ARTICLE 32
Transformation de la déduction du
revenu global au titre des souscriptions au capital des SOFICA en une
réduction
d'impôt sur le revenu
Commentaire : le présent article tend à transformer la déduction de revenu global au titre des souscriptions au capital des SOFICA en une réduction d'impôt sur le revenu provisoire et modulée.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE RÉGIME FISCAL DES SOFICA
Depuis 1985, les particuliers et les entreprises peuvent déduire de leurs revenus nets imposables le montant des sommes investies dans la production cinématographique et audiovisuelle au travers des sociétés de financement d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles , les « SOFICA ».
La déduction accordée aux particuliers pour le calcul de l'impôt sur le revenu relève de l'article 163 septdecies du code général des impôts (CGI), en vertu duquel « le montant des sommes effectivement versées pour les souscriptions en numéraire au capital des [SOFICA] est déductible du revenu net global ; cette déduction ne peut pas excéder 25 % de ce revenu dans la limite de 18.000 euros ».
Le même article précise que « le bénéfice de la déduction est subordonné à l'agrément du capital de la société par le ministre de l'économie et des finances », et qu'« en cas de cession de tout ou partie des titres souscrits dans les cinq ans de leur acquisition, le montant des sommes déduites est ajouté au revenu net global de l'année de la cession ».
L'article 238 bis HE du CGI circonscrit ainsi le champ des sociétés éligibles : « Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les souscriptions en numéraire au capital de sociétés anonymes soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et qui ont pour activité exclusive le financement en capital d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles agréées sont admises en déduction dans les conditions définies aux articles 163 septdecies et 217 septies ».
La déduction accordée pour le calcul de l'impôt sur le revenu profite aujourd'hui à 4.000 foyers fiscaux et représente une dépense fiscale de 20 millions d'euros, soit un gain moyen d'impôt sur le revenu de 5.000 euros par contribuable.
B. LES SOFICA : UN INSTRUMENT EFFICACE DU FINANCEMENT DU CINÉMA FRANÇAIS
Les SOFICA représentent un financement important pour les films qui en bénéficient :
- 7 % de leur budget et 15 à 20 % de leur trésorerie sont financés par les SOFICA ;
- les SOFICA versant leurs apports pendant le tournage et ne se remboursant que sur d'éventuelles recettes futures , elles constituent une aide précieuse au bouclage des plans de financement. En cas d'échec commercial du film ayant reçu un investissement SOFICA, la dette du producteur à l'égard d'une SOFICA n'est pas exigible puisqu'elle reste assise sur les recettes futures, ce qui incite la SOFICA à être très attentive sur le choix des investissements qu'elle réalise.
Les dépenses fiscales au bénéfice des SOFICA semblent efficaces, dans la mesure où :
- les SOFICA favorisent le financement du cinéma indépendant , qui représente en moyenne 50 % de leurs investissements alors que l'objectif qui leur est fixé est de 35 % ;
- elles aident au renouvellement des talents : 55 % des premiers et deuxièmes films produits en 2004 ont été soutenus par des SOFICA, tandis que 26 premiers films ont été financés par des SOFICA en 2005 ;
- ces sociétés défendent la promotion de la langue française . En 2005, 75 des 78 films soutenus par des SOFICA étaient réalisés en langue française ;
- enfin, les SOFICA contribuent au maintien d' un haut niveau de production nationale ; 78 films en 2005, soit 23 films, 3 documentaires et 7 séries d'animation de plus qu'en 2004, ont été soutenus par ces sociétés.
C. LA DÉGRADATION DE LA RENTABILITÉ DES SOFICA
La baisse du taux supérieur d'imposition a entraîné mécaniquement une baisse de la rentabilité des SOFICA, qu'elles soient ou non garanties.
Du fait du passage du taux supérieur d'imposition de 48,9 % à 40 % , une SOFICA qui garantit son souscripteur à hauteur de 80 % voit sa rentabilité baisser de 4,99 % à 3,38 % (4,2 % pour une SOFICA garantie à 85 %), plaçant le produit au niveau, voire en-dessous d'une obligation à terme (OAT) de même horizon, sans la même qualité de signature. En outre, dans un contexte de hausse des taux, le phénomène s'accentue (l'OAT à 8 ans vient de passer au-dessus des 4 %).
