III. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le jeudi 25 janvier 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Seillier sur le projet de loi n° 170 (2006-2007) instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué que ce projet de loi comporte deux volets : le premier concerne la création d'un droit au logement opposable, le second regroupe diverses mesures destinées à promouvoir la cohésion sociale.

La mise en oeuvre du droit au logement opposable suscite paradoxalement à la fois des inquiétudes et des espoirs.

Les inquiétudes ont pour origine la situation actuelle du logement en France, qui est caractérisée par une conjonction de facteurs défavorables, à commencer par une offre insuffisante. Les besoins s'élèvent à 800.000 logements en raison de l'accroissement rapide du nombre de ménages, au rythme de 320.000 par an et du retard pris dans les programmes de construction durant les années quatre-vingt et quatre vingt-dix. Dans ces circonstances, il faudrait construire près de 400.000 logements par an jusqu'en 2010, pour parvenir à résorber ce déficit. De plus, l'offre ne répond pas à la demande des ménages à faibles revenus, car ces personnes ont besoin de logements à loyers accessibles. Or, les prix de l'immobilier ont beaucoup augmenté au cours des dernières années, tandis que la revalorisation des aides au logement a été insuffisante. Ainsi, l'obtention d'un logement HLM dans le parc social ou conventionné du secteur privé requiert des délais d'attente de plus en plus longs, environ dix ans à Paris.

M. Bernard Seillier a rappelé par ailleurs le nombre élevé d'habitations vacantes : près de 100.000 logements seraient désaffectés ou laissés volontairement vides par leurs propriétaires.

Selon les chiffres publiés dans le rapport 2006 de la Fondation Abbé Pierre, le nombre de ceux qui sont dépourvus de logements ou en situation de « mal-logement » continue d'augmenter : 86.000 personnes seraient sans abri, plus de 120.000 seraient accueillies dans des structures d'hébergement d'urgence et au moins 200.000 habiteraient chez des amis ou parents. Enfin, plus de 2 millions de personnes seraient logées dans un habitat indécent ou suroccupé.

Face à ce constat édifiant, le projet de loi suscite un formidable espoir et ce sentiment apparaît justifié, dans la mesure où un effort sans précédent a été engagé par l'Etat depuis 2002.

A ce titre, M. Bernard Seillier, rapporteur , a tout d'abord rappelé l'importance des politiques du logement stricto sensu, avec la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine, du plan de cohésion sociale et de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Toutes ces actions commencent à produire leurs effets aujourd'hui. A terme, plus de 500.000 logements devraient être construits dans le parc social, tandis que 200.000 seraient mis sur le marché locatif privé à loyers maîtrisés, et 100.000 logements vacants réhabilités grâce au travail réalisé par l'Agence nationale de l'habitat, auxquels s'ajouteront 250.000 logements démolis, puis reconstruits, et 400.000 habitations réhabilitées.

Ces résultats seront amplifiés grâce aux 17.000 logements supplémentaires à loyers accessibles récemment annoncés par le Gouvernement, d'une part, ainsi que par la mise en place d'une garantie des risques locatifs (la GRL), dont le bénéfice sera élargi à un plus grand nombre de personnes en situation précaire pour rassurer les propriétaires hésitant à louer leur bien, d'autre part.

En matière d'hébergement, les efforts réalisés par l'Etat sont tout aussi remarquables : l'objectif de 100.000 places, fixé par le plan de cohésion sociale, devrait être atteint en 2007 et plus de 20.000 places ont été créées pour accueillir les personnes sans domicile fixe.

Dans ce contexte, l'institution d'un droit au logement opposable apparaît en quelque sorte comme le couronnement de la politique volontariste menée par le Gouvernement. M. Bernard Seillier, rapporteur , a considéré que l'affirmation de ce droit constitue, à son sens, une première étape vers la création d'un service public de l'habitat qui préserverait chacun du risque de perdre son toit. La dimension historique de cette avancée ne doit pas être sous-estimée : le droit au logement sera placé au même rang que le droit aux soins ou le droit à l'éducation et il consacrera la France comme l'un des pays les plus avancés en matière de droits sociaux. Pour autant, il convient de faire preuve de réalisme et de prudence.

