ARTICLE 41
Modification des modalités de
gestion des cotisations et prestations de retraite des fonctionnaires de La
Poste
Commentaire : le présent article tend à libérer La Poste des engagements de retraites qu'elle serait dans l'obligation de provisionner en 2007 pour satisfaire aux normes comptables internationales, et à ramener ses charges sociales à un niveau tel que l'entreprise publique puisse s'inscrire équitablement dans un environnement concurrentiel.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL, FINANCIER ET DÉMOGRAPHIQUE
Organisée sous l'Ancien Régime puis devenue administration en 1793, la Poste est, depuis le 1 er janvier 1991, un établissement public à caractère industriel et commercial .
En vertu de l'article 30 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et des télécommunications, La Poste (tout comme France Télécom) a été soumise « à la prise en charge intégrale des dépenses de pensions » au titre de ses fonctionnaires -qui relèvent du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCM)-, à la différence des autres établissements publics, qui sont assujettis à une cotisation libératoire au titre de leurs agents publics.
Parallèlement, l'entreprise publique a commencé à recruter des agents de droit privé qui ont cotisé au régime général, et depuis 2003, elle n'a plus recruté aucun fonctionnaire.
Chute des cotisations et charges de retraite croissantes au titre de ses fonctionnaires : le déséquilibre démographique croissant du groupe des fonctionnaires de La Poste, ainsi « mis en extinction » , a nécessité, il y a dix ans, une première intervention des pouvoirs publics. En 1997, un accord a permis à La Poste de geler, en volume, sa charge annuelle de pensions, qui approchait alors 2 milliards d'euros. Depuis, l'Etat assume la dérive annuelle de cette charge .
Pour 2006, il sera versé 3,05 milliards de pensions aux retraités de La Poste, cette dernière ne contribuant à leur financement qu'à hauteur de 2,54 milliards d'euros, avec une prise en charge nette de l'Etat atteignant ainsi 515 millions d'euros, représentative de la dérive depuis 1997.
De fait, entre 1997 et 2005, le nombre de fonctionnaires en activité à La Poste à baissé de 23 % (de 241.962 à 186.004), alors que le nombre de fonctionnaires retraités a progressé de 24 % (de 152.816 à 189.988).
Si l'augmentation de la prise en charge par l'Etat contient la charge des pensions de La Poste au titre de l'ensemble de ses fonctionnaires, le taux de cotisation implicite qu'elle assume par fonctionnaire est appelé à augmenter fortement, de 51 % aujourd'hui à 75 % en 2015 puis 109 % en 2020...
L'ampleur de cette augmentation est telle que le taux de cotisation global de La Poste au titre de ses agents fonctionnaires et salariés , de l'ordre de 42 % en 2005, dépasserait 55 % de sa masse salariale en 2015...
Aujourd'hui, l'effectif total de l'entreprise publique, proche de 300.000 personnes, comprend 61 % de fonctionnaires et déjà 39 % de salariés de droit privés. Ainsi, la situation actuelle est de plus en plus avantageuse pour la CNAV qui, depuis 1991, reçoit un montant croissant de cotisations et supporte des charges de pensions correspondant aux annuités validées à La Poste encore très faibles, lui procurant aujourd'hui un avantage annuel évalué à 185 millions d'euros...
Le tableau suivant rend compte des perspectives d'évolution du rapport démographique brut, c'est-à-dire du nombre d'actifs rapporté au nombre de pensionnés de droit direct, concernant les personnels concernés.
Evolution du rapport démographique
2005 |
2030 |
|
Ensemble des postiers |
1,9 |
1,4 |
Salariés de La Poste cotisant au régime général |
9 |
7,8 |
Fonctionnaires de La Poste |
1,4 |
0,2 |
Régime général |
1,65 |
1,26 |
Régime de l'Etat |
1 |
0,82 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Il ressort que la situation démographique globale de La Poste demeurera comparativement favorable à celle des salariés du secteur privé ou des fonctionnaires de l'Etat.
