MISSION « DÉFENSE » - MM. Yves Fréville et François Trucy, rapporteurs spéciaux

I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'EXÉCUTION 2006

A. LE TAUX DE CONSOMMATION DES CRÉDITS : DES RÉSULTATS SATISFAISANTS À PREMIÈRE VUE

B. L'EXÉCUTION 2006 FAIT PESER DES INCERTITUDES SUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS FIXÉS PAR LE LPM

1. La nécessaire résorption de la «  bosse des reports » de crédits pour atteindre les objectifs fixés en matière d'équipement

2. La gestion par masse salariale compromet-elle la stabilisation du sous-effectif ?

C. LA DÉTÉRIORATION « ERRONÉE » DE LA SOUTENABILITÉ DE LA MISION « DÉFENSE »

1. L'impact très limité de la « régulation budgétaire » sur la gestion en 2006

2. Une vision plurianuelle de la mission « Défense »

3. Un amendement corrigeant une erreur de 10,6 milliards d'euros

D. LA PERFORMANCE EN 2006

1. Les résultats de la mission en 2006

2. Le travail de retour d'expérience

II. LES POINTS SAILLANTS DE L'EXÉCUTION 2006 PAR PROGRAMME

A. LE PROGRAMME 146 : « EQUIPEMENT DES FORCES »

1. Les défis de la gestion des dépenses d'investissement sous le régime de la LOLF

2. La soutenabilité du programme 146

3. La problématique de la performance du programme 146

B. LE PROGRAMME 178 : « PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES »

1. Les difficultés de gestion des personnels en mode LOLF

2. Une concurrence entre les dépenses en personnels et les dépenses d'investissement ?

3. Le cas particulier du financement des OPEX et des OPINT

4. Le cas particulier du service de santé des armées

C. LE PROGRAMME 144 : « ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE »

1. Performance : la prise en compte des souhaits des rapporteurs spéciaux

2. La nécessité d'améliorer le traitement des opérateurs au sein du RAP

D. LE PROGRAMME 212 : « SOUTIEN DE LA POLITIQUE DE LA DÉFENSE »

1. L'indispensable amélioration des systèmes d'information

2. Le nécessaire approfondissement de la justification au premier euro

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 63 ( * ) réforme profondément la loi de règlement, en prévoyant que celle-ci approuve non seulement le résultat budgétaire de l'exécution de loi de finances mais aussi le résultat comptable, ainsi que le bilan et les annexes qui y sont associés.

Pour la première fois, sont présentés en annexe du projet de loi de règlement pour 2006 les rapports annuels de performances (RAP) qui doivent mettre en évidence et justifier, pour chaque mission, les écarts entre les prévisions des lois de finances de l'année considérée et l'exécution budgétaire. Les RAP présentent également le bilan stratégique et la performance de chaque programme.

Sans mésestimer l'effort conséquent fourni par les services de l'Etat afin de permettre la mise en oeuvre de la réforme budgétaire et comptable, vos rapporteurs spéciaux estiment que les informations contenues dans le RAP relatif à la mission « Défense » ne sont pas complètes.

Ils observent que les documents qui étaient fournis dans le cadre de l'application de l'ordonnance organique de 1959 64 ( * ) donnaient de précieuses informations sur les mouvements de crédits en cours d'exécution budgétaire, tels que les transferts, les annulations, les reports, ou encore les virements de crédits et permettaient ainsi de prendre en compte les crédits dont le ministère avait réellement disposé au cours de l'année afin d'apprécier pleinement sa gestion. Les données figurant au sein du RAP ne sont pas ventilées par actions et sous-actions des programmes de la présente mission. Vos rapporteurs spéciaux avaient accepté le découpage des crédits de la mission « Défense » en programmes de grande taille à la condition que les informations relatives aux crédits fasse l'objet de sous-divisions afin d'être lisibles.

Par ailleurs, la justification au premier euro présentée dans le RAP compare l'exécution 2006 aux prévisions du projet de loi de finances initiale pour 2006. Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il eut été préférable que la comparaison soit faite entre l'exécution et les crédits disponibles, en incluant notamment les reports de crédits de l'année précédente.

En l'absence de ces données consolidées, vos rapporteurs spéciaux ont dû se livrer à des exercices de consolidation et de synthèse des données afin d'essayer de retracer de façon aussi complète que possible la gestion de la mission « Défense » en 2006. Ils déplorent d'ailleurs que le bilan stratégique ne soit présenté qu'au niveau des seuls programmes. Ils auraient souhaité qu'il en soit de même niveau de la mission, afin de rendre compte de la performance globale de la politique menée.

Vos rapporteurs spéciaux estiment indispensable que le RAP soit complété dans cette perspective dès l'année prochaine.

I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'EXÉCUTION 2006

A. LE TAUX DE CONSOMMATION DES CRÉDITS : DES RÉSULTATS SATISFAISANTS À PREMIÈRE VUE

Le niveau des dépenses effectuées en 2006, soit 35,31 milliards d'euros, est relativement proche de la dotation prévue par le projet de loi de finances initiale pour 2006, soit 35,38 milliards d'euros .

Les dépenses réelles sont toutefois nettement en retrait par rapport au total des crédits disponibles qui s'élevaient en 2006 à 36,509 milliards d'euros . Les deux tableaux suivants présentent le taux d'exécution des crédits de paiement et des autorisations d'engagement .

(*) Les crédits disponibles comprennent les crédits faisant l'objet d'un transfert, tout comme les crédits consommés. Vos rapporteurs spéciaux estiment en effet que les crédits transférés, qui consistent pour l'essentiel, en une subvention au commissariat à l'énergie atomique (CEA), au profit de la dissuasion, sont des dépenses militaires.

Source : ministère de la défense.

(*) Les crédits disponibles comprennent les crédits faisant l'objet d'un transfert, tout comme les crédits consommés. Vos rapporteurs spéciaux estiment en effet que les crédits transférés, qui consistent pour l'essentiel, en une subvention au commissariat à l'énergie atomique (CEA), au profit de la dissuasion, sont des dépenses militaires.

Source : ministère de la défense.

Remarques méthodologiques

L'écart de présentation des données , entre le document « projet de loi de règlement pour 2006 », son annexe « rapport annuel de performances » de la mission « Défense » et les réponses transmises par les services du ministère de la défense au questionnaire budgétaire adressé par vos rapporteurs spéciaux, a trois origines essentielles , selon les informations qui ont été communiquées à vos rapporteurs spéciaux, et qui sont reproduites ici :

« 1. Les retraits sur engagements antérieurs à 2006 sont pris en compte dans le projet de loi de règlement et ne le sont pas dans le RAP

Les données comptables sur les autorisations d'engagement inscrites dans le RAP sont majorées de 1,026 milliard d'euros du fait de la non-prise en compte des retraits d'engagement sur les années antérieures à 2006 .

En effet, certaines des autorisations d'engagement réalisées antérieurement à 2006 n'ont pas pu être ventilées au moment du passage en LOLF selon la nomenclature d'exécution nécessaire à l'établissement du RAP (mission, programmes, actions) alors que le projet de loi de règlement présente les consommations par article de regroupement. Ainsi, dans le projet de loi de règlement, les retraits d'engagement étant comptabilisés, l'utilisation des autorisations d'engagement ouvertes en 2006, soit 53,03 milliards d'euros a été la suivante :

- un montant d'engagements en 2006 de 47,21 milliards d'euros ;

- un montant d'AE non reportées (annulées) de 0,264 million d'euros ;

- un montant d'AE affectés non-engagés de 5,17 millions d'euros reportés sur 2007 ;

- un montant d'AE non affectées de 0,395 million d'euros reportés sur 2007.

Dans le RAP, du fait de la non prise en compte des retraits d'engagement, la répartition de l'utilisation des autorisations d'engagement diffère de la précédente sur :

- le montant d'autorisation engagée en 2006 soit 48,23 milliards d'euros ;

- le montant d'AE non affectées au 31 décembre 2006 soit - 0,366 million d'euros . Ce résultat négatif obtenu par calcul arithmétique ne s'explique que par la majoration du montant engagé à la fin de l'année 2006 de 1,026 milliard d'euros. Dans ce cas de figure, le montant engagé en 2006 aurait nécessité 366 millions d'euros au-delà de la ressource ouverte. Les chiffres indiqués dans le RAP doivent donc être assortis des commentaires relatifs à l'impossibilité de prendre en compte dans cet exercice les retraits d'autorisations d'engagement.

