ARTICLE 40
Réforme du régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics

Commentaire : le présent article modernise l'article 60 de la loi du 23 février 1963 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en prenant en compte les déficits résultant de circonstances de force majeure.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 détermine le régime de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics.

A. LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITÉ PERSONNELLE ET PÉCUNIAIRE DES COMPTABLES PUBLICS

Le premier paragraphe de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 dispose que, quel que soit le lieu où ils exercent leurs fonctions, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés à l'Etat, aux collectivités locales et aux établissements publics nationaux ou locaux , du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent.

Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine. En revanche, hors le cas de mauvaise foi, ils ne sont pas personnellement et pécuniairement responsables des erreurs commises dans l'assiette et la liquidation des droits qu'ils recouvrent. De surcroît, les comptables publics ne sont pas personnellement et pécuniairement responsables des opérations qu'ils ont effectuées sur réquisition régulière des ordonnateurs.

Compte tenu de leur responsabilité personnelle et pécuniaire, les comptables publics sont tenus de constituer des garanties.

B. LE CHAMP DE LA RESPONSABILITÉ DES COMPTABLES PUBLICS

La responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions.

Cette responsabilité s'étend aux opérations des comptables publics placés sous leur autorité et à celles des régisseurs et dans la limite des contrôles qu'ils sont tenus d'exercer, aux opérations des comptables publics et des correspondants centralisés dans leur comptabilité ainsi qu'aux actes des comptables de fait, s'ils ont eu connaissance de ces actes et ne les ont pas signalés à leurs supérieurs hiérarchiques.

Elle ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n'auraient pas été contestées par le comptable entrant.

La responsabilité pécuniaire des comptables publics se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par la faute du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers.

C. LA MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITÉ DES COMPTABLES PUBLICS

La responsabilité pécuniaire d'un comptable public ne peut être mise en jeu que par le ministre dont il relève, le ministre de l'économie et des finances ou le juge des comptes.

Le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité ne peut plus intervenir au-delà du 31 décembre de la sixième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge des comptes ou, lorsqu'il n'est pas tenu à cette obligation, celle au cours de laquelle il a produit les justifications de ses opérations.

Dès lors qu'aucune charge provisoire ou définitive n'a été notifiée dans ce délai à son encontre, le comptable est déchargé de sa gestion au titre de l'exercice concerné.

D. LES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITÉ DES COMPTABLES PUBLICS

Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale, soit au montant de la perte de recette subie, de la dépense payée à tort ou de l'indemnité mise, de son fait, à la charge de l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matière, à la valeur du bien manquant.

Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu et qui n'a pas versé la somme prévue ci-dessus peut être constitué en débet soit par l'émission à son encontre d'un titre ayant force exécutoire, soit par arrêt du juge des comptes.

Les débets portent intérêt au taux légal à compter de la date du fait générateur ou, si cette date ne peut être fixée avec précision, à compter de celle de leur découverte.

Toutefois, les comptables publics dont la responsabilité a été engagée ou est mise en jeu peuvent, en cas de force majeure, obtenir décharge totale ou partielle de leur responsabilité.

Par ailleurs, les comptables publics peuvent obtenir la remise gracieuse des sommes laissées à leur charge.

En cas de décharge ou de remise gracieuse, les débets comptables sont couverts par l'organisme intéressé.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à simplifier le régime de décharge de responsabilité des comptables publics lié à l'existence de circonstances de force majeure . Il permet aux autorités compétentes pour mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, en l'occurrence le juge des comptes, le ministre chargé du budget ou le cas échéant le ministre de tutelle, de constater la force majeure. Dès lors, ils ne pourront plus, dans le cadre de leurs procédures respectives, mettre en jeu la responsabilité des comptables.

Il doit en résulter une plus grande célérité et une efficacité accrue du traitement des déficits résultant de circonstances de force majeure. Les déficits résultant de circonstances de force majeure seront couverts, comme actuellement les décharges de responsabilité, par l'organisme public concerné. En outre, la subrogation de l'Etat dans tous les droits des organismes publics, prévue jusqu'à présent au seul article 12 du décret du 29 septembre 1964 est insérée dans la loi afin de lui donner une assise juridique incontestable. Il en est de même d'autres dispositions du décret précité.

