ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 36 septies
(nouveau)
Neutralisation de l'impact de la transposition des nouvelles
normes comptables internationales sur les bases de taxe professionnelle
Commentaire : le présent article additionnel modifie les articles 1469 et 1647 B sexies du code général des impôts pour neutraliser l'effet sur les bases de taxe professionnelle de certaines nouvelles règles comptables, relatives à l'approche par composants, au traitement des dépenses de gros entretien et de grande visite, et à l'immobilisation des pièces de rechange et de sécurité. Il prévoit également l'actualisation consécutive des bases d'imposition de La Poste, prévues à l'article 1635 sexies du même code.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE LIEN ENTRE L'AMORTISSEMENT ET LES BASES D'IMPOSITION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE
La base imposable de la taxe professionnelle (TP) est calculée d'après la valeur locative des immobilisations corporelles dont une entreprise a disposé (et non pas exclusivement dont elle est juridiquement propriétaire) en France pour les besoins de son activité. Des régimes spécifiques sont prévus pour les petites entreprises, les professionnels libéraux et les intermédiaires du commerce employant moins de 5 salariés.
Aux termes de l'article 1469 du code général des impôts, la valeur locative des équipements et biens mobiliers est déterminée d'après leur prix de revient et leur durée d'amortissement. Elle est ainsi égale à 16 % du prix de revient pour les biens dont la durée d'amortissement est inférieure à 30 ans, et réduite à une demie base, soit 8 %, pour les biens dont la durée d'amortissement est d'au moins 30 ans.
B. L'APPROCHE INDUITE PAR CERTAINES DES NOUVELLES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES
1. Une approche européenne et nationale des nouvelles normes
La comptabilité des entreprises a connu des évolutions majeures au cours de la période récente, avec la mise en place des nouvelles normes internationales IAS/IFRS ( International accounting standards / International financial reporting standards ), dont le contenu a été fixé par un organisme de droit privé, l'IAS Board . La création de ce référentiel international, qui consacre le principe de la « juste valeur » (soit la valeur de marché plutôt que le coût historique) et la prééminence de la réalité économique sur la forme juridique , s'inscrit dans une démarche de convergence entre les normes américaines ( US Generally accepted accounting principles - US GAAP) et les normes nationales des Etats européens, plutôt que d'alignement intégral sur les normes américaines.
Bien qu'elles soient appelées à se diffuser à moyen terme dans les comptes sociaux, au moins partiellement, les normes IFRS concernent prioritairement les seuls comptes consolidés des sociétés cotées , soit environ 7.000 entreprises en Europe. Elles ont fait l'objet d'une procédure d'adoption par l'Union européenne, avec la mise en place d'un organisme consultatif, l'EFRAG ( European Financial Reporting Advisory Group ), et l'adoption du règlement communautaire n° 1606/2002 du Parlement et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales. Le nouveau référentiel comptable est ainsi applicable aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2005.
La Commission européenne a ultérieurement entériné, le 15 novembre 2005, l'option controversée de la juste valeur de la norme IAS 39 sur la comptabilisation et l'évaluation des instruments financiers.
L'interprétation de chaque norme internationale à laquelle se livre le Conseil national de la comptabilité poursuit un but de convergence du plan comptable général (PCG) avec le nouveau référentiel , sans nécessairement en réaliser une transposition intégrale. Un certain nombre d'avis du CNC se sont ainsi traduits dans d'importants textes réglementaires du Comité de la réglementation comptable (CRC), en particulier :
- le règlement n° 2002-10 sur la dépréciation et l'amortissement des actifs, homologué par un arrêté du 27 décembre 2002 ;
- le règlement n° 2004-01 du CRC du 4 mai 2004 sur le traitement comptable des fusions et opérations assimilées ;
- le règlement n° 2004-06 du 23 novembre 2004 relatif à la définition, la comptabilisation et l'évaluation des actifs ;
- le règlement n° 2005-09 du 3 novembre 2005 portant diverses modifications au règlement n° 99-03 du 29 avril 1999 du CRC relatif au plan comptable général et à l'article 15-1 du règlement n° 2002-10 relatif à l'amortissement et la dépréciation des actifs.