2. La régularisation technique des engagements internationaux pris par la France au titre des programmes gérés par l'OCCAR et la NAHEMA

Les engagements internationaux réalisés antérieurement à l'exercice 2006 au titre des programmes gérés par l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) et par la Nato Helicopter Management Agency (NAHEMA), agence civile de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), pour un montant de 10,62 milliards d'euros n'avaient pas basculé dans les applications informatiques au 1 er janvier 2006 . Ils ont donc fait l'objet de réouverture en ressources par la loi de finances rectificative du 31 décembre 2006 .

3. Les restes à payer sur engagements au 31 décembre d'une année sont appréhendés selon deux méthodes

Le reste à payer sur engagements au 31 décembre d'une année est égal à la différence entre le cumul des engagements et le cumul des paiements effectués à cette date. Jusqu'au 31 décembre 2005, l'engagement, qui pouvait correspondre à une simple réservation de crédits, ne recouvre donc pas le même périmètre que l'engagement juridique résultant d'un contrat. Dans l'application ACCORD LOLF, sont désormais comptabilisés les engagements juridiques , mais ceux-ci ne portent que sur des engagements effectués en administration centrale. En outre ces montants pourront se traduire, en fonction de l'exécution des contrats, par des retraits d'engagement.

La première méthode de calcul du reste à payer est issue de la comptabilité budgétaire. Elle donne un montant de 46,1 milliards d'euros qui se décompose ainsi :

- engagements sur années antérieures, non couverts par des paiements 2005, soit 44,81 milliards d'euros ;

- plus AE engagées en 2006, montant figurant au projet de loi de finance rectificative minoré des engagements techniques 2006, évoqués au point 2 (47,21 -10,62= 36,59 milliards d'euros) ;

- moins CP consommés en 2006 (35,31 milliards d'euros).

La deuxième méthode de calcul résulte d'un recensement effectué auprès des services gestionnaires. Ce recensement qui fait ressortir fin 2006 un montant de 45,23 milliards d'euros s'appuie prioritairement sur des prévisions de paiement établies en cohérence avec des engagements juridiques qui sont par constructions inférieurs ou égaux aux engagements comptables. »

Source : réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

Le ministère de la défense a été autorisé à dépasser le montant des dotations inscrites en loi de finances initiale pour 2006. Le taux d'exécution des autorisations d'engagement en 2006 s'élève ainsi à plus de 100 % du montant des crédits prévus par la loi de finances initiale.

En revanche, le ministère n'a pas été autorisé à consommer la majeure partie des crédits reportés de l'exercice précédent . Ceci implique deux conséquences :

- les charges restant à payer en fin d'exercice 2006 atteignent un montant important, soit 2,01 milliards d'euros ;

- les reports de crédits en fin d'année restent à un niveau élevé, soit 1,61 milliard d'euros . Ils sont un peu inférieurs à ceux constatés en 2005 qui atteignaient 2,03 milliards d'euros .

Notons que le solde de gestion en 2006 de la mission « Défense » s'établit à - 398,15 millions d'euros, soit 1,1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2006 65 ( * ) , ce qui correspond à 4,12 jours de paiement pour le ministère de la défense.

L'incapacité dans laquelle a été le ministère de la défense de consommer la totalité des crédits reportés sur l'année 2006 n'est pas sans incidence sur l'exécution de la loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (LPM) d'une part, et sur la « soutenabilité » de la mission « Défense », d'autre part.

B. L'EXÉCUTION 2006 FAIT PESER DES INCERTITUDES SUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LPM

La gestion des crédits de la mission « Défense » en 2006 conduit vos rapporteurs spéciaux à rappeler que les objectifs fixés par la loi de programmation militaire, tant en matière de réalisation et de financement de grands équipements, qu'en matière de format des armées, c'est-à-dire de niveau des effectifs, ne pourront être atteints qu'au prix d'un effort soutenu en ce sens.

1. La nécessaire résorption de la « bosse des reports » de crédits pour atteindre les objectifs fixés en matière d'équipement

La Cour des Comptes, dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour l'année 2006, estime que l'impossibilité de consommer les crédits reportés en 2006 « pourrait compromettre, à terme, l'exécution de la loi de programmation militaire, qui reste suspendue à la possibilité de consommer les reports de crédit en 2007 et 2008 ».

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, vos rapporteurs spéciaux avaient analysé le phénomène ayant permis l'apparition d'une « bosse des reports » de crédits de paiement, atteignant 2,8 milliards d'euros en 2004, et près de 2 milliards d'euros en 2005. Ils avaient noté que, dans les années à venir, des précisions devraient être demandées au ministère de la défense sur la résorption de ces crédits, afin de s'assurer qu'elle permette bien la réalisation de l'actuelle loi de programmation militaire.

Rappelons que, lors de son audition devant votre commission des finances le 25 octobre 2005, le ministre de la défense avait confirmé la résorption complète des crédits reportés avant la fin de l'actuelle période de programmation. Il avait indiqué que lui avait été donnée la permission de dépasser l'autorisation budgétaire délivrée par le Parlement en loi de finances de l'année. Vos rapporteurs spéciaux resteront particulièrement attentifs à cette question .

L'atteinte des objectifs fixés par la LPM en matière d'équipement est donc largement conditionnée aux exécutions des années 2007 et 2008. Vos rapporteurs spéciaux rappellent qu'en septembre 2006, un rapport sur l'exécution de la LPM a été soumis au Parlement, ainsi que le prévoit la loi de programmation. Ils souhaitent que les obligations juridiques qui s'imposent au ministère de la défense soient respectées pour les deux prochaines années, et se traduisent par le dépôt annuel d'un rapport d'exécution de la LPM, afin de pouvoir suivre précisément la réalisation de la fin de la période de programmation militaire, qui se caractérise de plus par une diminution de la visibilité pluriannuelle du budget d'équipement.

Enfin, il est important de noter, que comme les années précédentes, des annulations de crédits ont été effectuées sur les crédits d'équipement , soit 184 millions d'euros afin d'assurer le financement des opérations extérieures (OPEX), ce qui est regrettable.

2. La gestion par masse salariale compromet-elle la stabilisation du sous-effectif ?

Il apparaît, et la lecture des conclusions de la Cour des Comptes le confirme, qu'un arbitrage a été effectué en faveur des dépenses de personnel du programme 178 « Préparation et emploi des forces » . Les dépenses de personnel de ce programme dépassent les crédits ouverts en loi de finances initiale. On constate toutefois que les équivalents temps pleins travaillés (ETPT), réalisés en 2006, sont inférieurs à ceux autorisés par le plafond ministériel d'emplois fixés en loi de finances initiale, qui était déjà en deçà des objectifs de la LPM.

Comme l'avaient relevé vos rapporteurs spéciaux, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, entre l'objectif fixé par la LPM pour 2006, soit 443.242 effectifs civils et militaires, et les effectifs annoncés pour 2006 soit 432.314 ETPT, un décalage de 3 % était prévu. Ce décalage a été accentué par les choix de gestion du ministère de la défense en 2006. Le projet de loi de finances initiale pour 2006 prévoyait, pour la seule mission « Défense » (il ne s'agit donc pas du périmètre LPM, mais cette donnée n'est pas disponible), la réalisation de 334.204 ETPT , alors qu'on ne dénombre que 324.443 ETPT réalisés. L'écart de réalisation s'élève donc à 9.761 ETPT .

Le ministère de la défense semble avoir décidé de privilégier la masse salariale plutôt que l'atteinte du plafond ministériel d'emplois autorisés de la mission « Défense », et ainsi d'annuler des emplois vacants et d'exploiter des réorganisations internes. Le nombre des ETPT a donc été réduit sans porter atteinte toutefois au respect des contrats opérationnels des forces armées .

La Cour des Comptes, dans son rapport précité, estime que l'écart important entre ETPT demandés et réalisés, « et le maintien du titre 2 à un niveau constant font peser un doute sur la sincérité de la programmation budgétaire de 2007. (...) De manière générale, se pose pour l'avenir la question de la maîtrise par le ministère de sa masse salariale ».

C. LA DÉTÉRIORATION « ERRONÉE » DE LA SOUTENABILITÉ DE LA MISSION « DÉFENSE »

1. L'impact très limité de la « régulation budgétaire » sur la gestion en 2006

A titre liminaire, il convient, avant d'aborder la problématique de la soutenabilité de la mission « Défense », d'apporter deux précisions. La « régulation budgétaire » et la mise en oeuvre de la fongibilité asymétrique n'ont pas eu d'impact significatif sur les résultats de l'exécution en 2006 (il est certain que l'une et l'autre ont toutefois pu jouer sur le rythme de consommation des crédits au cours de l'année).

Vos rapporteurs spéciaux regrettent que l'exercice de la fongibilité, asymétrique, ne fasse pas l'objet d'une présentation synthétique, ni au niveau de la mission, ni au niveau de chacun des programmes. Selon les informations communiquées, le seul mouvement de fongibilité asymétrique réalisé, en cours de gestion 2006, concerne le programme « Préparation et emploi des forces » pour un montant de 30 millions d'euros. Les économies effectuées sur les dépenses de personnel ont permis de financer les besoins apparus sur les lignes budgétaires relatives au carburant opérationnel de la marine 66 ( * ) .

