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Rapport n° 89 (2007-2008) de M. Gérard CÉSAR , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2007

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N° 89

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur la proposition de résolution présentée par M. Gérard CÉSAR, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (E-3587),

Par M. Gérard CÉSAR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Jean Pépin, Bruno Sido, Daniel Soulage, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Raymond Couderc, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Gérard Larcher, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jacques Muller, Mme Jacqueline Panis, MM. Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Yannick Texier.

Voir le numéro :

Sénat : 68 rectifié (2007-2008)

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution relative à la réforme de l'organisation commune de marché (OCM) vitivinicole dont est saisie votre commission des affaires économiques est la seconde qu'a déposée cette année sur ce thème votre rapporteur 1 ( * ) . Elle s'inscrit dans la continuité du rapport d'information, également rédigé par votre rapporteur au nom de votre commission, et adopté au mois de juin dernier 2 ( * ) .

Deux propositions de résolution à quelques mois d'intervalle sur un même sujet, cela peut paraître beaucoup. C'est pourtant ce qu'exigent les circonstances, alors que les négociations sont entrées dans leur phase la plus active entre les Etats membres et la Commission européenne, sur la base de ses dernières propositions de réforme, rendues publiques le 4 juillet de cette année et modifiant la première version datant d'un an auparavant 3 ( * ) .

Suite à la publication de son rapport, très critique sur le projet de réforme communautaire de l'OCM, votre rapporteur a rencontré les principaux acteurs du dossier. Il s'est ainsi entretenu avec le ministre en charge de l'agriculture, M. Michel Barnier, qui défendra la position de la France lors des prochains conseils des ministres « agricoles » de l'Union. Il a également rencontré la commissaire européenne en charge du secteur, Mme Mariann Fischer Boel, ainsi que le député européen italien auteur du rapport parlementaire sur le projet de réforme, M. Giuseppe Castiglione.

Il lui est ainsi apparu que la Commission, sous une apparente volonté d'assouplir ses propositions, demeurait en réalité inflexible sur certains des sujets les plus importants, et notamment sur l'avenir des régimes de distillation de crise, des prestations viniques et de l'enrichissement. Très partiellement amendées par rapport aux précédentes, ces dernières propositions sont insusceptibles de recueillir l'assentiment de notre pays et doivent être à nouveau amodiées.

C'est en vue d'y parvenir que cette proposition de résolution, après avoir énuméré un certain nombre de grands principes ressortant d'un constat sur la situation actuelle de la filière et les carences de son encadrement, se livre à une critique constructive des propositions de la Commission et y attache des préconisations alternatives.

Il est ainsi d'abord souligné l'importance de la filière vitivinicole à l'échelle européenne en matière d'activité économique et d'occupation du territoire.

Rappelant ensuite les perspectives de croissance notables de la filière, dues à l'augmentation structurelle de la consommation mondiale, le texte reconnaît ensuite que les producteurs européens sont affectés par une situation de crise qu'ils ne parviennent pas à régler, et pointe à cet égard les insuffisances d'une législation européenne remontant à la fin des années 90 4 ( * ) .

Puis, après avoir évoqué la nécessité de conserver un cadre règlementaire européen spécifique au secteur, il se prononce sur chacun des points essentiels contenus dans la réforme, à savoir :

- la gestion du potentiel de production.

S'agissant du volet « arrachage » de la réforme, il prend acte de la réduction à 200.000 hectares des surfaces visées et reconnaît l'opportunité de maintenir un dispositif d'incitation à l'arrachage incitatif, basé sur le volontariat et géré à l'échelon régional. Il rappelle également avec insistance la nécessité d'une régularisation des dizaines de milliers d'hectares illicitement plantés, qui constituerait déjà une première réponse à la situation actuelle de surproduction.

