CHAPITRE III : RÈGLES DE DÉONTOLOGIE

Le « pantouflage » ou « essaimage » correspond à une situation bien particulière à la France, du fait de sa conception de l'emploi public et des dispositions régissant la fonction publique. En effet, les agents et leurs collectivités employeurs sont unis par un lien étroit, en raison de la fonction publique de carrière qui offre une garantie de l'emploi et sous-entend que l'agent demeure en principe dans la fonction publique pour toute la durée de sa vie active.

Le contrôle déontologique exercé par l'administration sur ses propres agents vise à garantir son indépendance . Il convient d'éviter tout favoritisme de la part de certains agents ayant des liens avec une entreprise du secteur privé. L'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 dispose ainsi que « les fonctionnaires ne peuvent prendre, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre leur indépendance. »

En vertu du droit actuel, le contrôle des départs de fonctionnaires dans le secteur privé s'effectue à deux niveaux :

- au niveau statutaire, par les commissions de déontologie , instituées pour chaque fonction publique par la loi n° 94-530 du 28 juin 1994 relative à certaines modalités de nomination dans la fonction publique de l'Etat et aux modalités d'accès de certains fonctionnaires ou anciens fonctionnaires à des fonctions privées, et selon les règles posées par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et le décret n° 95-168 du 17 février 1995 relatif à l'exercice des activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et aux commissions instituées par l'article 4 de la loi n° 94-530 du 28 juin 1994 ;

- au niveau judiciaire, avec le délit de prise illégale d'intérêts après cessation des fonctions , pouvant être invoqué devant le juge pénal et prévu à l'article 432-13 du code pénal.

Le chapitre III du projet de loi, composé des articles 10 à 12, tend à modifier les règles actuelles afin d'assouplir, tout en les sécurisant, les modalités de départ des fonctionnaires vers le secteur privé, de prévoir une articulation entre les deux dispositifs, statutaire et pénal, et d'harmoniser leurs champs d'application ainsi que leurs modalités de contrôle.

Article 10 (art. 432-13 du code pénal) : Délit de prise illégale d'intérêts

Cet article tend à réécrire l'article 432-13 du code pénal, afin de modifier les règles pénales applicables en matière de prise illégale d'intérêts des agents ayant cessé leurs fonctions et exerçant une activité privée .

I. Le droit en vigueur

En vertu de l'article 432-13 du code pénal, une personne ayant été chargée , en tant que fonctionnaire, agent ou préposé d'une administration publique, à raison même de sa fonction, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée, soit d'exprimer son avis sur les opérations effectuées par une entreprise privée, est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende lorsqu'elle prend ou reçoit une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la cessation de ses fonctions.

Cette sanction pénale doit être distinguée de la prise illégale d'intérêts dans l'exercice des fonctions, prévue à l'article 432-12 du code pénal et qui concerne par conséquent le comportement des fonctionnaires en activité. Ainsi, en vertu du premier alinéa de l'article 432-12 du code pénal, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ».

Le délit de prise illégale d'intérêts à la cessation des fonctions des agents s'applique également pour toute participation par travail, conseil ou capitaux, dans une entreprise privée qui possède au moins 30 % de capital commun ou a conclu un contrat comportant une exclusivité de droit ou de fait avec l'une de ces entreprises.

Pour l'application de ce dispositif, toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé est assimilée à une entreprise privée.

De même, sont visés par cette infraction les agents des établissements publics, des entreprises nationalisées, des sociétés d'économie mixte dans lesquelles l'Etat ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital et des exploitants publics prévus par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.

En revanche, l'infraction n'est pas constituée en cas de participation au capital de sociétés cotées en bourse ou lorsque les capitaux sont reçus par dévolution successorale.

Les poursuites pénales engagées pour prise illégale d'intérêts sur le fondement de l'article 432-13 du code pénal sont peu fréquentes et les condamnations très rares . Depuis 1984, seules quatorze décisions définitives de condamnation ont été prononcées par le juge pénal en première instance ou en appel. En comparaison, environ 1.000 départs par an de fonctionnaires civils de l'Etat sont recensés.

En vertu du dispositif actuellement en vigueur, le juge pénal est censé examiner de façon très théorique si l'agent ayant cessé ses fonctions assurait ou non auparavant la surveillance ou le contrôle de l'entreprise privée ou s'il avait des relations avec cette dernière. Ainsi, peu importe s'il a effectivement ou non conduit une opération de surveillance ou de contrôle sur ladite entreprise, il suffit qu'il ait été susceptible de le faire au regard de ses fonctions pour lui interdire pendant cinq ans toute participation dans cette entreprise. Toutefois, il semble qu'en pratique la commission de déontologie contrôle plus concrètement les actions et éventuelles omissions de l'agent pour déterminer s'il entre ou non dans les cas de prise illégale d'intérêts.

Le fait pour un ancien agent public de « prendre ou recevoir une participation » d'une entreprise privée est interprété assez largement par la jurisprudence. Ainsi, l'animation de séminaires en matière fiscale par un ancien inspecteur des impôts est considérée comme une prise illégale d'intérêts au sens de l'article 432-13 du code pénal.

En complément des deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende, le juge a pu également prononcer une interdiction des droits civils, d'exercer l'activité constituant l'infraction ainsi que la confiscation des sommes irrégulièrement reçues.

Comme indiqué précédemment, aucun lien n'existe entre ce contrôle pénal et celui exercé par la commission de déontologie au moment du départ de l'agent. Les champs de compétence matériel et personnel de l'un et de l'autre ne sont d'ailleurs pas identiques actuellement 22 ( * ) .

II. Le dispositif proposé par le projet de loi

Le présent article propose de réécrire intégralement l'article 432-13 du code pénal.

Tout d'abord, le projet de loi tend à réduire le délai d'interdiction d'exercer certaines activités après la cessation des fonctions.