B. UNE CHARGE DE RETRAITE CRÉANT UNE DISTORSION DE CONCURRENCE AU DÉTRIMENT DE LA POSTE
L'ouverture à la concurrence du secteur postal et, plus généralement, de l'ensemble des activités de La Poste impose de ne pas lui faire endosser des charges particulières que ne supporteraient pas les entreprises évoluant dans les mêmes secteurs.
D'ores et déjà, La Poste est pleinement ouverte à la concurrence pour les services bancaires et financiers et pour le marché de l' acheminement des colis et de l'express . En outre, la directive 2002/39/CE du 10 juin 2002 modifiant la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 fixant les règles pour le développement du marché intérieur des services postaux dans la Communauté a prévu l' ouverture à la concurrence :
• au 1
er
janvier 2003, des envois de
correspondance pesant plus de 100 grammes ou trois fois le tarif de base ainsi
que l'ensemble du courrier transfrontalier sortant ;
• au 1
er
janvier
2006,
des envois de correspondance pesant
plus de
50 grammes
ou deux fois et demi le tarif de base.
Enfin, le Parlement européen et le Conseil sont susceptibles d'adopter la proposition de directive de 2006 sur l' achèvement du marché intérieur postal de la Communauté, qui aurait lieu en 2009 .
Quoi qu'il en soit, depuis le 1 er janvier 2006, le monopole de La Poste concerne moins du tiers de son chiffre d'affaire . Or, l'entreprise supporte aujourd'hui des charges de retraite supérieures à celles de ses concurrents des secteurs postal et bancaire, ce qui constitue « un important handicap structurel ».
Le taux de cotisation global de La Poste, qui ressort à 42 % en 2005 (puis atteindrait, en l'absence de réforme, 55 % en 2015), apparaît très élevé au regard de ceux de ses principaux concurrents européens, souvent inférieurs à 25 %, mais aussi, au niveau national, avec un taux moyen pondéré des secteurs bancaires et logistiques ressortant à 37,2 %.
C. NOUVELLES NORMES COMPTABLES ET PERSPECTIVES D'ADOSSEMENT
1. Le contexte général de l'adossement des régimes spéciaux
Le mécanisme d'adossement, inauguré en 2005 pour les industries électriques et gazières (IEG), apparaît désormais en voie de banalisation au sein des entreprises publiques puisque sont concernées, outre La Poste, la SNCF et la RATP.
Adossement et neutralité financière L'adossement aux régimes de droit commun entraîne que les prestations et les cotisations sont déterminées selon les conditions qui seraient applicables si les salariés concernés relevaient de ces régimes de droit commun , financés par des cotisations salariales et employeurs. Les réformes du financement laissent inchangés les droits des affiliés et la part des prestations non couvertes par les régimes de droit commun forment les droits spécifiques , correspondant aux prestations d'un régime « supplémentaire » différentiel. Concernant la partie adossée, le principe de neutralité financière , posé par l'article L. 222-7 du code de la sécurité sociale, signifie que les écarts de charges résultant de l'adossement pour les régimes de droit commun doivent être compensés. Ces écarts résultent, d'une part, de la situation démographique et, d'autre part, du niveau et de la structure des rémunérations des affiliés. La compensation de ces écarts prend la forme d'une contribution exceptionnelle, forfaitaire et libératoire ( la « soulte » ) ou de taux de validation des droits passés inférieurs à 100 % pour les régimes complémentaires. Le versement, pour la partie adossée, de cotisations sociales libératoires a permis aux entreprises du secteur des IEG adossées au 1 er janvier 2005 avec la création d'une caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), tout comme elle doit le permettre pour la RATP et la SNCF, d' éviter le provisionnement de la plus grosse part des engagements de retraite de leur personnel . Cette perspective revêt un intérêt particulier, dès lors qu'en vertu du règlement européen 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002, la norme comptable internationale « IAS/IFRS 19 » relative aux avantages servis au personnel s'impose en 2007 aux entreprises faisant appel public à l'épargne, les obligeant à provisionner les engagements de retraites qui sont à leur charge. |
En résumé, l'adossement des régimes spéciaux au régime général permet d'éviter aux entreprises publiques de supporter dans leurs comptes la charge du provisionnement de leurs engagements de retraites, ce qu'imposent les normes comptables applicables en 2007 .