Le mécanisme juridique proposé par le texte organise l'opposabilité du droit au logement par la possibilité de le faire valoir dans le cadre d'un recours gracieux ou contentieux. Ce droit sera garanti par l'Etat aux personnes qui résident sur le territoire français de façon régulière et stable et qui ne sont pas en mesure d'accéder par leurs propres moyens à un logement indépendant et décent.

La procédure se décomposera en deux temps : d'abord, un recours gracieux devant une commission de médiation, ensuite une phase contentieuse si la démarche n'aboutit pas à l'obtention d'un logement.

Le recours gracieux pourra être introduit sans condition de délai pour cinq catégories prioritaires de personnes : celles dépourvues de logement, celles menacées d'expulsion sans relogement, celles placées dans une structure d'hébergement temporaire, celles logées dans un taudis ou une habitation insalubre, et enfin pour les ménages ayant des enfants mineurs logés dans des habitations indécentes ou suroccupées. En ce qui concerne toutes les autres demandes non satisfaites, le recours s'exercera au-delà d'un délai anormalement long défini localement par le préfet.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué que deux cas de figure sont alors envisageables : si la demande n'est pas reconnue comme prioritaire par la commission de médiation, le demandeur conservera la possibilité de faire appel de cette décision devant le tribunal administratif ; dans le cas contraire, le préfet, voire le délégataire de ses droits à réservation, désignera un organisme bailleur chargé de loger le demandeur ou, le cas échéant, l'orientera vers une structure d'hébergement adaptée.

Le recours contentieux n'est envisageable qu'ensuite, si le logement n'est pas effectivement accordé : le demandeur pourra alors, dans un délai fixé par voie réglementaire, saisir la juridiction administrative. Si le juge reconnaît le bien-fondé de la demande, il ordonnera le relogement, le logement ou l'accueil dans une structure adaptée et pourra assortir cette injonction d'une astreinte, dont le produit sera versé au fonds régional d'aménagement urbain.

Cette faculté d'exercer un recours contentieux sera ouverte dès le 1 er décembre 2008 aux cinq catégories de demandeurs prioritaires puis, à compter du 1 er janvier 2012, à tout demandeur.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a observé que le projet de loi autorise par ailleurs la mise en oeuvre anticipée de ce recours, avant le 1 er décembre 2008, pour les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) volontaires, ayant conclu avec l'Etat une convention de délégation du contingent préfectoral, et qui souhaiteraient expérimenter le dispositif au profit des cinq catégories prioritaires. Dans cette hypothèse, tout recours devant la juridiction administrative s'exercerait automatiquement contre les communes ou EPCI délégataires, et non contre l'Etat.

En définitive, il a considéré que ce texte pose trois problèmes de fond. Tout d'abord celui du dispositif de transfert automatique de responsabilité du droit au logement aux collectivités délégataires du contingent préfectoral, qui suscite de vives réserves. Il est effectivement à craindre que, faute de disposer de moyens coercitifs, aucune collectivité territoriale ne manifeste l'intention d'exercer cette responsabilité. De ce fait, l'expérimentation proposée risque de n'être qu'une mesure d'affichage, à laquelle le rapporteur proposera de renoncer.

La deuxième difficulté tient au calendrier de mise en oeuvre de ce droit, dont la première échéance de 2008 peut paraître ambitieuse. M. Bernard Seillier, rapporteur , a toutefois estimé impossible, comme certains le réclament, de reporter l'application du dispositif pour les publics prioritaires, sauf à créer dans l'opinion publique une profonde émotion et une grande déception. Prenant acte des déclarations du ministre, qui a réaffirmé devant la commission sa conviction que la France a la capacité d'atteindre cet objectif, il a jugé que, plutôt que de reporter les échéances, il convient d'agir avec pragmatisme et d'organiser un suivi scrupuleux de ce processus. Dans cet objectif, il a proposé de confier au Conseil économique et social la mission de procéder à une évaluation avant le 1 er octobre 2010, c'est-à-dire deux ans avant la généralisation prévue pour le 1 er janvier 2012. Les données chiffrées précises sur l'activité des commissions de médiation et des tribunaux administratifs seront alors disponibles et permettront d'envisager d'éventuels aménagements du dispositif.

Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées s'est d'ailleurs déclaré lui aussi favorable à cette approche pragmatique, en proposant notamment que l'on réfléchisse dès juillet 2007 à l'intérêt d'adapter le calendrier prévu, et ce en fonction de la cartographie des difficultés d'accès au logement que rencontrent les territoires.

