Rapport n° 451 (2006-2007) de Mme Monique CERISIER-ben GUIGA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 septembre 2007

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N° 451

SÉNAT

DEUXIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 septembre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation d'accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatifs au musée universel d' Abou Dabi ,

Par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Sénat : 436 et 455 (2006-2007)

INTRODUCTION

« Le problème politique majeur de notre temps,
c'est de concilier la justice sociale et la liberté ;
le problème culturel majeur,
de rendre accessibles les plus grandes oeuvres
au plus grand nombre d'hommes »
André Malraux, discours prononcé le 28 mai 1959 à Athènes

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de trois accords, signés le 6 mars 2007, entre le gouvernement français et le gouvernement des Émirats Arabes Unis, relatifs à la réalisation d'un nouveau musée à Abou Dabi, qui devrait porter le nom de « Louvre Abou Dabi ».

Ces trois accords se composent d'un accord à caractère général, dénommé « accord principal », ainsi que de deux accords additionnels portant respectivement sur les dispositions fiscales et les dispositions relatives à la garantie des États parties.

Votre Rapporteur s'étonne d'ailleurs de ce découpage, étant donné qu'il ne lui a pas paru nécessaire juridiquement de traiter les questions fiscales et celles touchant à la garantie de l'État dans des accords additionnels.

Plutôt que de traiter séparément ces trois accords, il a donc estimé préférable d'examiner de manière globale le projet de création du nouveau musée du « Louvre Abou Dabi ».

Ce projet a, en effet, suscité une polémique et des critiques de la part de certains conservateurs de musées, qui ont notamment dénoncé son caractère mercantile et ont considéré qu'il remettait en cause le principe de la gratuité du prêt des oeuvres d'art entre les musées.

Votre Rapporteur rappellera donc l'origine et le contexte de ce projet, avant de décrire les principales caractéristiques du futur musée et l'aide apportée par la France pour sa réalisation, et, enfin, les garanties et les contreparties financières prévues pour les musées français participant à ce projet.

I. UN AMBITIEUX PROJET CULTUREL QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES ENTRE LA FRANCE ET LES ÉMIRATS ARABES UNIS

A. LES ÉMIRATS ARABES UNIS : LE PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ DE LA FRANCE DANS LA RÉGION

Peuplés de plus de quatre millions d'habitants, les Émirats Arabes Unis, qui regroupent les Emirats d'Abou Dabi, Dubaï, Charjah, Oumm al-Qaïwan, Ajman, Foujaïra et Ras al-Khaimah, constitués en fédération en 1971, forment un État prospère et stable.

Détenant les cinquièmes réserves mondiales de pétrole et les quatrièmes réserves de gaz naturel, le pays affiche un PIB par habitant d'environ 33 000 $ (26 000 euros), soit un des plus élevés au monde.

L'émirat d'Abou Dabi, qui détient 94 % des réserves pétrolières et représente 73 % du territoire, est la clef de voûte tant politique, qu'économique de la fédération. Traditionnellement, l'émir d'Abou Dabi préside d'ailleurs la fédération des Émirats Arabes Unis.

L'émirat d'Abou Dabi représente plus de la moitié du PIB fédéral et celui de Dubaï presque un tiers.

L'économie des Émirats Arabes Unis est en cours de diversification. Les services représentent environ 40% du PIB tandis que la part des hydrocarbures dans la richesse nationale diminue. Les Émirats Arabes Unis préparent l'après pétrole en développant le commerce et la finance à Dubaï, les universités, les musées et le tourisme à Abou Dabi.

Dubaï revendique ainsi la place de première plate-forme aéroportuaire et portuaire de la région. Un nouvel aéroport géant est d'ailleurs en construction au sud de la ville, ainsi qu'un port. C'est le point de passage quasi obligé du transport aérien et du fret maritime au croisement des routes, entre l'Europe et l'Asie, la Russie et l'Afrique.

Les Émirats Arabes Unis entretiennent depuis longtemps des relations privilégiées avec la France, dans les domaines politique, militaire, économique et culturel. En effet, ils sont soucieux de diversifier leurs partenaires et de contrebalancer l'influence des États-Unis dans la région.

La France et les Émirats arabes unis ont ainsi signé un accord de défense en 1995 et il existe une large convergence de vues sur les dossiers régionaux.

Les relations économiques sont également très étroites. Les Émirats Arabes Unis absorbent le tiers des exportations françaises au Moyen-Orient et sont notre premier client dans la région, loin devant l'Arabie Saoudite, la Turquie, Israël et l'Iran.

De nombreuses entreprises françaises, comme TOTAL, y sont implantées depuis longtemps.

Le dynamisme de nos échanges s'explique aussi par la signature de grands contrats, notamment dans les domaines de l'aéronautique, des biens d'équipements ou du matériel militaire. La compagnie aérienne Emirates a ainsi été le premier client de lancement de l'Airbus A380.

Enfin, la coopération culturelle entre la France et les Émirats arabes unis est très active.