La « régulation budgétaire » ne fait pas non plus l'objet d'une présentation consolidée . Rappelons que l'article 51-4° de la LOLF prévoit la présentation, en annexe du projet de loi de finances de l'année, « des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global de dépenses du budget général voté par le Parlement, indiquant en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel et celui prévu pour les crédits ouverts sur les autres titres ». Cette disposition, permettant l'information du Parlement, doit également favoriser la responsabilisation des gestionnaires de crédits et améliorer leur visibilité, grâce à la notification dès le début de l'année d'un budget prenant en compte le taux de mise en réserve annoncé au Parlement. Rappelons que pour la loi de finances pour 2006, ce taux avait été fixé à 0,1 % pour les crédits du titre 2, c'est-à-dire les dépenses de personnel, et 5 % pour les crédits ouverts sur les autres titres, soit un total de 17,78 millions d'euros sur le titre 2 en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, et de 922,63 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 880,10 millions d'euros en crédits de paiement pour les autres titres de la mission « Défense ».

Un traitement particulier a été réservé aux programmes ayant fait l'objet d'une « contribution » visant à financer le plan d'urgence en faveur des banlieues, prévu par un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2006, comme ce fut le cas des programmes de la mission « Défense ». Pour ces programmes, la mise en réserve a été diminuée, au 1er janvier 2006, du montant de cette « contribution », soit 15,30 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour les crédits du titre 2 et 59,34 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour les autres titres de la mission.

Par ailleurs, les financements interministériels de charges imprévues 67 ( * ) se sont traduits par des annulations de crédits de la mission « Défense », diminuant les crédits initialement mis en réserve à hauteur de 44,59 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Les crédits mis en réserve restant sur la mission « Défense », soit 2,48 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le titre 2, et, pour les autres titres, 818,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 776,17 millions d'euros en crédits de paiement ont été libérés au cours de l'exercice 2006, de façon suffisamment précoce pour permettre la consommation effective des crédits sur la gestion en cours.

Les services du ministère de la défense ont ainsi estimé que les annulations de crédits sur les programmes de la mission ont eu « un caractère non dimensionnant » et n'ont pas remis « en question, de manière significative, les prévisions de gestion ». Ce n'est donc pas là qu'il faut chercher les raisons d'une éventuelle dégradation de la soutenabilité de la mission « Défense ».

2. Une vision pluriannuelle de la mission « Défense »

Vos rapporteurs spéciaux ont noté, au sein du RAP, l'apparition d'une rubrique consacrée au « suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement ». Ils ont réalisé une synthèse des données par programme afin d'avoir une vision globale de la présente mission, qui est présentée dans le tableau suivant.

Il apparaît, selon ces données, que les engagements non couverts par des paiements seraient passés de 44,816 milliards d'euros au 31 décembre 2005 à 57,739 milliards d'euros au 31 décembre 2006 , soit une augmentation de 12,9 milliards d'euros, et une progression de 28,9 % en un an .

La dégradation du solde des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2006 se répartit de la façon suivante : une dégradation de 169,32 millions d'euros pour le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », de 421,28 millions d'euros pour le programme 178 « Préparation et emploi des forces », de 398,56 millions d'euros pour le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » et de 11.933,91 millions d'euros pour le programme 146 « Equipement des forces ».

3. Un amendement corrigeant une erreur de 10,6 milliards d'euros

Rappelons qu'il s'agit là d'une dégradation « optique » de la soutenabilité du programme 146 . En effet, comme l'ont indiqué les services du ministère de la défense à vos rapporteurs spéciaux, 10,62 milliards d'euros d'engagements internationaux antérieurs à 2006 ont été réinscrits en loi de finances rectificative pour 2006 et augmentent d'autant le solde des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2006.

Vos rapporteurs spéciaux estiment que les 10,62 milliards d'euros précités ont été, à tort, comptabilisés deux fois .

En effet, 10.617.292.149,31 euros semblent avoir été inscrits en deux endroits du tableau de suivi : une fois au titre des engagements, sur années antérieures, non couverts par des paiements au 31 décembre 2005 et une fois au titre des autorisations d'engagement ouvertes en 2006.

Ces 10,617 milliards d'euros se décomposent en 10,597 milliards d'euros relatifs au programme 146 « Equipement des forces » et 21,55 millions d'euros relatifs au programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

Le fait que ces autorisations d'engagement soient comptabilisées deux fois donnent à penser, de façon absolument erronée , que le solde des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2006 de la mission « Défense » a progressé de 10,617 milliards d'euros. Il n'est pas possible, alors qu'un nouveau Livre blanc de la défense et une nouvelle loi de programmation sont en préparation, de laisser figurer de telles erreurs au sein des documents budgétaires supposés garantir la bonne information du Parlement.

L'objet de l'amendement portant article additionnel après l'article 4 , proposé par vos rapporteurs spéciaux, est donc de rectifier cette erreur matérielle .

Après correction la soutenabilité réelle de la mission « Défense » correspond aux données déjà connues. Elle est présentée dans le tableau suivant :

D. LA PERFORMANCE EN 2006

Vos rapporteurs spéciaux estiment que la construction d'indicateurs de performance de qualité est un processus qui doit être rigoureux d'un point de vue statistique, et donc nécessairement long . Ils ne sont donc pas étonnés que certains indicateurs ne soient pas renseignés dans le rapport annuel de performances pour 2006, ou que certaines cibles ne soient pas encore atteintes. Les indicateurs ne prendront tout leur sens que lorsqu'il sera possible de lire leurs résultats dans le cadre de séries de moyen terme . De plus, vos rapporteurs spéciaux ont concentré leurs contrôles cette année sur la pertinence des indicateurs de performance, notamment ceux du programme 146, gérés par la délégation générale pour l'armement (DGA).

1. Les résultats de la mission en 2006

Le dispositif de performance de cette mission s'articule autour de 21 objectifs et 48 indicateurs disponibles , dès le 1er janvier 2006, et qui font l'objet d'un compte rendu, au sein du rapport annuel de performances 2006, présenté dans le tableau suivant.

Les indicateurs de la mission « Défense »

Nombre

d'indicateurs

Indicateurs

renseignés

Indicateurs au moins aussi bons que la prévision

Indicateurs pour lesquels aucune prévision ne figurait en LFI

48

41,35*

19,7*

15,6*

En % du total

86 %

41 %

32,5%

* Sont présentés des nombres décimaux pour tenir compte de la composition des indicateurs en sous indicateurs.

Il apparaît que 86 % des indicateurs présentés au rapport annuel de performances étaient renseignés, et que 41 % d'entre eux atteignaient ou dépassaient la cible fixée en 2006. La proportion importante d'indicateurs pour lesquels aucune prévision ne figurait en loi de finances initiale pour 2006, soit 32,5 % , correspond à des indicateurs relatifs au suivi des projets immobiliers du programme « Soutien de la politique de la défense » qui ont été abandonnés en cours d'année, et à des indicateurs relatifs aux performances techniques des équipements du programme « Equipement des forces » qui n'ont été validés que dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007.

2. Le travail de retour d'expérience

Vos rapporteurs spéciaux souhaitaient signaler qu'a été mis en place un « groupe de travail ministériel relatif au retour d'expérience sur la loi organique relative aux lois de finances » (RETEX LOLF), qui a reçu mandat d'établir un bilan de la première année d'exécution de la LOLF , accompagné de propositions d'amélioration d'adaptation de court terme, ainsi que de pistes de réflexion de plus long terme. Invités à la présentation du rapport de ce groupe de travail, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que le ministère de la défense avait su mesurer l'ampleur du défi conceptuel, statistique et technique posé par la LOLF .

Les enjeux de la performance sont analysés très clairement comme le montre le schéma suivant, extrait du rapport du RETEX LOLF précité.

La relation entre les objectifs et les ressources, passe par le budget ; celle entre les objectifs et les résultats, correspond à l'efficacité. La question qui se pose est donc de parvenir à mesurer l'efficience de la gestion de la mission « Défense », c'est-à-dire les relations entre les résultats (l'output) et les ressources (l'input) : il s'agit bien là de l'enjeu essentiel posé par la LOLF, sur lequel a travaillé le RETEX LOLF.