*
Si elles n'avaient pas été jugées suffisantes, les exigences de la concurrence et des normes comptables internationales auraient probablement trouvé le renfort de considérations budgétaires. En 2005, le versement au budget par les IEG, dont EDF, de soultes représentant 0,5 % du PIB, a largement contribué à améliorer la présentation des comptes publics...
2. Le cas de France Télécom
Dès le milieu des années quatre-vingt-dix, France Télécom a été exposée, au titre de ses fonctionnaires, à une contrainte démographique analogue à celle de La Poste, dans un contexte très concurrentiel. La réforme accomplie en 1997 a eu pour objet de ramener les cotisations de retraites et les autres charges sociales payées par France Télécom à un niveau comparable à celui supporté par les autres opérateurs de télécommunications présents en France , sans modifier les caractéristiques des retraites de ses fonctionnaires.
L'article 6 de la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, modifiant l'article 30 précité de la loi de 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom, a transféré à l'Etat la charge du financement des retraites de ses fonctionnaires .
En contrepartie , France Télécom verse à l'Etat depuis 1997 une contribution « libératoire » mensuelle , égale à un certain pourcentage du montant total du traitement de base versé aux agents fonctionnaires, calculé chaque année « de manière à égaliser le niveau de charges sociales et fiscales assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'Etat ». Depuis 1999, ce taux évolue entre 36 % et 38 %.
Par ailleurs, pour compenser la contrainte financière résultant, pour l'Etat, de la démographie défavorable des agents fonctionnaires de l'entreprise, France Télécom a versé une « contribution forfaitaire exceptionnelle » -la « soulte »- de 5,72 milliards d'euros à un établissement public créé ad hoc , qui a versé chaque année au budget de l'Etat une somme d'un milliard de francs (152 millions d'euros) majorée chaque année de 10 % supplémentaires...
Il a donc été procédé à une sorte d'adossement « avant l'heure » du financement des retraites des fonctionnaires de France Télécom, non pas sur le le régime général, mais sur le régime de l'Etat, ce dernier acceptant ainsi d'assumer ces charges de retraites moyennant une « quasi-soulte » de nature à le désintéresser, au moins partiellement.
3. La perspective d'un traitement en deux temps pour La Poste
Il importe, pour La Poste comme pour les IEG, la SNCF ou la RATP, de satisfaire en 2007 aux exigences des normes comptables internationales « IFRS 19 » imposant de provisionner les engagements de retraite. A droit constant, ce provisionnement serait impossible , avec des engagements au titre des retraites de l'ordre de 76 milliards d'euros , sans proportion avec les capitaux propres du groupe, qui ne dépassaient pas 4,26 milliards d'euros fin 2005.
Un adossement direct au régime général a d'abord paru s'imposer, au point que le gouvernement a, dans un premier temps, envisagé d'amorcer l'opération dès 2006 , dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Mais les échanges techniques préalables aux négociations ont tardé et le gouvernement a finalement abandonné ce projet , qui aurait consisté en un adossement à la CNAV des pensions des postiers moyennant le versement anticipé d'une soulte provisionnelle de 800 millions d'euros...
De fait, La Poste présente une spécificité importante par rapport aux autres régimes concernés par des opérations d'adossement. En premier lieu, il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un régime spécial , mais d'une entreprise publique composée, pour un tiers, de salariés de droit privé cotisant au régime général et, pour le reste, de fonctionnaires soumis au CPCM...
Les « précédents » des IEG ou de la RATP ne sont donc pas susceptibles d'être répliqués, ce qui implique d'importants travaux techniques préalables à une négociation tripartite entre l'Etat, La Poste et la CNAV.
C'est pourquoi, parant au plus pressé et avant toute opération d'adossement aux régimes de droit commun, le présent article tend simplement à « sortir » les engagements de retraite de La Poste de son bilan et à ramener le niveau de ses cotisations sociales à un niveau tel que l'entreprise publique puisse s'inscrire équitablement dans un environnement toujours plus concurrentiel .