Sur le volet « libéralisation des droits », le texte s'oppose fermement au projet de libéralisation des droits à plantation à l'horizon 2013, qui serait totalement contradictoire avec la politique d'arrachage et aboutirait à de nouvelles surproductions ;

- les mécanismes de régulation des marchés. Réaffirmant très clairement son hostilité au projet de suppression des différents régimes de distillation, la proposition de résolution insiste sur l'attachement de notre pays à conserver des dispositifs de nature à prévenir et gérer les périodes de crise, récurrentes dans la filière vitivinicole. Elle réaffirme également avec vigueur le nécessaire maintien, sur financement en partie communautaire, d'un dispositif de prestations viniques indispensable pour garantir des pratiques vitivinicoles durables ;

- les enveloppes nationales. Prenant acte du projet de la Commission d'affecter une partie significative du budget de l'OCM à l'abondement d'enveloppes dont la gestion serait réservée aux Etats membres, le texte plaide pour un gel de leur répartition entre Etats conformément aux dernières propositions de la Commission et pour une ouverture maximale des types d'utilisation de ces fonds autorisés ;

- l'enrichissement. Profondément hostile à l'interdiction de la chaptalisation, le texte propose de maintenir cette pratique ancestrale dans les régions où elle est traditionnellement pratiquée comme alternative à l'adjonction de moûts concentrés ;

- l'étiquetage. La proposition de résolution s'oppose formellement à la libéralisation de l'étiquetage des mentions liées au millésime et au cépage ;

- la promotion. Soulignant à nouveau la notoire insuffisance des crédits mobilisés à cet effet, tout particulièrement au niveau intracommunautaire, la proposition de résolution demande la création d'instruments de suivi du marché et la mise en place d'une campagne de promotion et d'information à une consommation modérée.

Quatre amendements ont été déposés à cette proposition de résolution, au moment de son examen en commission.

Le premier, de MM. Roland Courteau et Robert Tropeano, s'oppose à la possibilité d'indiquer le cépage et le millésime sur l'étiquette des vins sans indication géographique. Cet amendement était en partie satisfait par le texte de la proposition de résolution qui, dans sa dernière version, s'oppose fermement à toute libéralisation de ce type, ainsi qu'à toute autorisation d'assemblage de différents vins de pays membres. La rédaction de la proposition a toutefois été légèrement modifiée afin de rendre compte du caractère inconditionnel de l'opposition à toute libéralisation porté par cet amendement.

Les trois autres amendements ont été déposés par M. Gérard Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen :

- le premier s'oppose à tout transfert de compétences du Conseil vers la Commission européenne. Il s'agit là d'un aspect très important, qui avait été évoqué dans le rapport d'information de votre rapporteur sur la réforme de l'OCM précité, et qui a donc, en tant que tel, été intégré dans la proposition de résolution ;

- le deuxième de ces amendements s'oppose à toute vinification de moûts importés et à tout mélange de vins communautaires avec des vins de pays tiers. Il s'agit également d'un élément capital, mais cet amendement se trouve de facto satisfait suite à la « marche arrière » sur ce point de la Commission européenne, qui ne l'a pas retenu dans son dernier projet de réforme. Dès lors, il n'a pas été considéré comme utile de l'intégrer dans le texte de la proposition de résolution ;

- le troisième amendement entend réserver la dénomination « Vin » à certains produits déterminés. Or, cette appellation est règlementairement encadrée et ne peut donc bénéficier à n'importe quel produit. Dès lors, il n'a pas semblé utile de retenir cet amendement.

Votre rapporteur estime, pour conclure, que cette proposition de résolution ainsi amendée permettra de soutenir notre Gouvernement dans les négociations communautaires en cours et de les infléchir vers le maintien d'une organisation du marché vitivinicole équilibrée et durable à l'échelle européenne. Il vous propose donc bien évidemment de l'adopter.

