II. EN EUROPE : L'ABOLITION, PARTIE DÉSORMAIS INTÉGRANTE DU SOCLE DES VALEURS PARTAGÉES

L'Europe est aujourd'hui une zone libérée de la peine capitale.

Les textes conventionnels et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ont été l'un des moteurs de cette évolution.

A. LE RÔLE DÉCISIF DES INSTRUMENTS JURIDIQUES ÉLABORÉS DANS LE CADRE DU CONSEIL DE L'EUROPE

La Convention européenne des droits de l'homme a été signée à une époque où la cause abolitionniste restait encore minoritaire et sa rédaction en porte le témoignage.

Elle admet en effet la peine de mort comme exception au droit de toute personne à la vie proclamé à l'article 2. Elle prévoit ainsi que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ». La portée de la dérogation au droit à la vie n'a cessé cependant d'être réduite par les textes conventionnels suivants ainsi que par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, plus particulièrement depuis l'arrêt Ocalan rendu le 12 mars 2003.

Le protocole n° 6 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme signé le 28 avril 1983 prévoit, à l'article premier : « La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine, ni exécuté. » Il prévoit cependant qu'un « Etat peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ». Le protocole n'a pas pour effet de supprimer la réserve prévue à l'article 2 mais d'en limiter l'application « aux seuls actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ».

Le protocole n° 13 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme conclu à Vilnius le 3 mai 2002 et entré en vigueur le 1 er juillet 2003, abolit la peine de mort en toutes circonstances. Comme dans le protocole n° 6, il n'est possible « ni de déposer des réserves, ni de demander une dérogation au titre de l'état d'urgence en vertu de l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme » 6 ( * ) .

L'ultime pas serait sans doute franchi avec la modification de l'article 2 de la Convention.

L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dont l'engagement pour la cause abolitionniste est ancien et constant, avait d'ailleurs plaidé en ce sens en proposant que le protocole « additionnel » n° 13 devienne un protocole d'« amendement » de l'article 2 lorsque l'ensemble des Etats l'aurait ratifié.

Avec l'arrêt Ocalan contre Turquie du 12 mars 2003, la Cour européenne des droits de l'homme a fait un pas décisif dans cette direction. Dans une décision précédente ( Soering , 7 juillet 1989), elle avait jugé que la peine de mort autorisée par l'article 2, paragraphe 1, de la Convention n'était pas en elle-même une peine inhumaine et dégradante -qui serait prohibée à ce titre par l'article 3 de la Convention- mais que les « circonstances entourant une sentence capitale » pouvaient, quant à elles, constituer un traitement inhumain. Comme le relève l'arrêt Ocalan , depuis l'affaire Soering , on est passé d'une abolition de fait dans vingt-deux Etats contractants à une abolition de jure dans quarante-trois des quarante-quatre Etats parties à la Convention ; ainsi, « les territoires relevant de la juridiction des Etats membres du Conseil de l'Europe forment à présent une zone exempte de la peine de mort ». La Cour se prévaut d'une interprétation évolutive de la Convention pour reconnaître, « eu égard à la convergence de tous ces éléments un accord des Etats contractants pour abroger , ou du moins modifier » l'article 2, paragraphe 1, de la Convention : elle conclut que « la peine de mort en temps de paix en est venue à être considérée comme une forme de sanction inacceptable, voire inhumaine, qui n'est plus autorisée par l'article 2 ».

* 6 L'article 15 prévoit qu'« en cas de guerre ou en cas d'autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l'exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international ». La France avait, dans l'instrument de ratification déposé le 3 mai 1974, présenté des réserves concernant cette disposition afin de préciser que les hypothèses visées par l'article 15 de la convention couvrait les circonstances énumérées par l'article 16 de la Constitution, ainsi que celles déterminant la déclaration de l'état de siège (loi du 9 août 1849) ou de l'état d'urgence (loi du 3 avril 1955).

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