Dans ce cadre, un traitement analogue à celui réservé, dix ans plus tôt, à France Télécom, a semblé adapté au contexte immédiat.
II. LA MESURE PROPOSÉE
D'après l'exposé des motifs, le présent article tend à placer La Poste dans une « situation d'équité concurrentielle » en appliquant à l'établissement public un taux de cotisation de retraite équivalent à celui qui résulterait de l'application du droit commun (taux dit « d'équité concurrentielle ») et en lui évitant de faire figurer à son bilan l'intégralité des engagements de retraites.
Il est prévu de soumettre progressivement La Poste à une contribution employeur représentative d'une cotisation de droit commun, de lui faire verser une contribution forfaitaire de 2 milliards d'euros à un établissement public de financement des retraites de La Poste créé ad hoc , et, selon l'exposé des motifs de « permettre la mise au point d'un financement pérenne des retraites de La Poste ».
A. LA FIXATION PROGRESSIVE D'UN TAUX DE CONTRIBUTION LIBÉRATOIRE, DIT D'« ÉQUITÉ CONCURRENTIELLE »
Le B du I du présent article fixe le taux de la « contribution employeur de retraite à caractère libératoire », précisément de nature à « libérer » La Poste de l'obligation de provisionner les engagements de retraite .
Comme la loi du 2 juillet 1990 précitée impose à l'entreprise publique de financer intégralement les charges de pension servies à ses fonctionnaires, les droits acquis par ces derniers s'analysent bien dans le référentiel comptable « IFRS 19 » en vigueur pour 2007 comme des « prestations définies » et doivent être, à ce titre, intégralement provisionnés, ce dont La Poste n'a pas les moyens ( supra ).
Le présent article ramène progressivement, de 2007 à 2010, le niveau des charges sociales de La Poste au titre de ses fonctionnaires, à celui qui résulterait de l'application du droit commun des prestations sociales à ces personnels dans les entreprises appartenant au secteur postal et au secteur bancaire.
Le taux de la contribution de base, dont il est prévu l'établissement par décret, serait ainsi calculé « de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre La Poste et les autres entreprises appartenant aux secteurs postal et bancaire relevant du droit commun des prestations sociales, pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'Etat », selon un libellé analogue à celui retenu pour France Télécom ( supra ).
Le taux moyen pondéré des secteurs bancaires (taux moyen de 40,9 %) et logistiques (taux moyen de 36,5 %), qui ressort à 37,2 % , serait retenu pour cible.
Ce taux se trouverait augmenté d'un « taux complémentaire d'ajustement » pour les années 2006 à 2009 incluse « fixé, en proportion du traitement indiciaire, à 16,3 % pour 2006 , 6,8 % pour 2007 , 3,7 % pour 2008 et 1,3 % pour 2009 ».
En 2006, le taux appliqué serait donc de 53,5 % , ce qui correspond bien au taux de contribution implicite de La Poste résultant de sa contribution au compte de pension et de ses autres charges sociales. Le tableau suivant retrace l'évolution des participations respectives de La Poste et de l'Etat au financement des pensions des postiers fonctionnaires en application du présent article :
Financement des pensions des postiers fonctionnaires de 2005 à 2010
(en millions d'euros)
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|
Pensions versées aux fonctionnaires
|
2.916 |
3.050 |
3.076 |
3.086 |
3.131 |
3.158 |
Contribution versée par La Poste (« libératoire » à partir de 2006) et, à partir de 2007, versement du nouvel établissement public ( infra ) ( B ) |
2.502 |
2.535 |
2.523 |
2.379 |
2.224 |
2.122 |
Prise en charge par l'Etat
|
414 |
515 |
553 |
707 |
907 |
1.036 |
Prise en charge initialement prévue en application du contrat de plan ( 2 ) |
414 |
515 |
553 |
569 |
625 |
661 |
Surcoût pour l'Etat (1) - (2) |
- |
- |
0 |
138 |
282 |
375 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Il est à noter que ces perspectives ne valent que dans l'attente (ou en l'absence) d'un adossement ultérieur aux régimes de droit commun , comme le présent article en organise la possibilité.
