ARTICLE 31
Possibilité pour l'administration
fiscale de faire appel à des experts externes
Commentaire : le présent article ouvre la faculté pour l'administration fiscale de recueillir un éclairage extérieur pour l'exercice de ses missions d'étude, de contrôle, d'établissement de l'impôt ou d'instruction des réclamations, lorsque ces missions requièrent des connaissances ou des compétences particulières.
I. LE CONTEXTE ACTUEL
Dans ses fonctions d'établissement de l'impôt et de contrôle, l'administration fiscale dispose de compétences techniques indéniables. Ces compétences sont issues d'une politique ambitieuse de formation initiale et continue des agents.
Dans certains champs de son activité, néanmoins, en particulier dans ses relations avec les entreprises, l'expertise de l'administration est soumise au défi de la complexité et du caractère changeant de la vie des affaires.
Le dernier guide de l'évaluation, publié par l'administration fiscale, conçu pour apporter une aide aux services en matière de valorisation d'entreprises, date de 1982 . En cours de refonte, afin de prendre en compte l'évolution de la vie économique et financière, d'adapter et moderniser ses méthodes d'évaluation, ce guide souligne la nécessité d'un dialogue approfondi entre l'usager et la direction générale des impôts.
Dans le cadre d'une politique visant à améliorer les relations entre les contribuables et l'administration fiscale, l'objectif doit être d'inciter les redevables à l'accomplissement volontaire de leurs obligations fiscales et de réduire le champ des contentieux avec les usagers de bonne foi. La transparence doit être de mise dans le travail de liquidation de l'impôt.
Afin d'apporter une plus grande sécurité juridique au contribuable et d'harmoniser les pratiques d'évaluation des services fiscaux, une amélioration de l'expertise de l'administration fiscale dans le champ économique est nécessaire. Elle peut s'appuyer, d'une part, sur une relation de loyauté entre l'administration et l'usager , à travers la procédure du rescrit. Elle doit désormais pouvoir s'appuyer, d'autre part, sur un éclairage extérieur . Les méthodes d'appréciation de la réalité de la vie des entreprises sont en effet multiples et varient selon les secteurs d'activité.
S'agissant de la procédure du rescrit, il faut noter en particulier l'amélioration récente, à l'initiative votre la commission des finances, lors de l'examen du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, du rescrit valeur . Conformément aux engagements pris par le gouvernement lors de l'examen de ce texte, l'instruction 13 L-4-05 du 20 octobre 2005 améliore la procédure de rescrit portant sur la valeur d'une entreprise faisant l'objet d'une donation. La procédure de rescrit valeur permet à tout chef d'entreprise qui souhaite donner son outil de travail, de consulter l'administration sur la valeur à laquelle il estime son entreprise et, en cas d'accord du service, de passer dans les trois mois l'acte de donation sur la base acceptée par l'administration, sans que cette dernière puisse en remettre en cause ultérieurement la valeur.
Les modalités du rescrit valeur permettent une expertise croisée entre le contribuable et l'administration fiscale, selon les points suivants :
- désignation d'un interlocuteur unique dans chaque département destiné à faciliter le dialogue avec le chef d'entreprise et le cas échéant ses conseils ;
- diffusion d'un cahier des charges précis qui expose l'ensemble des documents que l'usager doit fournir à l'appui de sa demande ;
- fixation d'un délai maximal de six mois à l'administration pour rendre sa décision (réponse, dans ce délai, de manière expresse à toutes les demandes de rescrit) ;
- en cas de divergence, organisation systématique d'une phase orale permettant un échange des points de vue ;
- évaluation opposable à l'administration dès lors que la donation est passée dans les trois mois de la décision favorable.
S'agissant, en revanche, du recours aux expertises extérieures, les possibilités actuelles de l'administration fiscales sont très limitées.