De fait, la région parisienne constitue un cas particulier, comme d'ailleurs toutes les zones urbaines où la situation du logement est tendue, notamment outre-mer. Il conviendra donc de prévoir des modalités particulières d'application pour ces territoires, en chargeant le comité de suivi de faire des propositions dans ce domaine.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué qu'il présentera à la commission d'autres amendements consistant à apporter des aménagements techniques au projet de loi. Cette démarche vise notamment à mieux distinguer le droit à l'hébergement et le droit au logement, qui ne relèvent pas tout à fait de la même problématique. A cela s'ajoutent quatre catégories de mesures complémentaires :

- le relèvement des objectifs de réalisations de logements très sociaux financés à l'aide d'un PLUS ou d'un PLA I pour les années 2007, 2008 et 2009 ;

- l'ouverture du bénéfice de la déduction fiscale aux associations ou organismes publics qui sous-louent, à un prix réduit, un logement privé à des personnes disposant de ressources modestes ;

- l'extension du système de garantie des revenus locatifs (GRL), notamment au bénéfice des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans qui se trouvent dans une situation précaire ;

- le renforcement de l'information et de la formation des travailleurs sociaux.

Puis M. Bernard Seillier, rapporteur , a présenté la seconde partie du texte, qui traite de divers sujets liés à la cohésion sociale. La première mesure consiste à reprendre le mécanisme de « bouclier social », précédemment adopté par le Parlement en loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, mais invalidé par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Il s'agit d'un dispositif en faveur des travailleurs indépendants soumis au régime fiscal de la microentreprise : ceux-ci pourront s'acquitter d'une cotisation sociale proportionnelle au chiffre d'affaires (dans une limite de 14 % ou 24 % selon la nature de l'activité), tout en se voyant garantir des droits sociaux équivalents en termes de retraite et de couverture maladie.

Le rapporteur a souligné, ainsi qu'il l'avait d'ailleurs lui-même préconisé dans son rapport au Premier ministre sur la mise en place d'un contrat d'accompagnement généralisé, que l'objectif consiste à lever un frein à l'initiative, parfois découragée par la complexité et le coût des procédures, et de permettre de légaliser un certain nombre de petites activités informelles.

La seconde mesure propose d'instituer un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, destiné aux ménages qui ne peuvent bénéficier de la réduction d'impôt actuelle car ils sont non imposables. Pour l'instant, cette disposition n'existe que pour la garde d'enfant et le soutien scolaire à domicile. Le projet de loi propose donc de l'étendre à tous les métiers des services à la personne, en particulier l'aide aux personnes âgées ou handicapées, y compris lorsqu'il est fait appel à un organisme agréé comme un centre communal d'action sociale.

La troisième mesure opère la transposition, en droit interne, de l'article 24 de la directive européenne relative aux droits des citoyens de l'Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres. Cette disposition autorise les Etats d'accueil à ne pas accorder de droits à une prestation d'assistance sociale aux personnes entrées sur leur territoire pour y chercher un emploi. Le projet de loi propose d'appliquer cette mesure à trois types de prestation - le RMI, la CMU et les prestations familiales - afin d'éviter des mouvements de population liés à de simples effets d'aubaine. Les pays voisins de la France ont d'ailleurs tous adopté des mesures similaires.

Puis M. Bernard Seillier, rapporteur , a évoqué, en dernier lieu, l'article du texte créant l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine. Ce dispositif s'adresse en priorité aux vieux travailleurs immigrés des foyers Adoma (ex Sonacotra) qui souhaitent séjourner durablement dans leur pays d'origine, en effectuant de simples allers et retours en France. Or, aujourd'hui, cette situation entraîne la perte du bénéfice du minimum vieillesse. En effet, si rien n'interdit de percevoir sa retraite en France ou à l'étranger, une prestation non contributive comme le minimum vieillesse est soumise à une condition de séjour régulier en France. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a mis un terme, depuis le 1er janvier 2006, à l'exportation du minimum vieillesse à l'étranger.

Constatant la situation très défavorable qui en résulte pour les vieux migrants de l'Adoma, le Gouvernement propose une solution, avant tout pour des considérations humanitaires, mais également pour libérer des places dans ces foyers suroccupés : ces personnes pourront disposer d'une aide équivalant à la somme qu'elles auraient perçue si le minimum vieillesse était toujours exportable.