En effet, le versement par l'Etat d'une soulte aux régimes de droit commun s'effectuerait alors en échange de leur prise en charge des fonctionnaires pensionnés de La Poste ( infra ).
Par ailleurs, il est précisé que les modalités de la détermination et du versement à l'établissement public national de financement des retraites de La Poste de la contribution employeur à caractère libératoire, sont fixées par décret.
B. UNE « CONTRIBUTION FORFAITAIRE EXCEPTIONNELLE » DE 2 MILLIARDS D'EUROS À UN « ETABLISSEMENT PUBLIC NATIONAL DE FINANCEMENT DES RETRAITES DE LA POSTE »
Le B du I du présent article prévoit que La Poste doit verser avant la fin 2006 une « contribution forfaitaire exceptionnelle » d'un montant de 2 milliards d'euros à un « Etablissement public national de financement des retraites de La Poste ».
Votre rapporteur général constate que cette contribution exceptionnelle, qui représente 0,1 point de PIB, arrive fort à propos. En effet, elle contribue pour moitié à l'amélioration du solde des administrations publiques prévue pour 2006. On rappellera que, selon le gouvernement, le déficit public passerait de 2,9 points de PIB en 2005 à 2,7 points de PIB en 2006.
Dans l'attente -ou en l'absence- d'un adossement au régime général ( infra ), ces deux milliards d'euros auraient vocation à être reversés progressivement au compte de pensions afin de « lisser » la diminution de la contribution de La Poste et donc le ressaut subséquent du besoin de financement du compte d'affectation spéciale « Pensions ». Cette soulte serait reversée à l'Etat selon l'échéancier suivant :
Echéancier indicatif de reversement à
l'Etat de la contribution forfaitaire exceptionnelle
jusqu'à un
éventuel adossement aux régimes de droit commun
(en millions d'euros)
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|
Versement de l'Etablissement public national
|
0 |
488 |
504 |
504 |
504 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Ces deux milliards correspondent au maximum susceptible d'être prélevé sur La Poste sans compromettre la présentation de son bilan .
Tout comme pour France Télécom, il est bien précisé que la soulte « s'impute sur la situation nette de l'entreprise », sans modifier, ainsi, les résultats de l'exercice 2006, et qu'elle n'est pas déductible pour la détermination du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés, afin que l'entreprise ne « récupère » pas indirectement auprès de l'Etat une partie du montant versé au titre de la contribution exceptionnelle.
Par ailleurs, le présent article définit les missions, les dépenses et les recettes du nouvel établissement public , qui a vocation à assurer la centralisation et la répartition des flux financiers entre l'Etat, La Poste et les organismes concernés.
C. LA PERSPECTIVE D'UN « FINANCEMENT PÉRENNE DES RETRAITES DE LA POSTE »
1. La justification d'un adossement ultérieur au régime général
Outre le contexte concurrentiel et les obligations comptables internationales, il convenait de traiter une troisième problématique , qui résulte de l' écart démographique entre :
- les fonctionnaires de La Poste , qui engendrent des dépenses de pension encore disproportionnées pour l'entreprise, et croissantes pour l'Etat avec plus d'un milliard d'euros en 2010 (cf. tableau supra ) et la perspective d'atteindre 2 milliards d'euros à plus longue échéance...
- ... et les salariés de droit privé de La Poste , au titre desquels le régime général réalise de forts excédents, que l'entreprise publique évalue à près de 185 millions d'euros annuels.
Un adossement au régime général permettrait, moyennant le versement d'une « soulte » au régime général, de maîtriser l'évolution de la dépense pour l'Etat (au travers d'un versement échelonné de la soulte), à condition d'opérer une consolidation des situations démographiques respectives des fonctionnaires et des agents de droit privé.