Ainsi les indicateurs de performance ont-ils été analysés comme des indicateurs de « type macro ». Par exemple, pour le programme « Préparation et emploi des forces », les indicateurs relatifs à la préparation des forces, portent sur le nombre de jours d'activité (contrats opérationnels exprimés en nombre d'heures de vol). Ces indicateurs, selon l'analyse du RETEX LOLF ne sont pas représentatifs de l'efficience. De même, sur un théâtre d'opérations, il conviendrait qu'un indicateur de performance s'efforce de mesurer le meilleur ratio entre le personnel affecté à la mission et le personnel support. La démarche visant à décomposer les indicateurs « macro » existants en indicateurs « micro » est engagée, et semble être une piste de réflexion très intéressante.

II. LES POINTS SAILLANTS DE L'EXÉCUTION 2006 PAR PROGRAMME

A. LE PROGRAMME 146 « ÉQUIPEMENT DES FORCES »

1. Les défis de la gestion des dépenses d'investissement sous le régime de la LOLF

La LOLF a été accompagnée par l'institution de nouveaux échelons décisionnels : responsable de programme et responsable des budgets opérationnels de programme (BOP), dont le rôle et le statut restent mal définis au niveau de l'Etat, ce qui ne facilite pas la mise en oeuvre de la réforme, selon les services du ministère de la défense.

Les rôles et responsabilités des acteurs de chaque programme sont définis dans la charte de gestion du ministère de la défense et dans les chartes particulières des programmes . La gestion des BOP et les marges de manoeuvre dont disposent les gestionnaires des BOP sont ainsi fixées par les responsables de programme dans le respect des textes qui encadrent la gestion financière du ministère.

Le ministère de la défense ayant fait le choix de ne disposer que de BOP centraux , ceux-ci n'ont pas été présentés aux trésoriers payeurs généraux (TPG) mais au contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) du ministère de la défense. Le contrôleur a autorisé la mise en place des crédits en début d'année, tout en formulant un certain nombre de remarques sur certains documents prévisionnels de gestion (DPG), dont il a été tenu compte par la suite.

La réforme budgétaire a impliqué une rénovation des règles de gestion de portée ministérielle 68 ( * ) . Celle-ci prévoit que les mouvements sur dotation au sein d'un programme sont dispensés de visa central de la direction des affaires financières du ministère sous réserve de quatre exceptions. Le groupe de travail RETEX LOLF a conclu à la possibilité de supprimer l'une d'elle, concernant les mouvements de crédits relevant du périmètre de la loi de programmation militaire .

La complexité de l'organisation issue de la LOLF se reflète directement sur l'exécution. Le ministère de la défense a focalisé, selon le RETEX LOLF, son attention sur la construction des programmes et des BOP, déclinés en unités opérationnelles (UO) au niveau des services gestionnaires (central) et des ordonnateurs secondaires (déconcentrés).

La déclinaison en unités opérationnelles ne prend pas en compte la notion d'autonomie de gestion accordée aux responsables d'UO et fait de cet échelon un simple exécutant de la dépense . Est ainsi reprise de la dichotomie entre gouverneurs et gestionnaires de crédit.

Selon le groupe de travail RETEX LOLF, le choix des structures d'exécution (UO multi-BOP, croisement entre architecture de destination et de gestion des crédits, etc.), la confusion des responsabilités et la faiblesse des systèmes d'information ont pour conséquence une dispersion des crédits, la multiplicité des interlocuteurs et un accroissement très important des tâches de remontée d'informations .

L'alourdissement de la gestion est accentué par les procédures choisies pour flécher les crédits et traiter la dépense à partir de la généralisation des opérations budgétaires d'investissement (OBI) à l'ensemble des crédits du ministère et de leur multiplication comme outil de suivi « budgétaro-comptable », comme l'indique l'encadré suivant.

Présentation des opérations budgétaires d'investissement ou individualisées (OBI)

Trois groupes d'OBI sont utilisés en 2006 selon la nature des crédits :

- les OBI pour les crédits de l'agrégat LPM ;

- les OBI ou les opérations pluriannuelles hors agrégat LPM ;

- les Opérations Budgétaires Individualisées pour les crédits des titres 2 et 3 (hors agrégat LPM).

Les opérations budgétaires d'investissement (OBI) existent sur le périmètre couvert par la loi de programmation (LPM) depuis 1998. La LOLF n'apporte pas de novation particulière sur ce périmètre. Des aménagements ont été apportés, les doublons ont été supprimés et renumérotés. De telles mesures ont permis d'éviter toute opération de renumérotation globale et de garder une identification en lecture directe des OBI de l'agrégat LPM . Les OBI ne sont plus attachées à un chapitre et à un article, mais à un binôme programme-BOP.

Pour les OBI n'appartenant pas au périmètre LPM, il s'agit d'opérations budgétaires individualisées . Créées à l'occasion de la LOLF , elles formalisent l'affectation de la ressource et de la consommation selon de nouveaux principes .

Sur le titre 2 , les OBI permettent d'identifier au sein des BOP l'activité des services gestionnaires . Les OBI sont caractérisées par leur titre, le niveau de paiement (central ou local), l'armée d'appartenance, le service gestionnaire. Elles distinguent les rémunérations des charges sociales et autres accessoires et les statuts (civils ou militaires).

Enfin, sur le périmètre « fonctionnement » , les OBI identifient le titre d'affectation, le service gestionnaire et la catégorie de dépense . Elles permettent de distinguer en lecture directe l'alimentation, les carburants opérationnels, le fonctionnement massifié et le fonctionnement non massifié, les subventions, l'action sociale, les loyers, le fonctionnement des postes permanents à l'étranger et l'indemnité compensatrice versée à la SNCF.

Source : ministère de la défense, extraits de réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

Selon le rapport du groupe de travail RETEX LOLF, « les OBI, en l'absence de réflexion aboutie sur la notion, sont utilisées comme outil d'exécution de la dépense (chaque OBI constituant une enveloppe de crédits) et comme outil de suivi des crédits , ces derniers rôles découlant de la structure en BOP centraux. Non seulement cela entretient une confusion qu'il faudra lever entre les nomenclatures budgétaires et comptables , mais ces deux fonctions sont par nature, opposées : le suivi fin des crédits nécessite la multiplication des OBI alors que l'autonomie des responsables LOLF et la fluidité de la dépense exigent la réduction des cloisonnements au sein d'un budget global. Les critiques sur le système portent alors, sans surprise, sur le nombre trop ou pas assez élevé des OBI (1.548 en janvier 2007), selon l'usage qu'en font leurs auteurs.

« Ce cloisonnement est d'autant plus pénalisant que les mouvements entre OBI sont particulièrement complexes et chronophages . Les multiples visas nécessaires et le choix de confier à la direction des affaires budgétaires l'exécution des transferts dans ACCORD, retardent de la disponibilité des crédits auprès des gestionnaires sans apporter de plus-value systématique. Cette logique, qui fait de la centralisation et du contrôle le droit commun de l'exécution, est à l'exact opposé des attendus de la réforme ».

Le ministère de la défense réfléchit activement à la façon de résoudre ces difficultés, vos rapporteurs spéciaux soutiennent cette démarche et remarquent une fois de plus, que la réforme budgétaire doit être adaptée aux particularités des dépenses d'investissement pour être réellement efficiente.

La réflexion du ministère porte sur la déconcentration, sans dispersion , des crédits, éventuellement au sein des UO . La notion d'OBI doit être précisée et simplifiée. Peut-être devrait-elle laisser la place à une notion budgétaire d'une part, et à une notion comptable distincte d'autre part, afin de résoudre les difficultés liées à la confusion des deux nomenclatures.

2. La soutenabilité du programme 146

Le tableau de suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement du programme 146 montre, comme on l'a dit, une augmentation des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2006, de l'ordre de 12 milliards d'euros . Rappelons que vos rapporteurs spéciaux ont proposé un amendement portant article additionnel après l'article 4 du présent projet de loi de règlement afin d'éviter une double comptabilisation des engagements internationaux concernés .

Ce montant est essentiellement constitué du cumul des engagements internationaux pris par la France au titre des programmes gérés par l'OCCAR et par la NAHEMA et n'ayant pas encore fait l'objet de paiement, soit 10,597 milliards d'euros . Cette somme figurait parmi les ressources affectées et non-engagées fin 2005 . Ces deux organismes, qui ont la personnalité juridique, passent des marchés auprès des industriels dans le cadre de programmes d'armement concernant plusieurs pays et procèdent à des appels de fonds auprès des pays concernés au fur et à mesure des paiements.