*

* *

Lors de sa réunion du mercredi 21 novembre 2007, votre commission des affaires économiques a examiné le texte présenté par son rapporteur. Après avoir y avoir apporté deux modifications, au vu des amendements déposés, elle a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution dont le texte suit.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat ;

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la proposition de règlement portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (COM [2007] 372 du 4 juillet 2007) ;

Rappelant l'importance, sur les plans commercial, territorial, environnemental et culturel, de la filière vitivinicole à l'échelle européenne ;

Considérant que cette dernière, affectée depuis plusieurs années par une grave crise structurelle, conserve de grandes potentialités de développement sur un marché mondial en expansion ;

Reconnaissant que l'actuelle organisation commune de marché (OCM) n'est plus adaptée aux évolutions récentes de la filière et doit être réformée en vue d'asseoir les producteurs européens dans leur position traditionnelle de leaders du secteur ;

Soulignant la nécessité, au regard des particularités de la filière, de conserver une organisation du marché communautaire spécifique dotée d'instruments de soutien adaptés ;

Prend acte de l'affectation d'une part importante du budget de l'OCM à l'abondement d'enveloppes nationales, souhaite que la clef de répartition en soit maintenue et demande à ce que les instruments finançables par ce moyen soient extensivement entendus, incluant notamment les actions de recherche et développement, les mesures de restructuration de la filière ou encore le soutien aux organisations de producteurs ;

Consent à la reconduction d'un dispositif d'incitation à l'arrachage pluriannuel, dégressif, basé sur le volontariat et géré par bassin de production, tout en rappelant que la régularisation des plantations illicites dans certains Etats membres doit être menée à terme, ainsi que s'y est engagée la Commission européenne ;

S'oppose fermement au projet de libéralisation des droits à plantation à l'horizon 2013, qui serait totalement contradictoire avec la politique d'arrachage ;

Insiste de façon très appuyée sur la nécessité de conserver un dispositif de distillation de crise obligatoire, complété par des instruments préventifs, propres à amortir les chocs conjoncturels affectant régulièrement le secteur ;

Demande également très fermement le maintien du régime des prestations viniques et ses financements communautaires en tant qu'il permet, en les incitant à donner à traiter le sous-produit de leurs récoltes, de garantir le respect par les producteurs des contraintes environnementales ;

Souhaite que les projets de transfert, pour le secteur vitivinicole, d'enveloppes financières du premier vers le second pilier de la politique agricole commune (PAC), soient révisés au regard des actions réellement à mener ;

Refuse que soit supprimé le régime de la chaptalisation, ancré de façon traditionnelle dans de nombreux territoires viticoles européens, et demande à ce que soit conservé un dispositif d'enrichissement respectueux des spécificités locales ;

S'oppose à tout transfert de compétences du Conseil vers la Commission européenne, s'agissant en particulier de l'étiquetage et des pratiques oenologiques ;

S'oppose à l'ouverture sans conditions à tous les vins de la possibilité d'indiquer sur l'étiquette le cépage et le millésime. S'oppose également très fermement à toute autorisation d'assemblage entre des vins de différents Etats membres ;

Juge notoirement insuffisants les crédits mobilisés pour la promotion dans le secteur du vin sur le marché intracommunautaire, et demande par conséquent leur revalorisation substantielle en vue de mener à l'échelle européenne une campagne de communication pour une consommation responsable et modérée, ainsi que la mise en place d'un observatoire du marché vitivinicole ;

Demande également une revalorisation des crédits affectés à la promotion vers les pays tiers, ainsi que la possibilité de les utiliser en vue de financer directement des projets d'entreprises.

ANNEXE - AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement présenté par MM. Roland Courteau et Robert Tropéano

ALINEA 14

Remplacer le 14 ème alinéa de la proposition de résolution par un alinéa ainsi rédigé :

« S'oppose à l'ouverture aux vins sans indication géographique, de la possibilité d'indiquer, sur l'étiquette, le cépage et le millésime.

