ARTICLE 32 bis (nouveau)
Création d'un
crédit d'impôt pour les entreprises
de commercialisation de
droits audiovisuels
Commentaire : le présent article crée un nouveau crédit d'impôt au profit de la distribution de programmes audiovisuels.
I. LE DROIT EXISTANT
Les secteurs de la production d'oeuvres cinématographiques et d'oeuvres audiovisuelles bénéficient chacun d'un crédit d'impôt favorisant la relocalisation de leurs dépenses en France. De fait, les semaines de tournage en France ont largement augmenté.
Les crédits d'impôt cinéma et audiovisuel sont donc un instrument efficient de localisation de la production en France :
- ils engendrent des effets structurants pour les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel, et exercent un effet multiplicateur sur les emplois directs, tant sur les tournages qu'en post-production, ainsi que sur les emplois indirects dans l'ensemble de l'économie ;
- le temps de tournage en France reprend de l'importance. Le nombre de semaines de tournage sur le territoire national est passé de 60,8 % du nombre total de semaines de tournage en 2003 à 71,3 % en 2005, pour les oeuvres cinématographiques. Le temps de tournage en France des oeuvres audiovisuelles est passé de 85,4 % du nombre total de jours de tournage en 2004 à 89,9 % en 2005.
La distribution audiovisuelle ne bénéficie pas d'un tel dispositif fiscal, alors qu'elle doit faire face à une concurrence accrue, notamment dans le domaine de l'exportation.
Les exportations de programmes audiovisuels français sont soutenues par des crédits budgétaires, du ministère de la culture et de la communication, mais aussi du ministère des affaires étrangères. L'un de ses grands axes d'intervention est en effet intitulé « Renforcer la présence française dans le paysage audiovisuel mondial ». Il n'existe cependant pas de synthèse des efforts financiers consentis dans ce domaine par l'Etat.
L'évolution des exportations de programmes audiovisuels français est retracée dans le tableau suivant. Il montre que la progression, lente mais constante, observée depuis 1995, s'est arrêtée en 2001 et peine à redémarrer .
Evolution des exportations de programmes audiovisuels français sur les dix dernières années
(en millions d'euros)
Année |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
Montant des exportations |
68,6 |
75,3 |
88,8 |
109,2 |
114 |
129,3 |
126,7 |
106,1 |
104,3 |
108,2 |
109 |
Source : Institut national de l'audiovisuel - TV France International - Centre national de la cinématographie
Précisons que les exportations de programmes audiovisuels sont composées à 36,5 % de programmes d'animation, 24,5 % de programmes documentaire, 17 % de programmes de fiction, 9,7 % de programmes de jeux et de variétés et 8,7 % de programmes d'information, reportages, etc.
Ces exportations ont les destinations suivantes : 61 % vers l'Europe de l'Ouest (contre 8 % vers l'Europe centrale), 15,6 % vers l'Amérique du Nord, 7,5 % vers l'Asie, et environ 3 % vers l'Afrique et vers le Moyen-Orient.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A l'initiative de sa commission des finances et de notre collègue Patrice Martin-Lalande, et avec l'avis favorable du gouvernement qui a levé le gage, l'Assemblée nationale a adopté le présent article qui institue un crédit d'impôt en faveur des entreprises ayant une activité de négoce et de commercialisation des droits de diffusion et de reproduction de programmes audiovisuels .
A cet effet, le présent article insère un nouvel article dans le code général des impôts : l'article 220 nonies .
Les dépenses éligibles sont des dépenses effectuées en vue de la vente de droits de programmes audiovisuels.
Pour bénéficier du crédit d'impôt, les entreprises doivent :
- consacrer plus de 80 % de leur chiffre d'affaires en matière de distribution à la commercialisation de programmes audiovisuels ou de formats originaires de l'Union Européenne et plus de 60 % à la distribution de programmes audiovisuels ou de formats d'expression originale française ;
- avoir réalisé un chiffre d'affaires au moins égal à 85.000 euros en matière de négoce et de commercialisation de droits de diffusion et de reproduction de programmes audiovisuels ou de formats au cours de l'année précédant la demande du crédit d'impôt, c'est-à-dire au cours de l'année pendant laquelle les dépenses ont été exposées ;
- respecter la législation sociale.
Le taux du crédit d'impôt est fixé à 20 % du montant total des dépenses éligibles , plafonné à 66.000 euros par exercice.
Les subventions publiques non remboursables seraient déduites de l'assiette du crédit d'impôt et ce dernier ne pourrait avoir pour effet de porter à plus de 50 % le total des aides publiques accordées pour les dépenses.
Seraient visées trois catégories de dépenses, présentées dans le tableau suivant.