Le nombre d'élèves apprenant le français est en nette progression : environ 50 000 élèves répartis dans 176 établissements l'enseignant comme seconde ou troisième langue. Un département de français a été créé en 2004 au sein de la faculté des lettres et des sciences de l'université d'Al Aïn.

Le dispositif du réseau d'enseignement français aux Émirats est composé de quatre établissements scolaires : les lycées Louis-Massignon et Théodore-Monod à Abou Dabi, le lycée Georges-Pompidou à Sharjah (avec une annexe pour l'enseignement primaire à Dubaï) et le lycée français international de Dubaï. 3 600 élèves sont scolarisés dans ces quatre établissements. Il faut y ajouter des écoles francophones, fondées par des ressortissants libanais, qui viennent d'entrer dans le réseau de la mission laïque.

Deux alliances françaises sont implantées, à Abou Dabi et à Dubaï.

D'importants projets ont été lancés concernant la coopération universitaire au travers de la promotion des études supérieures en France, la diffusion de l'expertise et du savoir-faire français (ingéniérie, agronomie, technologies de l'information et de la communication, archives, archéologie, etc.) et la formation de médecins spécialistes.

Plusieurs établissements d'enseignement supérieur se sont implantés aux Emirats Arabes Unis en 2006 avec le soutien des autorités émiriennes. L'Université Paris-IV-Sorbonne a ouvert une antenne à Abou Dabi à la rentrée 2006. Les écoles de commerce INSEAD et HEC se sont implantées, au travers de partenariats, à Abou Dabi, de même que l'école de mode ESMOD à Dubaï.

Des actions de coopération sont aussi menées dans le domaine archéologique à Al Ain, Fujeirah et Umm el Qaiwain.

B. L'ÎLE AUX MUSÉES D'ABOU DABI : UN AMBITIEUX PROJET AU SERVICE DU DIALOGUE ENTRE LES CULTURES

L'Émirat d'Abou Dabi a pour ambition de devenir le coeur de la région du Golfe pour l'enseignement supérieur et la culture et le lieu de rencontre et d'échanges entre les civilisations, au carrefour des continents.

Pour ce faire, l'Émirat d'Abou Dabi a lancé sur l'île de Saadiyat, située en face de la capitale émirienne, un projet de district culturel d'envergure mondiale, qui comprendrait plusieurs musées, dont un musée des arts islamiques, un musée maritime et un musée d'art moderne construit en partenariat avec la Fondation Guggenheim.

Après s'être tourné une première fois vers l'expertise française en matière d'enseignement supérieur, avec l'installation, à l'automne 2006, d'une antenne de la Sorbonne, Abou Dabi a demandé l'aide de la France et du musée du Louvre pour l'aider à réaliser et à développer un autre musée dans sa capitale.

Au départ, les autorités d'Abou Dabi souhaitaient que ce nouveau musée soit exclusivement consacré à l'art classique et constitue une antenne du Louvre, sur le modèle des musées Guggenheim. Toutefois, les négociateurs français sont parvenus à faire évoluer cette demande vers un concept de musée universel, qui serait ouvert à toutes les techniques, à toutes les civilisations et à toutes les époques, y compris la période contemporaine.

En effet, les autorités françaises étaient soucieuses de mettre en valeur la richesse des collections françaises et de transmettre, à travers ce musée, les conceptions de l'époque des Lumières qui ont inspiré la transformation du Palais du Louvre en musée en 1793.

Enfin, afin de souligner de façon visible l'ambition universelle de ce projet, la France a accepté que ce nouveau musée porte le nom de « Louvre Abou Dabi ».

C. UN PROJET QUI A SUSCITÉ DES CRITIQUES ET DES INTERROGATIONS, NOTAMMENT DE LA PART DE CERTAINS CONSERVATEURS

Dès le stade des négociations, ce projet a suscité une controverse, notamment de la part de certains conservateurs de musées. Ainsi, plusieurs conservateurs, dont Mme Françoise Cachin, ancien directeur des Musées de France, ont dénoncé fortement ce projet. 1 ( * )

Cette controverse n'est pas sans rappeler la polémique suscitée en 1962 par le prêt de la Joconde aux Etats-Unis. André Malraux, ministre de la culture, s'était, en effet, heurté à l'époque à l'opposition des conservateurs du musée du Louvre et il avait dû obtenir l'accord du général de Gaulle pour cette opération.

Votre Rapporteur regrette toutefois que, sur un sujet de cette importance, le gouvernement n'ait pas pris la peine d'informer le Parlement du lancement et du déroulement des négociations, ce qui aurait sans doute permis de désamorcer certaines critiques. Il aurait été aussi plus correct, par égard envers la communauté scientifique concernée, de l'associer à la réflexion et à la définition des caractéristiques du projet.

Votre Rapporteur tient à cet égard à souligner le rôle joué par la commission des affaires culturelles de notre assemblée, qui, dès le mois de janvier, a procédé aux auditions de Mme Mariani-Ducray, directrice des musées de France, de M. Henri Loyrette, président directeur de l'établissement public du musée du Louvre, ainsi que de Mme Françoise Cachin, directrice honoraire des musées de France.