La technique de l'adossement apporterait une réponse d'autant plus complète que, s'il ne porte normalement que sur les « droits de base », ces derniers sont de moins en moins éloignés, compte tenu de la réforme des retraites d'août 2003, des droits de retraite des fonctionnaires postaux.
2. Le rôle du nouvel « Etablissement public national de financement des retraites de La Poste »
Outre la centralisation et la répartition des flux financiers par le nouvel établissement public (B du II du présent article), le A du II du présent article donne au nouvel établissement public la faculté de conclure des conventions avec les régimes de retraite de droit commun , et ouvre ainsi la possibilité de négocier, selon l'exposé des motifs, « des accords de mutualisation qui répondraient à l'intérêt de toutes les parties concernées ».
Le présent article précise que ces conventions devront être négociées « conformément au titre II du livre II et au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale » qui vise les conventions financières d'intégration ou d'adossement aux régimes de base de la sécurité sociale, et particulièrement les articles L. 222-6 et L. 222-7 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, qui définissent les modalités d'« adossement » des « régimes spéciaux ou de tout autre régime » à la CNAV.
Il s'agit donc bien ici d' ouvrir la possibilité , pour l'Etablissement public de financement des retraites de La Poste, de négocier un adossement des engagements au titre des anciens fonctionnaires de La Poste sur le régime général. Cet adossement ne peut qu'obéir, en vertu de l'article L. 222-7 précité du code de la sécurité sociale, à un « principe de stricte neutralité financière de l'opération pour les assurés du régime général » (cf. encadré supra ).
Ainsi, le d du 2° du B du II du présent article prévoit-il que le nouvel établissement public puisse verser « les contributions forfaitaires et libératoires destinées à couvrir les charges de trésorerie et les charges permanentes résultant des conventions » avec les organismes de sécurité sociale, autrement dit des soultes destinées à « dédommager » ces dernières dans le cadre d'un adossement.
Ces soultes seraient partiellement financées par le reversement de la contribution forfaitaire exceptionnelle de 2 milliards d'euros (c du 1° du B du II), le solde ayant vocation à être acquitté par l'Etat (f du 1° du B du II). On notera qu'avec le temps, la contribution forfaitaire exceptionnelle s'érode puisqu'elle participe aussi au « lissage » du ressaut de la contribution de compte de pensions aux fonctionnaires retraités de la Poste qu'engendre la diminution progressive de son taux de cotisation globale ( supra ).
Par ailleurs, les conventions « qui répondraient à l'intérêt de toutes les parties concernées » seront naturellement soumises au conseil d'administration de la CNAV .
En l'absence de conclusion de telles conventions au terme d'un délai de deux ans, le D du II du présent article prévoit que « le Gouvernement remet au Parlement un rapport, qui examine et propose des modalités alternatives de financement ».
En cas d'adossement , il est à noter qu'en vertu des c, d et e du 1° du B du I du présent article, le nouvel établissement public servirait alors d'interface vis-à-vis des organismes de sécurité sociale , qui se verraient en particulier attribuer, le cas échéant, « les versements représentatifs des cotisations résultant de l'application » des conventions d'adossement.
*
Il est à noter que la réforme proposée a été notifiée à la Commission européenne le 23 juin 2006. Elle a fait l'objet d'une ouverture d'enquête approfondie par la Commission européenne le 12 octobre 2006, en vue de vérifier si elle ne constitue pas une aide d'État incompatible avec le marché commun.
Ce dispositif serait mis en oeuvre après l'accord de la Commission européenne.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté, avec l'accord du gouvernement, quatre amendements de nature strictement rédactionnelle, présentés par notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général.
IV. UNE URGENCE TRAITÉE, UN JALON VERS L'INCONNU
D'une part, la diminution progressive du taux de contribution sociale de La Poste jusqu'à atteindre, en 2010, un taux d'« équité concurrentielle », paraît cohérente avec la perspective, une année plus tôt, d'une ouverture totale à la concurrence.
En 2009, le « taux complémentaire d'ajustement » provisoire, alors limité à 1,3 % selon un calendrier, semble-t-il, négocié avec l'entreprise publique, ne paraît pas de nature à compromettre sa compétitivité, surtout par contraste avec la situation présente, caractérisée par un handicap de taux s'élevant à 16,3 %.