Actuellement fixé à 5 ans, le délai d'incompatibilité était ramené à deux ans dans le projet de loi initial ( nouveau paragraphe II de l'article 432-13 du code pénal tel que réécrit par le présent article). L'Assemblée nationale a toutefois décidé, à l'initiative de M. Bernard Derosier et de la commission des lois, avec l'avis favorable du Gouvernement, de le porter à 3 ans , jugeant cette durée plus raisonnable. M. Bernard Derosier a ainsi estimé qu'il convenait de « couper court à toute mauvaise interprétation que pourrait susciter un raccourcissement excessif des délais ».

La durée actuelle de cinq ans à compter de la cessation des fonctions semble en effet particulièrement longue et ne plus répondre au contexte économique actuel, où les relations professionnelles se lient et se délient très rapidement. Ce délai a été introduit en 1919 alors que l'administration française connaissait des départs massifs de ses agents vers le secteur privé.

En outre, comparée aux réglementations internationales, et plus particulièrement communautaires, elle s'avère nettement plus longue que celle des autres pays de l'OCDE et de l'Union européenne . Par exemple, si le passage de l'administration au secteur privé est possible immédiatement en Belgique ou au Danemark, un délai d'un an seulement est retenu en Irlande ou en Pologne, et de deux ans en Italie ou au Royaume-Uni.

Délai d'interdiction applicable en cas de départ d'un agent public
vers le secteur privé : comparaisons internationales

Pays

Durée du délai

Autriche

0

Belgique

0

Danemark

0

Luxembourg

0

Suède

0

Norvège

6 mois

Canada

1 an

Irlande

1 an

Pologne

1 an

Slovaquie

1 an

Japon

2 ans

Italie

2 ans

Commission européenne

2 ans

Corée

2 ans

Pays-Bas

2 ans

Turquie

2 ans

Royaume-Uni

2 ans

Allemagne

3 ans ou 5 ans dans certains cas

France

5 ans

Source : Ministère de la fonction publique.

Enfin, cette réduction du délai d'interdiction paraît d'autant plus souhaitable que celui-ci s'applique également pour établir la durée d'examen des fonctions administratives précédemment exercées par le fonctionnaire . En effet, le juge pénal doit aujourd'hui étudier les fonctions exercées par l'agent au cours des cinq années précédant le début de l'activité privée. Ce délai correspond au délai « amont » -par opposition au délai « aval » qui renvoie à celui pendant lequel l'agent ne peut exercer une activité privée incompatible avec ses fonctions antérieures (soit cinq ans à compter de la cessation de ses fonctions dans l'administration). Ce délai de cinq ans oblige donc à remonter très en amont dans les fonctions exercées par l'agent, ce qui ne paraît pas vraiment justifié.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Michel Bernard, président de la commission de déontologie pour la fonction publique de l'Etat, a confirmé que la réduction du délai d'interdiction pour tout fonctionnaire ou agent public d'exercer une activité privée incompatible avec ses précédentes fonctions était souhaitable et qu'elle répondait aux recommandations exprimées depuis plusieurs années par la commission de déontologie de la fonction publique de l'Etat dans ses rapports d'activité 23 ( * ) .

Ensuite, le Gouvernement a souhaité une meilleure articulation entre le contrôle administratif, opéré par la commission de déontologie et l'autorité administrative employant l'agent concerné, et le contrôle du juge pénal au regard du délit de prise illégale d'intérêts.

En premier lieu, il est proposé de créer une nouvelle infraction pénale tendant à punir d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait , pour tout agent chargé, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, d'exercer, dans un délai de trois ans à compter de la cessation de ses fonctions, une activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privés, ou une activité libérale, sans que la commission de déontologie ait préalablement statué ( nouveau paragraphe premier (I) de l'article 432-13 du code pénal ).

Si la sanction pénale créée peut paraître particulièrement sévère, elle se justifie par le fait que, d'une part, le champ d'application ratione personae de l'obligation de saisine de la commission de déontologie est nettement moindre qu'actuellement -seul l'agent « chargé soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions » devra obligatoirement saisir la commission 24 ( * ) - et, d'autre part, que ce nouveau délit pénal doit permettre de conférer une forme contraignante à la saisine de la commission de déontologie par l'ensemble des agents concernés.

La saisine de la commission incombera désormais à l'agent, alors qu'elle est actuellement effectuée par l'administration dans la grande majorité des cas.

En second lieu et en contrepartie de l'obligation de saisir la commission de déontologie sous peine d'être poursuivi pénalement, le délit pénal de prise illégale d'intérêts ne pourrait plus être invoqué devant le juge pénal, et donc retenu, contre les agents ayant reçu un avis de compatibilité de la commission de déontologie ( nouveau dernier paragraphe (III) de l'article 432-13 du code pénal ). Cette protection accordée aux agents ne bénéficierait qu'à ceux qui seraient de bonne foi, et pas à ceux qui auraient fourni des informations inexactes à la commission.

Cette articulation entre les procédures de contrôle statutaire et pénal correspond à une « permission législative » qui, en excluant du dispositif pénal l'agent ayant reçu un avis exprès de compatibilité de la commission de déontologie, redéfinit le champ de l'infraction pour tenir compte du contrôle statutaire déjà assuré par la commission de déontologie . Elle n'instaure donc pas une dérogation à l'incrimination pénale prévue à l'article 432-13 du code pénal.

En vertu de l'article 34 de la Constitution qui dispose que la loi fixe les règles concernant la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leurs sont applicables, quelques permissions législatives du même ordre que celle proposée par le présent article sont d'ores et déjà instaurées. Ainsi en est-il de l'article L. 216-6 du code de l'environnement, issu de l'article 22 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, en vertu duquel le délit de déversement de substances nuisibles ne s'applique pas lorsque l'opération de rejet a été autorisée par arrêté préfectoral, dans la mesure où les prescriptions dudit arrêté ont été respectées 25 ( * ) .

Afin de garantir l'indépendance et la compétence de la commission de déontologie et d'assurer une certaine similitude de jurisprudence entre cette commission et le juge pénal pour juger des cas de prise illégale d'intérêts, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission des lois, avec l'avis favorable du Gouvernement, à l'article 11 du présent projet de loi tendant à inclure un magistrat de l'ordre judiciaire au sein de la commission de déontologie . Elle souhaite assurer ainsi la présence d'un spécialiste du droit pénal.