Les engagements de la France ne s'étaient jamais traduits par une comptabilisation qu'à l'occasion et à hauteur de ces appels de fonds ; afin de rétablir la concordance entre la comptabilité budgétaire et la réalité des engagements juridiques de la France, la régularisation suivante a eu lieu :

- les AE affectées et non-engagées issues de la gestion 2005 ont été supprimées au 1 er janvier 2006, conformément aux règles prévues par la LOLF ;

- elles ont été « réouvertes » en loi de finances rectificative pour 2006 ;

- elles ont ainsi été engagées sur la gestion 2006 au titre de la part incombant à la France dans les engagements pris par l'OCCAR et par la NAHEMA vis-à-vis des industriels concernés. Les engagements ont concerné le programme des FREMM, à hauteur de 4,52 milliards d'euros , le programme de l'A400M, pour un montant de 3,61 milliards d'euros , celui du missile FSAF (family of future air defence missiles), à hauteur de 1,38 milliard d'euros , et le programme d'hélicoptère NH 90 pour 0,93 milliard d'euros .

Vos rapporteurs spéciaux prennent acte de ces mouvements de crédits mais se demandent pourquoi il n'a pas été possible d'engager les autorisations d'engagement concernées plus tôt . Vus les montants en jeu , l'importance des programmes d'armement concernés , et la préparation très en amont du passage en mode de LOLF, il est étonnant, surtout dans la mesure où il s'agit d'engagements internationaux , essentiels pour l'image de la France et pour l'avenir des industries françaises et européennes de défense, que ces dossiers n'aient pas pu être traités de façon plus efficace.

Vos rapporteurs spéciaux qui ont, de plus, mené en 2006 un contrôle sur les reports de crédits et les reports de charges du ministère de la défense n'avaient pas eu connaissance de ces difficultés .

Par ailleurs, vos rapporteurs spéciaux ont examiné l'évolution des autorisations d'engagement, antérieures à 2006 et relatives à l'année 2006, couvrant les programmes d'armement en cours et non clos , inscrits au rapport annuel de performances. Selon le projet annuel de performances (PAP) pour 2006, annexé à la loi de finances pour 2006, leur total atteignait 150,6 milliards d'euros 69 ( * ) . Au sein du PAP pour 2007, ce chiffre était ramené à 146,82 milliards d'euros , l'écart de 3,79 milliards d'euros constaté entre les deux PAP tenait, d'une part, à une diminution de 2,4 milliards d'euros sur les engagements en 2006 et, d'autre part, à un abattement de 1,39 milliard d'euros sur les engagements datant d'avant 2006, abattement sur lequel vous rapporteurs spéciaux avaient obtenu toutes les précisions nécessaires.

Le RAP pour 2006 ramène le niveau d'engagement à 145,78 milliards d'euros , soit un abattement supplémentaire de 0,81 milliard d'euros . Vos rapporteurs spéciaux ne sont pas en mesure, sur la base des informations fournies par le RAP, de déterminer si cet abattement supplémentaire concerne les engagements pour l'année 2006 ou les engagements pour les années précédentes. De la même façon, ils ne peuvent pas identifier les programmes concernés. La différence entre le PAP et le RAP 2006 est donc de l'ordre de 5 milliards d'euros .

S'agissant des crédits de paiement, le PAP pour 2006 établissait leur montant à 113,78 milliards d'euros , le RAP pour 2006 le ramène à 110,48 milliards d'euros . La diminution constatée est de l'ordre de 3,3 milliards d'euros .

Il est regrettable que le RAP ne précise pas les causes et l'imputation de ces abattements. Vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'il est tout à fait normal que le montant des engagements et des crédits de paiement soit ajusté à l'évolution des marchés, des productions, aux éventuelles priorités ou aléas techniques. Ils souhaitent simplement que leur information soit aussi complète que possible afin d'évaluer justement la politique de défense de la France.

3. La problématique de la performance du programme 146

S'agissant de la performance du programme « Equipement des forces », les services du ministère de la défense reconnaissent que le budget et la performance sont fortement corrélés . Ils précisent que le pilotage du programme est basé sur des indicateurs physico-financiers et fait l'objet de présentations et de décisions à l'occasion des comités de pilotage de direction du programme.

Compte tenu de l'importance des reports de crédits, la comparaison entre l'exécution en 2006 et les prévisions s'effectue sur un périmètre sensiblement différent de celui de la loi de finances initiale, ce qui affecte cette année la pertinence des indicateurs du programme 146. Des mesures correctrices sont recherchées.

Il est précisé que cette difficulté est inhérente au découpage par actions du programme 146. La mise en place d'une nomenclature par « destinations » des armées (dissuasion, projections, etc.) et non par grands programmes d'armement devrait, dès 2008, permettre de remédier à cette situation. Cette modification, qui vise à rendre cohérente la nomenclature du programme avec les structures d'arbitrage capacitaire du ministère de la défense, devrait apporter un éclairage plus pertinent au Parlement sur les grands enjeux du programme 146, ce dont vos rapporteurs spéciaux se réjouissent.

B. LE PROGRAMME 178 « PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES »

1. Les difficultés de gestion des personnels en mode LOLF

Rappelons que le programme 178 regroupe l'essentiel des crédits du titre 2 de la mission « Défense », soit 15,74 milliards d'euros sur un total de 18,04 milliards d'euros pour l'ensemble de la mission. C'est donc essentiellement au sein de ce programme que sont exécutées les dépenses de masse salariale. Selon le rapport du groupe de travail RETEX LOLF précité, la fongibilité a été étroitement encadrée en matière de dépenses de personnel en raison des incertitudes relatives aux imputations des effectifs et des crédits entre les programmes et les BOP, ainsi que de la méconnaissance de certaines règles en début d'année, notamment celles relatives au compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Il a également été délicat de mettre en oeuvre le principe de répartition des crédits selon lequel « qui paie emploie ». Le maintien d'enveloppes budgétaires sur les « périmètres organiques », comme c'est le cas pour les frais de formation et d'adaptation à l'emploi du personnel militaire, conservés au sein des BOP d'armées programme 178, a pour effet pervers de faire attribuer prioritairement aux personnels de ces BOP les crédits concernés, au détriment du personnel de l'armée considérée, rattaché à un autre BOP.

Selon le groupe de travail précité : « la méconnaissance de leurs effectifs par les BOP qui doivent procéder au décompte des effectifs qui leur ont été attribués, les incertitudes relatives aux liens entre masse salariale et effectifs attribués en construction budgétaire, ou encore le maintien d'un dialogue direct entre organismes et pourvoyeurs de personnel, ont pesé sur l'absence de marges de manoeuvre ressentie en matière de pilotage de la masse salariale . »

Il ressort du premier exercice en mode LOLF que la gestion des ressources humaines ne s'appréhende que dans une perspective pluriannuelle qu'il semble difficile d'inscrire dans le cycle budgétaire .

De plus, l'absence de fiabilité des informations relatives aux rémunérations du personnel civil tient non seulement aux déficiences des outils informatiques mais aussi à des problèmes plus structurels dans la mesure où la gestion du personnel civil est assurée par une multitude de services gestionnaires au niveau régional, sans correspondance avec les structures LOLF et sans pilotage central. Les rôles respectifs de la direction des ressources humaines du ministère de la défense et des responsables organiques militaires dans la gestion de ces personnels doivent être clarifiés .

Enfin, il convient de noter que la gestion du titre 2 s'inscrit dans un double plafond d'effectifs et de masse salariale. Les objectifs de la loi de programmation militaire dotent le ministère de la défense d'un plafond ministériel des emplois autorisés très supérieur à ce que permet la masse salariale inscrite en projet de loi de finances initiale. Le groupe de travail de retour d'expérience d'application de la LOLF note que le recours à de multiples notions de décompte des effectifs (ETPT, EMRP - effectifs moyens « réalisés prévisionnels » -, ETP, etc.) sur des périmètres à géométrie variable (LOLF, organiques) est une « source d'ambiguïté, à la fois dans l'utilisation des normes de décompte d'effectifs et dans les cibles d'effectifs à moyen terme ».

2. Une concurrence entre les dépenses de personnel et les dépenses d'investissement ?

Les observations de la Cour des Comptes concernant la mission « Défense », transmises à vos rapporteurs spéciaux, en juin 2007, sont particulièrement éclairantes sur l'impact de la professionnalisation des armées .

Il est précisé que les crédits de fonctionnement et de rémunération, hors charges de retraite, sont supérieurs à ceux affectés aux équipements. Ces ressources, qui ne font pas l'objet d'une programmation pluriannuelle, sont d'une grande importance dans un dispositif de recrutement et de fonctionnement des armées qui est dorénavant totalement professionnalisé.

Les armées ont su faire face à la réforme fondamentale qu'était la professionnalisation. Dans un premier temps, celle-ci n'a pas fait supporter au budget des armées un poids excessif mais elle a des incidences financières, à terme, importantes notamment en matière de rémunération . De même il convient de noter le poids financier essentiel des retraites dans le budget du ministère. Rappelons, à ce sujet, que vos rapporteurs spéciaux ont demandé à la Cour des Comptes, dans le cadre de l'application de l'article 58-2° de la LOLF, une enquête sur les pensions militaires , qui devrait faire l'objet d'un rapport d'information avant la fin de l'année 2007.