OBJET

La proposition de la Commission européenne qui consiste à donner aux vins, sans indication géographique, la possibilité d'indiquer sur l'étiquette le cépage et le millésime, peut avoir un certain nombre de conséquences, telles que :

- la perte de lisibilité des étiquettes ;

- la confusion dans l'esprit du consommateur qui aura toutes les difficultés à faire la différence entre un vin de pays avec indication de cépage, une AOC avec indication de cépage et un vin de table avec indication de cépage ;

- le risque d'apparition de vins provenant de différents pays de la communauté, avec mention cépage, mais à la composition pour le moins incertaine ;

- le risque de surproduction des vins de table avec indication de cépage et la chute des cours de tous les vins ;

- et donc, la déstructuration des filières qui respectent un cahier des charges qualitatif strict.

Amendement présenté par MM. Gérard Le Cam, Michel Billout, Jean-Claude Danglot,

Mmes Evelyne Didier, Odette Terrade

et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

APRES L'ALINEA 14

Après l'alinéa 14 de la proposition de résolution, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« S'oppose à tout transfert de compétences du Conseil vers la Commission européenne, s'agissant en particulier de l'étiquetage et des pratiques oenologiques.

OBJET

Les auteurs de cet amendement s'opposent fermement au transfert de compétences du Conseil vers la Commission européenne considérant qu'il s'agit là de questions très sensibles qui nécessitent de conserver les procédures applicables au Conseil notamment en ce qui concerne les modalités de vote des politiques conduites. Ils rappellent que le Parlement européen s'est également prononcé contre une « main mise » de la Commission sur l'autorisation ou non des pratiques oenologiques. Ce dernier propose notamment que la liste des pratiques oenologiques autorisées soit dressée et insérée au règlement européen, et que chaque nouvelle pratique reste examinée par le Conseil et le Parlement.

Amendement présenté par MM. Gérard Le Cam, Michel Billout, Jean-Claude Danglot,

Mmes Evelyne Didier, Odette Terrade

et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

APRES L'ALINEA 14

Après l'alinéa 14 de la proposition de résolution, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Réaffirme son hostilité à toute autorisation de vinifier des moûts importés et de mélanger des vins communautaires avec des vins des pays tiers, et à toute autorisation d'autres pratiques oenologiques qui ne seraient pas autorisées par le droit communautaire et ce, même pour les produits destinés à l'exportation. »

OBJET

Les auteurs de cet amendement s'opposent fermement à la libéralisation des pratiques oenologiques. S'ils ont pris acte du recul de la Commission dans ses velléités de permettre la vinification avec des moûts importés et le mélange de vins communautaires et extra communautaires, ils souhaitent que soit réaffirmée avec force la position de la France sur cette question. De plus, ils jugent dangereux qu'un sort différent soit réservé aux vins à l'exportation.

Amendement présenté par MM. Gérard Le Cam, Michel Billout, Jean-Claude Danglot,

Mmes Evelyne Didier, Odette Terrade

et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

ALINEA 15

Compléter l'alinéa 15 de la proposition de résolution par un membre de phrase ainsi rédigé :

« et que la dénomination « Vin » avec une majuscule soit réservée aux produits exclusivement élaborés à base de jus de raisins ou de moûts fermentés. »

OBJET

Les auteurs de cet amendement considèrent que la dénomination « Vin » avec une majuscule doit être réservée à certains produits fabriqués selon des règles et des pratiques oenologiques précises afin que le consommateur puisse choisir son produit en toute connaissance de cause.

* 1 La première étant la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (E 3587) par M. Gérard César.

* 2 Réforme de l'OCM vitivinicole : sauvons notre filière et nos viticulteurs, rapport d'information n° 348 (2006-2007) fait au nom de la commission des affaires économiques par M. Gérard César.

* 3 Vers un secteur vitivinicole européen durable, communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen, COM (2006) 319 final du 22 juin 2006.

* 4 Et plus précisément du règlement (CE) n° 1493/99 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole.

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