L'Assemblée nationale a également adopté un amendement de sa commission des Lois, avec avis favorable du Gouvernement, tendant à prévoir que seuls les avis exprès de compatibilité pourraient prémunir un agent contre tout risque de sanction pénale au titre de la prise illégale d'intérêts .

En vertu du principe général du droit selon lequel le silence de l'administration vaut rejet de la demande, l'absence de position explicite de la commission de déontologie dans les délais impartis devrait nécessairement aboutir à un avis tacite d'incompatibilité. Par conséquent, sans texte législatif ou réglementaire précisant que le silence de la commission de déontologie vaut avis de compatibilité, le délit de prise illégale d'intérêts pourrait toujours être invoqué devant le juge pénal.

Toutefois, l'article 11 du décret du 17 février 1995 prévoit actuellement la possibilité d'avis tacites.

En tout état de cause, votre rapporteur considère qu'il ne serait pas justifié de prévoir un avis tacite de compatibilité dans le cadre légal que propose le projet de loi. En effet, cela équivaudrait à prévoir que l'agent qui, ayant saisi la commission, n'aurait pas reçu d'avis dans les délais impartis, aurait dès lors été autorisé à exercer une activité dans le secteur privé, sans toutefois garantir qu'il n'y ait pas prise illégale d'intérêts, ce délit pouvant d'ailleurs être invoqué devant le juge pénal.

Enfin, les modalités du contrôle sont améliorées.

Tout d'abord, consacrant la pratique actuelle des juridictions pénales et en cohérence avec la jurisprudence du Conseil d'Etat, le présent article propose que le contrôle du juge pénal s'exerce au regard des fonctions « effectivement exercées » par l'agent . Votre commission considère que ce contrôle concret est plus cohérent que le dispositif actuel qui fait tomber sous le coup de la prise illégale d'intérêts tout agent qui, du fait de ses fonctions théoriques, a pu exercer un contrôle ou une surveillance dans l'entreprise qui souhaite le recruter.

Ensuite, la catégorie des agents entrant dans le champ de la prise illégale d'intérêts est élargie à ceux qui ont pu « proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise ». Il s'agit d'un cas qui n'était jusqu'à présent pas pris en compte.

III. La position de la commission des lois : refuser la permission législative

Votre commission n'est pas convaincue par la permission législative proposée par le projet de loi .

Tout d'abord, elle considère que le dispositif proposé ne permet pas d'assurer un contrôle suffisamment effectif et impartial des départs de fonctionnaires dans le secteur privé pour justifier que le juge pénal ne puisse plus connaître des cas où les agents ont reçu un avis exprès de compatibilité de la part de la commission de déontologie.

En outre, votre commission considère que l'instauration de cette permission législative ne répond à aucune nécessité réelle. En effet, d'après M. Michel Bernard, président de la commission de déontologie de la fonction publique de l'Etat, le risque de divergence entre les jurisprudences de la commission de déontologie et le juge pénal demeure théorique. Il ne se serait jamais réalisé depuis la création de la commission, soit depuis onze ans.

Par conséquent, tout en comprenant que, d'un point de vue purement juridique, l'articulation des mécanismes de contrôle entre le juge pénal et la commission de déontologie soit envisageable et puisse paraître souhaitable, votre commission considère qu'elle ne doit pas se faire au détriment de la qualité du contrôle assuré dans une matière qui concerne la probité des agents et la garantie d'indépendance et de neutralité de l'administration dans l'exercice de ses missions.

Votre commission vous soumet donc un amendement tendant à supprimer cette permission législative .

Procédant à une réécriture complète de l'article 10 du projet de loi , cet amendement prévoit également :

- par coordination avec la suppression de la permission législative, de supprimer le délit pénal, créé par le projet de loi, pour absence de saisine de la commission de déontologie ;

- de conserver les modifications apportées au dispositif actuel de l'article 432-13 du code pénal, tant quant au contrôle exercé par le juge pénal -sur les fonctions « effectivement exercées »- qu'en ce qui concerne le champ du délit de prise illégale d'intérêts -étendu au fait de « proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise » ;

- d' améliorer et préciser la rédaction . S'agissant des agents concernés par ce dispositif pénal, votre commission vous propose plus particulièrement, sans changer sur le fond le champ ratione personae du délit de prise illégale d'intérêts, d'actualiser les termes employés, datant actuellement de 1919, en ne conservant que la notion de « fonctionnaire » -et non de « fonctionnaire public »- et d'agent d'une administration publique -ce qui supprime la notion de préposé, devenue désuète.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 (art. 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993) : Réforme de la commission de déontologie

Cet article a pour objet de réécrire l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, afin de renforcer le rôle de la commission de déontologie .

I. Le droit en vigueur

En vertu du droit actuel, un fonctionnaire cessant définitivement ou momentanément ses fonctions est soumis à des règles statutaires de déontologie définies par :

- les articles 72 de la loi du 11 janvier 1984, 95 de la loi du 26 janvier 1984 et 90 de la loi du 9 janvier 1986, qui posent le principe selon lequel les fonctionnaires de l'une des trois fonctions publiques cessant leurs fonctions, temporairement ou définitivement, ne peuvent exercer certaines activités privées définies par décret en Conseil d'Etat. Ces dispositions précisent également qu'en cas de violation de l'une de ces interdictions, le fonctionnaire retraité pourrait faire l'objet de retenues sur pension et, éventuellement, être déchu de ses droits à pension après avis du conseil de discipline du corps auquel il appartenait ;

- la loi précitée du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et son décret d'application n° 95-168 du 17 février 1995.

En vertu de l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993, les commissions de déontologie des trois fonctions publiques sont obligatoirement consultées par les administrations pour l'application des articles 72 de la loi du 11 janvier 1984, 95 de la loi du 26 janvier 1984 et 90 de la loi du 9 janvier 1986 .

