3. La « quadrature du cercle » de l'AEFE

Le programme 185 financerait l'agence de l'enseignement français à l'étranger en 2008 à hauteur de 291,3 millions d'euros au titre de la subvention pour charge de service public, à laquelle il convient d'ajouter une subvention dédiée aux bourses versées aux élèves français de 66,96 millions d'euros, inscrits sur le programme 151. Par cohérence, votre rapporteur spécial souhaite faire une analyse globale de la situation de l'agence. Celle-ci a la responsabilité de 253 (73 établissements en gestion directe + 180 conventionnés) des 451 établissements et lycées français à l'étranger. Les établissements liés à l'AEFE scolarisent 166.000 élèves, dont 53,9 % d'étrangers.

En apparence, la situation budgétaire de l'AEFE s'améliore, puisque la subvention globale passe de 329,71 millions d'euros en 2007 à 358,26 millions d'euros en 2008. Cette augmentation prend en compte des moyens additionnels (+ 8,54 millions d'euros) qui doivent participer au financement de la politique immobilière de l'agence. Par ailleurs, sur le programme 151, figurent 20 millions d'euros supplémentaires pour mettre en oeuvre un engagement du Président de la République relatif à la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l'étranger. Applicable à la rentrée 2007 21 ( * ) aux classes de terminale, elle devrait être élargie en septembre 2008 aux classes de première, puis en 2009 aux classes de seconde.

La prise en charge de ces trois classes par le budget de l'Etat représenterait en année pleine 47,9 millions d'euros , sur la base du nombre d'élèves inscrits à la rentrée 2007.

Cette mesure prend assurément en considération les conditions d'existence des familles françaises à l'étranger, qui bénéficient de moins en moins d'un statut privilégié d'expatrié, alors que les frais de scolarité ont pu croître de manière significative. La part des ressources propres dans les établissements français à l'étranger était en 2007 de 62,1 %, contre 59,5 % en 2005. Face à cette situation, l'Etat dépensait toutefois déjà en 2007 46,96 millions d'euros au titre des bourses sur critères sociaux.

Les frais de scolarité seront remboursés quel que soit le revenu des parents et quel que soit le statut de l'établissement , qu'il soit en gestion directe (l'équivalent d'un lycée « public »), conventionné ou même homologué, au motif que les parents ne peuvent choisir le statut de leur établissement dans des villes où il n'existe qu'un seul établissement d'enseignement français. Ceci signifie néanmoins que des frais de scolarité d'établissements privés, d'un montant parfois très élevé, seront pris en charge par l'Etat.

Les dix lycées français dont les frais de scolarité pris en charge sont les plus élevés

Nom du lycée

Statut

Ville

Frais de scolarité annuels

Lycée international franco-américain

Hors réseau

San Francisco

16.801

Ecole internationale des Nations unies (UNIS)

Hors réseau

New-York

16.497

Ecole franco-américaine de New York

Hors réseau

Mamaroneck

15.635

Lycée français

Hors réseau

New-York

15.327

Ecole bilingue (Toronto French School)

Hors réseau

Toronto

14.915

Lyceum Kennedy

Hors réseau

New-York

14.799

Ecole bilingue Arlington-Cambridge

Hors réseau

Cambridge

14.337

Lycée français La Pérouse

Conventionné

San Francisco

12.941

Section française d'Awty International School

Hors réseau

Houston

11.911

Le lycée français

Hors réseau

Los Angeles

11.468

Source : AEFE

Votre rapporteur général partage l'esprit d'une mesure qui doit permettre aux familles résidant à l'étranger de bénéficier de droits semblables à ceux des familles résidant en France . De ce point de vue, il lui paraît compréhensible que la prise en charge par l'Etat ne dépende pas du revenu. En revanche, considérant que la mesure incitera de nombreuses familles françaises à demander l'inscription dans des établissements français, votre rapporteur spécial est attentif à la nécessaire maîtrise budgétaire de l'enveloppe allouée à cette mesure , afin que, au sein des dépenses contraintes de la mission « Action extérieure de l'Etat », la dotation ne remette pas en cause d'autres actions tout aussi nécessaires, et en tout premier lieu l'investissement immobilier de l'AEFE. Il souligne les effets d'aubaine possibles d'une mesure qui dispensera peut-être certaines entreprises de prendre en charge les frais de scolarité des enfants de leurs cadres expatriés comme elles peuvent parfois en avoir l'habitude.