Trois principaux reproches ont été formulés à l'encontre de ce projet.

Tout d'abord, le choix d'Abou Dabi pour accueillir le futur musée a fait l'objet d'interrogations. Certains ont estimé que ce choix résultait davantage de considérations politiques et diplomatiques que culturelles et n'ont pas hésité à comparer Abou Dabi à une sorte de ville pour milliardaires comparable à Las Vegas.

Ensuite, d'autres observateurs se sont inquiétés du nombre d'oeuvres d'art des collections françaises qui devraient faire l'objet de prêts au musée d'Abou Dabi, privant ainsi le public français et les touristes étrangers présents dans la capitale de ces oeuvres pour une période plus ou moins longue.

Enfin, certains conservateurs ont dénoncé la remise en cause du principe de la gratuité du prêt des oeuvres d'art au profit d'une logique commerciale.

Tout en comprenant les inquiétudes qui ont pu s'exprimer autour de ce projet chez certains conservateurs, votre Rapporteur ne partage pas ces craintes. Pour fondées que soient certaines d'entre elles, l'évolution du projet puis sa mise en oeuvre doivent éviter les écueils annoncés.

En ce qui concerne, tout d'abord, l'emplacement du futur musée, votre Rapporteur tient à souligner que c'est l'Émirat d'Abou Dabi qui a sollicité l'aide de la France pour construire ce nouveau musée.

Ce projet n'est d'ailleurs pas en contradiction avec d'autres types de coopérations avec des institutions culturelles étrangères. Le musée du Louvre a ainsi développé plusieurs actions de partenariat avec des musées étrangers, notamment aux Etats-Unis, en particulier avec le High Museum d'Atlanta, au Japon, avec plusieurs expositions prestigieuses, ou en Chine.

Ensuite, votre rapporteur tient à rappeler que le nombre d'oeuvres d'art qui feront l'objet de prêts au musée d'Abou Dabi reste limité, de l'ordre de 300 par an les premières années, au regard des quelques 30 000 oeuvres d'art que la France prête chaque année.

Enfin, votre Rapporteur tient à rappeler que la pratique des contreparties en matière d'échange des oeuvres d'art n'est pas un phénomène nouveau.

En effet, si les grands musées qui disposent de riches collections fonctionnent habituellement par le jeu d'échanges mutuels et gratuits de prêts et d'emprunt d'oeuvres pour leurs expositions temporaires, c'est dans l'intérêt bien compris d'une réciprocité.

Cela ne concerne toutefois pas les musées éloignés des circuits internationaux ou qui ont des collections relativement réduites.

Ainsi, de nombreux musées japonais, américains, canadiens et australiens sollicitent des expositions pour lesquelles ils offrent des contreparties financières, le plus souvent sous la forme de financements versés à l'établissement prêteur par des mécènes, qui peuvent être des individus ou des sociétés.

Le musée du Louvre a ainsi été sollicité par le High Museum d'Atlanta pour organiser huit expositions temporaires retraçant l'histoire des collections du musée du Louvre, de sa création en 1793 à nos jours. Chacune des expositions comprend de 50 à 80 oeuvres, prêtées pour une période de 3 à 11 mois.

En 2006, lors de la première année du partenariat, les expositions présentées dans ce cadre ont attiré quelque 400 000 visiteurs.

Cette opération est entièrement financée par des mécènes américains, pour un montant global de 18 millions d'euros. Deux tiers de cette somme correspondent aux frais de l'organisation logistique des expositions, ainsi qu'à la programmation. Le dernier tiers, soit 5,4 millions d'euros, sera versé par les mécènes américains au musée du Louvre afin de contribuer au financement de la rénovation des salles de mobilier du XVIIIème siècle du département des objets d'art.

Le prêt gratuit, fondé sur l'échange entre partenaires de niveau équivalent, n'est pas appelé à disparaître. Mais le prêt avec compensation financière a le mérite d'offrir à des publics privés de l'accès aux grands musées, des oeuvres de premier plan auxquelles ils n'auraient jamais eu accès dans le cadre des échanges traditionnels.

Avec la création ex-nihilo du musée Louvre Abou Dabi, la conception de la coopération muséographique passe à une toute autre dimension que les évolutions des 30 dernières années avaient préparées.

II. LE LOUVRE ABOU DABI : UN GRAND MUSÉE UNIVERSEL CONÇU ET RÉALISÉ AVEC L'AIDE DE LA FRANCE

A. UN MUSÉE UNIVERSEL QUI FERA APPEL AUX TECHNIQUES LES PLUS MODERNES

Le Louvre d'Abou Dabi sera un « musée universel », c'est-à-dire un musée dont les collections présenteront, à terme, des oeuvres majeures dans les domaines de l'archéologie, des beaux-arts et des arts décoratifs, couvrant toutes les périodes, y compris la période contemporaine, bien que mettant l'accent sur la période classique, et toutes les aires géographiques.