Elles apprécient ainsi la compatibilité des activités que souhaite exercer un fonctionnaire avec ses fonctions précédentes , lorsqu'il doit être placé ou est placé dans les positions statutaires suivantes : cessation définitive de fonctions, disponibilité, détachement, hors-cadre, mise à disposition et exclusion temporaire de fonctions.

Toutefois, il convient de préciser que, si la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a effectivement étendu le contrôle statutaire de la prise illégale d'intérêts à tous les fonctionnaires placés dans l'une de ces positions, en modifiant les articles 72 de la loi du 11 janvier 1984, 95 de la loi du 26 janvier 1984 et 90 de la loi du 9 janvier 1986, le décret du 17 février 1995 n'a en revanche jamais été modifié pour tenir compte de cette évolution législative. Il ne prévoit par conséquent que la mise en disponibilité et la cessation définitive des fonctions.

L'article premier du décret précité du 17 février 1995 prévoit deux contrôles déontologiques distincts . Les fonctionnaires cessant leurs fonctions ne peuvent ainsi exercer :

- des activités professionnelles dans une entreprise privée, lorsque l'intéressé a été, au cours des cinq années précédentes, chargé, « à raison même de sa fonction », soit de surveiller ou contrôler cette entreprise, soit de passer des marchés ou contrats avec elle ou d'exprimer un avis sur de tels marchés ou contrats .

Cette interdiction s'applique également aux activités exercées dans les entreprises qui détiennent au moins 30 % du capital de l'entreprise, ou dont le capital est détenu à hauteur d'au moins 30 % par elle ou une autre entreprise détenant au moins 30 % du capital de cette entreprise.

Même si le dispositif n'est pas strictement identique à celui prévu en matière pénale à l'article 432-13 du code pénal, cette catégorie d'activités interdites correspond à la prise illégale d'intérêts lors de la cessation des fonctions d'un agent ;

- des activités lucratives, salariées ou non, dans un organisme ou une entreprise privés, ainsi que des activités libérales si, par leur nature ou leurs conditions d'exercice, ces activités portent atteinte, au regard des fonctions précédemment exercées par l'agent, à la dignité desdites fonctions ou risquent de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service.

Ce second dispositif correspond à un contrôle déontologique différent de la prise illégale d'intérêt. Il vise également à garantir une certaine indépendance des services de l'administration ainsi que leur bon fonctionnement.

En vertu de l'article 12 du décret du 17 février 1995, les agents non titulaires sont également soumis aux mêmes interdictions lorsqu'ils sont :

- des agents non titulaires de droit public, soit employés de manière continue depuis plus d'un an par l'Etat, par une collectivité territoriale ou un établissement public, soit collaborateurs d'un cabinet ministériel ou d'un cabinet d'une autorité territoriale ;

- soit des agents non titulaires de droit public ou de droit privé de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Agence française du sang et de l'Agence nationale du médicament vétérinaire, quelle que soit la durée de leurs contrats.

Placées auprès du Premier ministre, les commissions de déontologie des trois fonctions publiques sont présidées par un conseiller d'Etat ou son suppléant, membre du Conseil d'Etat, et comprennent toutes trois un conseiller maître à la Cour des comptes et trois personnes qualifiées 26 ( * ) ainsi que, respectivement :

- pour la commission de déontologie de la fonction publique de l'Etat , le directeur général de l'administration et de la fonction publique et le directeur du personnel du ministère ou de l'établissement public ou le chef du corps dont relève l'agent ;

- pour la commission de déontologie de la fonction publique territoriale , le directeur général des collectivités locales, l'autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité territoriale dont relève l'agent ainsi qu'un représentant des associations d'élus locaux qui appartient à la catégorie de collectivité territoriale dont relève l'agent, nommé par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales ;

- pour la commission de déontologie de la fonction publique hospitalière , le directeur des hôpitaux ou le directeur de l'action sociale ainsi que le directeur de l'établissement hospitalier ou de l'établissement social ou médico-social dont relève l'agent.

Le président et les membres des trois commissions sont nommés pour trois ans.

Lorsqu'un fonctionnaire souhaite cesser, définitivement ou temporairement ses fonctions, ou lorsqu'il change d'activité pendant qu'il est en disponibilité ou pendant les cinq ans suivant la cessation définitive de ses fonctions, il doit en informer l'autorité administrative dont il relève. Celle-ci saisit alors la commission de déontologie compétente dans un délai de quinze jours. Le fonctionnaire peut également saisir lui-même la commission de déontologie.

La commission doit rendre son avis dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. A défaut, son silence vaut avis de compatibilité de l'activité avec les fonctions précédemment exercées par l'agent.

L'administration n'est pas liée par l'avis de la commission de déontologie, quel qu'en soit le sens.

II. Le dispositif proposé par le projet de loi et la position de votre commission

Le présent article du projet de loi tend à réécrire complètement l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993 afin de créer une commission de déontologie commune aux trois fonctions publiques mais dotée de formations variables en fonction de l'agent concerné, et disposant de compétences renforcées.

Le premier paragraphe de l'article 87 tend à définir le champ du contrôle assuré par la commission de déontologie .

La commission de déontologie serait chargée d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative , salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé, ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions. Comme à l'article 10 du projet de loi, l'Assemblée nationale a porté à trois ans le délai d'interdiction, au lieu de deux ans dans le texte initial et de cinq ans actuellement.

Reprenant exactement les dispositions de l'article 432-13 du code pénal, ce dispositif permet ainsi d' uniformiser le point de départ du délai d'examen des fonctions précédemment exercées par l'agent . En effet, alors que l'article 432-13 du code pénal fait débuter ce délai à compter du début de l'activité privée, la procédure statutaire retient actuellement le changement de position statutaire pour point de départ, ce qui n'est pas nécessairement identique. Le présent article propose de retenir le même point de départ que le code pénal .