Après avoir déclaré qu'il comprend et partage l'esprit dans lequel cette mesure a été conçue, M. Bernard Seillier, rapporteur , a exposé les difficultés juridiques et financières que pose le dispositif envisagé : son coût potentiel pour l'Etat n'est pas connu avec exactitude ; les modalités de lutte contre la fraude méritent d'être précisées ; plus encore, le risque d'une requalification de cette aide en prestation de sécurité sociale par la Cour de justice des communautés européennes ne doit pas être négligé, ce qui pourrait obliger la France à rétablir le caractère exportable du minimum vieillesse.

En conséquence, il proposera à la commission plusieurs amendements destinés à mieux encadrer cette disposition, notamment en l'instaurant pour une période transitoire de trois ans, à l'issue de laquelle l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires sociales en établiront le bilan.

Pour conclure, il s'est déclaré convaincu que ce projet de loi, qui a rencontré l'adhésion de tous les acteurs associatifs et institutionnels du logement et de l'insertion, aura un effet stimulant : la noblesse et la grandeur de l'objectif qu'il assigne à la collectivité obligeront en effet les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires pour honorer l'engagement pris devant la représentation nationale.

Enfin, M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué que le projet de loi a été examiné le matin même par le conseil national de lutte contre les exclusions (CNLE), qui a conclu au fait que ce texte ne réglera pas, à lui seul, le problème fondamental de l'accès au logement. La construction en plus grand nombre de logements très sociaux, ainsi que la limitation à 20 % du taux d'effort des ménages en faveur du logement, sont indispensables pour l'accompagner.

M. Nicolas About, président , a approuvé la proposition du rapporteur de ne pas remettre en cause le calendrier de mise en oeuvre du droit au logement opposable. Il lui semble sur ce point regrettable que l'une des commissions, saisie pour avis, ait émis un message négatif à l'égard du texte en proposant le report des échéances fixées par le Gouvernement. Si certains territoires tels que l'Ile-de-France, les Alpes-Maritimes ou les départements d'outre mer se trouvent actuellement dans une situation difficile, il lui paraît plus sage de conserver les objectifs proposés et de s'en remettre à l'avis que rendra le comité de suivi en charge de la mise en oeuvre de la loi en juillet 2007 pour les adaptations qu'il sera éventuellement nécessaire de prévoir pour tenir compte des circonstances locales spécifiques.

M. Roland Muzeau a salué la tonalité modérée du rapport qui permet d'améliorer le texte sur des points significatifs. Il s'est en revanche inquiété des axes de travail retenus par les commissions saisies pour avis qui, selon lui, ouvrent une brèche dans le dispositif tel qu'il a été proposé par le Président de la République. Il s'est notamment étonné de ce que la commission des affaires économiques propose des échéances très lointaines, qui sont de nature à remettre en cause la reconnaissance du droit au logement opposable.

Il s'est dit en accord avec le rapporteur sur les positions qu'il a adoptées concernant l'augmentation de la construction de logements financés par des PLUS et des PLA-I, le maintien du calendrier de mise en oeuvre de la loi, la suppression du transfert de responsabilité lié à la délégation du contingent préfectoral et la confirmation du rôle central du comité de suivi.

Par ailleurs, il a demandé des précisions relatives au sort réservé aux conventions de délégations déjà adoptées, s'inquiétant qu'elles puissent être remises en cause par le présent projet de loi. Il a également souhaité que des solutions soient trouvées pour les zones connaissant de fortes tensions immobilières et a rappelé à cet égard son fort attachement à une application stricte et plus rapide de l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain. Il a en outre déploré les fortes augmentations de loyers appliquées aux logements locatifs sociaux financés par des PLUS et des PLA-I, destinés à des ménages disposant de revenus modestes. Enfin, il a souligné la nécessité que les organismes HLM puissent bénéficier d'une garantie des risques locatifs.

Mme Bernadette Dupont a souhaité que soient précisés les publics visés par la mise en oeuvre du droit au logement opposable, craignant que les personnes disposant de ressources intermédiaires tels que les professeurs et les internes en médecine ne soient exclues de ce dispositif. Elle s'est également interrogée sur la place accordée aux personnes âgées et handicapées dans le système proposé et sur les raisons qui conduisent le Gouvernement à proposer un minimum vieillesse aux anciens migrants.