Le caractère novateur et pluridisciplinaire retenu dans la présentation des oeuvres conduit à ce que la muséographie de cet établissement ne soit pas conçue selon un parcours exclusivement chronologique, ni selon un classement par école ou par pays.

Les galeries du Musée devraient donc laisser une large place aux confrontations entre des oeuvres de périodes et d'aires géographiques différentes, mettant en valeur le dialogue entre les civilisations dans le domaine des arts. A cet égard, la part minoritaire dévolue à l'art contemporain devrait être présentée en écho aux oeuvres anciennes afin de mettre en lumière les continuités entre les époques et de montrer comment le regard sur les oeuvres anciennes est régi par les perceptions contemporaines.

Le parcours de visite devrait être organisé selon des thématiques qui offriront au visiteur une vision large et novatrice des enjeux artistiques, centrée sur des genres (le portrait, le paysage...), sur des concepts (le voyage...) ou l'expression visuelle des relations entre l'homme et son destin (l'art funéraire...).

Les oeuvres présentées relèveront des techniques les plus variées : peinture, sculpture, objets d'art, arts graphiques, vidéo, installations.

Le musée, qui devrait ouvrir ses portes en 2012 ou 2013, devrait couvrir, à terme, une superficie d'environ 24 000 mètres carrés, dont 6000 consacrés aux galeries des collections permanentes et 2000 aux expositions temporaires. L'ouverture des galeries devrait s'effectuer par tranches successives.

Le futur musée devrait comprendre également des réserves, répondant aux normes internationales de conservation et faisant appel aux techniques les plus modernes, ainsi qu'un auditorium, des espaces pédagogiques et un atelier de conservation et de restauration.

Il est précisé dans l'accord que « la conception et la réalisation du musée respectent un très haut niveau de qualité de construction, de fonctionnalité, de conservation et de sécurité des oeuvres, au moins équivalent à celui du musée du quai Branly » .

L'accord précise aussi que « la conception du musée tient particulièrement compte des questions relatives au respect de l'environnement » .

Sur le plan architectural, la conception du futur musée a été confiée par le gouvernement d'Abu Dabi à l'architecte français Jean Nouvel, qui a réalisé le musée du quai Branly.

B. L'AIDE DE LA FRANCE POUR CONCEVOIR ET ACCOMPAGNER LA RÉALISATION DU FUTUR MUSÉE

L'expertise française aidera Abou Dabi à s'assurer que la conception et la réalisation du bâtiment seront conformes aux standards de conservation, de présentation des oeuvres et d'accueil du public des grands musées internationaux.

Les conservateurs et historiens d'art français, qui seront chargés d'élaborer le projet scientifique et culturel du musée, aideront Abou Dabi à traduire en langage artistique et muséographique un discours d'ouverture et de tolérance.

Pour une période de dix ans à compter de l'ouverture du musée, dans l'attente de la constitution de la collection du musée d'Abou Dabi, des oeuvres issues des collections du Louvre, des autres musées nationaux français et des musées de France qui souhaiteront participer au projet serviront de support à ce discours.

La France s'engage donc sur cette période à prêter plusieurs centaines d'oeuvres, pour des durées au plus égales à deux ans et par rotation. Pour accompagner la formation de la collection émirienne, des experts français proposeront une stratégie d'acquisition et des conseils en la matière. En revanche, pour d'évidentes raisons de déontologie et pour éviter tout conflit d'intérêt, ils ne devront pas participer eux-mêmes à l'acquisition d'oeuvres.

Pour une durée de quinze ans à compter de l'ouverture du musée, la programmation d'expositions temporaires sera également conçue et mise en oeuvre par la France.

Enfin, la France conseillera Abou Dabi pour la mise en place de la future structure de gestion du musée, participera à la formation de ses cadres et accompagnera pendant une durée de vingt ans le fonctionnement du musée, afin de lui permettre de conforter sa place dans le paysage des institutions muséales internationales.

C. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE STRUCTURE POUR METTRE EN oeUVRE CE PROJET : L'AGENCE « FRANCE MUSEUMS »

Le musée du Louvre ne pouvant porter à lui seul ce projet, étant donné que le futur musée devrait couvrir des périodes postérieures à celles couvertes dans les collections du Louvre (comme la période contemporaine) ou des civilisations qui n'y sont pas représentés (comme l'art asiatique), il a été décidé d'y associer d'autres institutions, notamment le musée d'Orsay, le musée national d'art moderne (centre Georges Pompidou), le musée du quai Branly ou le musée Guimet.

L'accord prévoit donc la création par la France d'une structure particulière, l'Agence internationale des musées de France, dénommée « France Museums », réunissant l'Etat et les principaux musées français, qui sera chargée de mettre en oeuvre ce projet.

La forme juridique retenue pour cette agence est celle de la société par actions simplifiée, régie par les articles L. 227-1 et suivants du code de commerce.