De même, le délai de trois ans est fixé pour tous les agents cessant, temporairement ou définitivement, leurs fonctions, y compris ceux qui sont en disponibilité -alors qu'en droit actuel, le délai d'interdiction court tant que l'agent est en position de disponibilité.

Le champ de compétence ratione personae de la commission de déontologie est quasiment identique à celui prévu par le droit actuel , si ce n'est qu'il inclut désormais les agents contractuels de droit public ou de droit privé des autorités administratives indépendantes, ce qui est tout à fait pertinent au regard des opérations de contrôle et de surveillance que la plupart d'entre elles exercent 27 ( * ) , et qu'il augmente le nombre d'établissements relevant du code de la santé publique pour lesquels leurs agents non titulaires de droit public ou de droit privé sont soumis au contrôle de la commission.

Ainsi, outre les agents non titulaires de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (article L. 5311-1 du code de la santé publique), de l'Agence française du sang devenue l'Etablissement français du sang (article L. 1222-1 du même code) et de l'Agence nationale du médicament vétérinaire, non expressément mentionnée dans le présent article car elle relève désormais de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, sont désormais concernés les agents non titulaires de :

- l'Office national des indemnisations des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (article L. 1142-22 du même code) ;

- l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (article L. 1323-1 du même code) ;

- l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (article L. 1336-1 du même code) ;

- l'Institut de veille sanitaire (article L. 1413-2 du même code) ;

- l'Agence de la biomédecine (article L. 1418-1 du même code).

En outre, le présent paragraphe précise que les agents non titulaires de droit public ne sont soumis au contrôle de la commission de déontologie que s'ils sont employés de manière continue depuis plus d'un an par la même autorité ou collectivité publique.

Reprenant le droit actuel, votre commission vous propose un amendement tendant à prévoir que seuls les agents non titulaires de droit public employés par l'Etat, une collectivité territoriale ou un établissement public doivent avoir été employés plus d'un an par la même autorité ou collectivité publique pour entrer dans le champ du contrôle statutaire en matière déontologique. Il étend également le dispositif aux agents contractuels des autorités administratives indépendantes .

En revanche, les membres d'un cabinet ministériel et les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales resteraient soumis à ce contrôle sans condition de délai d'exercice de leurs fonctions.

La commission de déontologie sera également compétente pour :

- examiner la compatibilité du projet de création ou de reprise d'entreprise par un fonctionnaire, autorisé par le 2° du II de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de l'article 13 du projet de loi 28 ( * ) ;

- examiner la compatibilité de la poursuite de son activité privée par le dirigeant d'une société ou d'une association à but lucratif recruté dans une administration publique, pendant une durée maximale d'un an, en vertu du 3° du II de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de l'article 13 du projet de loi 29 ( * ) ;

- donner un avis sur les autorisations demandées par les chercheurs en vue de participer à la création d'entreprise ou aux activités d'entreprises existantes afin de valoriser leurs travaux, en vertu des articles L. 413-3, L. 413-8 et L. 413-14 du code de la recherche.

En effet, le chapitre III du livre IV du code de la recherche, relatif à la participation des personnels de la recherche à la création d'entreprises et aux activités des entreprises existantes, regroupe les articles L. 413-1 à L. 413-14 et prévoit la possibilité pour les personnels du service public de la recherche :

- de participer, en qualité d'associé ou de dirigeant, à la création d'une entreprise dont l'objet est d'assurer, en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique ou une entreprise publique, la valorisation des travaux de recherche qu'ils ont réalisés dans l'exercice de leurs fonctions (article L. 413-1) ;

- d'apporter leur concours scientifique, pendant une période limitée fixée par voie réglementaire, à une entreprise qui assure, en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique ou une entreprise publique, la valorisation des travaux de recherche qu'ils ont réalisés dans l'exercice de leurs fonctions (article L. 413-8) ;

- d'être membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance d'une société anonyme afin de favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique, leur participation dans l'entreprise ne pouvant excéder 20 % du capital social et donner droit à plus de 20 % des droits de vote (article L. 413-12).

Pour ces trois hypothèses, le code de la recherche prévoit que la commission de déontologie doit être saisie pour avis des demandes formulées par les chercheurs avant que l'autorité administrative ne donne son autorisation.

En outre, il est prévu que la commission de déontologie est tenue informée des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche pendant la durée de l'autorisation et durant un délai de cinq ans à compter de son expiration ou de son retrait, porté à deux puis trois ans par l'Assemblée nationale dans le présent projet de loi. Elle peut alors saisir l'autorité administrative compétente si elle estime que ces informations font apparaître une atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public de la recherche.

Parmi les neufs amendements rédactionnels adoptés par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois, quatre d'entre eux ont amélioré la présentation du présent paragraphe.

Le deuxième paragraphe pose le principe de la saisine obligatoire de la commission de déontologie pour les agents les plus sujets à la prise illégale d'intérêts suite à la cessation de leurs fonctions .

Alignant le dispositif proposé sur celui de l'article 432-13 du code pénal, le présent article prévoit ainsi que la saisine de la commission sera désormais obligatoire pour les agents chargés, « soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions . »

Cet article concerne également les relations entre un agent et une entreprise publique lorsqu'elle exerce son activité dans un secteur concurrentiel et dans le respect des règles de droit privé.

La saisine de la commission est effectuée, soit par l'agent concerné, qui entre dans le champ du délit de prise illégale d'intérêt, soit par l'administration dont il relève. Elle doit dans tous les cas avoir lieu préalablement au début de l'exercice de l'activité privée envisagée par ledit agent.

Jusqu'à présent, la commission a été saisie dans la quasi totalité des cas par l'administration. Dans la mesure où le projet de loi prévoyait la création d'un délit de non-saisine de la commission de déontologie par l'agent à l'article 432-13 du code pénal, il convenait effectivement de prévoir prioritairement la saisine de l'agent. Votre commission vous proposant de supprimer ce nouveau délit, cette priorité n'est plus indispensable.

Votre commission vous propose un amendement de coordination et de précision rédactionnelle .