M. Thierry Repentin a tout d'abord dénoncé la brièveté des délais impartis à l'examen de ce projet de loi, contraignant ainsi le rapporteur et l'ensemble des sénateurs à travailler dans des conditions difficiles. Il s'est ensuite étonné de ce que l'intitulé du texte porte sur un « droit opposable au logement » alors qu'il organise plutôt un « droit au logement opposable ».

M. Nicolas About, président , est convenu qu'il faudra modifier l'intitulé du projet de loi en ce sens.

M. Thierry Repentin a indiqué que les conditions de l'opposabilité du droit au logement ne sont actuellement pas réunies. Des moyens supplémentaires pour construire de nouveaux logements et pour permettre le maintien dans les lieux des personnes les plus défavorisées doivent être déployés rapidement pour rendre le droit au logement effectif. Il s'est en outre interrogé sur la pertinence du choix du critère de stabilité retenu à l'article premier.

Les amendements qu'il proposera viseront à accentuer les efforts de construction de logements financés à l'aide d'un PLA-I, c'est-à-dire accessibles à des personnes qui perçoivent des revenus inférieurs à un demi-Smic. Il a fait valoir à cet égard que l'amendement du rapporteur, qui n'opère pas la distinction entre les logements financés par des PLUS et des PLA-I, ne répond que partiellement à sa préoccupation de développer une offre accessible aux ménages les plus défavorisés. Il a souhaité connaître le nombre de ménages qui seraient concernés par la mise en oeuvre du droit au logement opposable, gageant que l'astreinte qui s'impose à l'Etat n'entraînera pas forcément à terme le relogement de tous les demandeurs. Les personnes risquent de surcroît d'être relogées prioritairement dans les communes qui ont plus de 50 % de logements sociaux, puisque ce sont elles qui disposent d'une capacité d'accueil, ce qui créera inévitablement une concentration dans ces territoires des personnes les plus défavorisées. Enfin, il s'est demandé comment défendre légitimement l'idée que le maire délégataire du contingent préfectoral ne doive pas en contrepartie assumer la responsabilité de la mise en oeuvre du droit au logement opposable.

M. Michel Esneu a souhaité connaître les raisons de la vacance d'un très grand nombre de logements privés.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est déclaré plutôt favorable au bouclier social tout en regrettant les nombreuses modifications intervenues au cours des dernières années sur le régime fiscal et social des travailleurs indépendants. Il a insisté sur la nécessité de la compensation par l'Etat de cette mesure. S'agissant du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, il a rappelé les réserves de son groupe au mode de paiement du chèque emploi-service, qui contribue à favoriser la fragmentation du travail. Toutefois, la mesure proposée constitue une avancée réelle car elle met à égalité les personnes non imposables avec les autres contribuables.

Il a ensuite approuvé l'aide aux vieux migrants, qui constitue une disposition de justice et de cohérence. Il s'est néanmoins interrogé sur le motif pour lequel le rapporteur souhaite rendre cette aide transitoire pendant une période de trois ans. En revanche, il s'est déclaré hostile à la suppression du droit à prestation sociale pour les ressortissants communautaires à la recherche d'un emploi : s'il s'agit de lutter contre la fraude, d'autres moyens pourraient être utilisés ; si l'objectif est de décourager les travailleurs des nouveaux pays membres, il aurait mieux valu ne pas élargir les frontières de l'Union européenne. Cette disposition s'inscrit, à son sens, dans l'ensemble répressif des lois Sarkozy sur l'immigration.

M. Guy Fischer a souligné l'importance du retard accumulé dans la construction de logements, la structure inadaptée de l'offre ainsi que la hausse excessive des loyers dans le parc HLM. A ce jour, les besoins sont estimés à 800.000 logements, ce qui conduit à plaider pour l'instauration d'un moratoire des ventes de logements sociaux et des expulsions. Il a annoncé également que son groupe fera des propositions pour renforcer les pouvoirs de réquisition du préfet. Il a confirmé son opposition aux propositions de la commission des affaires économiques qui prévoient un calendrier différencié pour la mise en oeuvre d'un droit à l'hébergement et d'un droit au logement.

Enfin, il a demandé confirmation de l'absence de remise en cause des droits à la sécurité sociale des Chibanis dans le cadre de la nouvelle aide qui est prévue en leur faveur par ce projet de loi.

