sollicité lui semblait constituer une importante garantie de la protection des consommateurs. Aussi demande-t-il le rétablissement de cette interdiction .

* (13) Il convient de relever que la demande de lier de manière réciproque les renonciations aux contrats de crédit et d'achat liés est indissociable de la demande précédente relative à la durée du délai de rétractation puisque, dans le cas où le délai légal de rétractation du contrat d'achat resterait fixé à sept jours, conformément à l'article L. 311-15 du code de la consommation, tandis que celui du contrat de crédit passerait à quatorze, il serait impossible que la renonciation au contrat de crédit entre les huitième et quatorzième jours puisse entraîner automatiquement la renonciation au contrat d'achat.

* (14) L'interdiction d'exiger une indemnité en cas de remboursement anticipé est par ailleurs rappelée par l'article L. 311-32 du même code.

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