Au titre des dépenses favorisant la meilleure circulation sur le marché international des programmes audiovisuels ou des formats d'expression originale française |
Au titre de l'incitation à effectuer des dépenses en France |
Au titre de la modernisation de l'outil de travail dans un contexte de forte concurrence internationale et du développement et de la qualification de l'emploi |
Investissements en à-valoir apportés dans le financement des dépenses de production ou des dépenses postérieures à la production de restauration, création de nouvelles bandes mères en haute définition, doublage, sous-titrage, duplication, numérisation, reformatage, et de libération des droits, susceptibles d'améliorer le potentiel international des programmes par les sociétés de distribution dont le seuil de liens capitalistiques avec un diffuseur est inférieur à 15 %de leur capital |
Part de la rémunération versée par l'entreprise de distribution aux artistes-interprètes de doublage correspondant aux rémunérations minimales prévues par les conventions collectives et accords collectifs ainsi que les charges sociales afférentes dans la mesure où elles correspondent à des cotisations sociales obligatoires |
Dépenses de matériels techniques et de logiciels liées à la mise en ligne de catalogues |
Investissements postérieurs à la production de restauration, création de nouvelles bandes mères en haute définition, doublage, sous-titrage, duplication, numérisation, reformatage, et de libération des droits, susceptibles d'améliorer le potentiel international des programmes effectués par les sociétés de production qui distribuent leurs propres programmes et dont le seuil de liens capitalistiques avec un diffuseur est inférieur à 15 % de leur capital |
Dépenses liées aux investissements informatiques pour les suivis administratifs et comptables des ventes, la gestion des droits, ou la répartition aux ayants-droit |
|
Dépenses liées à la formation professionnelle pour les fonctions « marketing, commercialisation et exportation de programmes audiovisuels » |
Au-delà de l'intérêt que présente une mesure de soutien au secteur de la distribution, le présent article soulève plusieurs questions :
- celle de sa compatibilité avec le droit européen . Le présent article n'a pas fait l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne. Si la mesure est jugée contraire, lors de sa notification , aux dispositions interdisant les aides d'État qui faussent ou menacent de fausser la concurrence, les entreprises devraient rembourser les aides perçues , ce qui pourrait les mettre dans une situation délicate ;
- celle des modalités de son imputation sur l'impôt sur les sociétés, et des conditions de son reversement en cas d'excédent ;
- celle de la catégorie des programmes audiovisuels dont la distribution peut ainsi être soutenue. Rien n'empêche dans le dispositif proposé par le présent article que les oeuvres soutenues aient un caractère pornographiques ou incitent à la violence ;
- celle de son éventuelle redondance avec des mécanismes de soutien existant déjà .
Il convient de noter que les oeuvres audiovisuelles distribuées peuvent avoir bénéficié, au stade de leur production, du crédit d'impôt en faveur de la production audiovisuelle.
De même, les dépenses de matériel technique et de logiciels liés à la mise en ligne de catalogues, les dépenses de création ou d'acquisition d'un site Internet, peuvent d'ores et déjà faire l'objet d'un amortissement exceptionnel sur 12 mois. Les dépenses liées aux investissements informatiques pour le suivi administratif et comptable des ventes, la gestion des droits ou la répartition aux ayants droits peuvent faire l'objet d'un amortissement dégressif .
Enfin, le centre national de la cinématographie (CNC) subventionne déjà les dépenses de doublage et de sous-titrage en version étrangère, de reformatage en format international, de transcodage, de fabrication de bandes de démonstration, de conception, de fabrication et de diffusion de support de promotion et d'achat d'espaces publicitaires . Cette aide couvre une partie des dépenses que le producteur ou le distributeur engage pour exporter ses programmes. Elle vise les programmes récents. L'aide accordée ne peut dépasser 50 % du coût des frais hors taxes supportés par l'entreprise. Elle est attribuée par le CNC après avis d'une commission spécifique comprenant des professionnels de la distribution et de la production. Elle est réservée aux prestations effectuées par des prestataires établis en France.
En conséquence, votre rapporteur général vous propose d'amender le dispositif prévu par le présent article.
Il convient de préciser que votre commission des finances reste réservée sur la multiplication des niches fiscales. Cependant, celle que propose le présent article s'avère très limitée (elle ne coûtera que 2 millions d'euros), et elle est encore réduite par l'amendement proposé par votre rapporteur général.
L'amendement prévoit que les entreprises qui peuvent bénéficier du crédit d'impôt sont soumises à l'impôt sur le revenu .
Il est précisé que les oeuvres audiovisuelles à caractère pornographique ou d'incitation à la violence n'ouvrent pas droit au crédit d'impôt , ni les documents ou programmes audiovisuels ne comportant qu'accessoirement des éléments de création originale .
L'amendement prévoit également un mécanisme d'agrément à titre provisoire par le directeur général du centre national de la cinématographie, sur le même principe que ce que prévoit l'article 220 sexies du code général des impôts pour les crédits d'impôt en faveur de la production audiovisuelle et de la production cinématographique.
En outre, l'amendement diminue les risques de redondances entre différents dispositifs fiscaux, en indiquant que les mêmes dépenses ne peuvent entrer à la fois dans la base de calcul du crédit d'impôt prévu par le présent article et dans celle d'un autre crédit d'impôt .
Enfin, l'amendement soumet le crédit d'impôt au mécanisme dit « de minimis ». Il n'est donc plus plafonné, mais il ne pourra être accordé que dans les limites prévues par le règlement n° 69/2001 de la Commission européenne du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE relatifs aux aides dites de minimis , de sorte que le bénéfice du crédit d'impôt proposé sera limité à 100.000 euros par entreprise pour chaque période de trois années consécutives, contre un montant de 60.000 euros par exercice fiscal proposé par le présent article dans sa rédaction initiale.
Décision de la commission : votre commission vous d'adopter cet article ainsi modifié.