ANNEXE - LE DROIT DE GRÈVE DANS LES TRANSPORTS PUBLICS EN ITALIE, AU ROYAUME-UNI ET EN ALLEMAGNE

1. Le droit de grève dans les transports publics en Italie

L'Italie a adopté les 12 juin 1990 et 11 avril 2000 deux lois qui imposent un service minimum dans les services publics de transport.

Ces lois définissent les services publics essentiels comme ceux « ayant pour objet de garantir la jouissance des droits de la personne protégés par la Constitution : droits à la vie, à la santé, à la liberté et à la sécurité, à la liberté de circulation, à l'assistance et à la prévoyance sociale, à l'éducation et à la liberté de communication » .

Elles énumèrent les services concernés par chacun des droits susmentionnés. Les réseaux de transports publics urbains et extra-urbains de même que les chemins de fer comptent ainsi parmi les services nécessaires à la sauvegarde de la liberté de circulation .

En conséquence, le droit italien impose un service minimum pour assurer la satisfaction des besoins essentiels de la population en matière de transport (1°) ainsi qu'une information précise et préalable des usagers (2°).

1. Un service minimum garanti pour satisfaire les besoins essentiels de la population

Plusieurs dispositions contraignantes ont été édictées par le législateur italien :

- pendant chaque journée de grève, les transports locaux garantissent un service complet pendant six heures , subdivisées en deux tranches horaires correspondant aux heures de pointe (le plus souvent 6 heures-9 heures et 18 heures - 21 heures) ;

- les transports ferroviaires assurent les déplacements dans les banlieues ainsi que la plupart des liaisons sur longue distance ;

- sont prohibées les grèves pendant les périodes où les déplacements sont les plus importants (vacances d'été, Noël, Pâques et consultations électorales). Les périodes suivantes sont généralement retenues :

- du 10 au 20 août ;

- du 23 décembre au 7 janvier ;

- les cinq jours qui précèdent Pâques et les trois qui suivent ;

- les cinq jours qui précèdent les consultations électorales, quelles qu'elles soient, et les cinq jours qui les suivent.

2. Une information précise et préalable des usagers

Les entreprises de transport doivent respecter un préavis d'au moins dix jours , déterminer par avance la durée de la grève (ce qui constitue une interdiction des grèves à durée illimitée), et communiquer aux usagers, au moins cinq jours avant le début de la grève, les principales caractéristiques du service minimum (modalités et horaires) ainsi que les mesures permettant la reprise normale du service, dès la fin de l'arrêt du travail. Le service public de la radio et de la télévision est tenu de donner des informations complètes sur « le début de la grève, sa durée, son déroulement et les mesures de remplacement dans tous les journaux radiodiffusés et télédiffusé s ». Les journaux, stations de radio et chaînes de télévision qui bénéficient d'aides financières de l'Etat doivent également fournir ces renseignements.

2. Le droit de grève dans les transports publics au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, il n'existe pas de service minimum imposé dans le secteur des transports. Toutefois, la limitation légale générale du recours à la grève (1°), alliée à la menace d'un recours à la réquisition quasi systématique, limite considérablement en pratique les grèves dans le domaine des transports (2°).

1. Le droit de grève est strictement encadré . En effet, à la suite des longs conflits sociaux qui se sont produits dans les années soixante-dix, le gouvernement de Margaret Thatcher en a encadré l'exercice, notamment au travers de l'Employment Act de 1982 . Le déclenchement de la grève est soumis à plusieurs conditions : les syndicats doivent envoyer au domicile des salariés un bulletin de vote financé par eux ; la décision de faire grève doit être adoptée à la majorité par un vote par correspondance et à bulletin secret 14 ( * ) ; le conflit ne peut concerner que des matières limitativement énumérées, telles que les conditions d'emploi, l'embauche, le licenciement, la répartition du travail, l'affiliation syndicale, les règles de discipline ou les procédures de consultation des salariés. En outre, les grèves de solidarité sont illégales 15 ( * ) et un maximum de sept personnes est exigé sur les piquets de grève afin de respecter le droit au travail des non-grévistes.

Cela explique en grande partie la diminution considérable du nombre de grèves enregistré dans ce pays, qui a été divisé par dix par rapport à celui des années soixante-dix, ce d'autant qu'au titre d'un principe adopté par le Congrès des syndicats (TUC) à la fin des années soixante-dix, on ne peut déclencher de grève susceptible de mettre en danger la sécurité ou la santé de quiconque.