D'autre part, le caractère libératoire de la nouvelle contribution permet à La Poste de s'inscrire dans le nouveau cadre comptable.
Il reste que les perspectives d'« adossement » au régime général sont, sinon incertaines, du moins singulièrement confuses.
Au regard des opérations d'adossement précédentes, le « dossier » de La Poste comporte de nombreuses spécificités , dont la plupart constituent autant d'éléments de complexité supplémentaires...
En premier lieu, il semble que le montant de la soulte ne puisse être seulement calculé en référence au groupe des fonctionnaires postaux -ce qui aboutirait à la détermination d'une soulte probablement supérieure à 10 milliards d'euros - alors même que le régime général réalise des excédents au titre des postiers non fonctionnaires et qu'au total, l'évolution démographique de l'ensemble des agents de La Poste est moins défavorable que celle du régime général dans son ensemble.
Il reste que la CNAV ne saurait qu'être particulièrement vigilante sur les termes de l'équilibre à trouver, compte tenu de l'inéluctable dégradation du rapport démographique du secteur privé auquel elle sera confrontée au cours des prochaines décennies, même si la démographie des agents privés de La Poste se trouve, elle, moins défavorable...
En second lieu, si l'abondement budgétaire prévu ( supra ) pour constituer la soulte paraît justifié, dans la mesure où l'Etat a eu la maîtrise directe des recrutements postaux jusqu'en 1991, ce dernier, déjà confronté à des charges de pension croissantes au titre de ses propres agents, ne peut que souhaiter se désengager dans les meilleures conditions.
Par ailleurs, l'adossement du financement des retraites des fonctionnaires postaux aux régimes complémentaires AGIRC et ARRCO ne semble pas, ici, s'imposer , l'ensemble des agents postaux adhérant à l'IRCANTEC qui se trouverait en conséquence fragilisée par un retrait massif de cotisants.
Enfin, d'une façon générale, il n'existe pas de précédent d'intégration d'un groupe de fonctionnaires aux régimes de droit commun de droit privé...
Bref, la complexité des données techniques, l'originalité du contexte et les perspectives financières respectives de l'Etat et du régime général, n'augurent certainement pas d'une issue rapide de leurs négociations.
Par ailleurs, on rappellera qu'en l'absence d'adossement au régime général, les deux milliards d'euros versés au nouvel établissement public seraient reversés progressivement afin de « lisser » l'augmentation de la contribution de l'Etat au titre des postiers retraités fonctionnaires, cette érosion constituant un paramètre supplémentaire dans la détermination du complément de soulte à verser par l'Etat...
*
Quoi qu'il en soit, votre rapporteur général relève que le niveau de l'endettement et des prélèvements obligatoires dont, au fond, seuls les niveaux importent réellement, sont la résultante globale d'un ensemble de ressources et d'engagements, notamment au titre de l'Etat et de l'ACOSS.
En réalité, il faut surtout compter avec la poursuite de la réforme des retraites de 2003 afin d'assainir une situation lourde de menaces sur l'activité et le niveau des pensions.
Le Conseil d'orientation des retraites (COR) doit effectuer prochainement un bilan complet de la réforme sur la base duquel, avant le 1 er janvier 2008, le gouvernement « élabore un rapport faisant apparaître :
« 1° L'évolution du taux d'activité des personnes de plus de cinquante ans ;
« 2° L'évolution de la situation financière des régimes de retraite ;
« 3° L'évolution de la situation de l'emploi ;
« 4° Un examen d'ensemble des paramètres de financement des régimes de retraite.
Ce rapport est rendu public et transmis au Parlement ».
Il s'agit du « rendez-vous » de 2008, dont la présente mesure, qui manifeste aussi la difficulté pour l'Etat et la sécurité sociale d'assumer la dérive financière des pensions dans le contexte aggravé d'une socialisation croissante du risque vieillesse au travers de l'adossement des régimes spéciaux, montre assez l'importance .
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.