3. L'établissement de la filiation par la possession d'état : l'exigence d'un acte de notoriété

La loi du 3 janvier 1972 avait ouvert la possibilité d' apporter la preuve de la possession d'état, en dehors de toute action judiciaire, par un acte de notoriété .

Un tel acte n'était cependant pas indispensable et l'on admettait, comme le rappelle M. Jacques Massip, conseiller doyen honoraire de la Cour de cassation, que le notaire chargé de la liquidation d'une succession était en droit, en présence d'une possession d'état caractérisée et avec l'accord des cohéritiers de l'enfant ou des héritiers subséquents, de tenir compte de la possession d'état et de procéder directement au partage de la succession. Toutefois, en pratique, il était rare qu'il prenne cette initiative car sa responsabilité risquait d'être engagée.

Dans un souci de sécurité juridique, l'ordonnance du 4 juillet 2005 a transformé cette faculté en une obligation .

L' article 317 du code civil prévoit que l'acte de notoriété peut être demandé au juge d'instance par chacun des parents ou par l'enfant, à l'exclusion de toute autre personne 44 ( * ) .

L'acte de notoriété, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, peut être délivré sur les déclarations de trois témoins. Le juge a en outre la possibilité de faire recueillir par toute personne de son choix des renseignements sur les faits qu'il y a lieu de constater ( article 1157 du nouveau code de procédure civile ). Sa décision n'est pas susceptible de recours ( article 72 du code civil ).

En cas de refus ou en l'absence de décision du juge d'instance, le tribunal de grande instance peut être saisi par toute personne qui y a intérêt d'une action en constatation de la possession d'état dans un délai de dix ans à compter de sa cessation ( article 330 du code civil ).

A l'inverse, en cas de délivrance de l'acte de notoriété, la filiation peut être contestée, par toute personne qui y a intérêt, dans un délai de cinq ans à compter de la délivrance de l'acte ( article 335 du code civil ). Il lui appartient alors d'apporter la preuve soit que les éléments constitutifs ou les qualités requises de la possession d'état ne sont pas réunis, soit que la possession d'état est contraire à la vérité biologique.

Le seul mode de publicité de l'acte de notoriété étant sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant ( article 317 du code civil ), la circulaire du 30 juin 2006 invite les juges d'instance à faire preuve de la plus grande vigilance dans sa délivrance.

L'ordonnance du 4 juillet 2005 apporte deux autres innovations .

Tout d'abord, elle prévoit que l'acte de notoriété , dont la délivrance n'était auparavant enserrée dans aucun délai, doit être demandé dans les cinq ans suivant la cessation de la possession d'état alléguée . Il s'agit, comme l'explique le rapport de présentation de l'ordonnance au Président de la République, « de mieux garantir la sécurité juridique des liquidations successorales, en évitant qu'une filiation établie des années après les opérations de partage ne vienne remettre en cause celui-ci . »

Ensuite, elle envisage expressément le cas où le décès du parent prétendu est survenu avant la déclaration de naissance en indiquant que l'acte de notoriété peut être délivré en prouvant l'existence d'une possession d'état prénatale : le père prétendu a participé au choix du prénom de l'enfant, accompagné la mère lors des examens prénataux, annoncé à sa famille et aux tiers la grossesse de la mère, accompli diverses démarches comme l'achat d'un berceau, la recherche d'une place en crèche... L'intérêt de l'acte de notoriété, qui n'est nécessaire qu'en l'absence de reconnaissance prénatale, est d'éviter à la mère de devoir engager une action en recherche de paternité contre les parents du défunt.

* 44 Première chambre civile de la Cour de cassation, 16 mai 2000.

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