Le ministère de la culture explique ainsi les raisons de ce choix : la formule de l'« établissement public » ne permettait pas d'associer plusieurs établissements ; celle du groupement d'intérêt économique aurait nécessité de modifier au préalable les statuts de tous les établissements partenaires et n'aurait de toutes façons pas été très adaptée.

La société par actions simplifiée, tout en encadrant strictement les conditions d'entrée ou de sortie des associés, accorde une grande liberté pour le choix de ses modalités de fonctionnement. Elle permettra ainsi de confier un rôle important au conseil scientifique qui sera constitué de personnalités qualifiées.

Les douze établissements publics partenaires de l'Agence sont respectivement :

- le musée du Louvre ;

- le musée du Quai Branly ;

- le centre national d'art et de culture Georges Pompidou ;

- le musée d'Orsay ;

- le musée et le domaine national de Versailles ;

- le musée des arts asiatiques Guimet ;

- le musée Rodin ;

- le domaine national de Chambord ;

- la réunion des musées nationaux ;

- l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels ;

- l'école du Louvre ;

- et la Bibliothèque Nationale de France.

La répartition des droits de vote et de représentation est fonction de celle des apports.

Le Louvre détient à lui seul 115 des 335 actions, soit un peu plus du tiers de l'ensemble, et chacun des onze autres établissements possède 20 actions.

Le Louvre bénéficie également d'un poids particulier au sein du conseil d'administration : sur un total de 11 voix, il en dispose de 3 ; cinq autres établissements disposent chacun d'une voix (musée du quai Branly, centre Georges Pompidou, musée d'Orsay, réunion des musées nationaux, Bibliothèque Nationale de France) ; les trois dernières voix reviennent à des personnes physiques indépendantes ; celles-ci sont nommées par décision collective des associés sur proposition des 3 ministres chargés respectivement de la culture, des affaires étrangères, et des finances.

L'Agence comporte également un conseil scientifique chargé de veiller à la déontologie des projets scientifiques et culturels. Il doit être obligatoirement consulté sur tous les programmes de prêts et d'exposition ainsi que sur la répartition des contreparties financières versées aux musées. Il émet également un avis sur les listes d'oeuvres susceptibles d'être prêtées. Il est composé de 9 membres, dont trois sont désignés par le ministre chargé de la culture, trois par le musée du Louvre, et trois par décision collective des associés.

Enfin, un directeur général, nommé pour 3 ans renouvelables par le conseil d'administration, après consultation des ministres chargés des affaires étrangères et de la culture, est investi de pouvoirs étendus pour agir au nom de la société.

Le contrôle de la société est assuré par un commissaire aux comptes.

L'agence a été mise en place en juillet 2007.

III. DES GARANTIES ET DES CONTREPARTIES FINANCIÈRES QUI PERMETTRONT AUX MUSÉES FRANÇAIS DE SAUVEGARDER ET DE METTRE EN VALEUR LE PATRIMOINE NATIONAL

A. LE NOMBRE ET LES CONDITIONS CONCERNANT LE PRÊT DES oeUVRES D'ART ISSUES DES COLLECTIONS FRANÇAISES

L'accord prévoit que l'Etat français prêtera au musée universel d'Abou Dabi des oeuvres issues des collections françaises pendant une durée de dix ans.

Pendant cette période, les Emirats Arabes Unis pourront acquérir des oeuvres afin de constituer leur propre collection nationale.

Au-delà de ces dix ans, seules les oeuvres des collections émiriennes seront exposées dans les galeries permanentes du musée.

Par ailleurs, la France organisera pendant quinze ans quatre expositions temporaires par an (une grande, une moyenne et deux petites).

Le nombre d'objets prêtés par la partie française diminuera progressivement : 300 oeuvres les trois premières années à compter de l'ouverture du musée, puis 250 les quatre années suivantes et 200 les quatre dernières années.

Ainsi, l'engagement de la France ira donc en décroissant jusqu'à ce que le Louvre Abu Dabi acquière une totale autonomie.

Afin de situer l'importance de la collaboration avec le Louvre Abou Dabi, il convient de souligner que 35 000 oeuvres, dont 6 000 tableaux, sont exposées au musée du Louvre sur les quelque 445 000 que compte le musée. Par ailleurs, chaque année le musée du Louvre acquiert entre 200 et 300 oeuvres d'art. Enfin, plus de 1 400 oeuvres sont prêtées chaque année par le musée du Louvre à d'autres musées, en France et à l'étranger, ce qui permet au Louvre de recevoir environ 1000 oeuvres provenant d'autres musées.

Ces données relativisent le risque, évoqué lors de la controverse sur cette création, de priver les visiteurs de nos grands musées d'un nombre excessif d'oeuvres majeures. Le prêt de 300 oeuvres issues de plusieurs musées ne devrait pas dégarnir les galeries de nos musées.