Mme Janine Rozier a préconisé la mise en place de mesures visant à prévenir les dégradations de logements dans le parc social afin de limiter les dépenses de remise en état qui affectent de façon notable les comptes des sociétés HLM. Elle a par ailleurs souligné le travail exemplaire réalisé par certaines communes qui respectent leurs engagements en termes de construction de logements sociaux et de mixité sociale.

M. Paul Blanc a proposé de limiter à 50 % la part que peuvent représenter les logements sociaux dans une commune afin d'éviter une trop forte concentration des difficultés sociales sur un même territoire et favoriser la mixité sociale.

En réponse, M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué que les conventions de délégation déjà adoptées devraient être mises en conformité avec la loi votée si celles-ci comportent des dispositions qui lui sont contraires. Il a fait valoir que les associations en charge de l'insertion et du logement plaident en faveur d'un droit au logement garanti exclusivement par l'Etat et sont de ce fait très réservées sur un transfert de cette responsabilité aux collectivités territoriales. Il a rappelé que le comité de suivi de la loi sera mis en place par décret, et non par la loi, pour la simple raison que le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, qui en constituera la structure centrale, n'a pas été lui-même créé par une loi.

Il a par ailleurs fait observer que les propositions de modifications du calendrier ne sont fondées sur aucune argumentation solide puisqu'elles se justifient précisément par l'absence de données chiffrées. Pour cette raison, la proposition d'une évaluation en juillet 2007 relève de la sagesse car elle permettra une adaptation en fonction du degré de tension constaté dans certaines zones.

Reprenant cette analyse, M. Thierry Repentin s'est alors étonné de la précipitation qui a prévalu pour l'examen de ce texte.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a expliqué que la dynamique mise en place par l'institution du droit au logement opposable justifie l'examen de ce texte avant la fin de la législature. Selon lui, les bénéfices l'emporteront en définitive sur les inconvénients.

Concernant l'article 55 de la loi SRU, il a indiqué que cent cinquante arrêtés de carence ont été pris par les préfets à l'encontre des communes qui ne respectent pas les objectifs fixés par la loi.

A Mme Bernadette Dupont, il a spécifié que les publics visés par le dispositif recoupent à la fois des catégories prioritaires du fait de leur niveau de ressources, mais aussi du fait de leurs conditions de logement ou de la composition du ménage.

M. Thierry Repentin a indiqué que les personnes dont la demande de logement n'a pas été satisfaite dans un délai anormalement long ont généralement un niveau de ressources inférieur au plafond fixé pour l'attribution d'un logement social. Il a ajouté que ces délais varient considérablement d'un département à l'autre.

Mme Bernadette Dupont a craint que les classes moyennes ne soient exclues du dispositif.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué qu'il proposera un amendement qui préconise un traitement spécifique pour les demandes d'accès aux établissements spécialisés pour l'accueil des personnes âgées et handicapées.

En réponse à M. Thierry Repentin, il a indiqué que, pour la condition de résidence, la nouvelle rédaction qu'il propose pour l'article premier préfère la notion de « permanence » à celle de « stabilité ». Il s'est par ailleurs dit ouvert à un sous-amendement visant à distinguer la production de logements financés par des PLUS et des PLA-I, expliquant que son amendement actuel ayant reçu dans cette forme l'accord de principe du Gouvernement, il lui est difficile de le modifier à ce stade. A la crainte exprimée de M. Thierry Repentin que cet amendement ne se voie opposer l'article 40, M. Bernard Seillier, rapporteur , a rappelé que le Gouvernement s'était engagé à produire 17.000 logements très sociaux supplémentaires en 2007. Il a précisé que, d'après des estimations forcément approximatives, les cinq catégories prioritaires concernées par l'application du droit au logement opposable dès le 1er décembre 2008 représentaient environ 1,8 à 2,4 millions de personnes, dont 86.000 sans domicile fixe, près d'un million de personnes logées dans des habitations insalubres et autant dans des logements suroccupés. Il a souligné l'importance d'enclencher dès aujourd'hui un processus vertueux qui doit déboucher à terme sur un respect effectif du droit au logement.

En réponse aux craintes de M. Michel Esneu concernant le nombre de logements vacants, il a fait valoir que la mise en place d'une garantie des risques locatifs pourrait encourager les propriétaires privés à remettre leur logement sur le marché locatif.