La Cour des Comptes relève qu'au cours des exercices 2004 à 2006, les crédits initiaux consacrés aux dépenses en personnel, inscrits en loi de finances, ont dû être complétés par des ressources dépassant un milliard d'euros prélevé pour l'essentiel sur les reports de crédits d'équipement, soit 800 millions d'euros et sur les crédits affectés au service des essences aux armées, soit 100 millions d'euros . Ces ressources complémentaires affectées aux dépenses de rémunération se sont cependant révélées insuffisantes et le ministère a réduit de près de 10.000 unités en 2006 et de 4.297 en 2007 les effectifs par rapport aux prévisions.

Le budget de fonctionnement des armées est ainsi susceptible d'être en concurrence avec les dépenses d'équipement .

3. Le cas particulier du financement des OPEX et des OPINT

La mise en oeuvre de la LOLF a permis de créer au sein du projet annuel de performances de la mission « Défense » annexé au projet de loi de finances pour 2006 une action 6 intitulée « Surcoûts liés aux opérations extérieures ». Ces surcoûts correspondent essentiellement à la rémunération additionnelle des personnels , en moyenne 12.000 militaires, et aux dépenses de fonctionnement nécessaires pour permettre leur déploiement et leur présence sur les théâtres d'opérations extérieures.

La création de cette action doit être saluée dans la mesure où elle s'accompagne d'un effort pour accroître la sincérité du budget de la mission de défense en inscrivant en loi de finances initiales les crédits nécessaires au financement des OPEX. L'année 2006 est la première étape de cette démarche .

La dotation inscrite en loi de finances initiale est passée de 24 millions d'euros en 2003 (et jusqu'en 2005), soit moins de 4 % du surcoût réel, à 175 millions d'euros en 2006 , soit 27 % des surcoûts. Comme le note la Cour des Comptes dans son rapport annuel sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour l'année 2006 : « l'absence ou l'insuffisance des provisions dans la LFI est critiquable : elle ne permet pas au Parlement d'apprécier ab initio le coût des engagements militaires en opération, elle fait supporter in fine une partie des dépenses, essentiellement du titre 3, par des crédits du titre 5 , qui ne sont d'ailleurs que partiellement ouverts en loi de finances rectificative. Cette manière de procéder a conduit à amputer les crédits destinés à mettre en oeuvre la loi de programmation militaire ».

Si la budgétisation des OPEX est encore perfectible, afin d'éviter d'ouvrir par décret d'avance 237,2 millions d'euros en cours d'année, la justification au premier euro permet une meilleure lisibilité de l'utilisation des crédits ainsi ouverts. La répartition par armée ou service des armées est détaillée : les surcoûts OPEX interarmées s'élèvent à 87,6 millions d'euros , les surcoûts armée de terre à 84,3 millions d'euros , les surcoûts marine à 13,3 millions d'euros , les surcoûts armée de l'air à 45,3 millions d'euros , les surcoûts du service de santé des armées à 5,1 millions d'euros et les surcoûts du service des essences aux armées à 1,4 million d'euros .

Vos rapporteurs spéciaux constatent que l'action 7 « Surcoûts liés aux opérations intérieures » du programme 178 n'est pas traitée à sa juste valeur alors qu'elle retrace des missions nobles et essentielles des armées telles que les actions menées par les personnels militaires en faveur de la sécurité civile , qu'il s'agisse du plan Vigipirate, de la lutte contre les incendies, ou contre les épidémies.

En projet de loi de finances pour 2006, aucun crédit n'avait été inscrit au titre de cette action. Le rapport annuel de performances indique que 702.016 euros ont finalement été consommés . Vos rapporteurs spéciaux s'étonnent de cette somme qui est très loin des 24 à 25 millions d'euros par an attribués, par les services du ministère de la défense interrogés sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007. A l'initiative de vos rapporteurs spéciaux, le Sénat a adopté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, un amendement visant à inscrire des crédits sur l'action 7 précitée, soit 90.000 euros . Le solde de la somme nécessaire à une budgétisation satisfaisante devant être atteint par réallocation des crédits au titre de la fongibilité asymétrique entre les actions du programme 178 « Préparation et emploi des forces » au profit de l'action 7 « Surcoûts liés aux OPINT ».

Cette action du programme 178 doit être traitée plus sérieusement. Vos rapporteurs spéciaux amenderont le projet de loi de finances pour 2008, en ce sens, si besoin en était.

4. Le cas particulier du service de santé des armées

Vos rapporteurs spéciaux ont suivi avec la plus grande attention l'adaptation du service de santé des armées à la professionnalisation de l'armée.

Au terme des auditions menées par vos rapporteurs spéciaux, il apparaît que la situation globale du service de santé des armées tend à s'améliorer mais l'effort d'augmentation du recrutement en école ne commencera à porter ses fruits, pour les effectifs de médecins , qu'à compter de 2009 .

S'agissant des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA), le recrutement, sur les spécialités sensibles que sont les infirmier et les masseurs-kinésithérapeutes, s'est amélioré du fait des efforts conjugués de tous les intervenants de la chaîne recrutement (hôpitaux, régions, direction centrale du service de santé des armées), d'une meilleure communication, et pour la région parisienne, de la mise en place du pré-recrutement d'élèves infirmiers. Cependant les tensions sur le marché des métiers de la santé persistent, tout particulièrement en région parisienne . Vos rapporteurs spéciaux seront donc attentifs à l'évolution de la situation dans ce domaine.

Rappelons que les sous-effectifs générés par l'augmentation des départs des infirmiers servant au sein de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la marine ont conduit à la modification du statut de MITHA pour prévoir l'intégration des personnels paramédicaux des forces au sein de ce statut . Le décret du 28 mai 2005 permettait ainsi le reclassement du personnel de carrière à un niveau égal ou immédiatement supérieur à celui qu'il détiendra au jour de l'intégration. La mesure, étalée sur trois ans , a eu un coût de 4 millions d'euros , dont 1,4 million d'euros en 2005, 1,4 million d'euros en 2006 et 1,2 million d'euros en 2007. Le transfert des sous-officiers des trois armées et de la gendarmerie vers le statut MITHA, devenu statut unique pour tous les personnels paramédicaux quel que soit leur lieu d'exercice, favorise la cohérence de la fonction santé ainsi que la cohésion de ces personnels. Cette réforme est un succès .

Le soutien médical aux forces françaises engagées en opérations extérieures en 2006 représente 511 personnels de la fonction santé , sur un total de 12.000 militaires en OPEX. L'engagement du service de santé correspond au fonctionnement d'un hôpital militaire . Les principales structures médicales et les équipements déployés en 2006, sur les douze OPEX menées, sont les suivants : 51 postes de secours ou équivalent de niveau 1, six antennes chirurgicales ou groupements médicaux chirurgicaux de niveau 2, cinq cabinets dentaires et cinq sections de ravitaillement sanitaire .

L'excellence du service de santé des armées repose sur le réseau des hôpitaux militaires . En 2006, les grandes opérations d'infrastructure du service de santé des armées ont globalement avancé conformément au rythme prévu. L'opération « Hôpital Sainte-Anne 2000 de Toulon » ne subira pas de décalage substantiel. Il en est de même pour les opérations de mise aux normes incendie et de restructuration des hôpitaux de Bégin et du Val-de-Grâce.

Enfin, des avancées certaines ont été enregistrées en 2006 pour la mise en place du dispositif législatif permettant au service de santé des armées de s'inscrire dans le système de tarification à l'activité (T2A), remplaçant la dotation globale de fonctionnement ou dotation annuelle de financement. Cette dernière a atteint le montant de 377,84 millions d'euros en 2006, soit une augmentation de 3,1 % par rapport à la base reconductible de 2005.

C. LE PROGRAMME 144 « ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE »

1. Performance : la prise en compte des souhaits des rapporteurs spéciaux

Vos rapporteurs spéciaux se sont interrogés dans le cadre de l'examen du projet de loi pour 2007 sur la pertinence de l'indicateur relatif au « Taux de progression des capacités technologiques » .

Rappelons que la gestion de la quasi-totalité des crédits du budget opérationnel de programme de la DGA (correspondants aux crédits des études amont de la défense) est évaluée par cet indicateur.

Les feuilles de route des capacités technologiques, au nombre de 40, sont établies en concertation avec les états-majors et expriment leurs besoins en études amont, sous forme d'avancées techniques à obtenir à l'horizon 2015. Les avancées les plus importantes dans la vie de la capacité technologique faisant l'objet d'une étude amont (démonstrateur, études sur des sujets spécifiques, etc.) constituent des jalons qui sont autant de données de base. Le franchissement de chaque jalon est déterminé par un événement particulier, tel que la réception du ou des contrats correspondants, la réalisation d'une campagne d'essais...