De même, une SOFICA non garantie voit sa rentabilité fortement dégradée : pour un retour sur investissement de 65 %, déjà excellent, la rentabilité diminue de 3,89 % à 1,42 %, soit un taux plus de 2 fois inférieur à une OAT de même durée.
Or, le secteur cinématographique et audiovisuel n'offre pas les mêmes perspectives de retours sur investissement que certains secteurs pour lesquels des produits financiers ont été mis en place (les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), par exemple, offrent des retours sur investissement nettement supérieurs). C'est la raison pour laquelle l'avantage fiscal a été instauré pour les SOFICA : il était, lors de sa création en 1985 , le seul moyen pour attirer une épargne privée dans le secteur du cinéma. A l'époque, les taux supérieurs d'imposition dépassaient largement 50 % (54 % par exemple en 2002).
Par conséquent, le placement des SOFICA auprès des souscripteurs tend à être moins assuré car :
- dans le cas des SOFICA garanties, il n'est plus assez rémunéré compte tenu de la qualité de signature ;
- dans le cas des SOFICA non garanties, il est trop risqué comparé à des produits concurrents.
C'est pourquoi la baisse du taux supérieur imposait une modification de l'avantage fiscal.
II. LE DROIT PROPOSÉ
A. UNE TRANSFORMATION EN RÉDUCTION D'IMPÔT SANS MODIFICATION DES CURSEURS
Le présent article tend à instaurer une réduction d'impôt égale à 40 % des souscriptions , retenues dans la double limite, demeurant inchangée, de 25 % du revenu net global et de 18.000 euros .
En fixant le taux de réduction d'impôt au niveau du taux de la dernière tranche du barème (40 %), la transformation serait neutre, en référence à la seule année 2006, pour les contribuables dont les revenus excèdent 66.679 euros, et plus avantageuse pour les contribuables imposés dans des tranches inférieures .
En conséquence du passage d'une déduction du revenu global à une réduction d'impôt, l'article 163 septdecies du CGI deviendrait l'article 199 unvicies du même code.
B. UNE MODULATION DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT EN FAVEUR DE L'INVESTISSEMENT DANS LES SOCIÉTÉS DE PRODUCTION
Le taux de la réduction d'impôt serait majoré de 20 % lorsque le contribuable investit dans une SOFICA qui s'engage à réaliser au moins 10 % de ses investissements dans des sociétés de production .
A défaut de respect de cet engagement, la société serait redevable d'une amende égale à 8 % du montant des souscriptions ayant ouvert droit à la réduction d'impôt au taux majoré.
C. UN AVANTAGE FISCAL DÉSORMAIS LIMITÉ DANS LE TEMPS
Il est prévu que l'avantage fiscal bénéficie aux souscriptions réalisées entre le 1 er janvier 2006 et le 31 décembre 2008 .
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté, avec l'accord du gouvernement, trois amendements de nature strictement rédactionnelle, présentés par notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général.
La commission des finances avait toutefois préconisé la suppression du présent article, au motif qu'il aboutissait à renforcer un avantage fiscal, ce qui était contraire à ses orientations.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN AVANTAGE FISCAL RENFORCÉ...
1. Une contestation de principe
Afin de ne pas augmenter directement la dépense budgétaire, la dépense fiscale est devenue un instrument d'incitation économique privilégié.
Dans une logique connexe d'accroissement des effets incitatifs et de « démocratisation » des avantages fiscaux , on constate la faveur grandissante des réductions d'impôt au détriment des mécanismes d'exonération ou de déduction du revenu imposable (les crédits d'impôt étant parfois préférés, à leur tour, aux réductions d'impôts).