L'accord prévoit également que « ces oeuvres seront d'une qualité comparable à celles des oeuvres présentées au Musée du Louvre et dans les grands musées français » et qu'une « proportion raisonnable des oeuvres présentées sera en permanence issue des collections du Louvre ».

Votre rapporteur a souhaité interroger le Président Directeur du Louvre, Henri Loyrette, sur ce qu'il fallait entendre par l'expression de « part raisonnable ». Celui-ci a indiqué qu'il était difficile de chiffrer avec précision le nombre d'oeuvres qui seront issues des collections du Louvre étant donné que cela dépendrait des thèmes qui seront retenus pour les expositions. Ainsi, dans le cas d'une exposition portant sur les impressionnistes français, le musée du Louvre ne serait pas concerné et les prêts seraient issus du musée d'Orsay.

En tout état de cause, la France gardera un contrôle strict en matière de prêt des oeuvres. Il sera impossible, par exemple, de prêter la Joconde ou la Vénus de Milo. En effet, une oeuvre liée à l'histoire de France et dont on ne peut priver le public et celles dont la fragilité interdit un déplacement ne pourront pas quitter le musée du Louvre.

Toutefois, il est aussi dans l'intérêt du musée du Louvre de présenter des chefs d'oeuvres. Il y a va de son prestige et, comme le prouve l'effet d'attraction des expositions temporaires organisées par exemple par le Louvre au Japon, d'inciter des amateurs d'art à se rendre en France.

Chaque prêt se fera exclusivement sur la base du volontariat, sous le contrôle d'une commission scientifique et fera l'objet d'une convention particulière en conformité avec les règles des musées nationaux en matière de prêt.

Chaque oeuvre sera prêtée pour une durée comprise entre six mois et deux ans, éventuellement renouvelable, à l'exception d'objets particuliers, notamment les oeuvres sur papier et textiles qui seront prêtées, conformément aux standards internationaux, pour des durées plus courtes.

En cas de risque pesant sur la sécurité des oeuvres, la France pourra procéder au rapatriement sans délai de toutes les oeuvres prêtées.

Enfin, des garanties sont prévues en matière d'insaisissabilité des oeuvres prêtées.

B. DE STRICTES CONDITIONS POUR L'UTILISATION DU NOM DU LOUVRE

En ce qui concerne le nom du « Louvre », afin de souligner la façon visible l'ambition universelle de ce projet et le rôle de l'expertise française dans la conception du nouveau musée, celui-ci sera autorisé à porter le nom du « Louvre Abou Dabi » pendant une période de trente ans et six mois.

Les modalités et conditions de l'usage de cette dénomination font l'objet d'une convention d'application spécifique pour protéger la qualité d'utilisation du nom et de la marque « Louvre ».

Cette convention prévoit de strictes conditions en matière d'utilisation du nom et de la marque « Louvre », notamment en ce qui concerne les produits dérivés.

C. DES CONTREPARTIES FINANCIÈRES NON NEGLIGEABLES QUI DEVRAIENT PERMETTRE AU MUSÉE DU LOUVRE ET AUX AUTRES MUSÉES FRANÇAIS DE SAUVEGARDER ET DE METTRE EN VALEUR LE PATRIMOINE NATIONAL

Les retombées financières de cet accord pour le musée du Louvre et les autres musées français participants au projet ne sont pas négligeables.

Le Musée du Louvre devrait en être le principal bénéficiaire, puisque, outre les 400 millions d'euros pour le droit d'usage de son nom, le Louvre va bénéficier d'un mécénat de 25 millions d'euros pour son développement.

A cela s'ajoutent :

- 190 millions d'euros sur dix ans pour les institutions participant aux prêts d'oeuvres dans les galeries permanentes ;

- 195 millions d'euros sur quinze ans pour les musées participant à l'organisation des expositions ;

- 165 millions d'euros sur vingt ans pour l'expertise de l'Agence internationale des musées.

Au total, c'est donc un montant d'environ 1 milliard d'euros sur trente ans qui sera versé directement par les autorités émiraties aux musées français participant au projet.

A titre de comparaison, le budget du musée du Louvre était de 188 millions d'euros en 2006, dont 110 millions provenant de la subvention de l'Etat et 78 millions d'euros de ressources propres, provenant essentiellement des droits d'entrée

Votre rapporteur tient à souligner que ces sommes ont vocation à être allouées exclusivement au musée du Louvre et aux autres musées français qui participent à ce projet et qu'il ne saurait être question que ces fonds se traduisent par une réduction des subventions de l'État.

L'accord relatif au musée d'Abou Dabi est d'ailleurs assorti d'une convention fiscale qui prévoit l'absence d'imposition des sommes versées par les Emirats Arabes Unis.

La création d'un centre commun de réserves, situé en banlieue parisienne, afin d'y accueillir les réserves du musée du Louvre et d'autres musées de la capitale, comme le musée d'Orsay, menacées par la crue centennale de la Seine, pourra ainsi être financée.