Vos rapporteurs spéciaux avaient indiqué, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, que la construction même de cet indicateur tendait vers l'accomplissement à l'horizon 2015 de 100 % des objectifs fixés . On compare le nombre de jalons réalisés pour une capacité technologique donnée au nombre à réaliser à l'horizon 2015. Or, cet objectif 2015 ne peut être considéré comme figé mais devrait être adapté de façon glissante au progrès technologique lui-même évolutif ! Il eut été plus intéressant d'essayer de mettre le taux de réalisation de ces jalons en relation avec les crédits ou les moyens humains mobilisés pour atteindre les objectifs fixés.

Vos rapporteurs spéciaux souhaitaient que cet indicateur soit redéfini . Tel devrait être le cas, selon la réponse fournie par les services du ministère de la défense, au questionnaire budgétaire relatif au projet de loi de règlement pour 2006.

Il est précisé que « l'importance relative des différents jalons à l'intérieur de chaque capacité technologique et l'importance relative des capacités technologiques les unes par rapport aux autres font l'objet de pondérations définies en fonction des besoins et en concertation avec les états-majors. Des difficultés pourront intervenir dans les années à venir à cause de recalages plus ou moins importants des capacités technologiques, d'ajustements de valeur des jalons, le plus fondamentalement de changements d'objectifs à effectuer . Une définition de l'indicateur de capacités technologiques palliant ces difficultés est en cours d'élaboration ».

2. La nécessité d'améliorer le traitement des opérateurs au sein du RAP

Comme cela a déjà été dit, la justification première euro pourrait être notablement améliorée.

Le programme 144 réserve cependant de « bonnes surprises ». En ce qui concerne l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), la justification au premier euro est relativement satisfaisante . Il est précisé qu'afin de respecter les engagements pris par l'Etat dans le contrat d'objectifs et de moyens notifié à l'ONERA, un complément de 3,56 millions d'euros a été versé en 2006. Cette somme couvre l'actualisation de la subvention sur les années 2005, 2006 et 2007 (par anticipation et pour solde de tout compte sur la période), qui s'élève ainsi à 54 millions d'euros pour 2006. La justification au premier euro précise d'où viennent les crédits complémentaires dont a bénéficié l'ONERA ( redéploiements internes à la DGA de crédits non employés, soit 3 millions d'euros dont l'imputation est détaillée par sous-action et titre, et reports de crédits de l'année 2005 sur l'année 2006 pour un montant de 0,56 million d'euros ).

Si cette partie du RAP est satisfaisante, vos rapporteurs spéciaux constatent que la partie relative à la description des opérateurs , à la consolidation de leurs emplois, et à l'analyse de leurs résultats est insuffisante . Les écoles de la DGA et l'ONERA sont des opérateurs du programme 144, leur budget , l'utilisation de leurs ressources et la nature de leurs dépenses devraient être précisées au sein du RAP ce qui n'est pas le cas actuellement. Rappelons que la commission des finances souhaite, à terme, que les budgets des opérateurs et leurs emplois soient consolidés avec ceux de l'Etat afin que la vision budgétaire et comptable des politiques publiques soit aussi complète que possible.

D. LE PROGRAMME 212 « SOUTIEN DE LA POLITIQUE DE LA DÉFENSE »

1. L'indispensable amélioration des systèmes d'information

Il est apparu au cours de l'exécution que les procédures et les mécanismes d'application de la LOLF n'étaient pas pleinement opérationnels en 2006.

Certains procédures ou règles n'étaient pas suffisamment connues et ont entraîné des erreurs, il s'agit notamment du fonctionnement du compte d'affectation spéciale « Pensions ». D'autres mécanismes restent encore incertains après un an d'exercice, tels que les règles d'immobilisation de valorisation comptables.

L'un des objectifs stratégiques que devra atteindre très rapidement le programme 212 consiste à répondre au constat dressé par le RETEX LOLF : « la défaillance des systèmes d'information de l'Etat a été extrêmement pénalisante en matière d'exécution ou de restitution de la dépense. L'application pleine de la LOLF reste indissociable d'un système d'informations qui ne sera pas opérationnel avant 2010 . Les outils palliatifs se sont avérés très insuffisants pour garantir une gestion dans des conditions satisfaisantes. ACCORD a amplifié les difficultés des services par ses dysfonctionnements et la lourdeur de son utilisation. Le système d'information de restitution INDIA a commencé à être, partiellement, opérationnel en milieu de gestion, sans que sa fiabilité soit garantie pour autant ».

Dans cette perspective, vos rapporteurs spéciaux seront attentifs à l'évolution des indicateurs relatifs à l'objectif 4 du programme 212 « Rationaliser la mise en oeuvre des projets informatiques ». Ils regrettent que la justification au premier euro de l'action 5 « Systèmes d'information, d'administration et de gestion » reste relativement elliptique . Il est toutefois intéressant d'avoir précisé que l'écart entre la prévision et l'exécution, de 8,21 millions d'euros d'autorisations d'engagement, est dû à la consommation des reports de crédits liés aux autorisations d'engagements affectées et non-engagées en 2005. Les crédits de paiement consommés sont également supérieurs aux prévisions, à hauteur de 1,78 million d'euros , grâce à l'utilisation des reports de crédit.

2. Le nécessaire approfondissement de la justification au premier euro

S'agissant de l'action 3 du présent programme « Gestion centrale », le très important écart entre les prévisions et la réalisation en matière d'autorisations d'engagement tient à l'ouverture par décret d'avance du 23 octobre 2006 de 307,86 millions d'euros afin de permettre la mise en oeuvre du marché d'externalisation des véhicules légers de la gamme commerciale du ministère de la défense.

Il est précisé dans le rapport annuel de performances que ce marché devait générer le paiement de 15,3 millions d'euros au titre de l'avance forfaitaire. Il semble que le titulaire ait « renoncé » à son versement et que la date de notification tardive de ce marché n'ait pas permis de redéployer des crédits concernés qui ont finalement été annulés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2006. Il est également indiqué que le centre automobile de la défense (CAD) a suspendu sa politique de renouvellement des véhicules destinés aux hautes autorités, les crédits correspondants ayant été redéployés pour financer des opérations qui manquaient de ressources notamment celle du fonds pour les restructurations de la défense (FRED). Il est regrettable que les montants en jeu ne soient pas précisés . Dans cette perspective, il n'est pas possible pour vos rapporteurs spéciaux de comprendre si l'écart entre les dépenses prévues et exécutées du FRED, soit 8,7 millions d'euros , provient des seuls redéploiements des crédits ci-dessus mentionnés du CAD.

S'agissant de l'action 4 « Politique immobilière », vos rapporteurs spéciaux estiment que la justification au premier euro pourrait être améliorée . Les explications fournies sont souvent trop succinctes . La sous-action 42 « Infrastructures » a ainsi bénéficié de reports importants de crédits entre 2005 et 2006, liés « au retour de produits de cession en décembre 2005 ainsi qu'au retard pris pour la réalisation de certaines opérations immobilières ». Les montants en question pourraient être indiqués afin qu'il soit possible de distinguer la part des reports liés à la politique de cession immobilière de la part liée au retard pris pour la réalisation d'opérations immobilières. Par ailleurs, la justification au premier euro précise que le pôle stratégique de Paris-Ilot Saint-Germain a subi des retards . Leur ampleur n'est pas précisée, pas plus que l'éventuel surcoût lié au retard du chantier.

III. LES DONNÉES DE COMPTABILITÉ NATIONALE RELATIVES À LA DÉFENSE : LA RÉDUCTION DE 5,3 MILLIARDS D'EUROS DU DÉFICIT PUBLIC SUR TROIS ANS

A. LA RÉFORME MISE EN OEUVRE PAR EUROSTAT

Comme l'avaient indiqué vos rapporteurs spéciaux lors de l'examen de la loi de règlement pour 2005, Eurostat a pris, le 9 mars 2006, une décision relative à l'enregistrement dans les comptes nationaux des dépenses d'équipement militaire . Le principe en est simple : la dépense correspondant à un équipement militaire est intégrée dans le « compte capital » de la comptabilité nationale et par voie de conséquence dans le « besoin de financement », solde du compte capital, à la date de livraison de cet équipement. Si la construction de cet équipement a donné lieu à des versements d'acomptes , ceux-ci impactent le « compte des opérations financières » et n'entrent pas dans le calcul du besoin de financement 70 ( * ) . Rappelons que le « besoin de financement » du compte des administrations publiques constitue le déficit au sens du traité de Maastricht et de ses protocoles annexes.