2. Aperçu de certaines nouvelles règles afférentes à l'évaluation et à l'amortissement des actifs
Sans exposer dans le détail l'incidence des nouvelles normes internationales et du plan comptable général sur les règles d'évaluation et d'amortissement des actifs, il importe d'en rappeler brièvement les principales innovations.
a) L'approche par composants
Le principe fondamental, prévu par l'article 322-1 du PCG, réside dans l'amortissement des biens sur la durée réelle de leur utilisation dans l'entreprise, et non plus selon les usages et pratiques généralement reconnus. Les durées d'usage retenues dans les comptes sociaux (établies il y a une trentaine d'années et non révisées depuis) sont en général très inférieures aux durées d'utilisation.
Il résulte de ce principe une approche de valorisation par composant de certains actifs , que prévoit la norme IFRS 16 et qui a été transcrite dans l'article 311-2 du PCG. Les composants sont les éléments principaux de l'immobilisation qui doivent faire l'objet de remplacements à intervalles réguliers, procurent des avantages économiques à l'entreprise selon des rythmes différents ou ont des durées d'utilisation distinctes de celle de la « structure » ( ie la partie non décomposée) de l'immobilisation.
La contrepartie de cette identification distincte des amortissements à l'actif réside dans la suppression de la provision pour grosses réparations (donc sa reprise au 1 er janvier 2005), auparavant destinée à anticiper le coût de remplacement des éléments principaux des immobilisations corporelles. Le CRC a préconisé deux méthodes de reconstitution des composants identifiés pour la première application au bilan, compatibles avec la norme internationale IFRS 16 mais dont l'incidence fiscale est distincte :
- une méthode rétrospective de reconstitution du coût historique amorti ;
- et une méthode prospective de réallocation des valeurs nettes comptables entre les composants, qui permet un nouveau calcul des amortissements pour le futur et n'exerce aucun impact sur le bénéfice imposable.
b) Le traitement des dépenses d'entretien et des pièces de rechange et de sécurité
S'agissant des dépenses de gros entretien et de grandes visites ou révisions faisant l'objet de programmes pluriannuels, l'article 311-2 du PCG prévoit que les entreprises optent :
- soit pour la constitution de provisions pour gros entretien ou grandes révisions, selon le mécanisme des provisions pour charges à répartir ;
- soit pour l'approche par composant, c'est-à-dire l'enregistrement, à l'entrée de l'immobilisation dans le bilan, du coût estimé du gros entretien ou des grandes révisions comme un composant distinct de l'immobilisation.
Enfin, aux termes du 3 de l'article 321-14 du PCG, les pièces de rechange principales et le stock de pièces de sécurité constituent désormais des immobilisations corporelles - et non plus des stocks - si l'entité compte les utiliser sur plus d'un exercice. Il dispose ainsi que « les pièces de rechange et le matériel d'entretien sont habituellement inscrits en stocks et comptabilisés dans le résultat lors de leur consommation. Toutefois, les pièces de rechange principales et le stock de pièces de sécurité constituent des immobilisations corporelles si l'entité compte les utiliser sur plus d'une période . De même, si les pièces de rechange et le matériel d'entretien ne peuvent être utilisés qu'avec une immobilisation corporelle, ils sont comptabilisés en immobilisations corporelles ».
3. Une volonté de neutralité d'un point de vue fiscal qui ne préserve que partiellement les bases de taxe professionnelle
L'administration fiscale a entendu maintenir , autant que possible, le lien de connexité entre la comptabilité sociale et la fiscalité , et partant, éviter que les nouvelles normes n'entraînent de réels bouleversements fiscaux. Il n'est donc aujourd'hui pas prévu d'aligner la durée fiscale d'amortissement (durée d'usage des comptes sociaux) sur la durée comptable introduite par les nouvelles règles pour les comptes consolidés. L'adoption obligatoire des normes IAS/IFRS dans les comptes consolidés des sociétés cotées n'a cependant eu, pour l'heure, que des effets assez limités, à l'exception de quelques groupes.
L'administration fiscale ne s'est pas opposée aux évolutions induites par les nouveaux règlements comptables et qui contribuaient à réduire certains frottements entre le résultat comptable et le résultat fiscal, tout en s'efforçant de maintenir une certaine simplicité des retraitements extra-comptables et de garantir une neutralité fiscale macro-économique.