Cela permettrait de mettre à l'abri une grand nombre d'oeuvres des réserves, aujourd'hui stockées en zone inondable ou dans des conditions souvent déplorables, de libérer le pavillon de Flore, où sont actuellement situés les ateliers de restauration, pour pouvoir y accueillir des oeuvres et le public et de constituer un grand centre consacré à la conservation, à la restauration et à la recherche. L'accord prévoit d'ailleurs que les salles d'un étage du pavillon de Flore porteront le nom d'une personnalité éminente des Emirats Arabes Unis.

Cette contribution exceptionnelle pourrait également permettre d'achever le projet Grand Louvre, qui a commencé avec l'édification de la pyramide en 1989 et qui se poursuit actuellement avec l'ouverture d'un nouveau département des Arts de l'Islam prévue en 2010. En effet, certaines parties du palais, comme la cour carrée, qui n'ont pas encore été rénovées, pourraient l'être.

Enfin, les sommes recueillies pourront servir aux musées à financer de nouveaux projets d'investissement à enrichir leurs collections par la restauration ou l'acquisition de nouvelles oeuvres.

CONCLUSION

La plupart des grands musées étrangers, comme le Metropolitan Museum de New York, le British Museum ou le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, ont développé ces dernières années des stratégies au niveau international, avec plus ou moins de succès.

Qu'on le veuille où non, il existe aujourd'hui un véritable marché de l'art et la concurrence entre les grands musées est très forte sur la scène internationale.

Or, notre pays dispose de formidables atouts dans ce domaine, avec un patrimoine d'une richesse exceptionnelle et une expertise reconnue.

Dès lors, pourquoi ne pas permettre à nos grands musées nationaux, en particulier au musée du Louvre, qui avec plus de 8 millions de visiteurs est le plus grand musée du monde, de développer des coopérations au niveau international et de valoriser cette richesse au profit de nos musées tout en contribuant à la diffusion du modèle de musée universel ?

Bien entendu, cela ne doit pas se faire dans n'importe quelles conditions et il existe des exemples de dérives commerciales, comme l'illustre le cas de la Fondation Guggenheim.

Toutefois, il semble à votre Rapporteur que, dans le cas des accords relatifs au projet du musée universel d'Abou Dabi, il existe de sérieuses garanties pour empêcher de telles dérives.

Cette coopération culturelle d'une ampleur inédite devrait aussi favoriser le dialogue des cultures et des civilisations entre l'Orient et l'Occident, dans une région du monde où les échanges culturels et artistiques peuvent constituer le vecteur du dialogue politique.

Votre Rapporteur souhaite toutefois que l'Assemblée nationale et le Sénat, au travers de leurs commissions permanentes compétentes ou d'une mission ad hoc, soient régulièrement informés de la mise en oeuvre concrète de ce projet, de l'utilisation des fonds versés par les autorités d'Abou Dabi, ainsi que de l'action de l'Agence « France Museums », dans ses aspects administratifs, ses choix scientifiques et sa gestion financière.
Votre Rapporteur considère, en particulier, que l'Agence « France Museums » devrait rendre chaque année un rapport au Parlement, qui puisse éventuellement donner lieu à un débat en séance publique, en présence de toutes les commissions concernées.

Le projet Louvre Abou Dabi est novateur et donc risqué. Toutes les conditions de sa réussite doivent être rassemblées. Un contrôle parlementaire régulier en est une garantie essentielle.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 19 septembre 2007.

A la suite de l'exposé du rapporteur, Mme Catherine Tasca a tout d'abord regretté que les négociations menées entre, d'une part, l'ancien ministre de la culture et l'actuel président directeur du Louvre et, d'autre part, les autorités émiriennes concernant le projet du Louvre Abou Dabi aient été menées dans le plus grand secret et sans concertation avec les milieux scientifiques et les conservateurs. Elle a également regretté les conditions dans lesquelles le Sénat était appelé à se prononcer sur cet accord, compte tenu de son inscription tardive par le gouvernement à l'ordre du jour des prochains travaux du Sénat en séance publique. Elle a souhaité, à l'image du rapporteur, que la ministre de la culture soit présente lors du débat en séance publique de ce projet de loi.

Sur le fond, elle a considéré que, au-delà du discours sur le rayonnement de la France dans cette région et sur le dialogue entre les cultures et les civilisations, ce projet marquait un véritable tournant dans la politique culturelle de l'Etat et la tradition des musées nationaux français.

Elle a rappelé que la location du patrimoine artistique était un phénomène réservé jusqu'à présent à certains musées américains, à statut privé, tels que la fondation Guggenheim, mais que cette pratique n'avait jamais eu cours jusqu'à présent en France et qu'elle était contraire à l'idée même de patrimoine national et aux principes républicains.

Or, elle a considéré que, avec le projet Louvre Abou Dabi, cette pratique jusque là réservée à certains musées américains, à statut privé, était érigée en politique publique, dès lors que cet accord était un accord conclu entre l'Etat français et un Etat étranger.