Le du I du présent article réaffirme le principe de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics tout en réécrivant le premier alinéa du premier paragraphe de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963. D'une part, il supprime les mots : « quel que soit le lieu où ils [les comptables publics] exercent leurs fonctions », en raison du 11° du I du présent article qui prévoit que l'article 60 de la loi de finances pour 1963 s'applique aux comptables publics et agents comptables de l'Etat en Nouvelle Calédonie, dans les terres australes et antarctiques françaises et dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. D'autre part, il substitue à une énumération des différentes catégories de personnes morales une définition générique des « organismes publics » , reprise de l'article premier du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, permettant de couvrir l'intégralité du champ des différentes personnes morales ou organismes de droit public dotés d'un comptable public (Etat, collectivités locales, établissements publics, groupements d'intérêt public).

Le du I du présent article modifie le deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article 60 de la loi de finances pour 1963 précitée en prévoyant que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes.

Le du I du présent article donne une valeur législative au décret n° 2004-737 du 21 juillet 2004 afin d'éviter tout contentieux éventuel. Celui-ci prévoit que les sommes allouées en remise gracieuse aux régisseurs ou celles dont ceux-ci ont été déclarés responsables, mais qui ne pourraient pas être recouvrées, ne peuvent être mises à la charge du comptable par le juge des comptes ou le ministre, sauf si le débet est lié à une faute ou une négligence caractérisée commise par le comptable public à l'occasion de son contrôle sur pièces ou sur place. Il s'agit de limiter la responsabilité personnelle du comptable en prévoyant que les remises gracieuses accordées aux régisseurs sont étendues au comptable, sauf négligence de celui-ci.

Le du I du présent article est une disposition de coordination.

Le du I du présent article précise que le ministre dont relève le comptable ou le ministre de l'économie et des finances peut déléguer sa compétence de mise en jeu de la responsabilité pécuniaire d'un comptable public, afin d'assurer la sécurité juridique des articles 15 et 16 du décret n° 2004-737 du 21 juillet 2004, modifiés par le décret n° 2005-945 du 29 juillet 2005, qui prévoient que le pouvoir d'émettre les ordres de reversement et les arrêtés de débet, ainsi que celui de se prononcer sur les demandes de sursis de versement et sur les demandes en décharge de responsabilité et en remise gracieuse,  peuvent être délégués.

Le du I du présent article permet aux autorités compétentes pour mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, en l'occurrence le juge des comptes, le ministre chargé du budget ou le cas échéant le ministre de tutelle, de constater la force majeure . L'un ou l'autre du ministre dont relève le comptable public, du ministre chargé du budget ou du juge des comptes pourrait désormais constater l'existence de circonstances constitutives de force majeure.

S'agissant des ministres, les modalités selon lesquelles ils constateraient la force majeure seraient fixées par décret.

Lorsque l'existence de circonstances de force majeure est constatée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public ne peut être mise en cause.

Le dernier alinéa du du I du présent article, et la disposition de conséquence prévue au 10° du I , tendent à donner valeur législative aux dispositions relatives à la prise en charge des déficits résultant de circonstances de force majeure actuellement prévues par les articles 10 et 12 du décret précité du 29 septembre 1964 :

- le déficit est supporté par le budget de l'organisme public intéressé ;

- il est pris en charge par le budget de l'Etat dans les cas et conditions fixées par un décret. Est visé le cas où le comptable de la collectivité ou de l'établissement étant un comptable de l'Etat, le déficit en cause n'affecte pas le service d'un régisseur ou ne provient pas de pièces irrégulièrement établies ou visées par l'ordonnateur. Si le déficit résulte pour partie de pièces irrégulièrement établies ou visées par l'ordonnateur, le ministre décide la fraction de la décharge prise en charge par l'Etat. De même, les décharges accordées aux comptables supérieurs du Trésor subsidiairement responsables sont supportées par l'Etat ;

- l'Etat est subrogé dans tous les droits de l'organisme à concurrence des sommes qu'il a prises en charge.

Le du I du présent article est une disposition de coordination.

Le du I du présent article, outre une précision prévoyant expressément la mise en débet d'un comptable public par un « jugement » du juge des comptes, en référence aux décisions des chambres régionales des comptes, tend à donner valeur législative au premier alinéa de l'article 12 du décret du 29 septembre 1964 aux termes duquel : « le comptable public qui a couvert sur ses deniers personnels le montant d'un déficit est en droit de poursuivre à titre personnel le recouvrement de la somme correspondante ».

Le du I précise la date à partir de laquelle l'intérêt au taux légal s'applique aux débets des comptables. Le point de départ de l'application de l'intérêt légal serait le « le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ».

Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur des dispositions précitées à compter du 1 er juillet 2007. Les déficits ayant fait l'objet d'un premier acte de mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire d'un comptable public ou d'un régisseur avant cette date demeureraient régis par les dispositions antérieures.

L'Assemblée nationale a adopté sur le présent article six amendement s rédactionnels ou de précision, à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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