Dans une importante instruction n° 213 du 30 décembre 2005 , elle a présenté l'ensemble de ces adaptations et précisé les modalités d'articulation entre les nouvelles normes comptables en matière d'actifs et les règles fiscales.
L'article 42 de la loi de finances rectificative pour 2004 n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, relatif aux conséquences sur l'impôt sur le bénéfice de l'évolution des règles comptables sur le mode de valorisation et la dépréciation des actifs et au traitement des opérations de fusion et assimilées, a ainsi préservé la neutralité fiscale de l'approche par composants et des charges à répartir .
Il a introduit, dans l'article 237 septies du code général des impôts, le principe de l'étalement , sur cinq ans et de manière linéaire, de la majoration ou de la minoration du bénéfice imposable résultant de l'application de la méthode par composants, mais aussi une faculté de renonciation à cet étalement par l'entreprise, lorsque la majoration ou minoration est de faible montant, c'est-à-dire inférieur à 150.000 euros.
S'agissant de la taxe professionnelle néanmoins, le recours à l'amortissement selon la durée réelle d'utilisation est susceptible d'exercer un impact substantiel à la baisse des bases afférentes aux immobilisations de certains sites industriels, et donc de minorer les recettes des collectivités territoriales . Pour les groupes disposant de comptes consolidés, on peut en effet escompter une augmentation du nombre de biens (installations et composants) dont la durée d'amortissement serait portée au-delà de 30 ans , et dont la base d'évaluation de la valeur locative serait donc, par assimilation avec les immeubles, réduite à 8 % d'un prix de revient de surcroît élevé.
Le présent article additionnel entend donc neutraliser l'insécurité fiscale résultant de l'application des normes IAS/IFRS et de leur traduction dans la réglementation française aux bases de TP.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article additionnel propose trois mesures de neutralisation de l'impact des nouvelles normes comptables sur les bases de taxe professionnelle , dans un objectif de préservation de la stabilité des ressources des collectivités territoriales et d'harmonisation de certains traitements fiscalo-comptables. Il propose également d'actualiser les bases d'imposition de La Poste, consécutivement à l'entrée en vigueur des nouvelles règles.
A. LA NEUTRALISATION DES MODIFICATIONS DE LA DURÉE D'AMORTISSEMENT
Le 1° du I du présent article modifie le 2° de l'article 1469 du code général des impôts, relatif à la détermination de la valeur locative des équipements et biens mobiliers pour les bases de taxe professionnelle, afin de neutraliser l'incidence fiscale d'une modification de la durée comptable d'amortissement, en application des nouvelles règles comptables. Deux dispositions sont ainsi prévues.
D'une part, pour les équipements et biens mobiliers dont la durée d'amortissement est d'au moins trente ans, cette durée serait déterminée conformément aux dispositions du 2° du 1 de l'article 39, c'est-à-dire « dans la limite (des amortissements) qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation », et donc non pas selon la durée réelle d'utilisation des biens, applicable aux amortissements comptables selon les nouvelles règles.
D'autre part, dans un nouvel alinéa créé par le b), l'application de la méthode par composants mentionnée à l'article 237 septies du code général des impôts, précité, serait « sans incidence sur la durée d'amortissement des biens dont l'entreprise ou un autre redevable de la taxe professionnelle qui lui est lié (...) disposait à la date de clôture du dernier exercice ouvert avant le 1 er janvier 2005 ». L'appréciation du lien entre redevables de la taxe professionnelle se ferait selon les dispositions du 3° quater de l'article 1469, c'est-à-dire selon un lien de contrôle.
La décomposition des actifs peut en effet conduire à allonger, au-delà de trente ans, la durée d'amortissement de certains composants, et donc à diminuer les bases de taxe professionnelle. Le maintien, du point de vue fiscal, de la durée d'amortissement antérieurement pratiquée pour les composants et la structure de l'actif, n'interviendrait toutefois que pour les biens déjà inscrits dans les bases, c'est-à-dire ceux dont les entreprises disposaient avant l'entrée en vigueur, au 1 er janvier 2005, des nouvelles normes comptables. La mesure est donc sans incidence fiscale (absence de neutralisation) pour les flux entrants de biens à compter de 2005.