La décision prise par Eurostat définit le moment d'enregistrement des dépenses publiques, et par conséquent leur impact sur le déficit public, pour les cas particuliers des équipements militaires qui font l'objet de contrats à long terme, notamment les équipements loués , les systèmes complexes ou les équipements lourds fabriqués sur plusieurs années . De plus, étant donné que les contrats à long terme et la nature des biens militaires donnent lieu à des difficultés spécifiques en ce qui concerne les données de base, la décision précise également les cas dans lesquels des données basées sur une comptabilité de caisse peuvent être acceptées comme approximation des livraisons lors de dépenses d'équipement militaire, en attendant l'amélioration des données sur base des droits constatés 71 ( * ) .

B. LES CONSÉQUENCES DE CETTE DÉCISION POUR LA FRANCE

Les dispositions précédentes n'ont pas d'effet sur le montant de la dette . Les acomptes versés constituent en effet des dépenses de l'Etat impactant le solde budgétaire de la loi de finances.

Les nouvelles règles définies par Eurostat ont réduit, au total pour les années 2005 à 2007, de 5,3 milliards d'euros le déficit au sens du traité de Maastricht , mais non la dette de la France. Le détail des livraisons d'armement non imputées au déficit pour les années 2005,2006 et 2007 est présenté dans le tableau suivant. Pour l'année 2007, la réduction du déficit est de 1,5 milliard d'euros .

Précisons qu'il s'agit en fait d'un effet transitoire , cette réduction de déficit correspondant en effet à une « réserve » de surplus de déficit public pour les années ultérieures . L'impact sur le déficit se produira lors de la livraison des équipements militaires concernés (à partir de 2011 lors de la livraison de la première frégate multi-missions -FREMM- par exemple, ou à partir de 2006 lors de la livraison du bâtiment de protection et de commandement-BPC-).

Détail des livraisons d'armement non imputées au déficit

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

Reste dû fin 2007 sur les programmes livrés

Date de fin de livraison du programme

MINREM (Moyen interarmées naval de recherche électromagnétique

4

20

0

5

2006

BPC (Bâtiment de protection et de commandement)

44

20

5

14

2006

HORIZON (frégates)

197

45

63

214

A partir de 2009

SNLE - NG n°4 (Sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération)

433

544

351

631

2010

PA 2 (Porte-avion n° 2)

123

90

708

2014

FREMM (Frégate multi-missions)

57

404

128

4.352

A partir de 2011

A 400M (Avion de transport)

320

277

389

5.538

A partir de 2009

VBCI (Véhicules blindés de combat d'infanterie)

70

62

110

578

A partir de 2008

M51(*) (missile stratégique)

779

633

532

2.097

A partir de 2006

BARRACUDA (sous-marin nucléaire d'attaque)

0

30

68

1.754

A partir de 2016

Total des paiements annuels

1.904

2.158

1.736

Total des dépenses « livrées »

0

221

218

Total des dépenses à déduire (*)

1.904

1.937

1.518

15.891

Source : ministère de la défense

(*) Une comptabilisation unité par unité est appliquée au programme M 51 dont les séries sont relativement limitées (50 unités sur 20 ans environ), et le prix unitaire suffisamment élevé pour que la méthode de comptabilisation des équipements lourds soit appliquée à chaque unité.

Pour ce programme, les paiements ne coïncidant pas avec les livraisons, en absence de prix disponible pour chaque unité, la valeur de chaque unité a été déterminée en additionnant tous les paiements prévus, et en divisant par le nombre d'unités. Les paiements incluent à la fois des dépenses de développement et des dépenses de production. Ce même principe sera appliqué à l'ensemble des programmes considérés.

A M E N D E M E N T

présenté par

MM. FRÉVILLE et TRUCY

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

Après l'article 4 insérer un article additionnel ainsi rédigé:

Le rapport annuel de performances de la mission "Défense", annexé au projet de loi de règlement pour 2006 est ainsi modifié :

I. Dans le (1) du tableau "suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement" de la page 283, la valeur : "34.681.601.431" est remplacée par la valeur : "24.085.869.042,92"

II. Dans le (1) du tableau "suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement" de la page 117, la valeur : "7.111.681.371" est remplacée par la valeur : "7.090.121.609,77".

OBJET

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent corriger les données figurant au rapport annuel de performances (RAP) "Défense", annexé au projet de loi de règlement pour 2006, relatives aux autorisations d'engagement.

En effet, 10.617.292.149,31 euros semblent avoir été inscrits deux fois : une fois au titre des engagements sur années antérieures non couverts par des paiements au 31 décembre 2005 et une fois au titre des autorisations d'engagement ouvertes en 2006. Ces 10,617 milliards d'euros se décomposent en 10,597 milliards d'euros relatifs au programme 146 "Equipement des forces" et 21,55 millions d'euros relatifs au programme 178 "Préparation et emploi des forces".

Ce montant est essentiellement constitué, pour un montant de 10,597 milliards d'euros, du cumul des engagements internationaux pris par la France au titre des programmes gérés par l'OCCAR et par la NAHEMA et n'ayant pas encore fait l'objet de paiement. Cette somme figurait parmi les ressources affectées et non-engagées fin 2005. En effet, ces deux organismes, qui ont la personnalité juridique, passent des marchés auprès des industriels dans le cadre de programmes d'armement concernant plusieurs pays et procèdent à des appels de fonds auprès des pays concernés au fur et à mesure des paiements.

Les engagements de la France ne s'étaient jamais traduits par une comptabilisation qu'à l'occasion et à hauteur de ces appels de fonds ; afin de rétablir la concordance entre la comptabilité budgétaire et la réalité des engagements juridiques de la France, la régularisation suivante a eu lieu :

- les AE affectées et non-engagées issues de la gestion 2005 ont été supprimées au 1er janvier 2006, conformément aux règles prévues par la LOLF ;

- elles ont été « réouvertes » en loi de finances rectificative pour 2006 ;

- elles ont ainsi été engagées sur la gestion 2006 au titre de la part incombant à la France dans les engagements pris par l'OCCAR et par la NAHEMA vis-à-vis des industriels concernés. Les engagements ont concerné le programme des FREMM, à hauteur de 4,52 milliards d'euros, le programme de l'A400M, pour un montant de 3,61 milliards d'euros, celui du missile FSAF (family of future air defence missiles), à hauteur de 1,38 milliard d'euros, et le programme d'hélicoptère NH 90 pour 0,93 milliard d'euros.

Le fait que ces autorisations d'engagement soient comptabilisées deux fois donnent à penser, de façon absolument erronée, que le solde des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2006 de la mission "Défense" a progressé de 10,617 milliards d'euros. Il n'est pas possible, alors qu'un nouveau livre blanc de la défense et une nouvelle loi de programmation sont en préparation de laisser figurer de telles erreurs au sein des documents budgétaires supposés garantir la bonne information du Parlement.

* 63 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 64 Ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

* 65 En 2004, le solde de gestion était de - 381,45 millions d'euros, soit 1,18 % des crédits ouverts en LFI, soit 4,48 jours de paiement. En 2005, il atteignait - 525,75 millions d'euros, soit 1,65 % des crédits ouverts en LFI, soit 6 jours de paiement.

* 66 Ces besoins supplémentaires sont dus à l'augmentation des coûts des hydrocarbures.

* 67 Financement des mesures préventives de la grippe aviaire, indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale, mesures visant à contenir l'épidémie du chikungunya, etc.

* 68 Ces règles de gestion sont définies dans l'instruction ministérielle, approuvée et signée par le ministre le 26 juillet 2006, n° 0603182/DEF/SGA/DAF/SPB/SPB1 relative aux procédures et règles de gestion générales applicables à la gestion des crédits et des autorisations d'emploi du ministère de la défense pour l'exécution de la loi de finances.

* 69 Ce montant correspond aux principaux programmes d'armement dont la réalisation et le financement s'étalent sur de très longues périodes.

* 70 Rappelons qu'en comptabilité nationale, les dépenses sont en principe prises en compte en « droits constatés », c'est-à-dire la date du service fait, en l'occurrence la date de livraison des équipements. Mais du fait de la complexité des modes de financement des marchés militaires, on acceptait une dérogation à cette règle générale. Les dépenses notifiées correspondaient au paiement, eux-mêmes équivalents soit à des services faits, soit à des acomptes versés avant livraison. La date d'enregistrement des dépenses militaires aux comptes de l'Etat était donc celle du paiement et non celle de la livraison .

* 71 Pour plus de précisions sur les modalités d'application de la décision d'Eurostat, voir la contribution relative à la mission « Défense », rapport n° 418, tome II (2005-2006) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 juin 2006 : Contributions des rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005.

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