Le troisième paragraphe reprend le contrôle déontologique, déjà en vigueur, du départ des agents dans le secteur privé en ce qu'il peut porter atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées ou risquer de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service .

Reproduisant à l'identique la définition actuelle de ce contrôle, le projet de loi prévoit toutefois que la saisine de la commission ne sera plus obligatoire en la matière. L'agent sera en revanche fortement incité à la saisir dans la mesure où il ne pourra plus faire l'objet de poursuites disciplinaires si la commission, une fois consultée, n'a pas rendu d'avis d'incompatibilité.

Au quatrième paragraphe, figurent les dispositions actuellement prévues au dernier alinéa des articles 72 de la loi du 11 janvier 1984, 95 de la loi du 26 janvier 1984 et 90 de la loi du 9 janvier 1986, relatifs aux sanctions pouvant être infligées à un agent retraité ayant exercé une activité qui lui était interdite.

En vertu des articles précités, les fonctionnaires qui ne respectent pas le principe d'interdiction d'exercer certaines activités lorsqu'ils cessent définitivement leurs fonctions, peuvent se voir sanctionnés en faisant l'objet de retenues sur pension, voire en étant déchus de leurs droits à pension après avis du conseil de discipline.

Le dispositif proposé par le présent IV est strictement identique.

? Le cinquième paragraphe crée une commission de déontologie unique pour l'ensemble de la fonction publique, mais aux formations variables selon les agents concernés .

Les trois commissions de déontologie actuelles sont fusionnées au sein d'une commission unique dont la composition variera en fonction des agents souhaitant partir travailler dans le secteur privé : agents de l'Etat, territoriaux ou hospitaliers, ou chercheurs. Quatre formations distinctes sont donc prévues.

Présidée par un conseiller d'Etat, elle devait initialement comprendre :

- un conseiller maître à la Cour des comptes ou son suppléant, également conseiller maître à la Cour des comptes ;

- trois personnalités qualifiées ou leurs suppléants, dont l'une aurait exercé des fonctions au sein d'une entreprise privée ;

- le directeur général de l'administration et de la fonction publique, le directeur général des collectivités locales ou le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, ou leur représentant respectif, selon le cas ;

- soit le directeur du personnel du ministère ou de l'établissement public ou le chef du corps, soit l'autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité territoriale, soit le directeur de l'établissement hospitalier ou de l'établissement social ou médico-social ;

- pour un agent relevant de la fonction publique de l'Etat ou d'une autorité administrative indépendante, deux directeurs d'administration centrale ;

- pour un agent relevant de la fonction publique territoriale, un représentant d'une association d'élus de la catégorie de collectivité concernée, ou son suppléant, ainsi que le directeur ou ancien directeur des services d'une collectivité territoriale ;

- pour un agent relevant de la fonction publique hospitalière, une personnalité qualifiée dans le domaine de la santé publique, ainsi qu'un inspecteur général des affaires sociales ou un ancien directeur d'hôpital ;

- pour un chercheur souhaitant participer, en qualité d'associé ou de dirigeant, à la création d'une entreprise ayant pour objet d'assurer la valorisation de ses travaux de recherche réalisés dans l'exercice de ses fonctions, deux personnalités qualifiées dans le domaine de la recherche ou de la valorisation de la recherche.

L'Assemblée nationale a également prévu, sur proposition de la commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, la présence d'un magistrat de l'ordre judiciaire parmi les membres de la commission, afin que soit présent un spécialiste du droit pénal.

La diversité des membres de la commission vise à garantir la connaissance effective , au moins par certaines d'entre elles, des fonctions exercées par l'agent . Tel est notamment l'objet de la présence d'un représentant d'une association d'élus ou d'une personne qualifiée dans le secteur de la recherche ou de la valorisation de la recherche pour contrôler la compatibilité du départ dans le privé d'un agent relevant de la fonction publique territoriale avec les règles déontologiques.

Les membres de la commission seront nommés pour trois ans par décret.

Le quorum sera atteint avec la moitié au moins des membres présents lors de l'ouverture de la séance.

En cas de partage des voix, celle du président sera prépondérante.

Votre commission vous présente un amendement portant sur la composition de la commission de déontologie et tendant à :

- préciser que le magistrat de l'ordre judiciaire peut être un magistrat en activité ou honoraire et à lui prévoir un suppléant 30 ( * ) ;

- prévoir des suppléants là où le projet de loi n'en mentionne pas (directeur d'administration centrale) ainsi qu'un représentant plutôt qu'un suppléant pour le directeur du personnel du ministère ou de l'établissement public ou le chef du corps dont relève l'agent, pour l'autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité territoriale dont relève l'agent ou pour le directeur de l'établissement hospitalier ou de l'établissement social ou médico-social dont relève l'agent. En effet, il serait difficile de prévoir un suppléant pour chacune de ces autorités, notamment pour les maires des 36.000 communes et toutes les autres autorités territoriales ;

- et surtout réduire le nombre de membres de cette commission , cette dernière devant en effet être une instance souple, susceptible de se réunir aisément. A cet effet, votre commission vous propose de réduire de trois à deux le nombre de personnalités qualifiées , et de supprimer la présence , selon l'agent concerné, du directeur général de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) , du directeur général des collectivités locales (DGCL) et du directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS). En effet, leur présence ne paraît pas indispensable, dans la mesure où, d'une part, des représentants des administrations concernées sont déjà prévus pour constituer des formations spécialisées suivant la fonction publique dont relève l'agent concerné, d'autre part, ces directeurs semblent peu disponibles pour participer aux réunions de la commission et sont très souvent représentés.