B. LE MAINTIEN HORS DES BASES D'IMPOSITION DES PIÈCES DE SÉCURITÉ ET DES PIÈCES DE RECHANGE NON SPÉCIFIQUES
Le 2° du I du présent article insère un 6° dans l'article 1469, précité, prévoyant qu'il « n'est pas tenu compte de la valeur locative des pièces de rechange, à l'exception de celles qui ne peuvent être utilisées qu'avec une immobilisation corporelle déterminée, et des pièces de sécurité ».
Ainsi qu'il a été précisé supra , les pièces de rechange non spécifiques (donc non liées à une immobilisation corporelle) et les pièces de sécurité sont considérées comme des immobilisations dans le nouveau régime comptable, et non plus comme des stocks qui sont hors des bases de taxe professionnelle. Ce nouveau 6° permet donc d'assurer la neutralité fiscale des nouvelles règles comptables.
C. LA NEUTRALISATION DE L'OPTION AFFÉRENTE AUX DÉPENSES DE GROS ENTRETIEN ET DE GRANDES VISITES
Le III du présent article insère un nouvel alinéa après le quatrième alinéa du 2 du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, relatif au plafonnement de la taxe professionnelle selon la valeur ajoutée des entreprises assujetties. Le II de cet article définit en particulier la valeur ajoutée au titre d'un exercice, qui est « l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers », et le quatrième alinéa de son 2 définit ces consommations de biens et services.
Le III assimile à de telles consommations de biens et services en provenance de tiers « les dépenses de gros entretien et de grandes visites engagées au cours de l'exercice, y compris lorsque leur coût estimé au moment de l'acquisition ou de la création de l'immobilisation principale à laquelle elles se rattachent a été inscrit à l'actif du bilan ».
Ce faisant, les dépenses de gros entretien et de grandes visites pourraient être admises en déduction de la production, pour la détermination de la valeur ajoutée, quand bien même les entreprises auraient exercé la nouvelle option comptable d'immobilisation de ces dépenses à l'actif, en tant que composants distincts (cf. supra ). Cette disposition permet donc d'établir une égalité de traitement fiscal des entreprises, indépendamment de leur choix comptable.
D. L'ACTUALISATION DE LA BASE D'IMPOSITION DE LA POSTE
Le II du présent article insère de nouvelles références dans le premier alinéa du a du 2° du II de l'article 1635 sexies du code général des impôts, relatif à la base d'imposition à la taxe professionnelle de La Poste . Ces bases seraient ainsi également établies conformément aux dispositions des alinéas suivants de l'article 1469 du même code, précité :
- le 3° bis , relatif à l'imposition de la personne ayant confié un bien, en contrepartie de l'exécution d'un travail par son propriétaire, son locataire ou son sous-locataire, à une personne passible de taxe professionnelle mais qui ne revêt pas l'une de ces qualités ; et relatif à la faculté pour les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre d'exonérer de taxe professionnelle les outillages utilisés par un sous-traitant qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, et imposés à son nom ;
- le 3° quater , relatif à la stabilité du prix de revient d'un bien cédé entre entreprises directement ou indirectement liées ;
- le 5°, relatif à l'exclusion des oeuvres d'art de la valeur locative ;
- et le 6°, créé par le 2° du I du présent article.
E. LES DISPOSITIONS D'ENTRÉE EN VIGUEUR ET D'ÉVALUATION
Le IV du présent article prévoit une entrée en vigueur différenciée :
- pour les dispositions relatives à la neutralisation des durées d'amortissement, au maintien hors des bases d'imposition des pièces de sécurité et des pièces de rechange principales, et à l'actualisation de la base d'imposition de La Poste, à compter des impositions établies au titre de 2006 , en cas de création d'établissement ou de changement d'exploitant ;
- à compter des impositions établies au titre de 2007 , dans les autres cas et pour les dispositions relatives à la neutralisation de l'option comptable sur les dépenses de gros entretien et de révision.
Enfin le V du présent article prévoit que le gouvernement établira et remettra au Parlement un rapport , dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi de finances rectificative, évaluant l'impact des nouvelles normes comptables sur les bases d'imposition , plus particulièrement celles de la taxe professionnelle.
En effet, dans la mesure où la neutralisation des changements de plan d'amortissement ne s'applique pas aux nouveau flux entrants de biens, votre rapporteur général considère qu'il importe de demeurer vigilant sur les effets fiscaux des nouvelles entrées d'immobilisations et sur les éventuels comportements d'optimisation des entreprises.
Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.