Votre rapporteur spécial note que les établissements dont les frais de scolarité représentent plus de 3.700 euros annuels représentent 38,15 % des élèves scolarisés à l'étranger, mais 66,15 % du montant financier de la prise en charge. Il souligne surtout que la prise en charge des frais de scolarité des dix établissements français les plus coûteux , dont la liste figure ci-dessus, représente 5,8 millions d'euros, pour 480 élèves . Il n'invite pas à prendre en considération le revenu pour la prise en charge des frais de scolarité, mais en revanche à plafonner la prise en charge des frais de scolarité en fonction d'un certain montant , qui pourrait varier selon les régions du monde, afin de prendre en compte les coûts de la vie. Ceci permettrait également de « dissuader » les établissements privés hors réseau de pratiquer des augmentations de tarif sans aucun contrôle possible de l'AEFE, qui seraient d'autant mieux acceptées par les parents qu'elle serait financée par l'Etat.

Ainsi, la mesure hautement souhaitable du Président de la République illustre la « quadrature du cercle » à laquelle est confrontée l'AEFE :

- être à la fois un service public de l'enseignement pour les Français de l'étranger et un vecteur de rayonnement culturel, sans que ces deux missions se « cannibalisent » ;

- développer l'offre de lycées à moyens budgétaires limités, avec un fonds de roulement très faible ;

- investir et rénover le patrimoine immobilier en sachant que le relèvement des frais de scolarité nécessaire à l'équilibre du projet sera dorénavant prélevé pour une part sur le budget de l'Etat.

Il convient désormais d'être très attentif à l'évolution du fonds de roulement de l'agence , qui sera tombé au 31 décembre 2007 à 23 jours, ce qui est notoirement insuffisant. Si entre 2005 et 2006, le prélèvement sur le fonds de roulement a essentiellement financé des opérations immobilières programmées dans les établissements (achats à Munich et Ho Chi Minh Ville, travaux à Bruxelles, soit pour ces trois opérations un montant de 17,33 millions d'euros), il n'en a pas été de même entre 2006 et 2007 : 10,5 millions d'euros seraient prélevés au titre du fonctionnement et 17,4 millions d'euros au titre de l'investissement.

Les principales observations de votre rapporteur spécial sur le programme 185 « rayonnement culturel et scientifique »

- Votre rapporteur spécial regrette la vision quelque peu littérale de la liste des pays en développement établie par le Quai d'Orsay et qui veut que tout euro dépensé par le département dans un pays figurant sur la liste du comité d'aide au développement de l'OCDE constitue de l'aide au développement. Il propose l'intégration de l'action « affirmation de la dimension culturelle du développement » du programme 209 dans le programme 185 .

- La lisibilité du réseau culturel à l'étranger passe par la labellisation de l'ensemble des établissements sous la dénomination « Alliance française ». Plus généralement, votre rapporteur spécial souligne la nécessité d'une politique culturelle à l'étranger fondée sur l'originalité de notre modèle d'alliances , dont la structure associative permet une immersion réelle dans le tissu culturel, plutôt que de succomber à la création d'un « Goethe institut » à la française qui risquerait de venir une machine administrative lourde et centralisée. Le modèle « Alliance française » paraît de nature, selon votre rapporteur spécial, à favoriser une progression des actions linguistiques et artistiques, ainsi qu'un développement géographique, à coûts budgétaires maîtrisés . La fondation de l'Alliance française, qui mêle initiative privée et action publique, paraît susceptible d'animer efficacement le réseau culturel à l'étranger avec efficacité, le cas échéant en reprenant la diffusion des produits culturels de CulturesFrance, ou en travaillant en synergie avec cet opérateur.

- L'AEFE est confrontée à une véritable quadrature du cercle , entre volonté de développer ses établissements, nécessité d'investir dans son patrimoine immobilier et diminution du fonds de roulement, entre outil de rayonnement culturel et scolarisation des enfants français, entre prise en charge des frais de scolarité au lycée et maîtrise budgétaire, et enfin, sur ce sujet, entre la nécessaire égalité de traitement des familles en France et à l'étranger et le risque d'une hausse des frais de scolarité des établissements conventionnés ou homologuée, qui peuvent atteindre 16.000 euros par an, financée par le contribuable. Il recommande un plafonnement de la prise en charge des frais de scolarité, fixé par grande région du monde, prenant en compte les coûts de la vie.

- Les opérateurs représentent dans le présent programme 61 % des crédits. Ce poids croissant des agences, à caractère notamment culturel, exige un nouveau rôle de la DGCID , qui doit se transformer en administration d'état-major, et n'a plus vocation à faire par elle-même. Elle doit réduire ses effectifs en conséquence.

- CulturesFrance a mis en oeuvre avec fidélité les préconisations de votre rapporteur spécial dans son rapport de contrôle, ce dont il se félicite. En particuliers, les gains de productivité, liés à la suppression de 15 emplois, sont au rendez-vous.

* 21 Les 5 millions d'euros nécessaires pour la mise en oeuvre de la mesure sur l'exercice 2007 ont fait l'objet de redéploiements au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat ». 1 million d'euros a été prélevé de manière très contestable sur le fonds de roulement de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ce qui conforte votre rapporteur spécial dans son appréciation positive des crédits de l'organisme à la mission « Immigration, asile et intégration ».

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