Composition de la commission de déontologie
telle que proposée par votre commission

Si l'agent relève
de la fonction publique
de l'Etat

Si l'agent relève
de la fonction publique
territoriale

Si l'agent relève
de la fonction publique
hospitalière

Si l'agent est un chercheur souhaitant valoriser
ses recherches en vertu des articles L. 413-1 et suivants du code de la recherche

Un conseiller d'Etat, président de la commission

Un conseiller-maître à la Cour des comptes

Un magistrat de l'ordre judiciaire en activité ou honoraire

Deux personnalités qualifiées, dont l'une a exercé des fonctions au sein d'une entreprise privée

Le directeur du personnel
du ministère ou
de l'établissement public
ou
Le chef du corps
dont il relève

L'autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité
dont il relève

Le directeur de l'établissement hospitalier ou de l'établissement social ou médico-social

L'autorité dont il relève

Deux directeurs d'administration centrale

Un représentant d'une association d'élus de la catégorie de collectivité dont il relève

Une personnalité qualifiée dans le domaine
de la santé publique

Deux personnalités qualifiées dans le domaine de la recherche ou de la valorisation de la recherche

Un directeur des services ou un ancien directeur
des services
d'une collectivité

Un inspecteur général
des affaires sociales
ou
Un ancien directeur d'hôpital

Le sixième paragraphe de l'article 87 tend à consacrer législativement la possibilité pour la commission de déontologie d'assortir de réserves ses avis de compatibilité

Il consacre ainsi une pratique existante. Elle concerne uniquement le second volet du contrôle déontologique, à savoir celui axé, non sur la prise illégale d'intérêts, mais sur la vérification que l'activité privée que l'agent souhaite exercer ne porte pas atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées et ne risque pas de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service.

D'après les informations fournies par le ministère de la fonction publique à votre rapporteur, 20 % des avis de compatibilité rendus en la matière seraient ainsi assortis de réserves qui, tout en assurant le respect des règles déontologiques applicables, permettent également à l'agent concerné d'exercer l'activité privée qu'il envisage dans des conditions acceptables.

En pratique, il arrive également que la commission décide de modifier la réserve initialement formulée pour certaines professions afin qu'elle ne conduise pas à l'impossibilité complète d'exercer l'activité privée concernée. Ainsi, jusqu'à récemment, les agents de police à la retraite devenant agents privés de recherches ne pouvaient exercer cette activité sur le territoire de la circonscription de police dans laquelle ils avaient été affectés. Désormais, la commission de déontologie souhaitant éviter d'interdire concrètement cette activité aux personnes qui ne voudraient pas changer de lieu de résidence, prévoit simplement comme réserve le fait, pour l'agent, de ne pas avoir de relations professionnelles avec son ancien service.

D'après les informations fournies par le ministère de la fonction publique à votre rapporteur, des réserves ne pourraient être prévues par la commission de déontologie dans le cadre du contrôle statutaire de la prise illégale d'intérêts, l'avis rendu ne pouvant en effet être que de compatibilité ou d'incompatibilité totale de l'activité privée avec les fonctions précédemment exercées par l'agent. Votre commission vous propose par conséquent un amendement tendant à clarifier la rédaction de ce paragraphe dans ce sens, en restreignant la possibilité pour la commission d'assortir ses avis de réserves aux seuls cas de contrôle déontologique sur le fait que l'activité ne porte pas atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées et ne risque pas de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service.

Même si le projet de loi ne prévoit que les cas où les avis de la commission de déontologie seraient rendus expressément, il ne peut être exclu que celle-ci ne puisse, parfois, se prononcer dans les délais impartis et conduire, dès lors, à l'expression d'avis tacites. Comme indiqué précédemment, ceux-ci sont d'ailleurs prévus à l'article 11 du décret précité du 17 février 1995.

Le présent article ne reprend pas ce dispositif mais propose que le président de la commission puisse , au nom de cette dernière, rendre un avis de compatibilité pour les cas les plus simples, c'est-à-dire lorsque « l'activité envisagée est manifestement compatible avec les fonctions antérieures de l'agent » .

Il pourra également rendre, toujours au nom de la commission, un avis d'incompétence, d'irrecevabilité -cette catégorie ayant été introduite par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois- ou constatant qu'il n'y a pas lieu de statuer .

Ces avis du président devront prendre la forme d'ordonnances.

Enfin, la commission de déontologie disposera désormais d'un véritable pouvoir décisionnel puisque ses avis d'incompatibilité lieront l'administration et les personnels intéressés .

Votre commission se réjouit de cette disposition qui lui paraît de bon sens et indispensable pour assurer en pratique le respect des principes déontologiques s'imposant à l'administration et à ses agents.

Elle vous soumet un amendement tendant à lever une ambiguïté quant au dispositif proposé, en confirmant qu'entrent parmi les avis de compatibilité liant l'administration, ceux qui sont rendus par la commission de déontologie pour vérifier la compatibilité des fonctions exercées par l'agent avec, soit un projet de création ou de reprise d'entreprise, soit sa participation, en tant que chercheur, à la création d'une entreprise ou aux activités d'entreprises existantes pour valoriser ses travaux.

Le septième paragraphe, tendant à procéder à une coordination, a été supprimé par l'Assemblée nationale pour être repris au III de l'article 12 du projet de loi 31 ( * ) .

La coordination porte sur l'article L. 413-7 du code de la recherche qu'il convient de modifier du fait de l'abrogation de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 par l'article 12 du projet de loi, et de la reprise de l'ensemble de ses dispositions au présent article 87 de la loi du 29 janvier 1993.

Enfin, le huitième paragraphe de l'article 87 prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article.

Un nouveau décret devra effectivement tirer les conséquences de l'adoption du présent article, pour modifier, voire remplacer, le décret précité du 17 février 1995.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 ainsi modifié .

Article 12 (art. L. 413-5, L. 413-7, L. 413-10 et L. 413-13 du code de la recherche, art. 72 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, art. 30 et 95 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, art. 21 et 90 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) : Coordinations

Cet article tend à procéder à des coordinations dans plusieurs textes législatifs, en vertu des modifications, apportées par les articles 10 et 11 du présent projet de loi, aux dispositifs de contrôle de la prise illégale d'intérêts par des agents publics cessant leurs fonctions.