Elle a également fait valoir que les autres musées français avaient été mis devant le fait accompli et elle s'est interrogée sur le statut, l'encadrement scientifique et le rôle de l'agence internationale des musées de France. Quelle sera la place réservée aux autres musées nationaux au sein de cette agence, s'est-elle interrogée.

Elle a également souhaité avoir des éclaircissements sur les garanties prévues par cet accord et sur la politique d'exposition.

Mme Catherine Tasca a considéré que, en réalité, dans cette affaire, les considérations financières l'avaient emporté sur toute autre considération, compte tenu de l'importance des contreparties financières proposées par les Emirats arabes unis, dans un contexte où les subventions de l'Etat consacrées aux musées nationaux étaient largement insuffisantes.

Elle a considéré que cet accord représentait un tournant en France dans la politique de l'Etat à l'égard du patrimoine et des musées nationaux, en encourageant la commercialisation du patrimoine national, une « marchandisation » de la culture, avec notamment l'entorse au principe de la gratuité du prêt des oeuvres d'art.

M. Robert Bret a indiqué qu'il partageait pleinement les préoccupations de Mme Catherine Tasca. Il a indiqué que son groupe voterait contre l'adoption du projet de loi.

En réponse, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué qu'elle regrettait également l'absence de concertation et d'information préalable de la part du gouvernement et l'inscription tardive de ce projet de loi à l'ordre du jour des prochains travaux en séance publique du Sénat.

Elle a toufefois indiqué qu'elle ne partageait pas les craintes exprimées par ses collègues au sujet de ce projet et qu'elle récusait l'expression de « marchandisation de la culture ».

Elle a, en effet, rappelé que la pratique des contreparties en matière d'échange des oeuvres d'art n'était pas un phénomène nouveau, étant donné que si les grands musées, qui disposent de riches collections, fonctionnent habituellement par le jeu d'échanges mutuels et gratuits de prêts et d'emprunt d'oeuvres pour leurs expositions temporaires, c'était dans l'intérêt bien compris d'une réciprocité, mais que cela ne concernait toutefois pas les musées éloignés des circuits internationaux ou qui ont des collections relativement réduites. Ainsi, de nombreux musées japonais, américains, canadiens et australiens sollicitent des expositions pour lesquelles ils offrent des contreparties financières, le plus souvent sous la forme de financements versés à l'établissement prêteur par des mécènes, qui peuvent être des individus ou des sociétés, comme le montre l'exemple de la coopération entre le musée du Louvre et le High Museum d'Atlanta.

Cette coopération culturelle d'une ampleur inédite devrait aussi favoriser le dialogue des cultures et des civilisations entre l'Orient et l'Occident, dans une région du monde, au carrefour des continents, où les échanges culturels et artistiques peuvent constituer le vecteur du dialogue politique, a-t-elle estimé.

Le projet Louvre Abou Dabi est certes novateur et donc risqué, d'après Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Toutes les conditions de sa réussite doivent donc être rassemblées, ce qui nécessite notamment un contrôle parlementaire étroit et régulier. Elle propose qu'un contrôle sur une base annuelle soit effectuée par les trois commissions des affaires étrangères, des affaires culturelles et des finances sur l'activité de France Museums, que des auditions communes soient organisées et un rapport annuel publié.

Après avoir rappelé que la commission des affaires culturelles avait procédé, en 2007, à de nombreuses auditions sur cette question afin d'éclairer la représentation nationale, M. Jacques Blanc, président, a considéré que cet ambitieux projet était de nature à participer au rayonnement de la France à l'étranger et que, pour sa part, il y était très favorable. Il a indiqué que le débat en séance publique sur cet accord devrait permettre au gouvernement de répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées chez certains collègues.

La commission, Mme Catherine Tasca et M. Robert Bret s'abstenant, a alors adopté ce projet de loi .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article 1er

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatif au musée universel d'Abou Dabi, signé à Abou Dabi le 6 mars 2007 et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )

Article 2

Est autorisée l'approbation de l'accord additionnel à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatif au musée universel d'Abou Dabi portant dispositions fiscales, signé à Abou Dabi le 6 mars 2007 et dont le texte est annexé à la présente loi. 3 ( * )

Article 3

Est autorisée l'approbation de l'accord additionnel à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatif au musée universel d'Abou Dabi portant dispositions relatives à la garantie des États Parties, signé à Abou Dabi le 6 mars 2007 et dont le texte est annexé à la présente loi. 4 ( * )

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Henri LOYRETTE , Président Directeur de l'Etablissement du Louvre et M. Didier SELLES , Directeur administratif du Louvre

- M. Christophe TARDIEU , directeur adjoint , M. Marc SERE-CHARLET , conseiller diplomatique et M. Richard ETTVEDT , conseiller parlementaire au Cabinet de Mme Christine Albanel , Ministre de la Culture et de la Communication

* 1 Voir notamment l' article intitulé « Les musées ne sont pas à vendre », publiée par le journal Le Monde daté du 13 décembre 2006.

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat ° 436 (2006-2007)

* 3 Idem

* 4 Idem

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