2. En outre, la réquisition peut permettre d'assurer la continuité du service public dans certaines circonstances. Une loi de 2004 sur l'état d'urgence, abrogeant l'Emergency Powers Act de 1920 16 ( * ) , permet désormais à l'exécutif de prendre « toute mesure adaptée aux circonstances en situation de crise », c'est-à-dire toute mesure susceptible de prévenir, de contrôler ou de limiter la crise, à condition qu'elle respecte le principe de proportionnalité. Ces mesures deviennent caduques si elles ne sont pas approuvées par le Parlement dans les sept jours.

La mise en oeuvre de cette loi requiert une situation de crise , constatée ou imminente, susceptible de porter atteinte à :

- la sécurité du royaume ;

- l'environnement, le cas échéant seulement dans une partie du pays ;

- le bien-être public, le cas échéant seulement dans une partie du pays.

La loi considère que le bien-être public est notamment menacé lorsque la situation est telle qu'elle risque d'entraîner des perturbations dans le fonctionnement des moyens de transport .

Il convient d'observer également que les services publics sont assumés au Royaume-Uni en grande partie par des entreprises privées . Il en est notamment ainsi des entreprises de transport : opérateurs ferroviaires de passagers - représentés par onze sociétés différentes -, compagnies ferroviaires de fret ou entreprises d'autobus. La multiplicité des entreprises privées limite, selon les analyses généralement effectuées, les possibilités de grève d'envergure nationale.

3. Le droit de grève dans les transports publics en Allemagne

Le régime allemand rend difficile le déclenchement de conflits collectifs.

La première restriction résulte du fait que les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève. L'article 33 de la Constitution dispose, en effet, que « l'exercice de la puissance publique doit être confié à titre permanent à des membres de la fonction publique placés dans un rapport de service et de fidélité de droit public ».

Par ailleurs, la mise en oeuvre d'une grève est soumise à plusieurs conditions :

- l'appel à la grève doit d'abord être approuvé par une forte majorité qualifiée des salariés syndiqués, qui est en général de l'ordre de 75 % ;

- deuxièmement, ne sont autorisées que les grèves portant sur la négociation de conventions collectives (salaires, conditions de travail, formation...). Cela implique, d'une part, l'interdiction des grèves pour d'autres motifs, telles que les grèves politiques, de solidarité ou préventives, et, d'autre part, l'obligation d'attendre l'expiration de ces conventions - dont le délai est généralement de deux ans - au nom de la « paix sociale » ;

- seuls les salariés syndiqués depuis au moins trois mois ont le droit de grève ;

- les grèves doivent impérativement être précédées de négociations, dont la tenue exige généralement plusieurs semaines. Pendant cette période, seules des interruptions de travail dites « d'avertissement » (« Warnstreik »), limitées à quelques heures et, la plupart du temps, à une zone régionale déterminée, peuvent avoir lieu. En cas d'échec des négociations, les parties doivent en outre se soumettre à une procédure de médiation avant de recourir, le cas échéant, à une grève ;

- enfin, les syndicats sont tenus de payer à leurs membres grévistes une indemnité représentant environ les deux tiers des salaires retenus par les employeurs. Cette disposition les incite naturellement à éviter la grève, et dans le cas où elle devient inévitable, à en limiter au maximum la durée et la portée.

En conséquence, les grèves dans les services publics en Allemagne sont relativement rares . Dans les transports urbains par exemple, le plus grand conflit rencontré depuis 1992 a été la grève nationale de mars 2003, à la Deutsche Bahn qui s'est limitée à une interruption totale du trafic pendant quarante-cinq minutes !

Aussi, selon la mission économique de l'Ambassade de France à Berlin, « aucun souvenir de grève nationale paralysante n'est resté ancré dans les mémoires et n'a pu conduire le citoyen ou les élus à poser la question de la nécessité de garantir par la loi un service minimum dans les secteurs des transports collectifs, de l'énergie ou du service postal (...) ».

* 14 Le droit de grève est ainsi un droit collectif et non un droit individuel, à la différence de la conception française.

* 15 Les grèves de solidarité consistent en une interruption de travail pour soutenir une revendication professionnelle ou économique concernant des groupes différents de ceux qui sont en grève.

* 16 Ce dispositif avait été utilisé douze fois depuis 1920, dans les cas de menace de grève de portée nationale (la dernière s'étant produite en 1974).

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