Initialement, le présent article proposait uniquement la modification des articles L. 413-5, L. 413-10 et L. 413-13 du code de la recherche, relatifs aux possibilités offertes aux chercheurs de recourir à des entreprises privées pour valoriser leurs travaux et prévoyant de ce fait un contrôle déontologique, ainsi qu'en abrogeant l'article 72 de la loi précitée du 11 janvier 1984, qui concerne les interdictions faites aux fonctionnaires cessant leurs fonctions d'exercer certaines activités privées.

L'Assemblée nationale a, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, complété cet article pour modifier d'autres articles de loi, toujours par cohérence avec le dispositif retenu aux articles 10 et 11 du projet de loi en matière déontologique.

Le premier paragraphe (I) du présent article tend à modifier les articles L. 413-5, L. 413-10 et L. 413-13 du code de la recherche afin de prévoir que le contrôle déontologique, qui doit, comme indiqué précédemment 32 ( * ) , être assuré par la commission de déontologie lorsqu'un agent du service public de la recherche souhaite créer ou collaborer avec une entreprise privée, ne serait plus exercé pendant une durée de cinq ans mais durant trois ans. Comme pour les autres délais de contrôle déontologique vus précédemment dans le projet de loi, le Gouvernement avait initialement prévu une durée de deux ans que l'Assemblée nationale a remplacé par trois ans.

La commission de déontologie sera donc tenue informée des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche pendant la durée de l'autorisation et durant un délai de trois ans à compter de son expiration ou de son retrait. Elle peut alors saisir l'autorité administrative compétente si elle estime que ces informations font apparaître une atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public de la recherche.

Le deuxième paragraphe (II) prévoyait uniquement, avant l'examen du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale, l'abrogation de l'article 72 de la loi du 11 janvier 1984, par coordination avec la reprise des dispositions de cet article à l'article 87 de la loi précitée du 29 janvier 1993 tel que rédigé par l'article 10 du projet de loi.

Comme indiqué précédemment, l'article 72 de la loi du 11 janvier 1984 dispose que les fonctionnaires de l'Etat cessant leurs fonctions ne peuvent exercer certaines activités privées qui sont définies par décret en Conseil d'Etat. Il ajoute qu'en cas de violation de l'une de ces interdictions, le fonctionnaire retraité peut faire l'objet de retenues sur pension et, éventuellement, être déchu de ses droits à pension après avis du conseil de discipline du corps auquel il appartenait.

Ces dispositions étant reprises dans l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993 tel que modifié par l'article 11 du présent projet de loi (nouveaux I et V), il est proposé d'abroger l'article 72 de la loi du 11 janvier 1984 qui n'a dès lors plus lieu d'être.

L'Assemblée nationale a complété ce paragraphe pour abroger également les articles 95 de la loi du 26 janvier 1984 et 90 de la loi du 9 janvier 1986 dont le dispositif est identique à celui de l'article 72 de la loi du 11 janvier 1984 et s'applique respectivement aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

Du fait de l'intégration de ces trois articles dans l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993, les troisième à cinquième paragraphe (III à V) du présent article, insérés par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des Lois, procèdent aux coordinations nécessaires dans d'autres dispositifs législatifs :

- dans le III, l'article L. 413-7 du code de la recherche est modifié pour remplacer la référence à l'article 72 de la loi du 11 janvier 1984 par celle de l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993. Cette coordination était initialement prévue dans le VII de l'article 87 de la loi précitée du 29 janvier 1993 tel que modifié par l'article 11 du projet de loi. Par cohérence, l'Assemblée nationale l'a déplacée dans le présent article 12 33 ( * ) ;

- dans le IV, la référence à l'article 95 de la loi du 26 janvier 1984 est supprimée à l'article 30 de la même loi, relative aux compétences des commissions administratives paritaires de la fonction publique territoriale ;

- dans le V, la référence à l'article 90 de la loi du 9 janvier 1986 est supprimée à l'article 21 de la même loi, relative aux compétences des commissions administratives paritaires dans la fonction publique hospitalière.

Votre commission vous propose un amendement tendant à modifier les paragraphes IV et V du présent article, afin de conserver aux commissions administratives paritaires la compétence de donner leur avis avant que l'autorité administrative ne décide de déchoir de ses droits à pension un fonctionnaire retraité ayant exercé des activités privées qui lui étaient interdites.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 12 ainsi modifié.

* 22 Voir le commentaire de l'article 11 du projet de loi.

* 23 Voir le rapport d'activité pour 2005 de la commission de déontologie de la fonction publique de l'Etat, Documentation Française, avril 2006.

* 24 Voir le commentaire de l'article 11 du présent projet de loi.

* 25 Premier alinéa de l'article L. 216-6 du code de l'environnement : « Le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l'exception des dommages visés aux articles L. 218-73 et L. 432-2, ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ou des limitations d'usage des zones de baignade, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende. Lorsque l'opération de rejet est autorisée par arrêté, les dispositions de cet alinéa ne s'appliquent que si les prescriptions de cet arrêté ne sont pas respectées. »

* 26 Le conseiller d'Etat, président de la commission, le conseiller maître à la Cour des comptes et les trois personnes qualifiées peuvent être communs aux trois commissions.

* 27 L'Office parlementaire d'évaluation de la législation avait d'ailleurs affirmé, dans son rapport sur les autorités administratives indépendantes, la nécessité de prévoir des règles déontologiques pour l'ensemble de ses autorités -recommandation n° 26 du rapport n° 404 (Sénat, 2005-2006) de M. Patrice Gélard, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, « Autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié ».

* 28 Voir le commentaire de l'article 13 du présent projet de loi.

* 29 Voir le commentaire de l'article 13 du présent projet de loi.

* 30 Le magistrat de la Cour des comptes et le conseiller d'Etat pourront également être des magistrats ou conseillers honoraires, en vertu respectivement des articles L. 112-9 du code des juridictions financières et L. 137-1 du code de justice administrative.

* 31 Voir le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi.

* 32 Voir le commentaire de l'article 11 du projet de loi.

* 33 Voir le commentaire de l'article 11 du projet de loi.

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