A M. Jean-Pierre Godefroy, il a indiqué que le bouclier social reprend une mesure qu'il avait lui-même préconisée dans son rapport sur le contrat d'accompagnement généralisé remis au Premier ministre en 2003.

Enfin, à la suggestion de M. Thierry Repentin d'insérer dans l'intitulé du projet de loi la référence à un droit à l'hébergement, M. Bernard Seillier, rapporteur, a objecté que la finalité demeure, y compris pour les personnes en situation de rupture sociale, de proposer un logement autonome au terme d'un parcours d'insertion adapté.

A l'issue de ce débat, la commission a examiné les amendements proposés par son rapporteur.

A l'article premier (création d'un droit au logement opposable garanti par l'Etat), elle a adopté un amendement visant à insérer cet article dans le code de la construction et de l'habitation et à en améliorer la rédaction.

Après l'article premier , elle a adopté deux articles additionnels , l'un visant à confier au préfet la diffusion des informations favorisant la mise en oeuvre du droit au logement, l'autre intégrant la promotion du droit au logement dans le champ de compétences des travailleurs sociaux.

A l'article 2 (élargissement des conditions du recours gracieux devant la commission départementale de médiation), elle a adopté un amendement de rédaction globale de cet article visant à distinguer plus clairement le droit à l'hébergement et le droit au logement et à supprimer le transfert, aux communes et aux EPCI, de la responsabilité de la mise en oeuvre du droit au logement.

A l'article 3 (création d'un recours contentieux devant la juridiction administrative), outre trois modifications de coordination rédactionnelle, elle a adopté trois amendements : le premier permet à un demandeur d'exercer un recours contentieux devant le tribunal administratif en l'absence de commission de médiation ; le deuxième supprime les dispositions prévoyant l'application anticipée du droit au logement opposable dans le cadre d'une expérimentation locale par les communes ou EPCI délégataires du contingent préfectoral ; le troisième rétablit la possibilité du recours en appel devant les cours administratives d'appel.

Elle a adopté un amendement de suppression des articles 4 (délégation de la responsabilité du droit au logement) et 5 (caducité des conventions de délégation).

Après l'article 5 , elle a adopté un article additionnel prévoyant que le Conseil économique et social remet au Président de la République et au Parlement un rapport d'évaluation de l'application de la loi avant le 1 er octobre 2010.

Avant l'article 6 , elle a adopté neuf articles additionnels : le premier propose une révision de l'échéancier du programme de cohésion sociale en faveur de la construction de logements à loyers accessibles ; le deuxième prolonge jusqu'en 2013 l'application de l'abattement de 30 % sur la base d'imposition de la taxe foncière sur les propriétés bâties au profit des bailleurs sociaux implantés en zones urbaines sensibles ; les troisième et quatrième assouplissent l'application du dispositif d'incitation fiscale au profit des logements locatifs privés conventionnés ; le cinquième crée un fonds de garantie des risques locatifs ; le sixième comble une omission rédactionnelle permettant aux bailleurs sociaux de contourner le dispositif de prévention des expulsions du parc social. Les trois derniers modifient les modalités des calculs et de versement des aides aux logements grâce à la prise en compte des modifications de ressources des bénéficiaires en cours d'année, la suppression du mois de carence précédent le premier versement des aides et l'indexation du barème sur le nouvel indice de référence des loyers.

A l'article 7 (création d'une aide à la réinsertion familiale et sociale des vieux migrants), elle a adopté six amendements : le premier apporte une précision rédactionnelle ; le deuxième propose de limiter à trois ans la durée de ce dispositif avant que sa mise en oeuvre ne fasse l'objet d'une évaluation ; le troisième prévoit que le bénéfice de cette aide s'adresse aux personnes résidant dans les foyers de l'Adoma ou de ceux appartenant à d'autres bailleurs sociaux agréés par l'Etat ; le quatrième conditionne le versement de l'aide à une présence d'au moins trois mois par an en France ; le cinquième clarifie le statut juridique de cette aide et le dernier précise le cadre général dans lequel cette aide pourra faire l'objet d'un contrôle.

M. Thierry Repentin a annoncé qu'il s'abstiendra lors du vote sur le rapport et sur le texte, mais qu'il soutiendra les amendements n os 7, 9, 15, 20, 21 et 29 proposés par le rapporteur.

Page mise à jour le

Partager cette page