En effet, les déductions du revenu imposable et les exonérations ont un effet croissant avec l'augmentation du revenu, car elles jouent davantage dans les tranches soumises aux taux les plus élevés. En revanche, les réductions d'impôt apportent un bénéfice uniforme, et donc un surcroît d'incitation, aux contribuables ayant des revenus plus faibles, dans la limite du montant de leurs cotisations d'impôt sur le revenu (le recours à la technique du crédit d'impôt permettant alors, le cas échéant, de faire sauter ce dernier verrou).
Ainsi, le coeur du dispositif proposé ne surprendra pas , mais votre rapporteur général souligne que c'est bien la logique ici à l'oeuvre qui pousse à l'augmentation continue de la dépense fiscale .
Si la réforme de l'impôt sur le revenu votée en loi de finances pour 2006 aboutit à un gain fiscal, certes sensible pour certains contribuables, de l'ordre de 6 % en moyenne de 2006 à 2007, votre rapporteur général regrette que la démarche n'ait pas été plus accomplie, faute d'avoir procédé à une remise en cause générale et vigoureuse des avantages fiscaux.
Aussi, il n'appelle certainement pas à une « démocratisation des avantages fiscaux », mais à une « démocratisation de l'impôt » au travers d'une franche réduction du barème, profitable à tous, que gagerait une diminution substantielle de la dépense fiscale et un élargissement de l'assiette .
2. Un calibrage incertain
Afin de maintenir en 2006 le degré d'attractivité de l'avantage fiscal qui prévalait en 2005, il aurait convenu en théorie, dans le contexte d'une baisse du taux marginal de l'impôt sur le revenu et d'une transformation en réduction d'impôt , d'en fixer le taux à 48,09 % et non à 40 %.
Le taux de 40 % n'empêche donc pas une dégradation de la rentabilité des SOFICA pour les revenus les plus élevés. En revanche, cette rentabilité augmenterait pour les revenus intermédiaires (imposés dans les tranches inférieures à 66.679 euros).
Or, 95 % des bénéficiaires actuels de l'avantage fiscal se situent aujourd'hui dans le dernier décile des foyers fiscaux considérés sous l'angle de l'importance des revenus imposables...
Bref, la mesure aboutit à compenser la baisse de la rentabilité des SOFICA pour les plus hauts revenus, par une hausse de cette rentabilité pour les revenus intermédiaires, sans qu'il soit établi que cette rentabilité, désormais uniforme, atteigne un niveau suffisamment incitatif pour qui que ce soit...
La rentabilité serait cependant préservée dans tous les cas lorsque le contribuable investit dans une SOFICA s'engageant à réaliser au moins 10 % de ses investissements dans des sociétés de production. En effet, la majoration de 20 % de la réduction d'impôt en porterait le taux effectif à 48 %.
Quoi qu'il en soit, d'après les informations recueillies par votre rapporteur général, le présent article engendrerait un surcoût de 2 millions d'euros, qui, pour limité qu'il soit, manifeste aussi la confiance du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie dans l'équilibre de la mesure...
B. ... MAIS UN DISPOSITIF DÉSORMAIS PROVISOIRE ET ADAPTÉ À UN PLAFONNEMENT ULTÉRIEUR DES AVANTAGES FISCAUX
D'une part, il est prévu de borner l'avantage fiscal au 31 décembre 2008, ce qui invitera le gouvernement et le Parlement à en effectuer le bilan .
D'autre part, on rappellera que, dans le cadre d'un dispositif de plafonnement des avantages fiscaux voté en loi de finances pour 2006 mais depuis censuré par le Conseil constitutionnel, il était déjà prévu, selon des modalités analogues à celles du présent article, de transformer la déduction du revenu global au titre des souscriptions au capital des SOFICA en une réduction d'impôt sur le revenu.
Cette opération devait permettre d'inclure l'avantage fiscal dans le champ du plafonnement, qui se serait appliqué au montant cumulé de certaines réductions d'impôt.
Par ailleurs, votre rapporteur général vous propose un amendement purement rédactionnel , tendant établir clairement que la majoration de 20 % s'applique au taux de 40 %.
Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.