L'article L. 45 A du livre des procédures fiscales prévoit que l'administration peut faire appel à des conseils techniques d'agents de l'État ou des établissements publics figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé du budget, lorsqu'une vérification de comptabilité ou une procédure de rectification requiert des connaissances particulières. Cet élargissement, limité, du champ des compétences de l'administration fiscale, ne s'applique que dans le cadre du contrôle, et pour les entreprises dont le chiffre d'affaires total dépasse trois millions d'euros.
L'article L. 198 A du livre des procédures fiscales étend cette possibilité, dans les mêmes conditions restrictives, aux instructions d'une réclamation formulée par le contribuable qui requièrent des connaissances techniques particulières.
Ces articles sont d'une utilisation marginale.
Or le recours à l'expertise extérieure constitue un axe d'amélioration important pour améliorer la performance de l'administration fiscale puisqu'elle permet pour la collectivité, de résorber l'asymétrie d'expertise entre les administrations fiscales et le monde économique.
Cette expertise extérieure est devenue indispensable dans bien des domaines, notamment pour déterminer les bases imposables des groupes de sociétés transnationaux.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article propose d'étendre les possibilités pour les administrations fiscales de recourir à des conseils externes.
Le I du présent article introduit dans le livre des procédures fiscales un article L. 103 A qui prévoit que l'administration des impôts peut solliciter toute personne dont l'expertise est susceptible de l'éclairer pour l'exercice de ses missions d'étude, de contrôle, d'établissement de l'impôt ou d'instruction des réclamations, lorsque ces missions requièrent des connaissances ou des compétences particulières.
Le champ des personnes auxquelles il peut être recouru, ainsi que les domaines au sujet desquels elles peuvent êtres sollicitées, est considérablement élargi.
Pour l'exercice de leurs missions, l'administration fiscale pourra communiquer à ses conseils externes, sans méconnaître la règle du secret professionnel, les renseignements destinés à lui permettre de remplir sa mission.
Les personnes consultées seront tenues au secret professionnel dans les conditions prévues par l'article L. 103 du livre des procédures fiscales. Cet article dispose que l'obligation pénale de secret professionnel s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts. Le secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations, et notamment aux éléments relatifs à la vie privée du contribuable, dont le vérificateur peut avoir connaissance, à l'occasion d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle.
Le II du présent article abroge en conséquence les articles L. 45 A et L. 198 A, précités, du livre des procédures fiscales qui permettent un recours à des conseils externes de manière plus limitée que le champ d'application du nouvel article L 103 A.
Le III du présent article prévoit que cette disposition pourra s'appliquer à compter du 1 er janvier 2007.
Le dispositif n'a fait l'objet d'aucune modification à l'Assemblée nationale.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article constitue indéniablement une révolution culturelle pour l'administration fiscale qui pourra désormais travailler en liaison avec une expertise extérieure privée. Naturellement, l'expertise demandée ne lie pas l'administration, qui, en vertu du droit souverain pour l'Etat de lever l'impôt, doit rester maître de la définition de l'assiette de l'impôt.
Le recours à l'expertise extérieure reste néanmoins une faculté , qui peut demeurer lettre morte si les agents de l'administration des impôts font preuve de résistance vis-à-vis de cette novation.
Il convient donc de s'interroger pour savoir si la disposition prévue à l'article L. 103 A du code général des impôts ne pourrait pas être mise en oeuvre à la demande d'un redevable, l'administration fiscale restant libre du choix de l'expert. Dans ces conditions, les frais d'expertise seraient mis à la charge du contribuable.
Le recours à une expertise extérieure « à la demande du redevable », et à ses frais, s'avèrerait plus particulièrement utile dans les secteurs de l'impôt où les contentieux sont les plus nombreux. Aussi votre rapporteur général vous propose-t-il un amendement ouvrant la faculté pour le redevable de demander à l'administration fiscale une expertise externe dans les conditions fixées par l'article L. 103 A du livre des procédures fiscales, dans le cadre d'une transmission à titre gratuit ou onéreux , ou de l'impôt de solidarité sur la fortune, à des fins d'évaluation des parts ou des actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ou d'évaluation de l'ensemble des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l'exploitation d'une entreprise ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale agricole ou libérale.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.