II. LE PROJET DE LOI INSTAURE UNE NOUVELLE PROCÉDURE DE CONCERTATION ET ENCOURAGE LA NÉGOCIATION

Longuement préparé, ce projet de loi recueille un assez large accord des partenaires sociaux. Il leur garantit une meilleure association à l'élaboration des réformes sociales et leur donnera la possibilité de se saisir de tout projet de réforme pour mener une négociation. Gage de son efficacité, le projet de loi institue une procédure d'une grande souplesse, qui respecte les prérogatives constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement.

A. LA GENÈSE DU PROJET DE LOI

Le projet de loi s'appuie, sans les reprendre entièrement, sur les recommandations du rapport Chertier. Il a donné lieu à une intense concertation dans le courant du second semestre 2006, qui a permis de dégager un relatif consensus entre les partenaires sociaux.

1. Les recommandations du rapport Chertier...

C'est en décembre 2005, donc avant le déclenchement de la « crise du CPE », que le Premier ministre Dominique de Villepin a demandé à Dominique-Jean Chertier, ancien conseiller social de Jean-Pierre Raffarin, de faire « des propositions sur les moyens d'améliorer le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux ». Son rapport a été remis au Premier ministre le 31 mars 2006. Ses recommandations s'articulent autour de trois priorités.

a) Construire un « agenda partagé » de réformes

Le rapport recommande de formaliser davantage, en début de législature, le programme de réformes gouvernemental en matière sociale, afin de pouvoir procéder à une meilleure répartition des tâches entre pouvoirs publics et partenaires sociaux. Certains sujets pourraient être renvoyés d'emblée à la négociation collective, tandis que d'autres donneraient lieu à une initiative gouvernementale, suivie d'une concertation.

Ce programme de travail serait régulièrement réactualisé, en lien notamment avec le programme annuel de réformes présenté chaque année à Bruxelles, et le Premier ministre pourrait prononcer un discours annuel devant le Conseil économique et social pour faire le bilan de l'avancement des réformes.

b) Réserver un temps à la concertation pour l'ensemble des réformes

Le rapport suggère de prévoir une période obligatoire de concertation, dont la durée pourrait être fixée à trois mois, entre l'annonce d'un projet de réforme et l'adoption d'un projet de loi en Conseil des ministres.

Cette période serait mise à profit pour procéder à une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, selon des modalités annoncées à l'avance, et en s'appuyant sur un document d'orientation indiquant les orientations retenues.

Pour garantir le respect de cette procédure, une loi organique, dédiée à la procédure d'élaboration des textes, pourrait en fixer les modalités. Son adoption devrait être précédée d'une révision - limitée - de la Constitution, qui effectuerait un renvoi à la loi organique.

La concertation pourrait, dans certains cas, déboucher sur une négociation : les partenaires sociaux disposeraient d'un délai d'un mois pour faire connaître au Gouvernement leur intention d'ouvrir une négociation. Dans cette hypothèse, un nouveau délai 7 ( * ) s'ouvrirait alors, pendant lequel le Gouvernement s'abstiendrait de toute initiative, laissant le soin aux partenaires sociaux de rechercher un accord.

En cas d'échec des négociations, le Gouvernement pourrait alors reprendre l'initiative. En cas d'accord, le Gouvernement aurait deux options : soit retenir le texte de l'accord sans en altérer le contenu, soit le refuser en motivant sa décision.

Le Parlement serait contraint d'effectuer le même choix binaire et devrait soit approuver l'accord en totalité, soit le rejeter. Conscient que l'abandon par les parlementaires de leur droit d'amendement pourrait être politiquement difficile à faire accepter, Dominique-Jean Chertier suggère que le Parlement vote une loi d'habilitation autorisant le Gouvernement à transcrire l'accord dans la loi par voie d'ordonnance...

Reconnaître un tel pouvoir normatif aux partenaires sociaux pose immédiatement la question de leur légitimité, et donc de leur représentativité. Cette question a fait l'objet d'une analyse approfondie dans un autre rapport, commandé à Raphael Hadas-Lebel 8 ( * ) , président de section au Conseil d'Etat.

c) Rationaliser les instances du dialogue social

Le rapport Chertier préconise de réformer la composition et le mode de fonctionnement du Conseil économique et social pour le placer au coeur des processus de concertation et de réduire drastiquement le nombre des instances consultatives.

* 7 Ce délai ne saurait être trop long pour ne pas ralentir excessivement le programme de réforme gouvernemental ; à cet égard, un délai de trois ou quatre mois, qui pourrait être prolongé si un accord semble en passe d'être conclu, apparaît raisonnable. Alternativement, on peut imaginer qu'un délai soit fixé au cas par cas, en fonction du dossier à traiter.

* 8 « Pour un dialogue social efficace et légitime : représentativité et financement des organisations professionnelles et syndicales », rapport au Premier ministre présenté par Raphaël Hadas-Lebel, mai 2006.

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